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Date : 20170614


Dossier : IMM-3846-16

Référence : 2017 CF 588

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2017

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

MUDASSAR FARRUKH

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Mme Farrukh demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 2 septembre 2016 par un agent des visas du Haut-Commissariat du Canada à Londres, au Royaume-Uni, (l’agent) qui a rejeté sa demande de résidence permanente.

[2]  Les faits de l’affaire sont assez extraordinaires, et ils sont énumérés ici puisqu’ils expliquent certaines des mesures prises par les agents du défendeur.

[3]  Mme Farrukh est une citoyenne du Pakistan. Le 20 avril 2012, elle a présenté une demande de visa d’immigration en tant que travailleuse qualifiée (fédéral), au titre du code 4151 (psychologue) de la Classification nationale des professions (CNP).

[4]  Dans sa demande, elle a affirmé avoir acquis de l’expérience professionnelle à titre de psychologue clinicienne de 2009 à 2012 auprès du Dr Iftikhar Ahmad, et de 2003 à 2009 au sein du Tariq Diagnostic & Medical Center (TDMC). Une lettre de recommandation a été fournie par Dr Ahmad sur du papier à en-tête du Maroof International Hospital. Deux lettres du TDMC ont été fournies à l’appui de sa demande.

[5]  Le 7 mai 2012, un agent du Bureau de réception centralisée des demandes de travailleurs qualifiés (fédéral) a rendu [traduction] « une décision définitive positive quant à l’admissibilité de la demanderesse sur le fondement de l’expérience professionnelle dans une profession indiquée dans les instructions émises par le ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme et publiées dans la Gazette du Canada le 25 juin 2011 ».

[6]  À la suite de cette décision définitive positive quant à son admissibilité, Mme Farrukh a vécu plusieurs changements relativement à son état civil. Le 18 juillet 2014 ou aux alentours de cette date, elle a divorcé de son premier mari, et le 15 septembre 2014 ou aux alentours de cette date, elle a épousé un autre homme. Par conséquent, le premier mari a été supprimé de sa demande et le second a été ajouté.

[7]  Le 15 janvier 2015 ou aux alentours de cette date, Mme Farrukh a divorcé de son second mari et elle s’est remariée au premier environ 14 jours plus tard. Le second mari a donc été supprimé de sa demande et le premier a été ajouté à nouveau.

[8]  Le 28 octobre 2015 ou aux alentours de cette date, l’agent d’immigration affecté au traitement de la demande a requis que l’unité antifraude de l’Agence des services frontaliers du Canada se rende à l’hôpital Maroof International pour procéder à une visite des lieux. L’unité antifraude a effectué une visite des lieux le 2 février 2016 et a découvert que si le Dr Ahmad avait effectivement été un employé de l’hôpital par le passé, ce n’était pas le cas de Mme Farrukh.

[9]  Le 2 juin 2016, l’agent d’immigration a informé Mme Farrukh par courrier que l’unité antifraude avait appris qu’elle n’avait pas travaillé à l’hôpital Maroof International. L’agent lui a donné 30 jours pour répondre à cette information. En réponse, Mme Farrukh a fourni une lettre du Dr Ahmad datée du 13 juin 2016, confirmant qu’elle avait travaillé pour lui de 2009 à 2014 à titre d’employée personnelle et non à titre d’employée de l’hôpital Maroof International.

[10]  Le 2 septembre 2016, l’agent d’immigration a envoyé à Mme Farrukh une lettre rejetant sa demande. L’agent en est venu à une décision défavorable, car il a jugé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve le convainquant que Mme Farrukh avait été employée à titre de psychologue clinicienne comme elle l’alléguait, et aucun point n’a donc été attribué pour l’emploi. Par conséquent, la demanderesse n’a pas cumulé les 67 points requis pour l’obtention d’une décision favorable.

