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Date : 20170619


Dossier : DES-7-08

Référence : 2017 CF 603

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 juin 2017

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un certificat signé en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR);

 

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de ce certificat à la Cour fédérale en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR;

 

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

Mohamed Zeki MAHJOUB

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                    Nature de l’affaire

[1]               La Cour est saisie d’une requête de M. Mohamed Zeki Mahjoub (le demandeur) tendant à l’annulation de l’ensemble des conditions de mise en liberté qui lui sont actuellement fixées en vertu du paragraphe 82(4) et de l’alinéa 82(5)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), exception faite des conditions habituelles.

II.                 Contexte procédural : jugement, ordonnances et directives

[2]               J’ai examiné et tranché une requête qui visait la même réparation l’an dernier, dans l’affaire Re Mahjoub, 2016 CF 808 (ordonnance du 20 juillet 2016 faisant suite à un contrôle des conditions de mise en liberté), alors que plusieurs de ses conditions de remise en liberté ont été assouplies; par contre, la Cour n’a pas été persuadée qu’elle devrait abandonner l’ensemble des conditions comme l’avait demandé le demandeur exception faite des conditions habituelles.

[3]               Ultérieurement, dans le jugement daté du 31 mars 2017, Re Mahjoub, 2017 CF 334 (jugement sur les questions constitutionnelles et certifiées), j’ai tranché les demandes du demandeur afin de certifier de nombreuses questions supposément de portée générale et j’ai répondu à plusieurs questions constitutionnelles soumises par le demandeur.

[4]               Dans une ordonnance datée du 15 mars 2017, j’ai fait savoir aux parties que j’étais saisi de la présente requête du demandeur concernant le contrôle de ses conditions de mise en liberté. Le dossier dont la Cour était alors saisie comprenait une demande par courriel et lettre de la part du demandeur pour que je n’entende pas la requête; par contre, le demandeur n’avait pas déposé de requête à cet effet. Par conséquent, entre autres choses débattues dans le cadre de la requête, j’ai refusé de traiter de la question de récusation. Une copie de l’ordonnance du 15 mars 2017 est jointe au titre de l’annexe « A ».

[5]               En vertu d’une directive sur la gestion des instances datée du 28 mars 2017, la présente audience avait été fixée au 16 mai 2017. Cette directive exigeait également que tous les documents [traduction] « soient signifiés et déposés au plus tard le 4 mai 2017 ».

[6]               Le 11 mai 2017, j’ai entendu et tranché une requête présentée par le demandeur voulant que la Cour n’accueille pas et n’examine pas une évaluation du risque caviardée de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et une évaluation du risque non caviardée à jour de l’ASFC concernant le demandeur (ordonnance en évaluation du risque de l’ASFC). Pour résumer brièvement les faits, la copie caviardée contenait des caviardages jugés appropriés par les ministres. Bien que ni l’une ni l’autre des parties ne se soient fondées sur le rapport caviardé ou le rapport non caviardé, la Cour, de concert avec les avocats spéciaux, a ordonné aux ministres de faire préparer une copie caviardée et de la faire remettre à l’avocat du demandeur; dans une directive ultérieure, qui modifiait la date limite pour que cela soit fait, la Cour a demandé une copie de la copie non caviardée. Plus tard le même jour, un vendredi, l’évaluation du risque de l’ASFC non caviardée à jour a été déposée, sans opposition de la part du demandeur, mais à un moment où l’équipe d’avocats du demandeur n’était pas au courant des échanges de courriels.

[7]               Les arguments relatifs à la requête du demandeur voulant que la Cour n’accueille pas et n’examine pas une évaluation du risque caviardée et non caviardée de l’ASFC ont été présentés par écrit par les parties, y compris les avocats spéciaux, qui s’étaient dits d’accord avec les caviardages des ministres. J’ai conclu que j’examinerais l’évaluation du risque de l’ASFC non caviardée afin de déterminer si les caviardages proposés par les avocats spéciaux et l’avocat des ministres étaient acceptables pour la Cour. Une copie de l’ordonnance en évaluation du risque de l’ASFC du 11 mai 2017 est jointe au titre de l’annexe « B ».

[8]               Non satisfait de l’ordonnance, l’avocat du demandeur a envoyé un courriel qui demandait dans les faits un réexamen de l’ordonnance en évaluation du risque de l’ASFC datée du 11 mai 2017. L’avocat du demandeur a fait un suivi avec un courriel plus détaillé le samedi 13 mai 2017, dans lequel il indiquait qu’il déposerait ce que l’on peut considérer une requête plus détaillée en réexamen de l’ordonnance en évaluation du risque de l’ASFC. Dans leur courriel du 13 mai 2017, les demandeurs ont aussi indiqué qu’ils déposeraient une requête concernant ma récusation de l’audience fixée au 16 mai 2017. Par contre, cette requête n’a pas été déposée avant la date limite du 4 mai 2017 fixée par la directive de gestion des instances mentionnée au paragraphe 5, ci-dessus.

[9]               Le lundi 15 mai 2017, la veille de l’audience concernant les conditions d’examen, on m’a remis une copie d’une simple requête en réexamen de l’ordonnance en évaluation du risque de l’ASFC. J’utilise le mot « simple »parce que seulement un avis de requête a été déposé : il n’y avait aucun affidavit à l’appui, aucun contre-interrogatoire (au besoin), aucun dossier ou mémoire tel qu’il est exigé, et aucun document pour y répondre n’avait été déposé par les ministres, conformément à leur droit de répondre.

[10]           Au début de l’audience le 16 mai 2017, j’ai rendu une décision orale en matière de gestion des instances (version révisée du point de vue linguistique) :

Avant que l’audience ne commence, je tiens à aborder la question du déroulement des procédures. L’audience d’aujourd’hui était prévue depuis un certain temps pour entendre la demande du demandeur concernant un examen des conditions de sa mise en liberté. Le 11 mai 2017, j’ai rendu une ordonnance concernant une évaluation du risque non caviardée de l’ASFC et une copie caviardée de cette évaluation du risque. Dans un courriel daté du 12 mai 2017, le demandeur a sollicité ce que l’on pourrait appeler un réexamen de cette ordonnance, demande qui a été réitérée au moyen d’une simple motion signifiée et déposée par le demandeur hier après-midi, le 15 mai 2017. Cependant, étant donné que ni l’une ni l’autre des parties ne souhaite se fonder sur l’évaluation du risque caviardée ou non caviardée aujourd’hui, et que je n’ai examiné ni l’évaluation du risque caviardée ni l’évaluation du risque non caviardée, j’ai décidé de n’en examiner aucune tant que la Cour n’aura pas rendu sa décision relativement à l’actuelle demande du demandeur concernant un examen des conditions de sa mise en liberté et par la suite, seulement après avoir examiné la demande de réexamen du demandeur, soit par écrit, soit lors d’une audience spécialement prévue.

[11]           Après un bref ajournement, les deux parties ont accepté cette décision; cependant, le demandeur a demandé que les documents caviardés et non caviardés de l’ASFC demeurent sous scellés, ce qui a été le cas. L’avocat du demandeur a aussi fait savoir qu’il pourrait demander d’autres mesures (exclusion d’éléments de preuve) aux termes du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés au sujet des deux rapports, caviardé et non caviardé.

[12]           Sur ce, le demandeur a traité d’une requête visant à ce que je me récuse, présentée le 15 mai 2017. Encore une fois, le demandeur n’a que déposé un simple avis de requête en récusation, se composant d’un bref avis de requête sans affidavit à l’appui, contre-interrogatoire (au besoin), dossier ou mémoire des faits et du droit.

[13]           Comme question préliminaire, j’ai demandé des observations pour savoir si la requête en récusation devrait être entendue étant donné la directive voulant que [traduction« tous les documents des deux parties soient signifiés et déposés au plus tard le 4 mai 2017 ». Après les plaidoiries, j’ai rendu une décision orale à l’audience dans laquelle je rejetais la requête en récusation parce qu’elle avait été déposée hors délai, dont une copie est jointe au titre de l’annexe « C » des présents motifs et jugement (ordonnance officielle rendue le 1er juin 2017).

[14]           À ce moment-là, les parties ont présenté des observations sur l’instance, à savoir le contrôle des conditions de mise en liberté.

[15]           Après l’audience, j’ai invité les avocats spéciaux à l’exprimer. Comme ces derniers n’avaient aucune observation à formuler, j’ai indiqué : [traduction] « [P]our faire suite à la directive de l’honorable Cour datée du vendredi 19 mai 2017, étant donné que les ministres n’ont pas déposé d’éléments de preuve et ne se sont pas fondés sur de tels éléments de preuve et étant donné qu’ils ne cherchaient pas à présenter d’observations finales relativement à l’examen de la détention, les avocats spéciaux, dans la même veine, ne présenteront pas d’observations finales ».

[16]           Le jugement est en délibéré. Voici mes motifs et jugement pour apporter des modifications limitées aux conditions de mise en liberté.

III.               Contexte

[17]           Une partie du long historique de la présente affaire est décrite dans mes motifs concernant l’ordonnance du 20 juillet 2016 sur les conditions de mise en liberté, ce qui comprend :

[21]      Le demandeur a un long passé avec notre Cour. En outre, les dispositions législatives applicables à son cas ont évolué au fil des années. Le juge Noël a bien résumé aux paragraphes 5 à 20 de Mahjoub (Re), 2015 CF 1232 (la décision du 30 octobre 2015 sur les conditions de mise en liberté), les aspects importants de la mise en détention de M. Mahjoub, de la mise en liberté sous condition qui a suivi, des nombreux contrôles des conditions de cette mise en liberté, ainsi que de l’évolution du dispositif législatif applicable. Cette décision concluait le plus récent des multiples contrôles dont les conditions de mise en liberté du demandeur ont fait l’objet.

[22]      Le demandeur est un ressortissant égyptien né en avril 1960. Il est arrivé au Canada par Toronto à la fin de décembre 1995, muni d’un faux passeport saoudien. Il a alors présenté une demande d’asile, que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a accueillie le 24 octobre 1996. Le Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS) a commencé à s’intéresser à lui en 1996. Par suite de l’enquête menée par le SCRS, les ministres ont délivré contre lui un certificat de sécurité en juin 2000, et il a été arrêté le 26 du même mois. Détenu à partir de 2000, il a été mis en liberté en février 2007, sous de rigoureuses conditions.

[23]      Le juge Nadon, alors membre de la Cour fédérale du Canada, a rendu le 5 octobre 2001 une décision portant que le certificat de sécurité était raisonnable. Il a noté dans l’exposé des motifs de son ordonnance que le demandeur s’était parjuré en n’admettant pas qu’il connaissait une personne déterminée. Le juge Nadon a refusé d’ajouter foi à l’explication de ce mensonge donnée par le demandeur, faisant observer que ce dernier avait menti plusieurs fois devant notre Cour. Voir les paragraphes 57, 58, 68 et 70 de Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Mahjoub, 2001 CFPI 1095 (la décision du juge Nadon).

[24]      Après que la Cour suprême du Canada eut statué en 2007, par l’arrêt Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [Charkaoui I]), que le premier régime des certificats de sécurité portait atteinte aux droits garantis par la Charte, un nouveau dispositif législatif a été mis en application, que la même Cour a confirmé par l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Harkat, 2014 CSC 37, [2014] 2 RCS 33.

[25]      Le demandeur a commencé en 2008 à solliciter sous ce nouveau régime les contrôles des conditions de sa mise en liberté.

[26]      Les nouvelles dispositions prévoient aussi la délivrance de certificats de sécurité dont le caractère raisonnable peut être contesté devant notre Cour. Un certificat de cette nature a été délivré contre le demandeur. Après une très longue procédure, qui a duré plusieurs années, le regretté juge Blanchard a rendu en octobre 2013 une décision portant que le certificat de sécurité visant le demandeur était raisonnable; voir Mahjoub (Re), 2013 CF 1092 (la décision sur le caractère raisonnable). Le demandeur a formé contre cette décision, devant la Cour d’appel fédérale, un appel qui n’a pas encore été instruit.

[27]      Le juge Blanchard a conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur était membre d’Al Jihad et de son sous-groupe ou groupe dissident dénommé « Avant-garde de la conquête », et qu’il constituait un danger pour la sécurité du Canada du fait de ses relations avec de nombreux terroristes notoires ou suspects de terrorisme, au Canada et à l’étranger. Le juge Blanchard a en outre conclu qu’Al Jihad et l’Avant-garde de la conquête étaient des groupes terroristes importants, actifs en Égypte, et directement liés à Oussama ben Laden et à Al-Qaïda.

[28]      Par la suite, le défunt juge Blanchard, après avoir instruit une demande de M. Mahjoub tendant à l’annulation de l’ensemble de ses conditions de mise en liberté à l’exception de quelques-unes, a formulé la conclusion suivante le 17 décembre 2013 :

J’estime établi que M. Mahjoub constitue une menace pour la sécurité du Canada, comme je l’ai expliqué dans les motifs de mon ordonnance du 7 janvier 2013.

IV.              Résumé des thèses des parties

La thèse du demandeur

[18]           Le demandeur indique à juste titre que le dernier contrôle des conditions de mise en liberté a été entendu les 8 et 9 juin 2016 et une décision sur les modalités et conditions de mise en liberté a été rendue le 20 juillet 2016 : Mahjoub (Re), 2016 CF 808. Il fait correctement valoir qu’en vertu du paragraphe 82(4) de la LIPR, il a droit à un contrôle de ses conditions de mise en liberté tous les six (6) mois. Il soutient que le présent contrôle est une exigence constitutionnelle aux termes de l’article 7 de la Charter Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, aux paragraphes 117, 122, 123 [Charkaoui I]. Je suis d’accord; il a droit présent contrôle.

[19]           Le demandeur soutient que l’article 7 de la Charte et l’interprétation constitutionnelle de la LIPR, après les modifications apportées en vertu de C-3, exigent que des conditions ne soient pas imposées et que les droits constitutionnels ne soient pas violés sans preuve d’un danger démontré selon une prépondérance des probabilités. À l’appui de cette thèse, le demandeur invoque la décision de la Cour d’appel de l’Ontario relativement aux mesures préventives en vertu de la version antérieure de l’article 810 du Code criminel dans R v Budreo 2000 CANLII 5628, au paragraphe 43 (ONCA), confirmée dans R v Budreo, 1996 CanLII 11800, au paragraphe 27 (ON SC), 1996 CarswellOnt 24, [1996] OJ No 3, qui a récemment été suivie dans Canada v Driver, 2016 MBPC 3, aux paragraphes 26 et 29. Cet argument d’une « prépondérance des probabilités » a été mis de l’avant à de nombreuses reprises par le défendeur et a continuellement été rejeté, par exemple, tout récemment dans le jugement du 31 mars 2017 sur les questions constitutionnelles et certifiées (paragraphes 43 à 53). Je ne suis pas convaincu de m’écarter de la jurisprudence à cet égard à ce moment-ci.

[20]           Le demandeur demande à la Cour de mettre en application son interprétation décrite ci-dessus et d’abroger toutes ses modalités et conditions de mise en liberté, exception faite des conditions habituelles (détaillées dans le présent avis de demande), compte tenu du fait qu’aucun danger démontré ne justifie les conditions actuelles. Étant donné que l’interprétation du demandeur est inexacte à cet égard, à mon humble avis, elle ne peut pas s’appliquer en l’espèce.

[21]           Je suis d’accord avec le demandeur quand il fait valoir que des erreurs dans des jugements antérieurs ne doivent pas être perpétuées par souci d’uniformité  (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Thanabalasingham, 2004 CAF 4, au paragraphe 18), quoique des écarts par rapport à une jurisprudence ayant par ailleurs force obligatoire, en particulier celle de la Cour suprême du Canada, exigent la mise en application des lignes directrices de la Cour suprême à cet égard.

[22]           Le demandeur conclut en soutenant que si l’interprétation par le demandeur du paragraphe 82(5) de la LIPR n’est pas adoptée par la Cour dans le cadre du présent contrôle, les mêmes arguments que ceux exposés dans ses mémoires récents sur les questions constitutionnelles (tranchées le 31 mars 2017, jugement sur les questions constitutionnelles et certifiées) sont repris aux fins de la détermination et de la certification. En réponse à ce moment-ci, il n’existe aucun motif démontré de s’écarter des décisions exposées dans le jugement lui-même.

Question de la preuve

[23]           Le demandeur a déposé un affidavit de dernière minute d’Amélie Charbonneau qui concernait une fiche de signature de l’ASFC qui avait apparemment été signée à l’avance par erreur. Le demandeur, dans un courriel, a décrit cette erreur comme étant [traduction] « un autre gros scandale ». Les défendeurs se sont opposés à son admission. Après examen, bien que les éléments de preuve soient postérieurs au 4 mai 2017, je ne suis pas convaincu que ce soit pertinent, soit pour l’évaluation du danger, soit pour les conditions de mise en liberté du demandeur. Par conséquent, l’affidavit n’est pas accepté.

La thèse des ministres

[24]           La thèse des ministres veut que les conditions actuelles de mise en liberté doivent être maintenues, à l’exception du fait que le demandeur doit configurer son ordinateur pour sauvegarder son historique. Ils résument leur position en déclarant ce qui suit; mes commentaires suivent chaque point :

   La Cour a conclu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le demandeur est interdit de territoire au Canada pour des motifs liés au terrorisme et à la sécurité. Commentaire de la Cour : ce fait n’est pas contesté.

   Le demandeur était un membre du prédécesseur d’Al Qaeda, Al Jihad, et de son groupe dissident ou sous-groupe dénommé Avant-garde de la conquête. Commentaire de la Cour : cette conclusion a été faite par feu le juge Blanchard dans sa décision sur le caractère raisonnable, à l’encontre de laquelle le demandeur a fait appel devant la Cour d’appel fédérale. Le jugement en appel est maintenant en délibéré, jusqu’à ce que la décision de feu le juge Blanchard lie le demandeur;

   Le demandeur exploitait une des fermes d’Ousama ben Laden au Soudan, tandis que l’entraînement terroriste d’Al Qaeda s’y déroulait. Commentaire de la Cour : il s’agit d’une conclusion importante et exacte prise dans la décision sur le caractère raisonnable de feu le juge Blanchard;

   Même s’il n’a pas témoigné à son audience relative au certificat de sécurité, le demandeur, lorsqu’il a été récemment contre-interrogé lors de sa dernière audience sur le contrôle des conditions, a reconnu avoir rencontré M. ben Laden, la personne derrière l’attentat terroriste du 11 septembre sur le World Trade Center, et ce, à plusieurs reprises. Commentaire de la Cour : cette déclaration est exacte. J’ajouterais que le demandeur a témoigné devant moi et a dit qu’il avait été engagé directement par M. ben Laden pour gérer la ferme précédemment mentionnée au Soudan;

   Le demandeur a aussi reconnu qu’il avait utilisé le nom d’emprunt « Shaker », même s’il avait contesté cette identité à chaque occasion auparavant. Commentaire de la Cour : cet énoncé est également exact; contre-interrogé devant moi lors du contrôle de juillet 2016, le demandeur a admis qu’il avait utilisé le nom d’emprunt « Shaker »;

   Finalement, le demandeur a été obligé de reconnaître qu’il s’est parjuré lors de procès antérieurs devant le juge Nadon lorsqu’il a prétendu ne pas avoir connu le terroriste notoire, Essam Marzouk. Commentaire de la Cour : cette déclaration est exacte car cette constatation a été faite par le juge Nadon.

