Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20170619


Dossier : IMM-5295-16

Référence : 2017 CF 606

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 19 juin 2017

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

RAMANJEET SINGH TOKI

demandeur

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Contexte

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) visant la décision d’un agent des visas du Haut-Commissariat du Canada à Colombo, au Sri Lanka (l’agent). L’agent a rejeté la demande de résidence permanente de M. Toki, déposée sous le Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) le 3 novembre 2016 (la décision), concluant que M. Toki était interdit de territoire pour fausse déclaration en vertu de l’article 40 de la Loi.

[2]               Pour les motifs suivants, j’accueille la présente demande de contrôle judiciaire.

[3]               M. Toki est citoyen indien et affirme travailler comme ingénieur informatique à New Delhi. Il a présenté une demande de résidence permanente en vertu de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) en octobre 2014.

[4]               Le 11 mars 2016, les autorités canadiennes ont effectué une visite au lieu qu’elles croyaient être son milieu de travail, soit à l’adresse inscrite à l’en-tête de la lettre de son employeur. Lorsqu’elles sont arrivées, elles y ont trouvé une femme qui les a redirigés vers un second emplacement, après les avoir avisés que l’adresse inscrite sur l’en-tête était l’adresse de sa résidence.

[5]               Au second endroit, les autorités ont rencontré le père de l’employeur de M. Toki, qui les a avisés que le bureau avait déménagé un an plus tôt à un autre endroit. Les autorités ont cru que le lieu allégué de travail était frauduleux et ont préparé un rapport de visite en ce sens daté du 11 mars 2016 (le rapport).

[6]               Le 27 avril 2016, M. Toki a déposé une demande de renseignements particuliers auprès des autorités canadiennes et a fourni une nouvelle adresse de travail.

[7]               Le 12 juillet 2016, M. Toki a reçu une lettre relative à l’équité procédurale de l’agent, où il déclarait être préoccupé à l’égard d’une fausse déclaration relativement à l’expérience de travail du demandeur. L’agent a avisé M. Toki qu’il avait 30 jours pour répondre à cette lettre.

[8]               Avec l’aide d’une avocate, M. Toki a répondu le 26 juillet 2016 (la réponse) qu’il n’était pas certain de la nature exacte des préoccupations de l’agent, mais qu’il croyait qu’elles étaient peut-être reliées à la visite du mois de mars 2016. Dans ses observations écrites, M. Toki déclare que le jour de la visite, il travaillait chez un client plutôt qu’à son bureau.

[9]               M. Toki a joint à sa réponse un contrat d’emploi, trois lettres de références corroborant sa version des faits (y compris une lettre de son employeur), des documents relatifs à sa rémunération, des factures du travail exécuté, une copie de reçu pour l’achat d’une souris, sa demande de renseignements du mois d’avril 2016 et des reçus de frais de stationnement encourus sur le site du client le jour de la visite (le 11 mars 2016).

[10]           Dans sa décision de refus, l’agent a déclaré que M. Toki a délibérément fait de fausses représentations relativement à son expérience de travail, ce qui le rend interdit de territoire pour une période de cinq ans en vertu de l’article 40 de la Loi. L’agent a soulevé certaines incohérences et a préféré la preuve recueillie lors de la visite du site aux documents déposés par M. Toki, y compris sa réponse.

[11]           M. Toki conteste à présent la décision par voie de contrôle judiciaire.

II.                Analyse

[12]           M. Toki soutient que l’agent a : 1) manqué à son obligation d’équité procédurale et, 2) évalué la preuve de façon déraisonnable pour tirer sa conclusion d’interdiction de territoire.

[13]           Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable pour la première question en litige est la norme de la décision correcte (A.B. c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 134, au paragraphe 51 [AB]), et celle de la décision raisonnable pour la seconde question en litige Chughtai c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 416, au paragraphe 11 [Chughtai]). Je suis d’accord avec cette position.

