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Date : 20170630


Dossier : IMM-623-17

Référence : 2017 CF 641

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 30 juin 2017

En présence de monsieur le juge en chef

ENTRE :

XIAOFEI CHI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Motifs rendus oralement à Toronto (Ontario) le 29 juin 2017)

[1]               La question soulevée dans la présente demande est de savoir si la Section d’appel de l’immigration [SAI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a violé les droits à l’équité procédurale de M. Chi quand elle a rejeté sa demande de renvoi de l’audition de l’appel, et ensuite prononcé le désistement de l’appel aux termes du paragraphe 168(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [LIPR].

[2]               Les parties ont toutes deux fait valoir que la question soulevée est susceptible de contrôle par la Cour selon la norme de la décision correcte. Toutefois, elles ont également reconnu que la décision de la SAI de refuser l’ajournement comportait un élément discrétionnaire important. De telles décisions imposent habituellement un degré de déférence (arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 51; arrêt Schurman c. Canada, 2003 CAF 393, au paragraphe 6; décision Omeyaka c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 78, au paragraphe 13; décision Philistin c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 1333, au paragraphe 8). Elles reconnaissent également que l’on trouve dans la jurisprudence des arguments en faveur du contrôle de la décision de la SAI [la décision] par la Cour selon la norme visant à savoir si le processus décisionnel suivi par la SAI pour en arriver à la décision était inéquitable pour M. Chi (décision Hashi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 154, au paragraphe 14).

[3]               À mon avis, la question de la norme de contrôle ne se pose pas, puisque je conclus que le processus décisionnel de la SAI n’était pas déraisonnable ou inéquitable pour M. Chi, et que, compte tenu des circonstances de l’espèce, elle était entièrement appropriée.

[4]               Il est acquis de part et d’autre que la décision comprend, et se compose en effet en grande partie de, la transcription de l’audience de la SAI, qui inscrit les motifs que la SAI a exposés oralement à l’avocat de M. Chi pour refuser la demande d’ajournement de M. Chi.

[5]               M. Chi fait valoir que la SAI, en statuant sur la demande, a omis de tenir compte de tous les éléments pertinents, comme l’exige le paragraphe 48(4) des Règles de la section d’appel de l’immigration, DORS/2002-230. Cependant, lorsque la Cour a demandé quels éléments pertinents n’avaient pas été pris en considération par la SAI en statuant sur la demande, son avocat a répondu que la SAI n’avait pas considéré que l’absence de M. Chi était justifiée par le fait qu’il souffrait d’une grippe, d’une conjonctivite et qu’il avait de la fièvre. Pour appuyer ceci, M. Chi a remis une note à son avocat de la part d’un certain Dr Wong, datée du 17 janvier 2017, qui déclarait qu’il serait incapable de travailler jusqu’au 23 janvier 2017. L’avocat a ensuite remis la note à la SAI.

[6]               M. Chi a par ailleurs affirmé que la SAI n’avait pris en considération que trois des éléments énoncés au paragraphe 48(4), et qu’elle n’avait pas pesé ces éléments les uns par rapport aux autres ou en fonction des sept autres éléments énoncés au paragraphe 48(4), qui, selon lui, n’ont pas été pris en compte.

[7]               Je ne suis pas de cet avis.

[8]               Le paragraphe 48(4) exige explicitement que la SAI prenne en considération tout élément pertinent, notamment les dix éléments énumérés. Il est évident, d’après la liste de ces dix éléments, qu’ils peuvent ne pas tous être pertinents dans une situation donnée. Par exemple, en l’espèce, l’élément e) n’était pas pertinent, puisque M. Chi n’avait pas demandé un délai supplémentaire pour obtenir des renseignements.

[9]               En l’occurrence, les éléments que la SAI avait pris en considération étaient les suivants :

                                i.            Le fait qu’après le rejet, le 21 avril 2016, par la SAI de la demande initiale de M. Chi d’ajournement de son appel, qui s’appuyait sur le motif que la communication du ministre n’avait pas été fournie plus de 20 jours avant l’audience fixée au 29 avril 2016, M. Chi avait ensuite demandé trois ajournements distincts de dernière minute pour des raisons de santé.

                              ii.            Le premier de ces ajournements a été accordé le 28 avril 2016, après que la SAI a reçu une lettre d’un chiropraticien déclarant que M. Chi souffrait de maux de dos. Ainsi, l’audience qui avait été fixée au 29 avril 2016 a été reportée au 8 septembre 2016.