[25]           Ainsi, les ministres soutiennent que le demandeur a menti à la Cour et aux représentants de l’immigration et du renseignement au sujet de ses contacts terroristes et qu’il a refusé de reconnaître ou de renier ses engagements terroristes. À mon humble avis, il s’agit d’une représentation exacte du demandeur.

[26]           Les ministres soutiennent aussi que les conditions restantes sont limitées et portent principalement sur la neutralisation du danger que le demandeur prenne ou reprenne contact avec des terroristes ou communique avec eux. Ils disent que c’est tout à fait approprié, étant donné les conclusions de la Cour en l’espèce. Ils soutiennent que ce qui ne serait pas approprié, ce serait d’annuler toutes les conditions comme le propose le demandeur. Ils soutiennent que ses éléments de preuve relativement au présent contrôle et à sa conduite passée n’appuient pas une telle demande et n’appuient pas le fait que la Cour lui accorde une plus grande confiance. Ils soutiennent aussi que les conditions ciblées permettant une vérification de ses communications et contacts demeurent appropriées.

[27]           Les ministres critiquent la tentative faite par le demandeur de débattre à nouveau d’un grand nombre des questions en litige qu’il soulève comme étant abusives et un gaspillage des ressources judiciaires parce qu’elles ont été soulevées et tranchées auparavant. Je n’accepte pas cet argument. Bien qu’il soit abusif de la part d’un demandeur de soulever continuellement les mêmes litiges, en l’espèce, j’excuse le demandeur parce qu’il a soulevé certaines de ces questions auprès de la Cour d’appel fédérale pour examen dans le cadre de son appel des décisions du caractère raisonnable (dont le jugement est en délibéré). Tel que je le vois, son objectif en les soulevant ici est uniquement pour la protection.

[28]           De plus, le demandeur n’a pas fourni une raison valable de s’écarter des récentes conclusions de la Cour, exposées dans le jugement sur les questions constitutionnelles et certifiées, quoique j’aborderai des points importants qu’il soulève maintenant qui n’ont pas été abordés auparavant. Il s’agit notamment des trois questions supplémentaires suivantes que le demandeur demande à la Cour de certifier, ce que je ferai plus tard au cours des présents motifs :

1.         À savoir si les conditions de mise en liberté, telles celles imposées à M. Mahjoub, deviennent abusives et arbitraires, en contravention des articles 7, 8 et/ou 12 de la Charte lorsque la personne n’est pas susceptible d’expulsion en fait et en droit et qu’une telle privation perdure depuis plus de 16 ans et, par conséquent, est devenue injustifiée, n’est plus reliée à son objectif sous-jacent d’annulation en vertu de la LIPR (article 80 de la LIPR)?

2.         À savoir si les conditions de mise en liberté, telles celles imposées à M. Mahjoub, deviennent abusives et arbitraires, en contravention des articles 7, 8 et/ou 12 de la Charte compte tenu de la conclusion du SCRS selon laquelle il ne constitue aucune menace et ne représente pas un risque de fuite?

3.         À savoir si les conditions de mise en liberté, telles celles imposées à M. Mahjoub, deviennent abusives et arbitraires, en contravention des articles 7, 8 et/ou 12 de la Charte dans les circonstances susmentionnées en plus de l’incidence négative reconnue sur sa santé?

[29]           Le demandeur demande aussi l’autorisation de présenter des observations au sujet de questions certifiées additionnelles une fois la présente décision rendue. Je vais commencer par traiter cette question maintenant. Bien qu’une telle autorisation ait été accordée par le passé, et bien que j’aie accordé une telle autorisation avant d’entendre la requête concernant les conditions de mise en liberté en juin 2016, une telle façon de faire est contraire à la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale. Le juge Pelletier, écrivant les motifs de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Varela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145 [Varela], a critiqué le fait d’accueillir des demandes visant à certifier des questions une fois les motifs rendus, s’exprimant au nom d’une Cour d’appel à l’unanimité :

[29]      Qui plus est, une question grave de portée générale découle des questions en litige dans l’affaire et non des motifs du juge. Le juge, qui a instruit la cause et qui a eu l’avantage d’entendre les meilleurs arguments présentés par les avocats des deux parties, devrait être en mesure de dire si les faits de l’affaire soulèvent ou non une telle question, sans avoir à soumettre une ébauche de ses motifs aux avocats. Une telle façon de procéder ouvre la porte, comme c’est le cas en l’espèce, à une longue liste de questions qui peuvent ou non satisfaire au critère prévu par la loi. Dans le cas qui nous occupe, aucune des questions proposées ne répond à ce critère.

[Non souligné dans l’original]

[30]           La conclusion voulant que de graves questions de portée générale ressortent des questions en litige dans l’affaire et non des motifs du juge est, à mon avis, concluante à cet égard. Le fait qu’une telle pratique se prête à une « longue liste » de questions était le cas dans Varela et, il est à noter, était aussi le cas dans le jugement sur les questions constitutionnelles et certifiées récemment rendu au sujet du présent demandeur le 31 mars 2017, dans lequel aucune des nombreuses questions proposées n’étaient fondées. À mon avis, on ne devrait pas encourager cette façon de faire et la demande du demandeur à cet égard est refusée.

V.                 Résumé de la disposition

[31]           À mon humble avis, compte tenu de ses antécédents avec des terroristes violents, y compris son rapport direct avec Ousama ben Laden et Al Qaeda et d’autres facteurs mentionnés plus haut et subséquemment dans les présents motifs, le demandeur continue à représenter un danger aux termes de la LIPR. Par conséquent, je confirme sa mise en liberté sous réserve des conditions qui continuent d’être celles exposées dans l’ordonnance du 20 juillet 2016 sur les conditions de mise en liberté. Cependant, comme l’indique le jugement qui suit les présents motifs, les conditions devraient être clarifiées de sorte que, en ce qui concerne l’utilisation de Skype, l’avis doit être donné uniquement une fois lorsqu’il s’agit de la même personne. De plus, le demandeur est tenu de configurer son ordinateur de façon à ce qu’il conserve sa mémoire cache à jamais; aucune suppression manuelle ou automatique ne peut être faite. Je tiens aussi à préciser, par voie d’une condition de mise en liberté, que bien que le demandeur puisse obtenir et utiliser un téléphone cellulaire, il ne peut pas utiliser un téléphone mobile pour accéder à Internet.

[32]           Tel qu’on l’a souligné auparavant, il est très important que le demandeur ne supprime pas les traces de son activité Internet sur son ordinateur. Je tiens également à réitérer qu’il est loisible aux ministres de demander de modifier ces conditions de mise en liberté et peut-être d’autres au besoin s’il existe des éléments de preuve de non-conformité à cet égard.

[33]           Lors du dernier contrôle des conditions de mise en liberté, exposées dans l’ordonnance du 20 juillet 2016 sur les conditions de mise en liberté, le demandeur a présenté des demandes précises pour se rendre dans des armureries ou clubs de tir et des cybercafés. Ces demandes n’ont pas été réitérées précisément dans le cadre du présent contrôle. Par contre, le changement en profondeur demandé permettrait au demandeur de faire les deux. À mon avis, aucun changement n’est plus acceptable maintenant qu’il ne l’était en juillet 2016. La première demande, concernant sa présence dans des armureries ou des clubs de tir, en raison de la combinaison du danger que représente le demandeur et de ses antécédents militaires, qui comprenaient un entraînement dans les armes automatiques; et la deuxième, concernant sa présence dans des cybercafés, parce que de telles visites lui permettraient de contourner totalement les restrictions de longue date de la Cour quant à un accès Internet non supervisé par ordinateur ou téléphone mobile.

[34]           À mon humble avis, ces conditions sont nécessaires en vertu de l’alinéa 85(2)b) de la LIPR pour neutraliser le danger que le demandeur continue de présenter. À mon avis, elles sont proportionnées et raisonnables dans les circonstances. Elles tiennent compte du fait que ses circonstances n’ont pas changé de manière importante depuis le 20 juillet 2016. Je tiens à insister sur le fait qu’elles tiennent aussi compte du fait que le SCRS ne considère plus le demandeur comme une menace à la sécurité nationale et que le SCRS en a informé des organismes nationaux et internationaux et demandé qu’ils prennent les mesures appropriées.

[35]           En tirant ces conclusions, et à la demande du demandeur, je confirme que je n’ai pas examiné l’évaluation du risque de l’ASFC, caviardée ou non caviardée à jour, sur laquelle aucune des parties ne se fondait de toute façon.

VI.              Cadre pour l’analyse

Dispositions pertinentes

[36]           Le paragraphe 82(5) de la LIPR prévoit :

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

82(5) Lors du contrôle, le juge :

82(5) On review, the judge :

a) ordonne le maintien en détention s’il est convaincu que la mise en liberté sous condition de la personne constituera un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui ou qu’elle se soustraira vraisemblablement à la procédure ou au renvoi si elle est mise en liberté sous condition;

(a) shall order the person’s detention to be continued if the judge is satisfied that the person’s release under conditions would be injurious to national security or endanger the safety of any person or that they would be unlikely to appear at a proceeding or for removal if they were released under conditions; or

b) dans les autres cas, ordonne ou confirme sa mise en liberté et assortit celle-ci des conditions qu’il estime indiquées.

(b) in any other case, shall order or confirm the person’s release from detention and set any conditions that the judge considers appropriate.

Qu’est-ce qu’un danger et comment le définit-on?

[37]           Comme on l’a constaté à l’alinéa 82(5)a), une question en litige importante en ce qui concerne les conditions de mise en liberté est de savoir si le demandeur constitue un danger. Le demandeur a répété son argument selon lequel, parce que le SCRS ne le considère plus comme une menace pour la sécurité du Canada, conformément à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, la Cour doit, en droit, conclure que le demandeur ne constitue plus un danger aux termes de la LIPR. Je ne suis toujours pas convaincu parce que, à mon avis, les objectifs des deux lois (Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés) sont très différents. Danger au sens de représenter un danger pour d’autres est une exigence de la LIPR et plus précisément de l’alinéa 85(2)a) de la LIPR. Bien qu’une évaluation de la menace du SCRS puisse justifier une conclusion de danger en vertu de la LIPR, l’absence d’évaluation de la menace en vertu de la Loi sur le SCRS n’empêche pas la Cour de conclure à un danger en vertu de la LIPR.

[38]           Autrement dit, on peut conclure à un danger en vertu de la LIPR en l’absence d’une conclusion selon laquelle une personne est une menace pour la sécurité du Canada en vertu de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.

[39]           Je ne suis pas non plus convaincu de rejeter la définition de danger établie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] ACS no 3 [Suresh]. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a conclu que pour constituer un danger, la menace doit être « grave », en ce sens qu’elle doit reposer sur des soupçons objectivement raisonnables et étayés par la preuve, et en ce sens que le danger appréhendé doit être sérieux, et non pas négligeable.

90.       [...] une personne constitue un « danger pour la sécurité du Canada » si elle représente, directement ou indirectement, une grave menace pour la sécurité du Canada, et il ne faut pas oublier que la sécurité d’un pays est souvent tributaire de la sécurité d’autres pays. La menace doit être « grave », en ce sens qu’elle doit reposer sur des soupçons objectivement raisonnables et étayés par la preuve, et en ce sens que le danger appréhendé doit être sérieux, et non pas négligeable.

[Non souligné dans l’original]

Type de contrôle à effectuer

[40]           Dans l’arrêt Charkaoui I, la Cour suprême du Canada a énoncé l’exigence pour un contrôle vigoureux de la détention, que je considère applicable à un contrôle des conditions de mise en liberté :

123      En résumé, lorsqu’elle est interprétée conformément à la Charte, la LIPR  permet un contrôle judiciaire vigoureux et continu du bienfondé et de la nécessité du maintien de la détention en attente de l’expulsion. Pour cette raison, je conclus que les longues périodes de détention avant le renvoi prévues par des dispositions de la LIPR  relatives aux certificats ne contreviennent pas aux art. 7 ou 12 de la Charte, pourvu que le juge qui procède au contrôle suive les lignes directrices énoncées précédemment. La procédure établie par la LIPR n’est donc pas en soi inconstitutionnelle pour ce motif. Cela n’écarte toutefois pas la possibilité que, dans un cas particulier, un juge arrive à la conclusion que la détention constitue un traitement cruel et inusité ou est incompatible avec les principes de justice fondamentale, de sorte qu’elle constitue une violation de la Charte ouvrant droit à réparation conformément au par. 24(1) de la Charte.

[Non souligné dans l’original]

[41]           Je suis d’accord avec le juge Noël, qui a déclaré dans sa décision sur les conditions de mise en liberté que des contrôles rigoureux sont nécessaires avec une compréhension totale de l’état du dossier comportant les motifs antérieurs de la Cour :

[21]      [...] La Cour suprême du Canada exige des contrôles rigoureux. Le juge désigné chargé d’examiner la demande s’acquitte en partie de cette obligation lorsqu’il comprend bien les décisions antérieures et les motifs qui les sous-tendent. Un contrôle rigoureux exige non seulement que l’on tienne compte des facteurs favorables à la personne visée,  mais également de tous les autres facteurs intéressant la personne visée qui ont été relevés dans les décisions antérieures. Ainsi, le fait que l’on a déjà conclu que l’intéressé constituait un danger, qu’il n’avait pas respecté certaines conditions ou qu’il avait failli ne pas s’y conformer ou qu’il avait, dans l’ensemble, fait preuve d’une attitude de manque de collaboration sont des facteurs qui militent contre l’assouplissement des conditions de sa mise en liberté. Le juge désigné chargé de procéder à un contrôle de la détention qui dispose de telles connaissances factuelles de faits passés et présents doit apprécier les différentes questions juridiques et rendre une décision au bout du compte.

Mahjoub (Re), 2015 CF 1232

Facteurs à prendre en compte

[42]           Les facteurs qui ont été appliqués lors de contrôles précédents des conditions de mise en liberté s’appliqueront au présent contrôle. Ils ont été résumés par le juge Noël dans Mahjoub (Re), 2014 CF 720. La Cour a suivi ce format dans son ordonnance du 20 juillet 2016 sur les conditions de mise en liberté. Je suis ces points, malgré les objections du demandeur, parce qu’ils découlent de l’affaire Harkat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 795, au paragraphe 26, [2013] ACF no 860, et découlent du résumé non exhaustif exposé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Charkaoui I :

1.  les décisions antérieures relatives au danger et l’historique des procédures, à savoir les contrôles de la détention, la mise en liberté sous conditions et les décisions déjà rendues;

2.  l’appréciation par la Cour du danger pour la sécurité du Canada associé au demandeur, à la lumière des éléments de preuve présentés;

3.  le cas échéant, la décision relative au caractère raisonnable du certificat;

4.  les éléments de confiance et de crédibilité touchant le comportement du demandeur après sa mise en liberté sous conditions et son respect de celles-ci;

5.  l’incertitude quant à la fin éventuelle des procédures;

6.  l’écoulement du temps (pas en soi un facteur décisif – voir Harkat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 416, au paragraphe 9, [2007] ACF n° 540;

7.  l’incidence des conditions de mise en liberté sur le demandeur et sur sa famille et la proportionnalité entre le danger que constitue le demandeur et les conditions de sa mise en liberté.

[43]           Je vais maintenant examiner la présente demande en fonction de ces facteurs.

1.       Les décisions antérieures relatives au danger et l’historique des procédures, à savoir les contrôles de la détention, la mise en liberté sous conditions et les décisions déjà rendues

[44]           Mon point de départ à cet égard est le résumé de l’historique des actes de procédure exposés par le juge Noël dans Mahjoub (Re), 2015 CF 1232 :

[5]        M. Mahjoub, un ressortissant égyptien, est né en avril 1960. Il est arrivé à Toronto, ici au Canada, à la fin de décembre 1995. Il était muni d’un faux passeport de l’Arabie saoudite. Il a présenté une demande d’asile qui a été accueillie par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié le 24 octobre 1996. Le Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS) a commencé à s’intéresser à lui en 1996. Par suite de l’enquête menée par le SCRS, il a fait l’objet d’un certificat délivré par les ministres en juin 2000, et il a été arrêté le 26 juin 2000.

[6]        Le juge Nadon de la Cour fédérale du Canada (tel était alors son titre) a conclu le 5 octobre 2001 que le certificat qui avait été délivré était raisonnable. Dans les motifs de son ordonnance, le juge a fait observer que M. Mahjoub avait avoué s’être parjuré lorsqu’il avait affirmé ne pas connaître une certaine personne. Le juge Nadon a écrit qu’il ne croyait pas l’explication que M. Mahjoub avait donnée pour avoir menti et a ajouté que M. Mahjoub avait menti sur un certain nombre de sujets (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Mahjoub, 2001 CFPI 1095 (la décision de 2001 du juge Nadon (octobre)), aux paragraphes 57, 58, 68 et 70)).

[7]        La juge Eleanor Dawson, maintenant juge à la Cour d’appel fédérale, a rejeté à deux reprises (en 2003 et en 2005) les demandes présentées par M. Mahjoub en vue d’obtenir sa mise en liberté. Dans sa première décision (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Mahjoub, 2003 CF 928 (la décision de 2003 de la juge Dawson (juillet)), au paragraphe 76), la juge Dawson s’est fondée sur les conclusions tirées par le juge Nadon dans la décision susmentionné au sujet des mensonges. Lors de son second contrôle de la détention, la juge Dawson a refusé de faire droit à la demande de mise en liberté, parce qu’elle ne croyait pas que les conditions de mise en liberté pouvaient neutraliser le danger que représentait M. Mahjoub. Elle a ajouté qu’elle n’était pas convaincue que l’on pouvait se fier à M. Mahjoub pour respecter les conditions discutées à l’époque (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Mahjoub, 2005 CF 1596 (la décision de 2005 de la juge Dawson (novembre)), au paragraphe 101).

[8]        Le 15 février 2007, M. Mahjoub a fait l’objet d’une mise en liberté assortie de sévères conditions, notamment surveillance électronique, détention à domicile, surveillance physique, dépôt d’un cautionnement, interdiction d’accès à tout dispositif de communication, etc. (Mahjoub c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CF 171 (la décision de 2007 du juge Mosley (février))).