[11]  Plus précisément, l’agent a affirmé que Mme Farrukh avait reçu 0 point pour l’emploi en raison [traduction] « faute d’éléments de preuve pour me convaincre que vous avez travaillé à titre de psychologue (clinicienne) [CNP 4151] ». Il a décrit les éléments de preuve qu’avait fournis Mme Farrukh : deux lettres du Dr Ahmad et deux autres du TDMC. Il a affirmé [traduction] « [qu’aucune] preuve objective d’emploi, comme des dépôts de salaire dans un compte bancaire, des bulletins de paie, des contrats ou des documents fiscaux » n’avait été fournie. Il a ensuite indiqué les problèmes qu’il avait relevés concernant les lettres du Dr Ahmad, ce qui a fait que peu d’importance leur avait été accordée.

[12]  Dans la présente demande, Mme Farrukh ne conteste pas les conclusions relatives aux lettres du Dr Ahmad, ni l’absence de poids donné par l’agent à la lettre du 13 juillet 2009; elle reconnaît qu’il s’agit essentiellement d’une lettre de recommandation et qu’elle ne contient aucune description des tâches qu’elle exerçait. Elle s’appuie toutefois sur la lettre du 14 juillet 2009 du TDMC dans laquelle il est indiqué [traduction] « qu’elle a assumé adéquatement d’importantes responsabilités à titre de psychologue clinicienne » et que :

[traduction]

Ses responsabilités principales comprenaient l’évaluation, le diagnostic, des études de cas et le suivi. Elle a :

  une connaissance approfondie des principes et des méthodes de recherche et de diagnostic dans ce domaine;

  traité beaucoup de patients souffrant de troubles mentaux et de problèmes de santé mentale;

  travaillé dans un programme de réhabilitation.

[13]  La seule question en litige en l’espèce est de savoir s’il était raisonnable pour l’agent de conclure qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves que Mme Farrukh avait travaillé à titre de psychologue clinicienne au TDMC.

[14]  Mme Farrukh affirme qu’il était déraisonnable pour l’agent d’attribuer zéro point pour son expérience professionnelle compte tenu de la lettre du TDMC précitée. Elle dit que les motifs de l’agent d’attribuer zéro point pour l’emploi au TDMC ne sont pas clairs et qu’ils manquent de transparence, et elle soutient que l’agent ne peut fonder sa décision sur l’insuffisance d’éléments de preuve à moins qu’il n’ait rejeté d’emblée la lettre concernant l’emploi comme n’étant pas crédible et digne de foi, ce que l’agent n’a pas fait.

[15]  En outre, elle souligne que l’agent n’a donné aucune explication sur la raison pour laquelle il jugeait désormais insuffisants des éléments de preuve qui avaient auparavant été reconnus suffisants pour démontrer qu’elle avait accompli un grand nombre des tâches principales et qui avaient fait en sorte qu’elle reçoive une décision de sélection positive. Elle affirme que l’agent a incorrectement formulé les conclusions en matière de crédibilité en parlant d’insuffisance des éléments de preuve et qu’il aurait dû donner la possibilité à la demanderesse de répondre aux préoccupations relatives à la crédibilité.

[16]  Je souscris à l’argument du défendeur sur ce dernier point, à savoir qu’il n’existe aucune obligation de suivre aveuglément la décision favorable quant à l’admissibilité. L’agent qui rédige la décision n’avait pas l’obligation d’examiner cette décision favorable quant à l’admissibilité, la décision préliminaire avait été rendue par un autre agent, l’expérience professionnelle n’avait pas été vérifiée, et le contexte de la demande de Mme Farrukh avait changé avec le temps (particulièrement à l’égard de la lettre du Dr Ahmad).

[17]  Il incombe au demandeur d’établir qu’il remplit les exigences de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et du Règlement, DORS/2002-227 : Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (1999), 173 FTR 110 (CF 1re inst.), aux paragraphes 22 et 23; Abdul-Karim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 191 FTR 115 (CF 1re inst.), au paragraphe 12.