A.                Équité procédurale

[14]           M. Toki se fonde sur les paragraphes 53 à 55 de la décision AB pour plaider qu’en ne joignant pas le rapport qu’il possédait, l’agent a contrevenu aux garanties d’ordre procédurales. M. Toki affirme que l’espèce est semblable à l’affaire AB en ce sens que les préoccupations exprimées dans la lettre d’équité procédurale étaient larges et de nature générale. M. Toki affirme qu’on l’a laissé à deviner qu’elles étaient les préoccupations de l’agent ou les clarifications qu’il souhaitait obtenir. Alors que M. Toki a correctement « deviné » que l’agent faisait référence à la visite de son lieu de travail du mois de mars 2016, il fait valoir que si l’agent avait divulgué la nature de ses préoccupations, il aurait été en mesure de fournir une réponse complète et détaillée allant au-delà de ce qu’il a déposé en réponse à la lettre relative à l’équité procédurale.

[15]           Le défendeur réplique en se fondant sur la décision Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1099, aux paragraphes 11 à 13 [Li] que puisque M. Toki a eu connaissance de la visite qui s’est déroulée sur son lieu de travail et qu’il a eu l’occasion de répondre à la lettre relative à l’équité procédurale, il n’y a pas eu de contravention à l’obligation d’équité procédurale. Le défendeur se fonde également sur la décision Bhatti v. Canada (Citizenship and Immigration), 2017 FC 186, au paragraphe 45 [Bhatti] pour soutenir que l’agent n’avait pas l’obligation de fournir à M. Toki une nouvelle occasion de répondre à ses préoccupations continues.

[16]           En ce qui a trait à l’équité procédurale, le défendeur mentionne que les obligations de l’agent à cet égard se situent au niveau le plus bas de l’échelle (Asl v. Canada (Citizenship and Immigration), 2016 FC 1006, au paragraphe 23 [Asl]). Le défendeur fait également valoir que l’agent a offert à M. Toki l’occasion de participer de façon significative au processus et qu’il a ainsi rempli ses obligations.

[17]           Je suis d’accord avec les observations générales relatives à l’existence du devoir d’équité et que son contenu est moins élevé que dans les différents autres contextes des procédures en matière d’immigration. Toutefois, ce contenu est plus élevé lorsque la conséquence découlant d’un rejet est une conclusion de fausse représentation et une interdiction de cinq ans.

[18]           La lettre relative à l’équité procédurale était manifestement vague; à la simple lecture de cette lettre, je ne peux être d’accord avec le défendeur que M. Toki connaissait les préoccupations exactes en cause. Cette lettre est rédigée comme suit : [traduction]

Nous avons certaines préoccupations à l’égard des renseignements que vous avez fournis relativement à votre expérience de travail dans votre demande. Dans votre formulaire de demande, vous avez indiqué travailler depuis 2012 comme ingénieur informatique chez Digital Computer Lab. Toutefois, après vérifications, votre emploi et votre expérience de travail demeurent préoccupants. (Lettre relative à l’équité procédurale, dossier certifié du tribunal [DCT] à la page 52).

[19]           Dans la réponse de M. Toki, son avocate souligne ce qui suit : [traduction]

[...] Veuillez prendre note que bien que votre lettre ne précise aucune préoccupation particulière, nous avons été avisés que le 11 mars 2016, des agents de votre bureau ont effectué une visite sur les lieux de travail de M. Toki, alors que ce dernier n’était pas présent puisqu’il était sur le terrain. Nous croyons que cette visite est à l’origine de vos préoccupations. Nous vous demandons respectueusement de nous aviser s’il ne s’agit pas de l’origine de votre préoccupation. Afin de répondre à votre lettre et à des fins d’équité, notre client demande de recevoir des détails à l’égard de vos préoccupations précises [DCT à la page 48].

[20]           Cette lettre n’a jamais reçu de réponse et il n’y a pas eu de suite à la demande de renseignements particuliers. La lettre suivante reçue de l’agent des visas est la lettre de rejet. Le rapport énumérant les détails relatifs aux préoccupations entourant l’emploi et l’expérience de travail du demandeur n’a été envoyé au bureau de l’avocate de M. Toki qu’après le rejet de la demande. Ainsi, en fonction du contexte de cette décision et du rapport détaillé envoyé à M. Toki uniquement après l’audience, je suis d’accord que M. Toki a dû deviner à quoi répondre et comment y répondre.