[9]        Le 23 février 2007, la Cour suprême du Canada a déclaré inconstitutionnel le régime régissant la délivrance de certificats de sécurité et a suspendu pour un an l’effet de sa déclaration d’invalidité pour permettre au législateur fédéral de modifier la LIPR (voir Charkaoui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CSC 9, [2007] 1 RCS 350 (Charkaoui no 1)).

[10]      Un nouveau régime de certificats de sécurité, prévoyant notamment l’intervention d’avocats spéciaux, est entré en vigueur en février 2008. Les ministres ont signé un nouveau certificat de sécurité à l’encontre de M. Mahjoub le 22 février 2008.

[11]      La juge Layden‑Stevenson, qui était la juge désignée chargée de cette nouvelle instance en certificat de sécurité avant sa nomination à la Cour d’appel fédérale, a rendu deux décisions sur les conditions de mise en liberté à la fin décembre 2008 et en mars 2009. Dans sa première décision, elle a modifié une des conditions de mise en liberté prévue par une ordonnance précédente (datée du 11 avril 2007). Dans sa seconde décision, elle a fait observer que le fait que M. Mahjoub avait insisté sur le respect à la lettre des conditions de sa mise en liberté avait nui aux efforts faits par l’ASFC pour répondre aux besoins de sa famille (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Mahjoub, 2009 CF 248 (la décision de 2009 de la juge Layden‑Stevenson (mars)), au paragraphe 150).

[12]      Une dizaine de jours après le prononcé des motifs de l’ordonnance de la juge Layden‑Stevenson, deux des cautions de M. Mahjoub, son épouse et son gendre, se sont désistés comme cautions. Par conséquent, M. Mahjoub a accepté d’être réincarcéré le 18 mars 2009.

[13]      Il a de nouveau été mis en liberté sous condition le 30 novembre 2009 par le juge Blanchard, le nouveau juge désigné chargé de présider la seconde instance visant le certificat de sécurité (Mahjoub (Re), 2009 CF 1220 (la décision de 2009 du juge Blanchard (novembre))).

[14]      En réponse à une nouvelle demande visant à faire lever la plupart des conditions de la mise en liberté, le juge Blanchard a modifié certaines conditions, notamment l’obligation pour M. Mahjoub de porter un dispositif de repérage GPS (voir Mahjoub (Re), 2011 CF 506 (la décision de 2011 du juge Blanchard (mai))).

[15]      Dans les deux exposés successifs de motifs d’ordonnance datés respectivement du 1er février 2012 et du 7 janvier 2013, le juge Blanchard a à nouveau levé certaines conditions et en a considérablement modifié d’autres après avoir conclu que la menace que posait M. Mahjoub avait diminué (voir Mahjoub (Re), 2012 CF 125 (la décision de 2012 du juge Blanchard (février)), aux paragraphes 66 et 90 à 93; Mahjoub (Re), 2013 CF 10 (la décision de 2013 du juge Blanchard (janvier))). Dans sa dernière décision, au paragraphe 47, le juge Blanchard a exprimé ses préoccupations quant au fait de s’assurer que M. Mahjoub ne communique pas avec des terroristes et ne reprend pas contact avec des terroristes.

[16]      Le 25 octobre 2013, le juge Blanchard a rendu ses motifs du jugement et son jugement au sujet du caractère raisonnable du certificat de sécurité (voir Mahjoub (Re), 2013 CF 1092 (la décision de 2013 du juge Blanchard (octobre) ou la décision sur le caractère raisonnable)). Il a conclu ce qui suit : [traduction]

[618]    Voici un résumé de mes conclusions précédentes concernant la crédibilité des différents comptes rendus de M. Mahjoub :

a.          M. Mahjoub a menti lorsqu’il a nié connaître M. Marzouk, M. Khadr, M. Jaballah ou leurs noms d’emprunt. Plus précisément, au cours de sa quatrième entrevue, en octobre 1998, il a nié connaître M. Khadr malgré le fait qu’il avait admis le contraire lors d’une entrevue précédente. Lorsqu’on lui a signalé qu’il avait habité chez les Elsamnah, les beaux-parents de M. Khadr, un autre fait qu’il n’avait pas dévoilé aux autorités canadiennes, il a alors admis connaître M. Khadr.

b.          M. Mahjoub a menti lorsqu’il a nié avoir déjà employé un nom d’emprunt. J’ai conclu que l’explication de M. Mahjoub au sujet de la façon dont il en était venu à employer le nom d’emprunt « Ibrahim », lorsqu’il avait admis cette utilisation, n’était pas crédible, pour les motifs exposés ci‑dessus, au paragraphe 539.

c.          L’explication de M. Mahjoub selon laquelle il n’a pas fourni au Service les noms des personnes qui le connaissaient sous le nom d’emprunt Ibrahim, parce qu’il craignait que les autorités égyptiennes ne ciblent ces personnes et lui-même, n’était pas crédible, ainsi que je l’ai expliqué ci‑dessus au paragraphe 540.

d.          M. Mahjoub a omis de dévoiler aux autorités canadiennes la véritable nature de son travail et de son employeur à la ferme Damazine lorsqu’il se trouvait au Soudan, mentionnant uniquement qu’il avait été employé comme ingénieur agricole à la ferme. Cette omission est un autre élément qui affaiblit sa crédibilité.

e.          L’explication que M. Mahjoub a donnée au sujet du fait qu’il avait quitté la ferme pour aller acheter et vendre des produits au marché n’était pas crédible, eu égard au salaire qu’il touchait probablement à l’époque comparativement au salaire moyen au Soudan, comme je l’ai expliqué ci-dessus aux paragraphes 484 à 486 et 490.

[619]    À mon avis, les omissions et mensonges susmentionnés de M. Mahjoub visent à constamment dissimuler des faits qui pourraient le rattacher à des terroristes notoires, à des activités terroristes ou à des entreprises, comme Althemar, dont les liens avec le terrorisme sont connus. Le fait que M. Mahjoub était prêt à mentir au sujet de l’utilisation de noms d’emprunt est particulièrement troublant. L’utilisation de noms d’emprunt est bien connue dans le milieu du terrorisme et permet de dissimuler la véritable identité des individus concernés.

[620]    Dans ces conditions, les omissions et mensonges susmentionnés de M. Mahjoub m’incitent à conclure que le compte rendu innocent qu’il a fait de certains événements et activités au Soudan ainsi qu’au Canada n’est pas crédible. Cette conclusion appuie les allégations des ministres.

[....]

iii. La période des voyages de M. Mahjoub

[623]    Les voyages que M. Mahjoub a faits au Soudan en septembre 1991 coïncident avec le déplacement d’éléments de l’AJ et d’Al-Qaïda vers ce même pays. Le départ de M. Mahjoub du Soudan vers le Canada coïncide avec l’exode de ces éléments du Soudan vers l’ouest et vers d’autres pays du monde musulman. Je reconnais qu’au cours de cette période, les organisations terroristes se cherchaient une base à l’étranger et leurs membres se sont dispersées à différents endroits, notamment en Europe et en Amérique du Nord. Je conclus que la période des voyages de M. Mahjoub appuie l’allégation des ministres selon laquelle M. Mahjoub était membre de l’AJ.

iv. Les contacts de M. Mahjoub avec des terroristes

[624]    Plusieurs personnes avec lesquelles M. Mahjoub a des liens jouent un rôle important dans le milieu terroriste. M. Mahjoub entretient en effet depuis longtemps des liens étroits avec M. Al Duri, M. Khadr et M. Marzouk. Certains de ces individus jouaient encore un rôle manifestement actif chez les militants de l’AJ et dans le milieu d’Al-Qaïda connexe lorsque M. Mahjoub était en contact avec eux. Le recours fréquent à des noms d’emprunt, à des mensonges et à des omissions pour dissimuler ces liens aux autorités montre la nature terroriste de ces contacts. Je conclus que ces contacts appuient les allégations des ministres quant à l’appartenance de M. Mahjoub à l’AJ et au VOC. De plus, M. Mahjoub XXXXXXXXXXXXXXXXXXX a composé un numéro de téléphone associé au VOC.

v. Le souci de protection du secret de M. Mahjoub

[625]    Certains éléments de preuve montrent que M. Mahjoub s’est préoccupé à l’occasion du secret entourant le terrorisme lorsqu’il se trouvait au Canada. Ainsi, l’utilisation de tactiques pour déjouer la surveillance lorsqu’il faisait des appels téléphoniques ou qu’il était suivi par le Service, l’emploi de noms d’emprunt et le manque de coopération dont il a fait preuve à l’endroit des autorités canadiennes correspondent au comportement d’une personne qui cherche à dissimuler ses activités et ses contacts. Je suis d’avis que ce comportement appuie les allégations des ministres en ce qui concerne l’appartenance de M. Mahjoub à l’AJ et au VOC.

vi. Les éléments de preuve directs confirmant ou niant le fait que M. Mahjoub est un terroriste et un membre du conseil de la Shura du VOC

[626]    Tel qu’il est mentionné ci-dessus, les éléments de preuve directs concernant les allégations des ministres selon lesquelles M. Mahjoub est membre du VOC et du conseil de la Shura de celui-ci, ou membre de l’AJ, sont les suivants :

XXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

XXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

c.         XXXXXXXXXXXXXXXXX [certains éléments de preuve classifiés]

d.         une conversation interceptée.

J’ai conclu que les rapports [classifiés] XXXXXXXXXXXXX n’étaient pas suffisamment convaincants pour appuyer l’allégation des ministres concernant l’appartenance; cependant, j’ai aussi conclu que XXXXXXXXXXXXXX [un élément de preuve indiquant que M. Mahjoub était un dirigeant de l’AJ] et le fait que M. Mahjoub s’est lui-même décrit comme un « membre » dans le contexte du procès des rapatriés de l’Albanie appuient l’allégation d’appartenance.

c) Conclusion sur l’appartenance

[627]    Après examen global de la preuve, et sur le fondement d’inférences justifiées et raisonnables, je conclus que les ministres ont établi qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que M. Mahjoub est membre de l’AJ et de son sous-groupe, ou groupe dissident, le VOC.

[628]    À cet égard, je me fonde sur les conclusions précédemment exposées, dont les suivantes :

a.          L’AJ et le VOC existaient en tant qu’organisations terroristes aux époques pertinentes;

b.          M. Mahjoub était en contact au Canada et à l’étranger avec des terroristes membres de l’AJ et du VOC;

c.          M. Mahjoub a utilisé des noms d’emprunt pour dissimuler ses contacts avec des terroristes;

d.          M. Mahjoub a dissimulé de manière malhonnête aux autorités canadiennes ses contacts avec des terroristes;

e.          M. Mahjoub a occupé un poste de très haut niveau dans l’organisation de ben Laden, auprès de terroristes au Soudan, alors que les principaux chefs terroristes se trouvaient dans ce pays;

f.           M. Mahjoub a dissimulé de manière malhonnête aux autorités canadiennes la nature de son travail à la ferme de Damazine;

g.          M. Mahjoub s’est rendu au Soudan et il en est sorti en même temps que des membres de l’AJ et d’Al-Qaïda;

h.          XXXXXXXX [Certains éléments de preuve directs] concernant l’appartenance de M. Mahjoub à l’AJ et des conversations interceptées de M. Mahjoub étayent l’allégation des ministres.

[629]    Pour arriver à ma décision, je me suis aussi fondé sur les inférences suivantes, concernant les déplacements et les activités de M. Mahjoub : Les voici :

a.          M. Mahjoub était en contact avec des terroristes;

b.          M. Mahjoub avait une relation étroite et de longue date avec un certain nombre de ces terroristes;

c.          M. ben Laden avait placé sa confiance en M. Mahjoub en raison de ses liens avec les milieux extrémistes islamiques;

d.          M. Mahjoub était au courant de l’entraînement au maniement des armes dispensé par Al-Qaïda à la ferme de Damazine et il était complice de cette activité;

e.          Ce n’est pas par coïncidence si M. Mahjoub s’est rendu au Soudan et en est sorti en même temps que des membres de l’AJ.

[630]    Je suis convaincu que, même en l’absence des éléments de preuve directs XXXXXXXXXXX et de la conversation interceptée, ma décision demeurerait la même.

[631]    Compte tenu des conclusions qui précèdent, je suis convaincu que M. Mahjoub avait un lien institutionnel avec l’AJ et qu’il a participé sciemment aux activités de cette organisation. Malgré la minceur des éléments de preuve péremptoires et dignes de foi rattachant explicitement M. Mahjoub au VOC, je suis convaincu que la preuve établit un lien institutionnel avec l’aile de l’AJ dirigée par M. Al Zawahiri et une participation consciente aux activités de celle-ci, qui s’est finalement rangée du côté d’Al-Qaïda et a poursuivi ses activités militantes après que de nombreux membres de l’AJ eurent déclaré un cessez-le-feu. J’ai conclu que cette aile était probablement connue sous le nom du VOC, du moins à une certaine période de son existence. M. Mahjoub avait des liens avec cette aile de l’AJ et avec Al-Qaïda dans le cadre de son emploi chez Althemar, de ses voyages et de ses contacts avec des terroristes au Canada. Ces liens sont demeurés actifs pendant de nombreuses années. M. Mahjoub a participé sciemment à ces réseaux dans le cadre du rôle, passif ou actif, qu’il a joué lors de l’entraînement au maniement des armes à la ferme de Damazine, ainsi que dans le cadre des contacts qu’il a maintenus avec des individus qui étaient des terroristes actifs liés à M. ben Laden ou à M. Al Zawahiri. Bien que l’appartenance réelle au groupe n’ait pas été établie au moyen d’une preuve du fait que M. Mahjoub a juré allégeance à celui-ci, cette preuve n’est pas nécessaire dans le contexte d’une instance visant le certificat de sécurité. Je suis convaincu que les liens et la participation de M. Mahjoub cadrent avec l’interprétation large et libérale que doit recevoir le mot « membre » aux fins de l’application de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR.

[632]    Compte tenu des éléments de preuve susmentionnés qui sont mis en relief dans ma conclusion ainsi que des principes de droit commentés dans la section des présents motifs qui porte sur le cadre juridique, je suis d’avis que les ministres ont établi l’existence de motifs raisonnables de croire que M. Mahjoub était membre de l’AJ et de son sous-groupe, ou groupe dissident, le VOC. En conséquence, les ministres ont satisfait aux exigences de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR.

[633]    Étant donné que les exigences énoncées à l’article 34 de la LIPR sont disjonctives, ma conclusion susmentionnée est déterminante quant au caractère raisonnable du certificat. En conséquence, compte tenu de la conclusion susmentionnée, je suis d’avis que le certificat de sécurité délivré contre M. Mahjoub au titre du paragraphe 77(1) de la LIPR est raisonnable.

[....]

[668]    Au cours des années 1996 et 1997, pendant lesquelles le nombre de terroristes associés aux groupes en litige a semblé augmenter considérablement au Canada, et au cours de la période de 1998 à 2000, après l’adhésion de l’AJ au Front islamique dirigé par Al-Qaïda et le prononcé d’une fatwa contre les Américains et leurs alliés, M. Mahjoub a maintenu des contacts depuis le Canada avec des terroristes, présumés ou réels, que ce soit au Canada ou à l’étranger : M. Khadr, M. Al Duri, M. Jaballah et surtout M. Marzouk XXXXXXXXXXXX. Fait important à souligner, les individus avec lesquels M. Mahjoub avait des contacts à l’étranger, soit M. Khadr et M. Al Duri, étaient des citoyens canadiens. J’ai conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que tous ces individus, à l’exception de XXXXXXXX M. Jaballah, dont M. Mahjoub lui-même, étaient présents au Canada ou pouvaient y entrer librement et avaient des liens avec des groupes terroristes déterminés à tuer des alliés des États-Unis, y compris des Canadiens. Ces faits établissent que les membres de l’AJ au Canada constituaient une menace pour les Canadiens.

[669]    J’en arrive à la conclusion que ces faits établissent l’existence de motifs raisonnables de croire qu’avant son arrestation, M. Mahjoub constituait, en tant que membre de l’AJ et de son sous-groupe, ou groupe dissident, le VOC, un danger pour la sécurité du Canada.

[Remarque : Les éléments caviardés sont ceux qui figurent dans les motifs publics.]

[17]      Ainsi qu’il ressort des renvois susmentionnés aux divers motifs du jugement et jugements, l’AJ (l’Al Jihad ou le Jihad) et le VOC (le Vanguards of Conquest) sont qualifiés par le juge Blanchard de groupes terroristes importants qui étaient actifs en Égypte et qui avaient des liens et des rapports directs avec Oussama ben Laden et Al‑Qaïda (voir également les paragraphes 177 et suivants de la décision sur le caractère raisonnable).

[18]      Le 17 décembre 2013, par suite de la demande déposée par M. Mahjoub en vue de faire lever les conditions de mise en liberté à l’exception de quelques‑unes, le juge Blanchard concluait : [traduction« Je demeure convaincu que M. Mahjoub constitue une menace pour la sécurité du Canada, comme je l’ai expliqué dans les motifs de mon ordonnance du 7 janvier 2013 ». Le juge Blanchard a également conclu que les conditions de mise en liberté ne devaient pas être modifiées, sauf pour quelques adaptations concernant l’utilisation de cartes d’appel. Il a également pris note du fait que M. Mahjoub avait techniquement violé les conditions de sa mise en liberté en n’informant pas l’ASFC qu’il s’était procuré un téléphone mobile, mais qu’il ne s’agissait pas d’une violation grave, étant donné que M. Mahjoub n’avait pas utilisé ce téléphone. Il a également conclu que, lorsque M. Mahjoub avait choisi de couper lui‑même le bracelet GPS qu’il portait au lieu de laisser l’ASFC le lui enlever sans le détruire, il n’avait pas violé de conditions, mais avait démontré un indice d’un [traduction« refus » de collaborer avec l’ASFC (voir Mahjoub (Re), 2013 CF 1257 (la décision de 2013 du juge Blanchard (décembre)), aux paragraphes 5, 6, 16, 17 et 18).

[19]      En mai 2014, j’ai précisé que M. Mahjoub devait communiquer le mot de passe de son ordinateur à l’ASFC, étant donné que l’ASFC avait accès à son ordinateur suivant les conditions de sa mise en liberté (voir Mahjoub (Re), 2014 CF 479 (la décision de 2014 du juge Noël (mai))). Pour la Cour, il était évident que l’attitude de M. Mahjoub démontrait son manque de collaboration. Son attitude n’aide pas l’ASFC à exercer le rôle de surveillance que lui impose l’ordonnance de la Cour.