                            iii.            Le second de ces ajournements a été accordé le 8 septembre 2016, jour où l’avocat de M. Chi à l’époque était présent, attendant avec la SAI que M. Chi arrive. La SAI a convenu d’ajourner l’audience après un appel téléphonique reçu à la réception de la part d’un ami de M. Chi, disant que M. Chi était à l’hôpital.

                            iv.            À ce moment-là, la SAI a ordonné à M. Chi par courriel de lui fournir une note d’un médecin détaillant les raisons pour lesquelles il n’était pas venu à son audience. Dans cette directive, la SAI a avisé M. Chi que s’il ne fournissait pas la note d’un médecin demandée avant le 16 septembre 2016, il pourrait être conclu au désistement de son appel. M. Chi a ensuite demandé qu’on lui fournisse trois autres dates de disponibilité, et on l’a informé que son appel serait reporté péremptoirement après avoir fourni que la note de son médecin et les trois autres dates de disponibilité. Finalement, l’audience a été reportée au 20 janvier 2017.

                              v.            Nonobstant le fait que M. Chi avait été avisé de la nature péremptoire de l’audience du 20 janvier 2017, et du fait qu’il pourrait être conclu au désistement de son appel, une fois encore, M. Chi ne s’est pas présenté à son audience.

                            vi.            En outre, M. Chi n’a pas retenu les services de son avocat actuel avant le jour précédent l’audience.

                          vii.            Le jour de l’audience, l’avocat actuel de M. Chi a informé la SAI que M. Chi avait été accusé de voies de fait contre un membre de la famille et que l’issue de la poursuite criminelle à son encontre pourrait avoir une incidence sur la décision de la SAI.

                        viii.            Dans tous les cas, M. Chi a eu beaucoup de temps pour se préparer pour l’appel.

                            ix.            L’appel de M. Chi a été déposé le jour où une mesure de renvoi a prise contre lui et était en instance depuis près de deux ans et demi.

                              x.            Même s’il est impossible de prédire quand une personne sera malade, M. Chi n’a pas essayé une seule fois de comparaître à l’audience de son appel pendant toute cette période.

                            xi.            L’appel concernait une mesure de renvoi fondée sur de fausses déclarations.

                          xii.            On ne savait pas combien de temps il faudrait pour résoudre l’affaire criminelle, ou quelle pertinence elle pourrait avoir relativement à l’appel de M. Chi devant la SAI.

                        xiii.            Les appels doivent prendre fin.

                        xiv.            La SAI a des arriérés.

                          xv.            Le fait que M. Chi n’avait aucunement essayé de comparaître en plus de deux ans n’était pas « correct ».

                        xvi.            Il y a un volume important d’affaires au bureau régional du Centre de la SAI.

                      xvii.            Reporter encore l’audience de M. Chi serait une erreur de justice.

                    xviii.            M. Chi n’avait pas présenté une preuve suffisante pour établir qu’il maintenait son appel.

[10]           Compte tenu de ce qui précède, la SAI a refusé la quatrième demande d’ajournement, et elle a conclu au désistement de son appel.

[11]           M. Chi fait valoir que, dans sa décision, la SAI s’est principalement concentrée sur son propre arriéré de causes, sans tenir compte de la maladie de M. Chi, et sans contester sa crédibilité ou l’authenticité des notes de médecins qu’il avait fournies pour appuyer ses deuxième, troisième et quatrième demandes d’ajournement.

[12]           Je ne suis pas de cet avis. Je conclus que la SAI a pris en considération l’intégralité des circonstances, et qu’elle a rendu une décision tout à fait judicieuse qui n’était pas déraisonnable ou inéquitable pour M. Chi.

[13]           Même si la SAI n’a pas contesté la crédibilité de M. Chi ou l’authenticité de ses notes de médecins, les circonstances indiquent nettement que M. Chi avait des motifs cachés de vouloir retarder son audience devant la SAI. En plus des faits que la SAI a observés, je mentionne son observation écrite selon laquelle son appel de la mesure de renvoi, en attendant, suspendait la perte de son statut de résident permanent.

[14]           Quoi qu’il en soit, étant donné que M. Chi avait déposé de nombreuses demandes d’ajournement et qu’il n’avait pas une seule fois comparu après le dépôt de son appel, la décision de la SAI n’était pas inéquitable ou incorrecte. Comme l’a reconnu son avocat au cours de l’audience devant la Cour, à un moment donné, une série de demandes d’ajournement devient inappropriée et déraisonnable.

[15]           À mon avis, la SAI n’a pas violé les droits à l’équité procédurale de M. Chi en concluant que ce moment correspondait au 20 juin 2017, lorsqu’il n’a pas comparu pour son audience pour la troisième fois, et une fois de plus, après un très court préavis.