[18]  Dans Ferguson c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1067, au paragraphe 26, j’ai examiné les différences entre les évaluations de crédibilité et le poids à accorder à la preuve :

Si le juge des faits décide que la preuve est crédible, une évaluation doit ensuite être faite pour déterminer le poids à lui accorder. Il n’y a pas seulement la preuve qui a satisfait au critère de fiabilité dont le poids puisse être évalué. Il est loisible au juge des faits, lorsqu’il examine la preuve, de passer directement à une évaluation du poids ou de la valeur probante de la preuve, sans tenir compte de la question de la crédibilité. Cela arrive nécessairement lorsque le juge des faits estime que la réponse à la première question n’est pas essentielle parce que la preuve ne se verra accorder que peu, voire aucun poids, même si elle était considérée comme étant une preuve fiable. Par exemple, la preuve des tiers qui n’ont pas les moyens de vérifier de façon indépendante les faits au sujet desquels ils témoignent, se verra probablement accorder peu de poids, qu’elle soit crédible ou non. [Non souligné dans l’original]

[19]  Dans l’affaire dont la Cour est saisie, l’agent a conclu que la valeur probante de la lettre du TDMD n’était pas suffisante pour établir, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Farrukh avait travaillé à titre de psychologue clinicienne. Il était loisible à l’agent d’exiger plus d’éléments de preuve pour s’acquitter du fardeau imposé par la loi, et en fait, il a énoncé dans sa lettre de décision qu’aucun élément de preuve supplémentaire de la sorte n’avait été fourni.

[20]  À mon avis, les brefs énoncés dans la lettre en question comparés à la description des tâches de la CNP 4151, appuient la décision de l’agent selon laquelle il n’y avait tout simplement pas suffisamment d’éléments de preuve démontrant que Mme Farrukh avait exercé les tâches nécessaires. La description des tâches dans la CNP 4151 est la suivante :

Les psychologues exercent une partie ou l’ensemble des fonctions suivantes :

  examiner et évaluer les comportements, diagnostiquer les troubles comportementaux, émotifs et cognitifs, donner des conseils à leurs clients et les traiter;

  aider leurs clients à gérer une maladie ou un trouble physique;

  donner des conseils à des particuliers et à des groupes afin de les aider à se développer et à mieux s’adapter sur les plans personnel, social et professionnel, et offrir des services de médiation;

  administrer des tests psychologiques standardisés à des fins d’évaluation;

  élaborer et évaluer des programmes d’intervention;

  appliquer des théories et des principes psychologiques concernant le comportement et les processus mentaux tels que l’apprentissage, le développement du langage, la mémoire et la perception lors de l’élaboration de programmes de traitement;

  formuler des hypothèses et des plans expérimentaux, examiner la documentation, effectuer des études et publier des comptes rendus de recherche, des textes éducatifs et des articles;

  donner des exposés à l’occasion de conférences, d’ateliers et de colloques;

  fournir des services de consultation à des organismes gouvernementaux et autres organismes.

[21]  Un autre agent se serait peut-être satisfait de la brève description contenue dans la lettre, mais cela n’a pas été le cas de l’agent chargé du dossier. Je suis incapable de conclure que la décision était déraisonnable ou qu’elle était une conclusion déguisée sur la crédibilité. Les motifs offerts étaient transparents et justifiés compte tenu de la documentation que l’agent avait devant lui. La décision était appuyée par la preuve offerte par Mme Farrukh et elle ne peut être annulée.

[22]  Aucune question n’a été posée aux fins de certification.


JUGEMENT

LA COUR rejette la demande. Aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

IMM-3846-16

INTITULÉ :

MUDASSAR FARRUKH c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 juin 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

DATE DES MOTIFS :

Le 14 juin 2017


COMPARUTIONS :

Paul VanderVennen

Pour la demanderesse

Eleanor Elstub

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Paul VanderVennen

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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