[20]      Un peu plus de six mois après que le juge Blanchard eut rendu ses derniers motifs à la suite du contrôle des conditions de sa détention, M. Mahjoub a déposé une autre demande en vue de faire réexaminer les conditions de sa mise en liberté. Il réclamait essentiellement la même mesure, à savoir que la Cour lève l’ensemble des conditions, à l’exception des conditions habituelles. La Cour a tiré les conclusions suivantes (voir Mahjoub (Re), 2014 CF 720 (la décision de 2014 du juge Noël (juillet))) :

D.        Les éléments de confiance et de crédibilité touchant le comportement du demandeur après sa mise en liberté sous conditions et son respect de celles-ci

57        Le comportement de l’intéressé au regard des conditions de sa mise en liberté est un facteur important à considérer lorsqu’on envisage de modifier ces conditions ou certaines d’entre elles. Dans Harkat (Re), 2009 CF 241, au paragraphe 92, [2009] ACF n° 316, la Cour a commenté ce facteur comme suit :

[92]      La crédibilité et la confiance sont des considérations essentielles à l’occasion du contrôle judiciaire du caractère approprié des conditions. Lors de l’examen de la question de savoir si les conditions neutraliseront le danger, la Cour doit examiner l’efficacité des conditions. La crédibilité d’une personne qui est assujettie aux conditions et la confiance de la Cour à son endroit régiront vraisemblablement le type de conditions nécessaires.

58        M. Mahjoub ne s’est pas conformé de manière exemplaire à ses plus récentes conditions de mise en liberté, comme la Cour l’a signalé dans son ordonnance du 17 décembre 2013, lorsqu’elle a conclu qu’il avait enfreint une condition en ne donnant pas l’avis prévu avant de procéder à l’acquisition et à l’utilisation de services de téléphonie et de télécopieur. La Cour a conclu qu’on ne pouvait  [traduction] « [...] se fier à ce que M. Mahjoub respecte ses conditions de mise en liberté » (ordonnance du 17 décembre 2013, au paragraphe 18).

59        Dans la même décision, encore une fois rendue aussi récemment qu’en décembre 2013, la Cour a aussi conclu, en ce qui concerne l’enlèvement du bracelet GPS, que le fait pour M. Mahjoub de ne pas avoir permis à l’ASFC d’accomplir cette mesure sans endommager le bracelet était [traduction] « [...] l’indice d’un refus de collaborer avec l’ASFC ». (voir le paragraphe 17)

60        L’attitude, les agissements et le comportement récents de M. Mahjoub dénotent également un refus de collaborer avec l’ASFC et de lui faciliter l’exercice du devoir de surveillance que la Cour lui a imposé. En voici quelques exemples :

A.         En janvier 2014, bien que la condition 7 lui ait prescrit de le faire, M. Mahjoub n’a pas donné à l’ASFC l’information exacte sur un voyage effectué de Toronto à Ottawa. Par l’entremise de son avocat, le demandeur a communiqué une heure de départ erronée à l’ASFC, ce qui a empêché cette dernière de dûment assumer son rôle de surveillance. Les explications données à ce titre, soit que l’erreur était imputable à l’avocat et que l’ASFC aurait dû faire part à M. Mahjoub des divergences dans les renseignements, ne sont pas acceptées. La condition 7 imposait à M. Mahjoub de donner l’information exacte sur ses déplacements, et il n’appartenait pas à l’ASFC de pallier l’imprécision des renseignements fournis. Quoi qu’il en soit, vu l’inexactitude flagrante des faits communiqués par M. Mahjoub, l’ASFC n’a pas été en mesure d’exercer les fonctions de surveillance exigées d’elle par la Cour. C’est là une autre indication du manque de collaboration et de coopération de la part de M. Mahjoub.

B.         M. Mahjoub n’a pas transmis, encore à ce jour, les relevés de communications téléphoniques de Startec demandés par l’ASFC, conformément à la condition de mise en liberté 11b), pour la période d’utilisation allant du 31 janvier 2014 au 21 février 2014. La question a été soumise à la Cour à la fin du printemps 2014. La condition 11b) est claire : M. Mahjoub est tenu de transmettre les relevés de communications téléphoniques de Startec pour la période de trois semaines en cause. C’est là un autre exemple du manque de collaboration et de coopération de M. Mahjoub. Quant aux relevés pour l’année 2013, M. Mahjoub n’a toujours pas consenti à les transmettre, même si on lui a demandé de le faire en application de la condition de mise en liberté 11a) imposée le 31 janvier 2013. M. Mahjoub invoque comme motif que l’ASFC ne devrait pas obtenir rétroactivement l’accès à ces relevés de communications. M. Mahjoub n’a pas non plus donné avis du fait qu’il utilisait les services de Startec même si les conditions de sa mise en liberté le requéraient. Il soutient que l’ASFC avait connaissance de son compte Startec et aurait dû en demander plus tôt les relevés. Cet argument ne saurait libérer M. Mahjoub de son obligation de consentir à la transmission des relevés, tel que la Cour le lui a enjoint en application de la condition 11a). Ce comportement, encore une fois, n’est pas l’indice de la collaboration et de la coopération requises par ces conditions. En agissant ainsi, M. Mahjoub fait de nouveau en sorte que l’ASFC ne puisse exercer le rôle de surveillance que la Cour lui a imposé.

C.         Conformément à la condition de mise en liberté 10f) de 2014, M. Mahjoub doit accorder plein accès à l’ASFC à son ordinateur, y compris le disque dur et la mémoire périphérique, sans préavis, et l’ASFC peut saisir l’ordinateur à cette fin. Lorsque l’ASFC lui a demandé un tel accès, le 24 avril 2014, M. Mahjoub ne le lui a pas immédiatement accordé. M. Mahjoub a fait attendre à sa porte le représentant de l’ASFC, qui a cru le voir, étant retourné à son ordinateur, y effectuer des opérations pendant deux minutes. La condition imposée obligeait M. Mahjoub à accorder accès et contrôle à l’ASFC, sans préavis. Il ne l’a pas fait. Il s’est également opposé à ce que le représentant de l’ASFC prenne des photographies, alors que le but visé était de brancher l’ordinateur de la même manière lors de sa réinstallation, et d’attester tout dommage éventuellement subi. Il s’agit d’une procédure habituelle de la part de l’ASFC et d’une politique dont l’application est facile à comprendre. M. Mahjoub n’a pas non plus remis les périphériques USP pour inspection, tel que le requérait la condition 10f), qui prescrivait d’autoriser l’examen non seulement de l’ordinateur, mais aussi de tous les dispositifs mémoire périphériques. S’il n’y a pas eu violation, on en a été bien proche. Pour en finir sur ce point, M. Mahjoub a refusé de fournir le mot de passe de son ordinateur. La Cour a alors rédigé des motifs d’ordonnance et une ordonnance enjoignant à M. Mahjoub de s’exécuter (voir Mahjoub (Re), 2014 CF 479, plus particulièrement au paragraphe 21). Il a semblé évident à la Cour que M. Mahjoub devait donner son mot de passe pour qu’on puisse procéder à l’examen de l’ordinateur. Ce qui semblait évident à la Cour ne l’était toutefois pas pour M. Mahjoub. Ce type de comportement ne peut que dénoter un manque de collaboration et de coopération et, non seulement dessert les intérêts de M. Mahjoub, mais aussi rend plus difficile, voire impossible, pour l’ASFC d’assumer le rôle de surveillance que la Cour lui impose dans les Conditions de mise en liberté tant de 2013 que de 2014.

61        M. Mahjoub explique qu’il vise à s’assurer, par son comportement, que la portée des conditions de sa mise en liberté ne soit nullement élargie et que sa vie privée soit respectée. Ces motifs sont valables, dans une certaine mesure, mais on ne doit pas les invoquer pour vider de tout sens véritable les conditions de mise en liberté et empêcher la surveillance de l’utilisation des dispositifs de communication, des ordinateurs et des autres modes de transmission de données, de renseignements et d’images. Sans surveillance adéquate de la part de l’ASFC, les conditions de mise en liberté perdent toute utilité.

[45]           J’ajoute que, dans l’ordonnance du 20 juillet 2016 sur les conditions de mise en liberté, la Cour a assoupli plusieurs restrictions concernant M. Mahjoub. Elle a aussi convenu avec les ministres que le demandeur ne présentait aucune difficulté pour ce qui est de la conformité.

[46]           Cela dit, ses antécédents et les conclusions de si nombreux contrôles de mise en liberté réalisés par d’aussi nombreux juges désignés continuent de peser sur moi et militent pour un changement des conditions de mise en liberté. Je reconnais que ces conclusions antérieures ne sont pas déterminantes; la Cour n’approuve pas aveuglément les décisions antérieures. Mais ni la Cour ni le demandeur ne peuvent écarter les nombreuses conclusions négatives contre lui. Cumulativement, même compte tenu des modifications apportées l’an dernier, ce facteur milite en faveur du maintien du statu quo.

[47]           Cela s’avère d’autant plus le cas compte tenu de mes conclusions sur la crédibilité dans l’ordonnance du 20 juillet 2016 sur les conditions de mise en liberté où le demandeur, pour la première fois depuis qu’il a comparu devant le juge Nadon (tel était son titre alors), faisait l’objet d’un contre-interrogatoire. Voici ce que j’ai conclu aux paragraphes 86 à 95 :

86.       Il est à noter que les déclarations en cause devant la juge Dawson avaient été faites sous le régime que Charkaoui I avait plus tard déclaré anticonstitutionnel parce que contraire à la Charte. Or le juge Blanchard, dans une instance à laquelle le demandeur était aussi partie, a adopté [traduction] « toutes les conclusions de droit formulées par la juge Dawson dans son ordonnance motivée en date du 26 février 2010 », soit la décision que je viens de citer.

87.       Franchement, la preuve du demandeur ne m’a pas impressionné, et j’y accorde peu de poids. Sa stratégie, appliquée par son avocat, consistait à interrompre à tout propos l’avocat des ministres au cours de son contre-interrogatoire. Chacune de ces nombreuses interruptions par son avocat, dont certaines ne revêtaient même pas la forme d’objections, avait pour effet de permettre au demandeur de gagner du temps pour répondre et de le défendre contre des questions légitimes, et dans divers cas, lesdites interruptions équivalaient presque à des conseils tactiques ou même à des suggestions de réponses.

88.       Ces interruptions se sont poursuivies malgré la latitude considérable dont jouit le contre-interrogateur, les conditions rigoureuses qui limitent les interruptions pendant les contre-interrogatoires, et même les avertissements de la Cour.

89.       Finalement, le demandeur, par le truchement de son avocat, est passé d’interruptions qui ne se prétendaient manifestement pas des objections à des interruptions – multiples elles aussi – présentées cette fois sous forme d’objections. Ces interruptions se faisaient plus fréquentes à chaque fois que l’avocat des ministres abordait une nouvelle question. À mon sens, la plupart des objections du demandeur, si ce n’est presque toutes, étaient dénuées de fondement.

90.       Je remarque aussi que le demandeur a témoigné avec l’aide d’un interprète, alors qu’il a très fréquemment répondu en anglais, et dans ce que je considère comme un très bon anglais.

91.       À mon avis, la multiplicité des interruptions injustifiées de son contre-interrogatoire et le fait que son avocat lui ait suggéré ses réponses en réinterrogatoire ont eu pour effet cumulatif de réduire considérablement la crédibilité du demandeur. Ces manœuvres ont compliqué pour la Cour la tâche de discerner le véritable M. Mahjoub et de se faire une opinion sur lui. Le juge Noël a fait observer dans sa décision que le demandeur donnait l’impression d’avoir « quelque chose à cacher ». Le témoignage du demandeur à l’audience, pris dans son ensemble, a eu pour effet de dissimuler encore une fois le demandeur à la Cour, de sorte que mes inquiétudes touchant le danger qu’il représente n’ont en rien été atténuées.

92.       Le demandeur, dans son mémoire, a expressément prié la Cour de l’autoriser à fréquenter des armureries. Il a répondu en contre-interrogatoire de manière défensive et ergoteuse. Son attitude trahissait une méconnaissance profonde de sa situation réelle. Il a demandé à être traité comme toute autre personne au Canada. Or il n’est pas comme toute autre personne – [traduction] « tout autre citoyen », pour reprendre les termes de son avocat : il n’est pas un citoyen canadien, mais un ressortissant étranger interdit de territoire sous le régime de la LIPR. Il fait l’objet d’un certificat de sécurité, délivré en vertu de dispositions législatives que la Cour suprême du Canada a déclarées constitutionnelles. Et le caractère raisonnable de ce certificat de sécurité a été confirmé après un contrôle très approfondi du juge Blanchard, dont la décision demeure valable tant qu’elle ne sera pas infirmée en appel.

93.       En outre, interrogé au sujet de son mensonge avoué devant le juge Nadon (alors membre de la Cour fédérale), il a vigoureusement soutenu qu’il avait eu une bonne raison de mentir à notre Cour, à savoir qu’il l’avait fait pour protéger quelqu’un d’autre. Le demandeur n’accepte pas le principe de l’interdiction du mensonge. Il n’a manifesté à cet égard aucun remords réel. Ses réponses montrent qu’il ne reconnaît pas pleinement ses obligations en tant que témoin. À mon humble avis, son témoignage à l’audience a confirmé qu’il se parjurerait de nouveau s’il pensait avoir une bonne raison de le faire; il se considère à tort comme autorisé à décider souverainement quand il peut mentir à notre Cour et quand il lui dira la vérité. C’est là une tare inquiétante de son rapport avec notre Cour, qui entame encore plus sa crédibilité.

94.       Le demandeur a également admis en contre-interrogatoire qu’il avait utilisé le nom d’emprunt « Shaker » en rapport avec les activités que le juge Blanchard a examinées dans sa décision sur le caractère raisonnable. Or le demandeur, avant celle-ci, avait plusieurs fois nié ce fait au cours d’interrogatoires du SCRS en plus de le contester devant le juge Blanchard. En fin de compte, ce dernier a conclu à [traduction] « l’insuffisance de la preuve tendant à établir que M. Mahjoub aurait utilisé le nom d’emprunt Shaker ».  « [I]l est de la plus haute importance, ajoutait le juge Blanchard au paragraphe 248, que [les ministres] n’aient produit absolument aucun élément XXXXXXXXXXXX pour justifier la mise en rapport de M. Mahjoub avec le nom d’emprunt “Shaker” ».  Nous savons maintenant que le demandeur a effectivement utilisé ce pseudonyme, ce qu’il n’a pas admis devant le juge Blanchard. À en juger d’après le dossier public, cet aveu me semble venir au soutien de la thèse que le demandeur était à tout le moins un moudjahid. Ledit aveu, si le demandeur l’avait fait devant le juge Blanchard, aurait à mon sens changé sensiblement la décision sur le caractère raisonnable : le juge Blanchard a lui-même souligné la « haute importance » de l’impossibilité où il se trouvait de conclure que le demandeur eût utilisé le nom d’emprunt « Shaker ».

95.       La preuve m’amène à conclure non pas que le demandeur ait cessé de constituer un danger, mais au contraire que le danger subsiste. Il faut attribuer la diminution du danger qu’il représente aux conditions de sa mise en liberté plutôt qu’à une quelconque transformation de sa personne. Ce fait ne milite pas pour l’annulation de ces conditions, mais doit à mon humble avis inciter plutôt à les maintenir afin de neutraliser le danger, conformément à la visée de l’article 85 de la LIPR.

[48]           Malgré son insistance pour qu’elles soient ignorées, ces conclusions n’étayent pas la demande du demandeur d’annuler toutes les conditions de mise en liberté, exception faite des conditions habituelles.

2.       L’appréciation par la Cour du danger pour la sécurité du Canada associé au demandeur, à la lumière des éléments de preuve présentés

[49]           En droit, les ministres ont le fardeau initial d’établir l’existence du danger. Les faits doivent démontrer que le danger est grave, en ce sens qu’il repose sur des soupçons objectivement raisonnables qui sont étayés par la preuve et que le préjudice potentiel résultant de ce danger est sérieux et non pas négligeable, comme l’a exposé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Suresh.

[50]           À cet égard, les éléments de preuve n’ont pas changé de façon importante depuis le dernier contrôle, sauf pour ce qui est de la conformité du demandeur aux conditions assouplies. Mais il s’agit d’une inférence conforme au bon sens, et une inférence que je tire, à savoir que parce que les conditions étaient moins pénibles, le demandeur aurait moins de difficulté à s’y conformer. À elle seule, cette raison ne justifie pas l’allègement demandé dans la présente demande. J’en arrive à cette conclusion sans l’avantage de quelque conclusion que ce soit qui a pu être tirée dans la plus récente évaluation du risque de l’ASFC, que le demandeur a demandé à la Cour de ne pas lire; je ne sais pas si cela aide la cause du demandeur à cet égard ou lui nuit.

[51]           Le demandeur dit que le fait de satisfaire aux conditions de mise en liberté signifie qu’il ne présente plus un danger. Cela soulève la question de savoir s’il n’est plus de lui-même un danger, ou si les conditions de mise en liberté ont neutralisé ce danger. Le demandeur soutient que la Cour, en droit, peut ne pas conclure que les conditions de mise en liberté ont neutralisé son danger sans [traduction] « preuve ». Il semble insister sur le fait que cette « preuve » ne peut pas se fonder sur une déduction tirée des éléments de preuve dont la Cour est saisie.

[52]           En cela, et respectueusement, le demandeur n’a pas raison. À l’examen du dossier, la Cour peut déduire des éléments de preuve, comme elle le fait maintenant, que le fait que le demandeur ne soit pas actuellement impliqué dans des activités qui mettent en danger les Canadiens est attribuable aux conditions de sa mise en liberté, voire que ces dernières en sont la cause.

[53]           Le demandeur soutient en outre que les décisions antérieures sur lesquelles s’appuie la Cour et la décision sur le caractère raisonnable ne peuvent pas établir la dangerosité du demandeur. En cela, il se trompe. Bien que je convienne que la décision sur le caractère raisonnable ait essentiellement évalué la conduite du demandeur en ce qui concerne le certificat de sécurité et, par conséquent, se soit concentré sur la conduite antérieure, l’affaire ne se termine pas là. La Cour peut évaluer tant le danger présent que futur par rapport à la conduite antérieure du demandeur qui est présentée dans la décision sur le caractère raisonnable. S’il en était autrement, la mise en liberté et l’annulation des conditions de mise en liberté seraient pratiquement automatiques, voire automatiques, dans tous les cas. La conduite antérieure est très pertinente pour évaluer la dangerosité présente et future, et je ne vois aucun fondement dans la suggestion du demandeur.

[54]           Personne ne laisse entendre que le demandeur participe actuellement à des activités dangereuses pour les Canadiens; par contre son appui actif et important auparavant pour des terroristes, notamment M. ben Laden, Al Qaeda et d’autres sont des faits qui me portent à conclure qu’il représente un danger grave, en ce sens qu’elle doit reposer sur des soupçons objectivement raisonnables et étayés par la preuve, et en ce sens que le danger appréhendé doit être sérieux, et non pas négligeable, comme l’exige la LIPR comme l’a exposé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Suresh.