[21]           Il ressort clairement de ce qui précède que l’avocate de M. Toki a précisément énoncé dans les observations soumises à l’agent – plutôt que de l’avoir soulevé simplement devant la Cour – que M. Toki, son client, était incertain de la nature des préoccupations exprimées dans la lettre relative à l’équité procédurale. À mon avis, le fait que M. Toki a deviné juste n’atténue pas ni n’excuse autrement le fait que l’essence des préoccupations de l’agent n’a pas été communiquée à M. Toki. Par exemple, s’il avait compris la nature de la préoccupation, il aurait pu potentiellement aller plus loin, ce dont il aurait pu redouter l’utilité alors qu’il n’était pas certain de la nature des préoccupations soulevées contre lui.

[22]           En ce qui a trait à la jurisprudence sur laquelle s’est fondé le défendeur, je suis d’avis qu’il faut la distinguer de l’espèce. Premièrement, dans la décision Bhatti (voir le paragraphe 41), la position de la demanderesse était que le certificat d’imposition n’était pas identifié précisément dans la lettre relative à l’équité procédurale comme étant une préoccupation. Les déclarations d’impôt n’étaient toutefois pas la source du refus, c’est pourquoi elles n’ont pas eu d’incidence sur l’équité procédurale de cette décision. Cette situation est distincte de la présente affaire, où les détails relatifs aux préoccupations n’ont pas été divulgués en premier lieu (par exemple, selon le rapport, la déclaration du père de l’employeur).

[23]           Deuxièmement, comme l’a correctement mentionné M. Toki, une distinction semblable a été opérée dans la décision Li (voir le paragraphe 4). Dans cette affaire par exemple, même si le demandeur avait été avisé que la préoccupation concernait l’authenticité des certificats de propriété, l’agent avait omis de divulguer la preuve sur laquelle sa préoccupation se fondait; par conséquent, il a fait défaut à son obligation de fournir l’occasion de répondre aux préoccupations.

[24]           Pour ce qui est de la décision Asl, au paragraphe 23, la juge Gagné mentionne que [traduction] « le degré d’équité procédurale dû par les agents des visas se situe à l’extrémité inférieure du registre ». Elle ajoute que « Il est désormais bien établi que l’obligation d’équité (...) impose aux agents des visas de communiquer leurs réserves aux demandeurs, de manière à ce qu’ils aient l’occasion de les dissiper » (Talpur c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 25, au paragraphe 21). De plus, dans cette affaire, le problème avait clairement été mentionné au demandeur (voir paragraphe 30). Ce n’est toutefois pas le cas pour M. Toki. Il ne savait tout simplement pas ce qui lui était reproché et a dû tenter de le deviner, sans aucune indication.

[25]           Comme le mentionnent AB et ASL, un agent doit exprimer plus qu’une réserve générale, ce que l’agent en l’espèce a omis de faire. Le défaut de se faire signifie que le demandeur ne peut réellement participer au processus d’équité procédurale, ce qui est par ailleurs l’objectif de la lettre relative à l’équité procédurale et pour laquelle la politique sous-jacente et les objectifs théoriques reliés à la possibilité de répondre à ce qui est reproché existent en droit administratif. En d’autres mots, cette erreur est fatale en elle-même.

[26]           Quoi qu’il en soit, même si l’agent avait exprimé la nature de ses préoccupations de façon plus détaillée et que malgré cela, M. Toki n’aurait pas déposé de documents supplémentaires, si au moins l’agent avait mentionné dans la lettre relative à l’équité procédurale le fait qu’il se basait sur le rapport, les observations de M. Toki auraient possiblement été plus ciblées et dirigées vers les réserves précises de l’agent. En omettant de le faire, les garanties d’ordre procédural n’ont pas été respectées. À cet égard, je ferais une analogie avec la décision Johnson v Canada (Citizenship and Immigration), 2017 FC 550, dans laquelle le juge Gleeson écrit au paragraphe 18, dans le contexte de l’entrevue des époux : [traduction] « [s]i M. Johnson et son épouse avaient reçu un avis approprié relativement à la nature de l’entrevue, leur réponse aurait en effet pu être plus ciblée, moins confuse et le résultat aurait pu être différent ».