[16]           J’ajouterai simplement aux fins du dossier que, conformément au paragraphe 168(1) de la LIPR, la SAI peut prononcer le désistement d’un appel si elle estime que l’intéressé omet de poursuivre l’affaire, notamment par défaut de comparution. En outre, conformément au paragraphe 162(2), la SAI fonctionne, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et avec célérité.

Conclusion

[17]           Pour les motifs énoncés ci-dessus, la demande sera rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-623-17

LA COUR rejette la présente demande.

« Paul S. Crampton »

Juge en chef


ANNEXE 1 – Lois applicables

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27)

Immigration and Refugee Protection Act¸ SC 2001 c 27

 

 

Compétence exclusive

Sole and exclusive jurisdiction

 

 

162 (1) Chacune des sections a compétence exclusive pour connaître des questions de droit et de fait — y compris en matière de compétence — dans le cadre des affaires dont elle est saisie

162 (1) Each Division of the Board has, in respect of proceedings brought before it under this Act, sole and exclusive jurisdiction to hear and determine all questions of law and fact, including questions of jurisdiction.

 

 

Fonctionnement

 

Procedure

 

 

(2) Chacune des sections fonctionne, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et avec célérité.

 

(2) Each Division shall deal with all proceedings before it as informally and quickly as the circumstances and the considerations of fairness and natural justice permit.

 

 

Désistement

 

Abandonment of proceeding

 

 

168 (1) Chacune des sections peut prononcer le désistement dans l’affaire dont elle est saisie si elle estime que l’intéressé omet de poursuivre l’affaire, notamment par défaut de comparution, de fournir les renseignements qu’elle peut requérir ou de donner suite à ses demandes de communication.

 

168 (1) A Division may determine that a proceeding before it has been abandoned if the Division is of the opinion that the applicant is in default in the proceedings, including by failing to appear for a hearing, to provide information required by the Division or to communicate with the Division on being requested to do so.

 

 

Abus de procédure

 

Abuse of process

 

 

(2) Chacune des sections peut refuser le retrait de l’affaire dont elle est saisie si elle constate qu’il y a abus de procédure, au sens des règles, de la part de l’intéressé.

 

(2) A Division may refuse to allow an applicant to withdraw from a proceeding if it is of the opinion that the withdrawal would be an abuse of process under its rules.

 

Règles de la section d’appel de l’immigration (DORS/2002-230)

 


Immigration Appeal Division Rules, SOR/2002-230

 

 

Éléments à considérer

 

Factors

 

 

48 (4) Pour statuer sur la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent. Elle examine notamment:

 

48 (4) In deciding the application, the Division must consider any relevant factors, including

 

 

a) dans le cas où elle a fixé la date et l’heure de la procédure après avoir consulté ou tenté de consulter la partie, toute circonstance exceptionnelle qui justifie le changement;

 

(a) in the case of a date and time that was fixed after the Division consulted or tried to consult the party, any exceptional circumstances for allowing the application;

 

 

b) le moment auquel la demande a été faite;

 

(b) when the party made the application;

 

 

c) le temps dont la partie a disposé pour se préparer;

 

(c) the time the party has had to prepare for the proceeding;

 

 

d) les efforts qu’elle a faits pour être prête à commencer ou à poursuivre la procédure;

 

(d) the efforts made by the party to be ready to start or continue the proceeding;

 

 

e) dans le cas où la partie a besoin d’un délai supplémentaire pour obtenir des renseignements appuyant ses arguments, la possibilité d’aller de l’avant en l’absence de ces renseignements sans causer une injustice;

 

(e) in the case of a party who wants more time to obtain information in support of the party’s arguments, the ability of the Division to proceed in the absence of that information without causing an injustice;

 

 

f) dans le cas où la partie est représentée, les connaissances et l’expérience de son conseil;

 

(f) the knowledge and experience of any counsel who represents the party;

 

 

g) tout report antérieur et sa justification;

 

(g) any previous delays and the reasons for them;

 

 

h) si la date et l’heure qui avaient été fixées étaient péremptoires;

 

(h) whether the time and date fixed for the proceeding were peremptory;

 

 

i) si le fait d’accueillir la demande ralentirait l’affaire de manière déraisonnable;

 

(i) whether allowing the application would unreasonably delay the proceedings; and

 

 

j) la nature et la complexité de l’affaire.

 

(j) the nature and complexity of the matter to be heard.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-623-17

 

INTITULÉ :

XIAOFEI CHI c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 juin 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 30 juin 2017

 

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

 

Pour le demandeur

 

Melissa Mathieu

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

EME Professional Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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