[55]           D’ailleurs, il faudrait souligner que ses conditions de mise en liberté sont, à de nombreux égards, conçues pour neutraliser le danger que le demandeur prenne ou reprenne contact avec des terroristes ou communique avec eux, comme il l’a fait par le passé, comme l’a conclu la Cour dans la décision sur le caractère raisonnable.

[56]           Par conséquent, ce facteur appuie le maintien des conditions actuelles de mise en liberté, indépendamment du fait que le SCRS ne considère plus le demandeur comme une menace pour la sécurité du Canada conformément à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.

[57]           À cet égard, le demandeur a attiré l’attention de la Cour sur une décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans Ali c. Canada (Ministre de la Sécurité publique  et de la Protection civile) et al.., 2017 ONSC 2660 [Ali], où, agissant en vertu de sa compétence quant au principe d’habeas corpus, la Cour supérieure a examiné la détention de M. Ali en vertu de la LIPR. On m’a renvoyé aussi à une autre décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, soit Wang c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) et al., 2017 ONSC 2841. Finalement, on m’a renvoyé à une décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans R c. Panday, 2007 ONCA 598, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 32434 (3 avril 2008).

[58]           L’avocat s’est appuyé sur plusieurs points présentés dans Ali :

   une détention ne peut être justifiée si elle n’est plus raisonnablement nécessaire à l’appui du mécanisme de contrôle de l’immigration;

   l’objectif en vertu de la LIPR n’est pas le châtiment des détenus qui ne collaborent pas;

   les autorités ne peuvent pas se dégager du fardeau qui leur incombe de démontrer que la détention continue de M. Ali est justifiée, aux fins d’immigration, en fonction du scepticisme et de la spéculation.

[59]           Acceptant ces préoccupations comme étant légitimes, je ne suis pas convaincu qu’elles aident le demandeur dans les circonstances de l’espèce. De façon générale, l’arrêt Ali concernait une détention tandis que la présente affaire concerne les conditions de mise en liberté. Les conditions de mise en liberté du demandeur ont été assouplies au fil de plusieurs contrôles successifs étalés sur plusieurs années. À ce moment-ci, nous sommes très loin des conditions rigoureuses imposées à l’origine lorsque le demandeur a été libéré, alors qu’il était assujetti à la surveillance au moyen d’un bracelet GPS à la cheville, à des cautions de surveillance et à l’interception des communications téléphoniques et du courrier, de même que de nombreuses autres conditions qui ont depuis été annulées. Le demandeur n’est plus incarcéré; ses conditions de mise en liberté sont le résultat de décisions évolutives fondées sur des faits rendues par les juges désignés de la Cour en fonction des éléments de preuve devant eux.

[60]           Le demandeur soutient que les conditions de mise en liberté ne peuvent pas s’éterniser. Cet argument comporte une lacune; en effet ce n’est pas ce qui s’est produit en l’espèce : ses conditions ont été révisées régulièrement et rajustées, puis assouplies au fil du temps, même si à l’occasion elles ont été resserrées en réponse à la conduite du demandeur.

[61]           La présente affaire comporte la mise en liberté d’une personne désignée dans un certificat de sécurité délivré pour des motifs de sécurité nationale en vertu d’un régime législatif valable sur le plan constitutionnel : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Harkat, 2014 CSC 37, au paragraphe 4. De plus, ce certificat de sécurité a été mis à l’épreuve et jugé raisonnable par la Cour dans sa décision sur le caractère raisonnable. M. Mahjoub est un associé de haut niveau de M. ben Laden. Il était activement impliqué dans des milieux terroristes sérieux. En effet, la décision sur le caractère raisonnable a conclu que « M. Mahjoub était au courant de l’entraînement au maniement des armes dispensé par Al‑Qaïda à la ferme de Damazine et il était complice de cette activité » au Soudan. Bien que le demandeur n’ait pas donné d’éléments de preuve lors de l’examen du caractère raisonnable, comme cela était son droit, il a reconnu son travail pour M. ben Laden en tant que gestionnaire de la ferme au Soudan lorsqu’il a été contre-interrogé devant la Cour lors de l’audience qui a mené à l’ordonnance du 20 juillet 2016 sur les conditions de mise en liberté. Son implication avec des terroristes n’est par conséquent pas une affaire de scepticisme ou de spéculation, mais une constatation de fait au terme d’un long acte de procédure qui a duré plusieurs années et qui a été mené devant la Cour et tranché par feu le juge Blanchard. La Cour ne peut pas écarter ces conclusions ainsi que d’autres à cet égard, exposées dans la décision sur le caractère raisonnable.

[62]           Il n’existe aucun élément de preuve qui laisse entendre que le demandeur est puni pour son absence de collaboration; le dossier démontre que ses conditions de mise en liberté ont été révisées régulièrement et rajustées dans un effort continu d’équilibrer ses droits par rapport aux objectifs et à la raison d’être de la LIPR.

[63]           Le demandeur se fonde aussi sur un affidavit d’un certain Vaughan Barrett remontant à 2012 que le demandeur a déposé lors d’une audience précédente, il y a plusieurs années. Cependant, je ne peux pas y accorder beaucoup de poids en raison de sa généralité et à cause du manque d’expertise pertinente et de connaissances spécialisées de M. Barrett, tant du demandeur que de ses circonstances actuelles. M. Barrett ne semble pas posséder d’expertise relativement aux procédures de détention dans le contexte d’un certificat de sécurité. En outre, son expérience professionnelle à cet égard consiste à avoir aidé lors d’audiences de libération conditionnelle avant 2003. Le fait que ses opinions ne sont pas fondées sur des entrevues sur les circonstances du demandeur ou sur les connaissances de ces dernières vient affaiblir davantage ses éléments de preuve. Ces conclusions ont été tirées par feu le juge Blanchard dans cette affaire il y a quelque quatre années et demie (Re Mahjoub, 2013 CF 10, aux paragraphes 26 et 27), alors que la Cour a ajouté que les éléments de M. Barrett avaient peu de pertinence « puisqu’il n’a pas été établi que son expertise dépassée était applicable aux circonstances actuelles ». Dans les circonstances, j’accorde peu de poids à la présente demande.

[64]           À cet égard, le demandeur a demandé que la question suivante soit certifiée :

2.         À savoir si les conditions de mise en liberté, telles celles imposées à M. Mahjoub, deviennent abusives et arbitraires, en contravention des articles 7, 8 et/ou 12 de la Charte compte tenu de la conclusion du SCRS selon laquelle il ne constitue aucune menace et ne représente pas un risque de fuite?

[65]           Comme l’indique l’ordonnance du 20 juillet 2016 sur les conditions de mise en liberté, le SCRS a informé la Cour qu’il ne considère plus que le demandeur constitue une menace pour la sécurité nationale. Il en a informé des organismes nationaux et internationaux et a demandé qu’ils prennent les mesures appropriées. De plus, le demandeur ne semble pas représenter un risque de fuite.

[66]           Toutefois, cette question proposée ne se prête pas à la certification, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, elle est factuelle et, par conséquent, ne donne pas lieu à une question de portée générale. Deuxièmement, elle ne permettrait pas de régler un appel. Troisièmement, dans la mesure où elle ne détermine pas la ou les conditions qui violent les droits prévus par la Charte des droits et libertés, la question proposée constitue une tentative inacceptable d’obtenir un droit général d’appel à l’encontre de toutes les conditions de mise en liberté compte tenu de la disposition législative contraire exposée à l’article 82.3 de la LIPR. Pour ces motifs, cette question n’est pas certifiée.

3.             Le cas échéant, la décision relative au caractère raisonnable du certificat

[67]           La décision sur le caractère raisonnable sur le certificat de sécurité est l’aboutissement d’un long processus d’audience au cours duquel le demandeur a connu du succès sur certains points, mais non sur de nombreux autres, et a été infructueux de façon globale. Bien qu’il insiste sur les points à l’égard desquels il a connu du succès, il ne peut pas écarter les faits conclus par la Cour pour déterminer si le certificat de sécurité était raisonnable. Rien dans les éléments de preuve sur la demande d’aujourd’hui ne laisse entendre qu’un changement est justifié à ce titre. Cela joue contre le demandeur.

4.       Les éléments de confiance et de crédibilité touchant le comportement du demandeur après sa mise en liberté sous conditions et son respect de celles-ci

[68]           Ces points ont été revus auparavant. À cet égard, je renvoie aux conclusions de mon ordonnance du 20 juillet 2016 sur les conditions de mise en liberté. À ce moment-là, j’avais l’avantage d’entendre le demandeur donner des éléments de preuve et j’ai conclu qu’il n’a pas dissipé mes préoccupations, mais, à la place, m’a donné l’impression qu’il avait quelque chose à cacher.

[69]           Cela étant dit, le demandeur reçoit un certain crédit du fait de sa conformité aux conditions de mise en liberté auxquelles il est assujetti en ce moment. Je n’ai aucun élément de preuve de la position actuelle de l’ASFC ou d’inquiétudes à cet égard – à savoir si l’évaluation du risque de l’ASFC va dans un sens ou dans un autre m’est totalement inconnu, comme il est indiqué plus haut.

[70]           Néanmoins, respecter des conditions de moins en moins pénibles comme c’est le cas en l’espèce pour le demandeur ne justifie pas, à mon avis, l’annulation de toutes les conditions, sauf les conditions habituelles, que demande le demandeur. Ce facteur ne milite que légèrement en faveur du demandeur, étant donné le danger qu’il continue de présenter.

5.         L’incertitude quant à la fin éventuelle des procédures

[71]           Le demandeur soutient que son statut de réfugié au sens de la Convention est un facteur pertinent à prendre en considération dans le cadre de l’examen des conditions, notamment pour déterminer pendant combien de temps ces conditions sont susceptibles d’être maintenues conformément à l’alinéa 248c) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/93-22 aux paragraphes 114 et 115 de l’arrêt Charkaoui I.

[72]           J’ai examiné et conclu que cela était prématuré dans mon ordonnance du 20 juillet 2016 sur les conditions de mise en liberté et je conclus de la même façon aujourd’hui. J’ai alors déclaré :

105.     Le juge Noël a formulé les observations suivantes à ce propos dans son contrôle des conditions de mise en liberté en date de juillet 2014 :

[63]      Dans la mesure où l’on procède à des contrôles rigoureux et périodiques des motifs de la détention, ou des conditions de mise en liberté, les longues périodes de détention ou de mise en liberté sous conditions qui ont une incidence sur la vie et les droits d’un individu ne constituent pas des violations de la Charte (voir Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, au paragraphe 123, [2007] ACS n° 9).

[64]      La Cour a rendu la décision sur le caractère raisonnable ainsi que diverses autres décisions visant le demandeur, mettant notamment en cause l’abus de procédure et l’arrêt des procédures. Les procédures en sont rendues en bonne partie maintenant au stade de l’appel, et la Cour d’appel fédérale se prononcera sur toutes les questions soulevées dans l’avis d’appel ou dans le cadre de l’appel lui-même. Le demandeur tire profit de la procédure d’appel et celle-ci exige du temps.

[65]      On a procédé et on procède toujours à des contrôles continus des conditions de mise en liberté de M. Mahjoub. Des contrôles se sont déroulés et des décisions ont été rendues en janvier 2013, en décembre 2013, en janvier 2014 et pendant l’été 2014 (la présente décision). Sur une période d’un peu plus de 18 mois, M. Mahjoub a eu droit à trois audiences relatives au contrôle des conditions de sa mise en liberté et à trois décisions.

[66]      Procéder à des contrôles vigoureux des conditions de mise en liberté ne veut pas nécessairement dire accorder à M. Mahjoub ce qu’il désire. De tels contrôles obligent la Cour à procéder à un examen approfondi des conditions imposées et de leur nécessité, c.-à-d. de s’assurer non seulement qu’elles sont nécessaires pour neutraliser le danger qu’elle estime exister, mais aussi qu’elles portent une atteinte minimale aux droits et à la liberté du demandeur. Pour que des conditions moins invasives soient approuvées, il faut démontrer (1) que le danger a diminué, et (2) que les conditions permettent de neutraliser ce risque moins élevé. Le demandeur a à cet égard fortement intérêt à collaborer et à coopérer pour que, par la surveillance, on puisse attester le respect des conditions. Fort d’une telle preuve de conformité, le demandeur peut alors faire valoir que les conditions ne sont pas nécessaires. C’est là le sens d’un contrôle rigoureux.

[73]           Le juge Noël a répété ces observations dans sa décision du 30 octobre 2015 sur les conditions de mise en liberté, en y ajoutant ce qui suit :

[100]    L’avocat de M. Mahjoub fait valoir que la situation qui existe en Égypte fait en sorte qu’il pourrait être soumis à la torture ou à d’autres traitements inhumains, de sorte qu’il est impossible d’exécuter la mesure d’expulsion prise contre lui par suite de la conclusion suivant laquelle le certificat a été jugé raisonnable. Par conséquent, les conditions de sa mise en liberté devraient être levées, au motif qu’elles sont déraisonnables et arbitraires.

[101]    Le processus d’appel se déroule comme prévu, et aucune décision définitive et déterminante n’a encore été rendue. Cet argument pourra peut-être être invoqué à l’avenir, mais il ne peut l’être pour le moment et ne peut donc être retenu.

[74]           Le demandeur se fondait sur la Cour européenne des droits de l’homme, invoquant la décision de la Chambre des lords du Royaume-Uni dans A (FC) and others (FC) (Appellants) v Secretary of State for the Home Department (Respondent) - 3455/05 [2009] ECHR 301 (19 février 2009) :

17.       Les requérants ont obtenu l’autorisation d’en appeler auprès de la Chambre des lords, qui a rendu son jugement le 16 décembre 2004 ([2004] UKHL 56). Une majorité des juges qui siègent à la Chambre des lords, explicitement ou implicitement, a conclu que la détention des requérants en vertu de la partie 4 de la Loi de 2001 ne relevait pas de l’exception au droit général de liberté exposé à l’alinéa 5 § 1f) de la Convention (voir Lord Bingham, aux paragraphes 8 et 9; Lord Hoffman, au paragraphe 97; Lord Hope, aux paragraphes 103 à 105; Lord Scott, au paragraphe 155; Lord Rodger, au paragraphe 163; Baronne Hale, au paragraphe 222). Lord Bingham a résumé la position ainsi :

9.         [...] [traduction] Une personne qui commet un crime grave sous le régime du droit pénal du présent pays peut bien entendu, qu’il s’agisse d’un ressortissant ou non, être accusée, traduite en justice et, si reconnue coupable, emprisonnée. Par contre, un non-ressortissant qui pourrait être exposé à la torture et à un traitement inhumain s’il était renvoyé dans son propre pays, et qui ne peut pas être expulsé vers un troisième pays, et qui n’est pas accusé d’un crime, ne peut pas en vertu de l’alinéa 5(1)f) de la Convention et de l’annexe 3 de la Immigration Act 1971 être détenu ici même s’il est jugé une menace pour la sécurité nationale.

[Soulignement ajouté par le demandeur]

[75]           Ce cas ne s’applique pas à la situation du demandeur parce qu’il met en application des dispositions législatives particulières adoptées au Royaume-Uni. Le demandeur n’a pas été en mesure de montrer une seule disposition semblable dans le droit canadien; par conséquent, je rejette ses arguments sur ce point.

[76]           Le demandeur a aussi fait valoir un argument concernant le danger en vertu de la LIPR et la non-existence d’un avis de danger en vertu de la LIPR. D’après ce que je comprends, son argument renvoie au fait que bien qu’il y ait des conclusions successives de la Cour que le demandeur constitue un danger en vertu du paragraphe 82(5) de la LIPR, le ministre n’a pas déposé un avis de danger en vertu de l’alinéa 115(2)b) de la LIPR. À mon avis, il n’y a pas d’incohérence; le premier traite des conditions de détention ou, comme dans l’espèce, des conditions de mise en liberté, tandis que l’article 115 met en œuvre une exception au principe du non-refoulement des personnes protégées. L’alinéa 115(2)b) permet au ministre de renvoyer une personne protégée si, entre autres choses, le ministre est d’avis que la personne protégée constitue un « danger pour la sécurité du Canada ». Cela étant dit, je ne vois pas comment le fait que le ministre n’ait pas agi en vertu de l’alinéa 115(2)b) soit en faveur de M. Mahjoub, comme il le soutenait. Le pouvoir en vertu de l’alinéa 115(2)b) est distinct d’un contrôle des conditions en vertu du paragraphe 82(5). Après examen, je ne suis pas convaincu que l’absence d’une ordonnance de renvoi constitue un motif pour assouplir les conditions de mise en liberté.

6.       L’écoulement du temps (pas en soi un facteur décisif – voir Harkat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 416, au paragraphe 9, [2007] ACF n° 540

[77]           Cela favorise le demandeur, mais n’est pas à lui seul un facteur décisif. Il sera évalué dans l’ensemble, avec sa conformité continue aux conditions de mise en liberté.

7.       L’incidence des conditions de mise en liberté sur le demandeur et sur sa famille et la proportionnalité entre le danger que constitue le demandeur et les conditions de sa mise en liberté

[78]           Il s’agit de la question en litige sur laquelle porte principalement la présente demande. Le demandeur a déposé deux rapports concernant sa santé mentale et une incidence présumée qu’ont les conditions de mise en liberté sur lui et sa famille. Ces rapports font partie de sa demande d’annulation de toutes les conditions, exception faite des conditions habituelles, et aussi des questions qu’il propose de faire certifier.

[79]           La Cour a souligné la justification pour restreindre et surveiller les activités du demandeur, tel qu’il est exposé dans de nombreuses conditions (20 juillet 2016), notamment les communications et les voyages. Une préoccupation sous-jacente a été d’empêcher le demandeur de se lier ou de renouer avec des contacts terroristes : Mahjoub (Re), 2013 CF 10, au paragraphe 47; Mahjoub (Re), 2014 CF 720, au paragraphe 76; Mahjoub (Re), 2015 CF 1232, aux paragraphes 94, 113. À mon humble avis, ces considérations demeurent pertinentes.

[80]           Une fois de plus, je suis d’accord avec les ministres pour dire qu’il est encore nécessaire d’empêcher le demandeur de se lier ou de renouer avec des contacts terroristes; il les avait par le passé et il ne les a pas désavoués depuis, ni leurs objectifs. À ce titre, je suis d’accord avec l’observation des ministres selon laquelle il est important que la Cour continue de fournir à l’ASFC un rôle de surveillance pour s’assurer que les activités du demandeur sont assujetties à une surveillance continue, en particulier ses communications sur Internet (auquel il a accès) et par téléphone mobile, qu’il peut avoir en sa possession mais qu’il n’a pas encore acquis).