[27]           En définitive, le défendeur conteste la question de l’équité procédurale au motif que M. Toki a reçu une copie du rapport, sans pourtant y répondre en déposant des éléments de preuve pour justifier son allégation qu’il aurait fourni des renseignements plus précis s’il avait été dûment avisé de la nature des préoccupations précises de l’agent.

[28]           En effet, comme il l’a été souligné, le rapport a éventuellement été envoyé à M. Toki, mais il ne l’a été qu’en 2016, soit après que la décision de rejet de sa demande ait été rendue. Il aurait été inapproprié de déposer devant la Cour tout autre document qui aurait pu être fourni en réponse à ce rapport, puisque comme M. Toki le souligne, en règle générale, on ne peut déposer de nouveaux éléments de preuve lors d’un contrôle judiciaire puisque le rôle de la Cour est d’examiner si, en fonction du dossier devant elle, la décision est entachée d’erreurs.

[29]           Par exemple, lors de l’audience, l’avocate de M. Toki, sachant ce qui se trouvait dans le rapport, a fourni une preuve verbale sur plusieurs éléments afin d’expliquer quelles réponses aurait données M. Toki s’il avait eu connaissance du rapport. Toutefois, comme l’avocate de M. Toki l’a souligné elle-même, ces observations ne sont pas pertinentes aux fins du contrôle judiciaire puisque cette preuve ne se trouvait pas devant la Cour et qu’elle n’avait pas été examinée par le décideur.

[30]           En résumé, dans cette affaire, les efforts du défendeur se sont révélés être trop peu, trop tard. Si l’agent avait réellement souhaité faire preuve d’équité envers M. Toki, avec un effort minimal, une de ces trois situations serait survenue : l’agent aurait pu i) confirmer la nature de ses préoccupations en répondant à la réponse de l’avocate; ii) fournir des détails relativement à ses préoccupations en répondant à la réponse de l’avocate; ou iii) fournir le rapport en temps opportun, ce qui aurait également fait droit à la réponse de l’avocate.

B.                 Évaluation de la preuve

[31]           Même si mon analyse relative à l’équité procédurale devait se révéler erronée, pour les motifs qui suivent, je souscris à l’argument de M. Toki selon lequel l’analyse de la preuve effectuée par l’agent était déficiente. Bien que cette question doit être évaluée en fonction de la norme de la décision raisonnable comme il a été mentionné plus tôt et que sa nature est différente de l’analyse de l’équité procédurale qui précède, celle-ci est inextricablement liée au processus suivi, y compris à l’échange de renseignement qui a eu lieu dans cette affaire. J’ai déjà observé que les enjeux sont plus importants lorsque les incidences d’un refus comportent plus que le seul rejet de la demande en elle-même. En l’espèce, l’agent a décidé de procéder à un refus ayant pour conséquence d’interdire toute nouvelle demande pour plusieurs années. Une analyse appropriée et complète de la preuve est donc nécessaire.

[32]           Le défendeur réplique en déclarant que les motifs n’ont pas à être adéquats et cite l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 21 et 22 [Newfoundland Nurses]; Narang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 863, au paragraphe 38 [Narang]. En résumé, le défendeur soutient que l’agent avait le loisir de conclure que M. Toki avait délibérément fait de fausses représentations relativement à son expérience de travail. Comme l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 47 à 49 l’énonce, il faut faire preuve de déférence envers ce type de décision, qui était raisonnable en l’espèce.

[33]           Bien que je sois d’accord avec tout ce qui précède et avec le fait qu’il faut faire preuve de déférence envers la décision de l’agent, je ne suis pas d’avis que la décision (soit la lettre de refus combinée aux notes informatiques du « SMGC ») respecte la norme de transparence, d’intelligibilité ou de bien-fondé requise par la jurisprudence. Je ne peux dire que l’évaluation de la preuve effectuée par l’agent, y compris de la réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, s’est élevée à cette norme.