[81]           Les ennuis de santé du demandeur ont fait l’objet d’un examen et d’observations du juge Noël dans sa décision du 30 octobre 2015 sur les conditions de mise en liberté :

[103]    Dans cette section, j’ai l’intention de formuler quelques observations sur l’incidence perçue des conditions de mise en liberté sur M. Mahjoub. Je vais également me pencher sur la proportionnalité entre, d’une part, le danger que constitue le demandeur et, d’autre part, les conditions de mise en liberté, en tentant ainsi de minimiser l’atteinte portée à son droit à la vie privée tout en tenant compte de l’objectif consistant à neutraliser le danger en question.

[104]    Entre sa première période de détention jusqu’à maintenant, la santé de M. Mahjoub a souvent été un facteur que les juges désignés ont examiné. Qu’il s’agisse d’une courte période de détention, d’une longue période de détention, d’une mise en liberté assortie de conditions aussi strictes qu’une détention à domicile ou encore de conditions assouplies avec le temps selon l’évolution du danger, la question de la santé de M. Mahjoub et de l’incidence des conditions de mise en liberté sur son bien-être général a constamment été appréciée, comme les décisions antérieures le démontrent (voir Mahjoub – novembre 2005, précitée, aux paragraphes 11 et 37; Mahjoub – février 2007, précitée, aux paragraphes 76 à 82; Mahjoub (Re) – novembre 2009, précitée, aux paragraphes 115 et suivants; Mahjoub (Re) – janvier 2013, précitée, aux paragraphes 22 à 28; Mahjoub (Re) – décembre 2013, précitée, au paragraphe 11; Mahjoub (Re) – juillet 2014, précitée, aux paragraphes 70 à 72).

[105]    Les derniers motifs d’ordonnance de juillet 2014 ont été portés à la connaissance du Dr Donald Payne en vue de la rédaction de son rapport le plus récent du 14 mai 2015 qui fait partie de la preuve présentée par M. Mahjoub dans le cadre du présent contrôle. Les raisons pour lesquelles la Cour n’a pas retenu le dernier rapport du DPayne, comme elle l’a signalé aux paragraphes 70 à 72 de la décision de juillet 2014, ne seront pas reproduites, mais il y est fait référence parce que le Dr Payne y répond dans son nouveau rapport. Pour les besoins du rapport de mai 2015, le Dr Payne a rencontré M. Mahjoub une fois pendant une heure et 45 minutes et ne lui a fait subir aucun test en particulier.

[106] En réponse aux observations formulées au sujet des rapports qu’il avait déjà déposés dans le cadre des contrôles précédents, le Dr Payne a expliqué que ces rapports visaient [traduction] « [...] à démontrer l’ampleur de la frustration et du découragement de M. Mahjoub en raison des contraintes avec lesquelles il devait composer » et il ajoute ceci : [traduction] « [...] je ne puis formuler de commentaires au sujet de l’authenticité de ses préoccupations ».

[107]    J’abonde dans le sens du Dr Payne lorsqu’il explique comment M. Mahjoub dépeint la façon dont il fait face aux conditions de sa mise en liberté dans sa vie quotidienne et les frustrations que leur mise en pratique lui occasionne. Quant aux diagnostics qui ont été posés, la Cour les a pris en considération lors du contrôle antérieur.

[108]    Il n’y a aucun doute que la vie quotidienne de M. Mahjoub est affectée par la mise en application des conditions de sa mise en liberté, comme on peut aisément le comprendre. Cela étant dit, d’entrée de jeu, le soussigné ne comprend tout simplement pas le passage du rapport du médecin où celui-ci rapporte les propos de M. Mahjoub selon lequel celui-ci considère que les conditions de sa mise en liberté sont [traduction] « pires » que lorsqu’il était [traduction] « [...] détenu à domicile ». Les conditions de mise en liberté faisant l’objet du présent contrôle ne se comparent en rien à sa « détention à domicile » de 2007. Deuxièmement, les propos du Dr Payne reconnaissent que M. Mahjoub a toujours abordé ses conditions de mise en liberté et leur surveillance par l’ASFC [traduction] « [...] constamment dans un esprit antagoniste envers l’ASFC, les conflits entourant les conditions de sa mise en liberté perpétuant ce climat antagoniste ». Le médecin poursuit en expliquant que cette situation [traduction] « [...] explique peut-être pourquoi il est perçu comme ne coopérant pas ». Ces éléments n’aident pas la situation personnelle de M. Mahjoub et ne facilitent pas la tâche de ceux qui ont participé aux contrôles en question, tel que l’ASFC ainsi que les juges désignés. Au paragraphe 56 des observations qu’il formule pour le compte de M. Mahjoub, l’avocat de ce dernier reconnaît ce qui suit : [traduction] « [...] Les conditions imposées à M. Mahjoub ont été considérablement modifiées par la Cour fédérale [...] » M. Mahjoub doit certainement tenir compte de ce fait, et le Dr Payne aurait dû en tenir compte dans son rapport. Or, cette affirmation importante n’a pas du tout été prise en considération.

[109]    Cette dernière observation sur la perception que M. Mahjoub [traduction] « ne coopère pas » se retrouve dans les décisions et les contrôles antérieurs déjà en 2009 et aussi récemment qu’en 2013 et 2014 (voir Mahjoub – mars 2009, précitée, au paragraphe 150; Mahjoub (Re) – décembre 2013, précitée, au paragraphe 17; Mahjoub (Re) – mai 2014, aux paragraphes 18 à 21).

[110]    Si je devais suivre la solution proposée par le Dr Payne à la suite de son diagnostic, mais également la perception qu’il a de M. Mahjoub, je lèverais toutes les conditions de la mise en liberté. Il n’a fait aucune autre proposition. Mais cette façon de voir ne méconnaît-elle pas l’objectif consistant à identifier les conditions susceptibles de faciliter la neutralisation du danger qui a été évalué? Certes, on ne saurait affirmer qu’en raison de l’état de santé que le médecin perçoit chez M. Mahjoub, on doit faire fi du danger qui a été évalué. Il doit exister, dans le domaine médical, des outils permettant de répondre aux préoccupations en matière de santé tout en maintenant un équilibre avec les questions et les objectifs de la société dont la loi exige que l’on tienne compte. Contrairement à ce que j’ai constaté à la lecture d’autres rapports médicaux semblables, le rapport de ce médecin ne prescrit, ne suggère ou ne discute d’aucune thérapie médicale indiquée en pareil cas. Ce genre de suggestion aurait pourtant été utile.

[111]    Ayant défini le danger et analysé la question de la proportionnalité en fonction de celui-ci, la seconde étape consiste à arrêter les conditions de mise en liberté appropriées. Ces conditions doivent tenir compte de ce danger de façon proportionnelle, de manière à porter le moins possible atteinte aux droits à la vie privée de M. Mahjoub. Je réfère le lecteur aux paragraphes 67 à 79 du présent contrôle, en ce qui concerne le danger qui a été évalué, et aux paragraphes 57 à 66, pour ce qui est de la proportionnalité du concept du danger par rapport aux conditions qui sont susceptibles de porter le moins possible atteinte au droit à la vie privée de M. Mahjoub.

[82]           J’ai constaté que le demandeur avait déposé deux lettres : une d’un psychiatre, le Dr Payne, et une d’un médecin de famille, le Dr Shabash. Au départ, ni l’un ni l’autre n’a fourni d’affidavit à l’appui de ses éléments de preuve. Lorsque les ministres ont demandé à contre-interroger le Dr Shabash, l’avocat du demandeur a retiré la lettre du Dr Shabash parce que ses dossiers pouvaient contenir des renseignements non pertinents; en conséquence, il n’y a pas eu de contre-interrogatoire du Dr Shabash. Par conséquent, je ne ferai pas référence aux éléments de preuve du Dr Shabash.

[83]           Le Dr Payne, dans sa lettre en appui au demandeur, datée du 8 février 2017, n’a fait que [traduction] « rapporter » (choix de mot du Dr Payne qui revenait à de nombreuses reprises dans sa lettre) ce que le demandeur lui avait dit. À ce titre, la lettre du Dr Payne reposait, dans une très grande mesure, sur des déclarations par ouï-dire. À mon avis, cela l’affaiblit.

[84]           Dans la lettre du Dr Payne, on pouvait lire que, à l’examen, le demandeur [traduction] « était anxieux et ressentait l’obligation de parler de ses expériences. Il était émotivement indifférent, sans expression d’émotion autre que d’exprimer la pression qu’il ressentait. Il était préoccupé de façon obsessionnelle par sa situation juridique et les restrictions qui y sont associées ». Le Dr Payne a dit qu’à son avis [traduction] « les restrictions juridiques dans sa vie ont eu et continueront d’avoir un effet cumulatif qui a causé et perpétué sa dépression et sa démoralisation, et a limité à l’extrême sa qualité de vie. Les restrictions juridiques le rendent plus vulnérable à réagir fortement aux incidents dans sa vie associés aux abus passés, avec une augmentation marquée dans ses symptômes psychologiques. La tuerie à Québec a grandement intensifié ses symptômes ainsi que ses sentiments de vulnérabilité en tant que musulman et l’absence de justice pour lui. »

[85]           La lettre du Dr Payne n’a pas fait référence de façon précise aux symptômes psychologiques du demandeur, même si on pouvait y lire que le demandeur avait dit qu’il avait [traduction] « de la difficulté à dormir, qu’il se sent anxieux et déprimé, qu’il continue à être isolé socialement, qu’il est préoccupé par ses problèmes avec l’ASFC et ses pensées d’injustice à son égard, et qu’il a de la difficulté à se concentrer et qu’il a des problèmes de mémoire ». On peut lire aussi dans la lettre du Dr Payne que le demandeur consulte pour plusieurs problèmes physiques chroniques.

[86]           Le Dr Payne a terminé en disant ce qui suit : [traduction] « [I]l [M. Mahjoub] devrait être vu de nouveau pour un rapport plus détaillé sur l’effet des conditions actuelles de mise en liberté sur son état mental ». Par contre, et cela est important à mon avis, le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve selon lequel il y aurait eu un suivi.

[87]           Dans l’ensemble, la lettre du Dr Payne n’appuie pas la demande du demandeur voulant que toutes les conditions, sauf les conditions habituelles, soient annulées, en particulier compte tenu de sa conclusion selon laquelle le demandeur « devrait être vu de nouveau pour un rapport plus détaillé sur l’effet des conditions actuelles de mise en liberté sur son état mental ».

[88]           À mon humble avis, cette conclusion prive le rapport du Dr Payne de la plus grande partie de sa valeur, étant donné le véritable objectif des éléments de preuve du Dr Payne et l’essence du dossier du demandeur est que les conditions actuelles de mise en liberté ont des conséquences négatives sur son état mental. Je souligne que la lettre du Dr Payne a été envoyée plus de trois mois avant l’audience du 16 mai 2017.

[89]           Le Dr Payne a été contre-interrogé et il a concédé à ce moment-là qu’il n’avait pas fait un historique psychiatrique complet de M. Mahjoub pour établir les faits de base.

[90]           Dans son témoignage, le Dr Payne a dit que tout trouble de stress post-traumatique [TSPT] dont a souffert le demandeur était [traduction] « en rémission durant la majeure partie du temps et non une conséquence de choses autres que la tuerie de Québec ». Je conclus que dans la mesure où le demandeur souffre du TSPT, cela n’est pas relié aux conditions actuelles de sa mise en liberté.

[91]           Quant à la dépression du demandeur, le Dr Payne a dit qu’il y avait [traduction] « un lien indirect, mais sans lien direct » aux conditions de mise en liberté. Cela n’est guère un fondement médical adéquat pour l’annulation de toutes les conditions, sauf les conditions habituelles.

[92]           Le Dr Payne a fondé son opinion, comme on l’a déjà souligné, sur ce que le demandeur lui « rapportait ». Pourtant, en contre-interrogatoire, le Dr Payne lui-même a conclu que [traduction] « l’interprétation des conditions peut ne pas être toujours totalement exacte » et qu’en outre, le demandeur pouvait exagérer au sujet du lien entre les conditions de mise en liberté et les symptômes dont il faisait état :

122      Q. Êtes-vous au courant de circonstances où vous pourriez peut-être avoir exagéré quant à ce qu’exigent les conditions?

R. Son interprétation des conditions peut ne pas être toujours totalement exacte.

123      Q. D’accord.

R. Mais [...]

124      Q. D’accord. Et ce serait un facteur, n’est-ce pas?

R. Mais je n’ai pas l’impression qu’il essaie sciemment de le faire, mais pour ce qui est de dire que les conditions tout comme les méchants qui le limitent, il se peut qu’il puisse, vous savez, exagérer un peu à ce sujet.

125      Q. D’accord. Donc, nous pouvons convenir qu’il peut exagérer parfois au sujet de...

R. Mm-hmm.

[93]           Plus loin dans son témoignage, le Dr Payne a dit que le demandeur : [traduction] « [...] est obsédé au sujet des conditions, ce qui correspond à son caractère d’être très – d’être une personne obsessive, comme on l’a indiqué dans le rapport Bagby. [...] Il est obsessif. Il se tracasse pour des choses ».

[94]           Je conclus que les conditions de mise en liberté du demandeur ne sont pas reliées à quelque TPST que ce soit dont pourrait souffrir le demandeur. Comme témoin, le Dr Payne a dit que le demandeur pouvait exagérer pour ce qui est du lien de causalité entre les conditions dont il fait état et les conditions de mise en liberté. Le Dr Payne a donné des éléments de preuve selon lesquels le demandeur [traduction] « n’est peut-être pas toujours très exact » quand il interprète l’incidence qu’ont sur lui les conditions de mise en liberté. Tout bien pesé, le dossier ne me convainc pas que les conditions de mise en liberté du demandeur sont reliées à sa dépression.

[95]           Au contraire, à mon humble avis, une partie de la difficulté que rencontre le demandeur à l’égard de ses conditions de mise en liberté provient de son avis obsessif admis quant à la façon qu’il veut que les choses soient. Voilà les éléments de preuve du Dr Payne, tel que je les comprends. À mon avis, il ne s’agit pas d’un motif suffisant pour que la Cour annule les conditions qui neutralisent le danger qu’il constitue. Je souligne aussi l’absence dans les éléments de preuve du demandeur d’un rapport de référence de même que l’absence d’éléments de preuve d’un lien de causalité entre les symptômes qu’il signale et les conditions de mise en liberté.

[96]           Par conséquent, tout compte fait, l’incidence du facteur des conditions de mise en liberté ne favorise pas le demandeur dans le cadre du présent contrôle. À mon humble avis, il n’existe aucun fondement aux prétentions du demandeur selon lesquelles les conditions de mise en liberté ont eu et continuent d’avoir une incidence disproportionnée et négative sur la santé de M. Mahjoub.

[97]           Le demandeur demande de certifier les questions suivantes à cet égard :

1.         À savoir si les conditions de mise en liberté, telles celles imposées à M. Mahjoub, deviennent abusives et arbitraires, en contravention des articles 7, 8 et/ou 12 de la Charte lorsque la personne n’est pas susceptible d’expulsion en fait et en droit et qu’une telle privation perdure depuis plus de 16 ans et, par conséquent, est devenue injustifiée, n’est plus reliée à son objectif sous-jacent d’annulation en vertu de la LIPR (article 80 de la LIPR)?

3.         À savoir si les conditions de mise en liberté, telles celles imposées à M. Mahjoub, deviennent abusives et arbitraires, en contravention des articles 7, 8 et/ou 12 de la Charte dans les circonstances susmentionnées en plus de l’incidence négative reconnue sur sa santé?

[98]           Compte tenu de mes conclusions, ces questions ne ressortent pas des éléments de preuve; elles sont hypothétiques seulement. Il y a une absence d’éléments de preuve d’un lien de causalité entre les conditions de mise en liberté et toute difficulté dont souffre apparemment le demandeur. Le témoin expert du demandeur, le Dr Payne a refusé de donner une opinion sur cette question, indépendamment de son importance. Il est bien établi que pour qu’une question soit certifiée, elle doit ressortir de l’affaire : Varela, précitée au paragraphe 29. À mon avis et en fonction de ces faits, les questions ne ressortent pas « en l’espèce »; par conséquent, il n’est pas approprié de les certifier. En outre, les questions sont factuelles, et ne ressortent pas d’une question en litige de « portée générale » comme l’exige l’article 82.3 de la LIPR. Par conséquent, ces questions ne sont pas certifiées.

8.         Le bien-fondé de l’appel en instance

[99]           Le demandeur a soutenu que le bien-fondé de son appel en instance devrait être un facteur que la Cour d’appel fédérale devrait prendre en considération L’appel auquel il est fait référence est à l’encontre de la décision sur le caractère raisonnable de feu le juge Blanchard. Il a été plaidé en décembre 2016, mais le jugement est en délibéré. Le demandeur dit que son appel lui permet [traduction] « d’être mis en liberté en fonction des conditions habituelles en attendant une décision relativement aux appels ». Tel que je le comprends, le demandeur soutient par voie d’analogie à l’alinéa 679(3)a) du Code criminel, qui prévoit que, dans des affaires criminelles, une condition à prendre en considération lors d’une mise en liberté provisoire par voie judiciaire (caution) en attendant l’issue d’un appel est de savoir si l’appel est « futile ».

[100]       À mon avis, il a peu de fondement, voire aucun. La LIPR ne comporte aucune disposition de la sorte. Deuxièmement, pour poursuivre l’analogie de la caution, il ne s’agit pas d’une décision pour savoir si une caution devrait ou non être accordée, mais, dans les faits, il s’agit d’une décision où une caution a déjà été accordée et où seules les conditions de la caution sont en litige. Troisièmement, la détermination du fondement ou de l’absence de fondement de l’appel du demandeur relève de la Cour d’appel fédérale. Je ne vois pas non plus la logique dans la proposition voulant qu’un exercice non futile d’un droit d’appel à l’égard de la décision sur le caractère raisonnable donne à l’appelant le droit de voir ses conditions de mise en liberté assouplies, en tout ou en partie.

[101]       Respectueusement, ce facteur ne favorise pas le demandeur, pas plus qu’il ne joue contre lui.

Examen des conditions précises en litige dans le cadre du présent contrôle

[102]       Le demandeur s’est présenté devant la Cour avec la demande générale que les conditions de mise en liberté soient annulées, sauf l’engagement de ne pas troubler l’ordre public. À mon humble avis, il ne serait pas responsable de faire droit à cette demande compte tenu de mes conclusions susmentionnées.

[103]       Plus précisément, compte tenu de son danger passé et présent et de la nécessité de neutraliser sa capacité de reprendre les communications avec les terroristes avec lesquels il était précédemment associé, j’accepte que les restrictions relatives à l’accès Internet, que ce soit sur son ordinateur portable, son ordinateur de bureau, sur son téléphone portable ou autrement, demeurent nécessaires, tout comme la capacité de l’ASFC d’obtenir les relevés téléphoniques. Il est également nécessaire et proportionné que l’ASFC ait la capacité de vérifier, en personne, tant les communications que les activités, et d’interdire l’accès à certaines personnes, tel qu’il est actuellement prévu. Il semble que les rapports bimensuels fonctionnent et, à mon avis, continuent d’être nécessaires pour s’assurer des allées et venues du demandeur au Canada; cette mesure est à la fois équilibrée et proportionnée. Je souligne qu’en 2015 elle a été réduite, passant d’hebdomadaire à bimensuelle. Toutes ces conditions sont encore nécessaires, à mon avis, compte tenu des antécédents du demandeur dans ses tractations avec l’ASFC et du fait qu’un grand nombre de ses conditions de mise en liberté se fondent sur la confiance et le fait qu’il se présente en personne. Je ne peux pas ignorer, pas plus que le demandeur d’ailleurs, que par le passé le demandeur a été reconnu avoir une attitude plutôt désinvolte concernant la vérité En effet, dans le cadre du présent contrôle, le témoin expert du demandeur a indiqué que ce dernier était parfois inexact et qu’il exagérait quant aux conditions de sa mise en liberté. La Cour a également conclu, en diverses occasions, qu’il ne disait pas toute la vérité, (par exemple, les conclusions du juge Nadon), qu’il n’était pas fiable et qu’il ne collaborait pas.

[104]       Le demandeur s’est plaint de devoir donner un préavis de quatre semaines à l’ASFC avant de communiquer avec quelqu’un sur Skype, mais compte tenu de la preuve, je ne suis pas disposé à réduire cette condition. Toutefois, il faudrait dire clairement que dès que l’ASFC approuve une communication avec une personne sur Skype, le demandeur n’est pas tenu d’obtenir cette permission de nouveau chaque fois qu’il communique par la suite avec la même personne pour laquelle il a déjà obtenu l’approbation. Il s’agit d’une thèse que les défendeurs ont exprimé lors de l’audience.

[105]       Le demandeur a aussi demandé à être autorisé de communiquer avec l’ASFC par le truchement de son programme de reconnaissance de la voie; cependant, ce programme n’est pas offert dans le cas des personnes présentant des problèmes de sécurité. Par conséquent, le demandeur n’est pas admissible et sa demande à cet égard ne peut pas être appuyée.

[106]       Les ministres ont cherché à clarifier le fait que le demandeur n’est pas autorisé à accéder à Internet à l’aide d’un téléphone mobile advenant qu’il exerce son droit d’obtenir un téléphone cellulaire. Cette clarification est justifiée et a effectivement été incluse dans ses conditions de mise en liberté. Mon observation à l’effet du contraire était erronée; c’est le jugement qui opère à cet égard.

[107]       Les ministres ont aussi demandé une modification pour que le demandeur configure son ordinateur de façon à ne jamais supprimer ou vider son historique de navigation. J’ai essentiellement fait valoir le même point dans mes motifs de l’ordonnance du 20 juillet 2016 sur les conditions de mise en liberté et je suis d’accord que cela devrait être une condition de mise en liberté.

Examen d’autres conditions de mise en liberté

[108]       À la lumière de ce qui précède, je vais maintenant procéder à un examen des autres conditions de mise en liberté concernant le demandeur. Je préviens le lecteur que je ne donnerai ici qu’un exposé sommaire et rapide de ces questions; le libellé précis de chaque disposition et des conditions y afférentes fait partie intégrante de la présente ordonnance, et on le trouvera à l’annexe « A » de l’ordonnance du 20 juillet 2016 sur les conditions de mise en liberté, qu’il faut lire parallèlement au résumé qui suit, en se rappelant que c’est l’ordonnance qui fixe les conditions proprement dites sur le plan juridique.

(1)                    Engagement de se conformer à chacune des conditions

[109]       Ce point n’est pas contesté, au motif que le demandeur serait vraisemblablement tenu d’accepter cette condition même s’il ne lui était prescrit que l’obligation de ne pas troubler l’ordre public.

(2)                    Cautions et garanties d’exécution

a)   Une somme de 20 000,00 $ à consigner à la Cour par trois (3) personnes;

b)   des garanties d’exécution variant entre 1 000,00 $ et 20 000,00 $, pour un montant total de 46 000,00 $, à signer par six (6) personnes.

[110]       Cette condition ne me paraît pas contestable non plus, puisque des conditions semblables seraient nécessaires dans tous les cas, étant donné la gravité de l’affaire, c’est-à-dire le danger que constitue le demandeur et la nécessité de neutraliser ce danger efficacement.

(3)                    Obligation de se présenter deux fois par mois aux bureaux de l’ASFC à Mississauga

[111]       D’hebdomadaire qu’elle était, cette obligation est devenue bimensuelle en octobre 2015. Elle ne semble guère présenter d’inconvénients pour le demandeur. Cette condition me paraît équilibrée et proportionnée, de sorte qu’elle restera en vigueur, sa suppression ne se justifiant pas pour l’instant.

(4)                    Obligation de résider dans une maison d’habitation ou un appartement sans espace extérieur

[112]       Une fois de plus, cette condition ne semble pas contestée; quoi qu’il en soit, elle devrait être maintenue pour faciliter le contrôle de l’observation.

(5)                    Autorisation de se déplacer dans les limites de la région du Grand Toronto [RGT] sans obtenir l’approbation préalable de l’ASFC, mais interdiction d’entrer dans des établissements de détail dont la fonction principale consiste à fournir un accès à Internet, ou à vendre des armes à feu ou d’autres armes

[113]       Bien que le demandeur n’ait pas expressément demandé de supprimer ces deux conditions, sa demande générale les supprimerait. Elles doivent à mon sens être maintenues. Je ne vois absolument aucune raison d’autoriser le demandeur à fréquenter des armureries compte tenu de son entraînement avec l’armée égyptienne; l’interdiction d’entrer dans des cybercafés est d’une utilité évidente pour la surveillance de l’utilisation de son ordinateur portable et de son téléphone cellulaire, et le contrôle de l’observation des règles y afférentes.

[114]       Le demandeur peut se déplacer, sans avoir à obtenir l’autorisation de l’ASFC, sur tout le territoire de la RGT; à mon humble avis, ces limites de déplacement dans la RGT fournissent au demandeur une latitude plus que suffisante pour exercer des activités légitimes.

(6)          Obligation, pour ce qui concerne les déplacements hors de la région du Grand Toronto, d’en donner un préavis de sept (7) jours à l’ASFC, avec un itinéraire détaillé, et de rester sur le territoire canadien

[115]       Cette condition a été changée de sept à cinq jours le 20 juillet 2016. Elle est utile en ce qu’elle permet à l’ASFC et aux autres services compétents de s’organiser pour retenir le personnel nécessaire et prendre toutes les dispositions adéquates. Cet abrègement devrait réduire le stress du demandeur dans le cas où il voudrait reprendre ses activités à l’extérieur de la RGT. La preuve n’étaye pas une modification et je suis convaincu que le préavis devrait rester à cinq jours.

(7)          L’ASFC pourra surveiller physiquement la résidence du demandeur et ses déplacements, mais devra le faire de la manière la moins attentatoire possible à la vie privée

[116]       Cette condition reste nécessaire en raison du danger et du besoin de le neutraliser au moyen de conditions.

(8)          M. Mahjoub ne communiquera avec aucune personne qu’il sait être partisan du terrorisme ou du djihad violent, ou posséder un casier judiciaire

[117]       Je ne vois aucunement pourquoi cette condition devrait être modifiée, ni d’abord pourquoi le demandeur voudrait tenir de telles conversations. Cette condition est raisonnable et proportionnée; à mon avis elle sera maintenue telle quelle.

(9)          M. Mahjoub pourra utiliser un ordinateur de bureau avec connexion Internet à sa résidence, à condition de fournir les renseignements nécessaires sur son fournisseur Internet

[118]       Cette condition a été changée afin d’éliminer les cautions relatives à la surveillance énoncées dans l’ordonnance du 20 juillet 2016 sur les conditions de mise en liberté. Je réitère à quel point il est important que le demandeur ne supprime pas, manuellement ou automatiquement, les traces de son activité sur Internet de son ordinateur ou de son portable, tel qu’il est indiqué plus haut.

[119]       De cette manière, le demandeur a maintenant à des sites de médias sociaux tels que Facebook et Twitter, ainsi qu’à Skype et à d’autres sites Web. J’ai examiné sa demande de modifier le préavis relativement aux communications de type Skype et j’ai refusé de l’accepter, mais j’ordonne aux ministres de clarifier la disposition relative au préavis, comme il est expliqué plus haut.

(10)      M. Mahjoub pourra utiliser une ligne fixe conventionnelle de téléphone et de télécopieur, mais devra donner à l’ASFC tous les renseignements nécessaires aux fins d’inspection y afférentes. Il pourra aussi avoir un téléphone mobile pourvu des seules fonctions de communication et de messagerie vocales, sous réserve de communiquer à l’ASFC les renseignements nécessaires aux fins d’inspection et de surveillance.

[120]       Depuis le 20 juillet 2016, le demandeur a la possibilité d’utiliser un ordinateur portable avec connexion Internet, et d’accéder, sous conditions, non seulement aux sites Web, mais aussi aux médias sociaux et à Skype. J’ai aussi conclu qu’il devrait pouvoir utiliser un téléphone cellulaire; s’il décidait de le faire (ce qu’il n’ pas fait jusqu’à maintenant), le téléphone cellulaire ne doit alors avoir aucun accès Internet et, à cet égard, je clarifie mes motifs précédents. Je souligne que l’ordonnance comporte déjà cette limite, que je considère équilibrée et proportionnée.

(11)      M. Mahjoub pourra au besoin utiliser une autre ligne téléphonique fixe ou un autre téléphone mobile en cas d’urgence

[121]       Cette condition est raisonnable et proportionnée, étant donné ce qui précède, et elle sera donc maintenue.

(12)      L’ASFC pourra perquisitionner à la résidence de M. Mahjoub, mais seulement si elle a des motifs raisonnables de croire qu’il a enfreint les conditions

[122]       Cette condition, raisonnable et proportionnée, sera maintenue étant donné mes conclusions.

(13)      Ni M. Mahjoub ni son représentant ne pourront filmer les agents de l’ASFC dans l’accomplissement de leurs fonctions afférentes aux conditions de mise en liberté

(14)      L’ASFC protégera et s’abstiendra de communiquer à des tiers toutes photographies prises, et tous renseignements recueillis, aux fins du contrôle de l’exécution des conditions

[123]       Ces deux conditions sont raisonnables et proportionnées; elles seront donc maintenues afin, dans le premier cas, de protéger l’identité des agents chargés d’assurer l’exécution des conditions, et dans le second cas de protéger le demandeur et son droit à la vie privée.

(15)      L’ASFC restera en possession du passeport et des documents de voyage de M. Mahjoub, qui pourra toutefois se déplacer dans les limites du territoire canadien, sur préavis

[124]       C’est là une condition ordinaire pour ce qui concerne les documents de voyage, à la fois raisonnable et proportionnée. Elle sera cependant modifiée en ce qui a trait aux déplacements sur le territoire canadien. Le demandeur peut désormais sortir de la région du Grand Toronto sur préavis de cinq jours au lieu des sept exigés avant le 20 juillet 2016. Cette modification lui donnera plus de liberté tout en maintenant la possibilité d’assurer l’observation des présentes conditions.

(16)      M. Mahjoub se présentera aux autorités compétentes s’il fait l’objet d’une mesure de renvoi du Canada

(17)      M. Mahjoub ne possédera aucune arme et s’abstiendra de troubler l’ordre public

(18)      En cas de manquement à l’une quelconque de ses conditions de mise en liberté, M. Mahjoub pourra être arrêté et traduit devant un juge désigné

[125]       Pour une personne se trouvant dans la situation du demandeur, je considère ces conditions comme normales et habituelles même s’agissant d’un simple engagement de ne pas troubler l’ordre public. La condition relative à l’arrestation et à la comparution est raisonnable et proportionnée, étant donné qu’elle est formulée sous le régime sui generis de la LIPR.

(19)           M. Mahjoub donnera préavis à l’ASFC de tout changement de résidence

[126]       Avant le 20 juillet 2016, le demandeur devait donner un préavis de changement de résidence de 10 jours, qui a maintenant été réduit à trois jours. Cette modification, équilibrée et proportionnée, permettra au demandeur de déménager de manière plus normale, avec moins de stress et de retards.

(20)           Tout manquement aux conditions de mise en liberté constitue une infraction au sens de l’article 127 du Code criminel, LRC 1985, ch. C-45, et pour l’application de l’alinéa 124(1)a) de la LIPR

[127]       Cette condition va de soi; elle est à la fois raisonnable et proportionnée.  Elle sera maintenue.

(21)           Les conditions de mise en liberté pourront être modifiées par un juge désigné

[128]       Cette condition, formulée dans l’intérêt de la clarté, est utile aux deux parties, et elle est à la fois raisonnable et proportionnée.

VII.            Questions à certifier

[129]        Aucune question n’est certifiée pour les motifs exposés ci-dessus.

VIII.         Conclusion

[130]       Les ministres doivent préparer un ensemble modifié de conditions de mise en liberté qui sont un reflet de ce qui précède et le déposer devant la Cour le plus tôt possible. Le demandeur a sept jours ouvrables pour présenter ses observations, les défendeurs auront sept jours ouvrables pour y répondre et, une fois les modifications approuvées, les conditions de mise en liberté du demandeur seront modifiées et entreront en vigueur à la date de ladite approbation par la Cour et pas avant. Les conditions actuelles de mise en liberté demeurent en place jusqu’à ce que la Cour approuve lesdites modifications.

[131]       Sans cela la requête en contrôle des conditions de mise en liberté est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.         La demande du demandeur de déposer l’affidavit d’Amélie Charbonneau fait sous serment le 15 mai 2017 est rejetée.

2.         La requête du demandeur visant le contrôle des conditions de mise en liberté est rejetée, sauf dans la mesure précisée dans les présents motifs du jugement.

3.         Les conditions de mise en liberté exposées au titre de l’annexe « A » dans l’ordonnance de la Cour du 20 juillet 2016 sur les conditions de mise en liberté restent en vigueur jusqu’à ce que la Cour approuve une version modifiée de ces conditions, conformément au paragraphe 4 du présent jugement.

4.         Les ministres doivent préparer un ensemble modifié de conditions de mise en liberté qui sont un reflet des motifs du jugement et le déposer devant la Cour le plus tôt possible. Le demandeur a sept jours ouvrables pour présenter ses observations, les défendeurs auront sept jours ouvrables pour y répondre et, une fois les modifications approuvées, les conditions de mise en liberté du demandeur seront modifiées et entreront en vigueur à la date de ladite approbation par la Cour et pas avant.

5.         Les conditions actuelles de mise en liberté doivent rester en vigueur jusqu’à ce que la Cour approuve les modifications exposées au paragraphe 4 du présent jugement.

6.         Aucune question n’est certifiée.

7.         La demande du demandeur d’autoriser la certification de questions additionnelles après la publication des motifs est rejetée.

« Henry S. Brown »

Juge


ANNEXE « A »                                                                                                    Date : 20170315

Dossier : DES-7-08

Ottawa (Ontario), le 15 mars 2017

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un certificat signé en vertu du

paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR);

 

DANS L’AFFAIRE du dépôt de ce certificat

À la Cour fédérale en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR;

 

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

Mohamed Zeki MAHJOUB

ORDONNANCE

VU QUE LA COUR a examiné les courriels, la correspondance et les documents déposés par le demandeur et les défendeurs soulevant des questions concernant l’audition d’une requête datée du 17 février 2017 par le demandeur pour un nouveau contrôle des conditions de sa mise en liberté;

VU QUE le demandeur a déposé le 10 mai 2016 une requête en contrôle de ses conditions de mise en liberté, suivie par un avis de questions constitutionnelles daté du 25 mai 2016.  Il a choisi de diviser sa preuve, plaidant les conditions de mise en liberté les 9 et 10 juin 2016. À l’époque, le demandeur a choisi de ne pas faire d’observations sur ses questions constitutionnelles proposées; de plus, il n’avait aucune question proposée à certifier. Lors de l’audience, j’ai informé les parties que je voulais un règlement relativement hâtif des questions constitutionnelles. Cela ne s’est pas produit. Quelque six semaines plus tard, le 20 juillet 2016, parce que le demandeur n’avait toujours pas présenté d’observations à l’égard de ses questions constitutionnelles proposées ou questions à certifier, et parce que je ne voulais pas retarder davantage une décision sur ses conditions de mise en liberté, j’ai ordonné l’assouplissement de plusieurs conditions de mise en liberté du demandeur. À ce moment-là, j’ai déclaré : « Je ne suis certainement pas disposé à reporter à la fin de l’automne 2016 ma décision sur les conditions de mise en liberté du demandeur », comme le proposait alors le demandeur;

VU QUE le demandeur a déposé des observations à l’égard des questions constitutionnelles et des questions à certifier le 30 septembre 2016, et qu’une audience visant à trancher les questions constitutionnelles proposées du demandeur et ses questions à certifier a eu lieu les 1er et 2 mars 2017 à Toronto, la décision à cet égard est maintenant en délibéré; 

VU QUE le 10 février 2017, le demandeur a déposé une requête concernant un nouveau contrôle de ses conditions de mise en liberté.  Le ministre s’oppose à cette requête, soutenant que tant que les questions constitutionnelles proposées et les questions de certification ne seront pas tranchées et conclues relativement à la requête en contrôle des conditions de mise en liberté datées du 19 mai 2016, le demandeur n’a pas droit à un autre contrôle de ses conditions de mise en liberté conformément à la condition exposée au paragraphe 82(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés voulant qu’un nouvel examen puisse avoir lieu « une fois expiré un délai de six mois suivant la conclusion du dernier contrôle ». J’ai examiné les observations des parties et j’ai conclu à ces fins et dans les circonstances que mon ordonnance et mes motifs du 20 juillet 2016 constituaient effectivement « la conclusion du dernier contrôle » dont il est fait mention au paragraphe 82(4) de la LIPR;

VU QUE la Cour indique que l’avocat du demandeur a demandé par un courriel daté du 9 février 2017 qu’un juge autre que le soussigné tranche la nouvelle requête en contrôle des conditions de mise en liberté, laquelle requête a été réitérée par lettre de l’avocat du demandeur datée du 13 février 2017;

VU QUE le soussigné est saisi de la requête concernant un nouveau contrôle des conditions de mise en liberté datée du 10 février 2017, et vu qu’il n’y a aucune requête en récusation à cet égard, c.-à-d. aucune requête appuyée par un ou des affidavits, un ou des contre-interrogatoires si exigé, des dossiers de requête, un plaidoyer oral prévu, etc., ne laissant par conséquent à la Cour rien à trancher à cet égard;


ORDONNANCE

PAR CONSÉQUENT, LA COUR ORDONNE que

1                    L’objection des ministres concernant l’audition de la requête en contrôle des conditions de mise en liberté datée du 10 février 2017 est rejetée.