[34]           L’agent revient plutôt sur certains éléments de preuve et observe qu’il existe certaines incohérences entre le rapport et les observations soumises par M. Toki dans sa réponse à la lettre relative à l’équité procédurale. L’agent note qu’il n’y avait pas de bureau d’entreprise à l’endroit où les autorités canadiennes se sont rendues pour effectuer leur visite des lieux en mars 2016 et qu’il n’y avait pas de laboratoire informatique à l’endroit où elles se sont ensuite retrouvées.

[35]           Toutefois, la preuve comprenant l’étage auquel se trouvait le bureau (voir la page 72 du DCT) et le fait que M. Toki a déclaré dès le départ qu’il travaillait à un emplacement différent n’a pas été mentionné. De plus, en réponse à une demande de renseignements du 27 avril 2016, c’est-à-dire avant la lettre relative à l’équité procédurale du 12 juillet 2016, M. Toki a fourni des adresses de travail différentes. La décision ne fait pas mention de cet élément de preuve; celui-ci peut avoir justifié en partie la décision, mais nous sommes laissés à nous-mêmes pour déterminer de quelle façon et si tel est le cas.

[36]           En ce qui a trait à l’absence de l’expérience de travail déclarée, la décision se fonde uniquement sur la déclaration du père du propriétaire de l’entreprise, sans que M. Toki n’ait eu l’occasion d’y répondre. Même s’il y avait des éléments de preuve que le père du propriétaire détenait une connaissance spéciale des capacités des employés, comme il a été mentionné, M. Toki aurait dû avoir la chance de répondre, puisqu’il a fait la preuve de ses compétences, de ses connaissances et de son expérience de travail.

[37]           En définitive, l’agent conclut ce qui suit : [traduction] « Lorsqu’il y a présence d’incohérences, je préfère les renseignements recueillis de façon spontanée pendant la vérification aux renseignements et aux documents déposés en réponse à la lettre relative à l’équité procédurale et leur accorde plus de poids » (DCT, à la page 12).

[38]           Comme la décision Xu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 784, au paragraphe 16 le mentionne, les conséquences d’une fausse déclaration volontaire sont graves. Par conséquent, la preuve au soutien d’une telle conclusion doit être claire et les motifs de l’agent doivent la refléter. Ceci comprend d’expliquer en quoi la preuve contredisant cette conclusion a au moins été prise en considération.

[39]           Le défendeur plaide que la Cour devrait suivre le principe énoncé dans Narang et s’abstenir de peser la preuve de nouveau et de se mettre à la place de l’agent. Toutefois, les faits de l’espèce sont distincts de ceux de Narang, où premièrement la demanderesse a été contactée par l’agent des visas pour faire un suivi relativement à ses préoccupations – ce qui, selon M. Toki, aurait dû arriver en l’espèce – et deuxièmement où le traitement de la preuve était différent de celui en l’espèce. Par conséquent, la décision Narang n’est d’aucune aide au défendeur, tant à l’égard des arguments relatifs à l’évaluation de la preuve que ceux visant l’équité procédurale soulevés en l’espèce.

[40]           En résumé, même après avoir tenu compte des principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Newfoundland Nurses, je suis incapable de comprendre comment l’agent en est venu à la conclusion qu’une preuve convaincante démontrait que M. Toki avait volontairement fait une fausse déclaration relativement à son expérience de travail.

[41]           À mon avis, l’évaluation de la preuve effectuée par l’agent n’est pas transparente et ne parvient pas à passer l’examen de la Cour en fonction de la norme de la décision raisonnable.

III.             Conclusion

[42]           À la lumière de ce qui précède, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle détermination.

2.                  Aucune question à certifier n’a été présentée par les avocats et aucune question à certifier ne se soulève dans le présent dossier.

3.                  Aucuns dépens ne sont ordonnés.

« Alan S. Diner »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5295-16

 

INTITULÉ :

RAMANJEET SINGH TOKI c. LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 juin 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 19 juin 2017

 

COMPARUTIONS :

Sonia Akilov

 

Pour le demandeur

 

Asha Gafar

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.