2                    Les ministres ont 20 jours à compter de la date de la présente ordonnance pour signifier une réponse à la requête en contrôle des conditions de mise en liberté du demandeur datée du 10 février 2017.

3                    Une date pour l’audition de la requête doit être fixée par le coordonnateur des rôles.

« Henry S. Brown »

Juge


ANNEXE « B »                                                                                                 Date : 20170511

Dossier : DES-7-08

Ottawa (Ontario), le 11 mai 2017

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un certificat signé en vertu du

paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR);

 

DANS L’AFFAIRE du dépôt de ce certificat

À la Cour fédérale en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR;

 

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

Mohamed Zeki MAHJOUB

ORDONNANCE

VU LA REQUÊTE par le demandeur que la Cour ne reçoive pas ou n’examine pas une évaluation du risque non caviardée préparée par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), et après lecture des observations des parties et des avocats spéciaux, la Cour a conclu que la requête devrait être rejetée pour les motifs suivants :

1.                   La Cour a été informée par les ministres le jeudi 4 mai 2017 d’une récente évaluation du risque de l’ASFC concernant le demandeur, évaluation sur laquelle l’avocat des ministres a dit qu’il ne s’appuierait pas dans le prochain contrôle des conditions de mise en liberté prévu pour le 16 mai 2017. Également le 4 mai 2017, la Cour a ordonné à l’avocat des ministres et aux avocats spéciaux de préparer une version caviardée et de la remettre aux avocats publics au plus tard à la fermeture des bureaux le 8 mai 2017. L’avocat spécial a demandé un délai supplémentaire, en raison de problèmes avec le rôle d’audience. Par conséquent, et tel que le demandait le demandeur, la Cour a reporté le délai au 10 mai 2017.

2.                   L’avocat des ministres a également entrepris de fournir aux avocats publics une ébauche caviardée à l’intention des avocats publics le 5 mai 2017.

3.                   Le vendredi 5 mai 2017, la Cour a demandé la position du demandeur quant à une version non caviardée, en plus de demander un rapport non caviardé pour elle-même. Le rapport non caviardé a été livré à la Cour le 5 mai 2017.

4.                   Le samedi 6 mai 2017, en après-midi, les avocats publics pour le demandeur, ayant été mis au courant de la correspondance à cet effet, ont envoyé un courriel à la Cour et aux avocats et ont allégué que la divulgation de l’évaluation du risque caviardée de l’ASFC était de partie à partie, et ont demandé qu’il en soit ainsi jusqu’à ce qu’ils aient discuté avec le demandeur. Dans ce courriel, on demandait aussi que la Cour n’accueille pas l’évaluation du risque non caviardée.

5.                   Le lundi 8 mai 2017, l’avocat des ministres a réitéré que bien qu’ils ne se soient pas fiés à cette évaluation, la question de ne pas l’accueillir était théorique puisque l’évaluation du risque non caviardée avait déjà été déposée auprès de la Cour le 5 mai 2017. Les ministres ne se sont pas opposés à ce que la Cour n’examine pas l’évaluation non caviardée, mais ont signalé que la Cour pourrait devoir le faire aux termes de l’alinéa 83(1)d) de la LIPR.

6.                   Les avocats spéciaux, à qui l’on avait demandé leurs opinions, ont fait savoir le 8 mai 2017 que la version non caviardée devait être sous scellé et non examinée par la Cour, à moins que le document caviardé n’ait été déposé en preuve.

7.                   Compte tenu des observations des parties, la Cour a ordonné que l’évaluation du risque non caviardée soit placée dans une enveloppe scellée dans le dossier de la Cour.

8.                   Le 10 mai 2017, les avocats spéciaux ont assisté à une rencontre avec l’avocat des ministres et, par la suite, fait rapport à la Cour pour indiquer que les caviardages étaient revendiqués comme il se doit. Ils ont également fait valoir que l’évaluation du risque de l’ASFC non caviardée déposée auprès de la Cour devait demeurer sous scellé. L’avocat des ministres a confirmé la rencontre avec les avocats spéciaux, et ils ont dit qu’il n’y a aucun changement à apporter à la version publique définitive de l’évaluation du risque.

9.                   Les parties ont en leur possession la version caviardée de l’évaluation et sont satisfaits des caviardages, tout comme les avocats spéciaux.

10.               Il semble donc que le demandeur adopte la position voulant que le caviardage ne doive pas être approuvé par la Cour et, en outre, que la Cour ne devrait même pas voir l’évaluation du risque non caviardée de l’ASFC. Tel que je le comprends, ni les ministres ni le demandeur ne s’appuieront sur l’évaluation non caviardée ou caviardée.

11.               Toutefois, la version caviardée est maintenant dans le dossier de la Cour et, en vertu du principe de cour ouverte, la version caviardée peut être consultée par le public, sous réserve des dispositions de confidentialité de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, y compris l’alinéa 83(1)d) auquel l’avocat des ministres a fait référence.

12.               À mon humble avis, il n’existe aucune manière satisfaisante pour autoriser cette affaire, et ce, pour plusieurs raisons. La Cour joue un rôle central et essentiel dans ce qui est et n’est pas divulgué aux avocats publics, et au public dans son ensemble, dans des affaires comme celle-ci. C’est la Cour qui a ordonné aux ministres de fournir une copie du rapport non caviardé aux avocats spéciaux et de consulter ces derniers. La Cour n’est pas liée par les thèses ou l’entente des parties ou des avocats spéciaux quant à ce qui peut ou peut ne pas être placé dans le domaine public concernant un document classifié qui contient des renseignements protégés déposés par les ministres. La Cour suprême du Canada dit clairement que le juge désigné ne se contente pas « d’entériner machinalement cette décision »: Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration) [2007] 1 RCS 350 de façon générale et au paragraphe 41.

13.               De plus, le moment de régler ce qui devrait être divulgué aux avocats publics et, par extension, ce qui devrait être divulgué au public et placé dans les dossiers publics de la Cour, est maintenant, pendant que c’est encore frais, et non à une date indéterminée dans le futur.

14.               Le public est en droit de s’attendre à ce que les caviardages apportés à un document du gouvernement placé dans les dossiers publics de la Cour aient été approuvés par un tribunal judiciaire, ce qui ne serait pas le cas si l’on faisait droit à la présente requête.

15.               Finalement, je souligne que l’on me demande de donner l’approbation de la Cour en ce qui concerne la version définitive publique de l’évaluation du risque de l’ASFC comparativement à la version originale; cela n’est pas possible.

16.               Par conséquent, j’examinerai l’évaluation du risque non caviardée et je la comparerai à la version caviardée et je ferai savoir si les caviardages sont acceptables pour que la Cour la place dans le dossier public et la remette aux avocats publics.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la requête du demandeur voulant que la Cour ne reçoive pas ou n’examine pas l’évaluation du risque non caviardée préparée par l’Agence des services frontaliers du Canada est rejetée.

« Henry S. Brown »

Juge


ANNEXE « C »                                                                                                    Date : 20170601

Dossier : DES-7-08

Ottawa (Ontario), le 1er juin 2017

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un certificat signé en vertu du

paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR);

 

DANS L’AFFAIRE du dépôt de ce certificat

À la Cour fédérale en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR;

 

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

Mohamed Zeki MAHJOUB

ORDONNANCE

(Prononcée à l’audience à Toronto (Ontario), le 16 mai 2017)

VU la requête déposée par le demandeur la veille de la présente audience, à savoir le 15 mai 2017, visant à ce que je me récuse de l’audition de la requête du demandeur en contrôle de ses conditions de mise en liberté;

VU QUE la Cour demande des observations pour savoir, en tant que question préliminaire, si la requête devrait être entendue ou si elle est hors délai eu égard à la directive sur les pratiques de gestion des instances de la Cour du 28 mars 2017 exigeant que [traduction] « tous les documents des deux parties doivent être signifiés et déposé au plus tard le 4 mai 2017 », j’ai rendu la décision suivante (version révisée du point de vue linguistique) :

1.         Merci. Je pense, dans les circonstances, que la journée d’aujourd’hui ayant été réservée pour régler ce que le demandeur, M. Mahjoub, indique être des modifications ou des circonstances relativement graves concernant son bien-être psychologique, etc., en raison des conditions actuelles de mise en liberté, je devrais trancher cette requête maintenant, puis passer à l’aspect suivant de l’instance d’aujourd’hui, peu importe ce qu’il sera.

2.         J’ai devant moi un avis simple de requête qui a été porté à mon attention lors de l’examen d’une autre requête ce matin. Je n’en avais pas reçu copie avant l’audience, même si l’avocat du demandeur indique en toute équité qu’elle avait été déposée.

3.         La requête demandait que je me récuse en tant que juge de cette affaire et elle se fonde sur quatre motifs.

4.         Le premier motif est qu’il existe une crainte raisonnable de partialité, qui est le critère bien établi dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty pour ce genre d’affaire et qui n’est pas une question en litige, parce qu’en ce moment, je traite tout simplement d’une objection préliminaire quant au dépôt de cette requête pour commencer.

5.         Le deuxième motif concernant la requête est que la Cour d’appel a ordonné au greffe de la Cour d’appel, c’est-à-dire que le juge Nadon de la Cour d’appel a ordonné le 10 mai que le greffe de la Cour d’appel fédérale accepte les avis d’appel de décisions rendues par moi-même le 31 mars 2017 et le 20 juillet 2016 [traduction] « qui allèguent des erreurs de droit de la part du juge Brown sur les mêmes questions qui donnent lieu au prochain contrôle des conditions de mise en liberté ».

6.         Je vais régler cette question immédiatement. Il est vrai que le juge Nadon a donné une directive le 10 mai 2017, qui dit, et je cite : [traduction] « Vous pouvez accepter pour dépôt les avis d’appel de M. Mahjoub du 1er mai 2017 à l’égard des jugements du juge Brown datés du 20 juillet 2016 et du 31 mars 2017.  Cependant, vous devez mentionner aux avocats des parties que les avis d’appel sont acceptés pour dépôt sans préjudice au droit des défendeurs de contester le droit d’appel de M. Mahjoub à l’égard de l’un ou l’autre des jugements ».

7.         Le motif suivant d’appel allègue que l’appel auquel il est fait référence [traduction] « a une incidence directe sur le contrôle prochain ou les contrôles futurs des conditions de mise en liberté », et le quatrième motif d’appel allègue que [traduction] « les faits allégués dans l’avis de requête en retrait de l’évaluation du risque de l’ASFC, de sorte que les mesures prises par le juge Brown vis-à-vis de l’évaluation du risque de l’ASFC datées du 7 janvier 2017 et de son ordonnance du 11 mai 2017 dans laquelle il indique qu’il consultera les documents afin de décider si les caviardages, conformément à l’alinéa 83(1)d) de la LIPR, soulèvent une crainte raisonnable de partialité », ce que j’appellerai la question en litige de l’ASFC.

8.         Il y a donc quatre motifs d’appel.

9.         Maintenant, le 28 mars 2017, j’ai donné une directive aux parties qui fixait à aujourd’hui l’audition de cette affaire, de sorte que la présente audience a été décidée il y a un peu moins de deux mois.

10.     Dans cette directive, j’ai déclaré et ordonné : [traduction] « [...] que tous les documents des deux parties doivent être signifiés et déposé au plus tard le 4 mai 2017 »

11.     Cette directive a été rendue en fonction de plusieurs circonstances, notamment la réception par la Cour d’un courriel de l’avocat de M. Mahjoub, en date du 9 février 2017, au greffe, dans lequel on demande que la requête en contrôle des conditions de mise en liberté : [traduction] « [...] que nous présentons respectueusement devrait être entendue par un autre juge que monsieur le juge Brown étant donné le contenu du dossier de requête ».

12.     Donc, il y avait un courriel du 9 février qui indiquait que le demandeur souhaitait que quelqu’un d’autre que moi entende l’affaire. Ce courriel a été suivi le 13 février par une lettre de l’avocat qui indiquait, entre autres choses, que la [traduction] « demande [du demandeur] visant la nouvelle demande soit entendue par un juge autre que monsieur le juge Brown se fonde sur le principe », etcetera.

13.     Deux avis ont été donnés il y a quelque trois [deux] mois par l’avocat de M. Mahjoub qui faisaient état d’un certain mécontentement ou d’un certain souhait ou d’une certaine préoccupation sur le fait que j’entende l’affaire. Dans ce contexte, la Cour a émis une directive voulant que tous les documents soient signifiés et déposés au plus tard le 4 mai.

14.     Donc, si je reviens aux motifs d’appel, le premier traite des ordonnances qui ont été rendues le 31 mars et le 31 juillet 2017 ainsi que le 20 juillet 2016. À mon humble avis, ces affaires ne sont pas nouvelles. Il s’agit essentiellement de vieilles affaires, et elles ne justifient pas que l’on s’écarte de la directive émise le 28 mars voulant que tous les documents doivent être signifiés et déposés. Pour ce qui est du fait que la Cour d’appel a accepté les avis d’appel, il s’agit d’une décision qu’elle est libre de prendre, mais elle est, à mon avis, fortement mitigée. Ce n’est pas comme si l’appel avait été accepté, point. L’ordonnance est très explicite en donnant aux défendeurs le droit de contester le droit d’appel à l’encontre de l’un ou l’autre des jugements, et je cite : « [...] les avis d’appel sont acceptés pour dépôt sans préjudice au droit des défendeurs de contester le droit d’appel de M. Mahjoub à l’égard de l’un ou l’autre des jugements » Encore une fois, cela ne justifie pas, à mon avis, que l’on s’écarte du calendrier de dépôt qui exige que tout soit déposé au plus tard le 4 mai 2017.

15.     Le demandeur dit que le ministre a déclaré par erreur qu’il n’y aurait aucune autre divulgation à un moment donné avant le 4 mai, mais le 4 mai, il a effectivement indiqué qu’il y avait une autre divulgation. Je ne vois pas la pertinence de déposer une requête en récusation.

16.     Comme l’avocat l’a correctement concédé, la question générale de l’évaluation du risque de l’ASFC a été soumise à la Cour en tant que question justifiant un écart de l’ordonnance fixant l’échéancier, mais à mon humble avis, cette question n’existe plus. Elle a été reportée. L’examen de cette affaire est reporté jusqu’à ce que j’aie rendu jugement en l’instance. Je réitère que je n’ai pas lu la copie caviardée. Je n’ai pas lu la version non caviardée et je ne le ferai pas avant que le demandeur dépose – termine son dépôt en ce qui concerne la requête voulant que ces documents ne soient pas reçus ou soient retirés du dossier de la Cour. Encore une fois, je conclus respectueusement que cela ne justifie pas que l’on modifie mon ordonnance qui fixe le délai au 4 mai.

17.     L’avocat du demandeur a alors dit que l’ordonnance que j’ai rendue le 11 mai était erronée, parce que l’on n’avait pas demandé à la Cour son autorisation. Respectueusement, cela en dit long sur le bien-fondé de la requête en retrait, qui comme je l’ai déjà indiqué, sera tranchée une fois que j’aurai tranché la présente requête et je ne peux donc pas aider mon ami dans sa requête pour que l’on s’écarte de l’ordonnance de gestion de instances que j’ai rendue.

18.     J’ai réglé la question de l’acceptation de l’appel par la Cour d’appel fédérale et l’argument de mon ami – M. Slansky – que les appels seront entendus. Les mises en garde du juge Nadon à cet égard n’ont aucune incidence pour ce qui est de s’écarter de l’ordonnance de gestion des instances.

19.     L’avocat de M. Mahjoub fait alors ce que je considère une – il est difficile de la caractériser – une suggestion inhabituelle et non justifiée que moi, en tant que juge de la Cour, j’atténue les motifs que je donne en ce qui concerne la requête en contrôle des conditions de mise en liberté, le but étant d’aborder les soi-disant erreurs recensées ou alléguées dans les deux avis d’appel de M. Mahjoub. Cela, je pense, déclarer cela comme argument revient à le rejeter Je n’en dirai pas plus.

20.     L’argument que la question de la récusation devrait être soulevée le plus tôt possible, je l’accepte. Par contre, dans les circonstances de l’espèce, il ne s’applique pas. Je crois, en vérifiant tout simplement mes notes pour voir s’il y a quoi que ce soit d’autre que je voulais régler.

21.     L’avocat des défendeurs a souligné que dans mon ordonnance précédente, je crois qu’il s’agit de celle du 15 mars 2017, j’ai informé les parties que je serais saisi de l’affaire, de sorte que c’est à ce moment-là que le temps a commencé à courir, à mon avis, pour présenter une requête en bonne et due forme qui n’a pas encore été déposée, et j’ai dit à ce moment-là et je suis d’accord, et je maintiens la position voulant qu’un avis de requête en récusation, en particulier lorsqu’il a été soulevé les 9 et 13 février, etcetera, devrait être fourni avec un avis de requête approprié, un affidavit et des contre-interrogatoires au besoin, etcetera, et non tout simplement amené à la cour, comme c’est le cas, du moins de mon point de vue, aujourd’hui.

22.     M. Slansky a convenu, et je dois également en convenir, que le fait que l’on demande à un juge de traiter des mêmes questions n’est pas un motif suffisant pour demander au juge de se récuser.

23.     Je pense que toutes les observations des parties sont couvertes. Par conséquent, ma décision est de ne pas accepter la requête en récusation et nous devrions maintenant aller de l’avant avec l’audition qui nous amène ici et qui avait été prévue en mars, à savoir la requête visant les conditions de mise en liberté de M. Mahjoub.

PAR CONSÉQUENT, LA COUR ORDONNE que la requête en récusation soit rejetée parce qu’elle a été présentée hors délai.

« Henry S. Brown »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

DES-7-08

INTITULÉ :

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un certificat signé en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR);

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de ce certificat à la Cour fédérale en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR;

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT Mohamed Zeki MAHJOUB [« M. Mahjoub »]

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 MAI 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge BROWN

DATE DES MOTIFS :

LE 19 JUIN 2017

COMPARUTIONS :

Patil Tutunjian

Paul Slansky

Pour le DEMANDEUR

(MOHAMED ZEKI MAHJOUB)

John Provart

Christopher Ezrin

Christopher Crighton

Marianne Zoric

POUR LE DÉFENDEUR

(LE MINISTRE)

Anil Kapoor

AVOCATS SPÉCIAUX

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Patil Tutunjan

Doyon & Associés

Montréal (Québec)

Paul B. Slansky

Slansky Law Professional Corp.

Toronto (Ontario)

Pour le DEMANDEUR

(MOHAMED ZEKI MAHJOUB)

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour les défendeurs

(LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE

 DE LA PROTECTION CIVILE)

Anil Kapoor

Kapoor Barristers

Toronto (Ontario)

AVOCATS SPÉCIAUX

 

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