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Date : 20170616


Dossier : IMM-4115-16

Référence : 2017 CF 600

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 juin 2017

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

NOUH HUSSEIN ABDALLA HAMAD, MUNIRA SALEH MAHMOUD ET ABDALLA, AHMAD, ASIA, ET ABDERRAHMAN HAMAD, REPRÉSENTÉS PAR LEUR TUTEUR À L’INSTANCE, NOUH HUSSEIN ABDALA HAMAD

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Les demandeurs sont une famille provenant de la Libye. Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision d’un agent des visas (l’agent) de refuser au demandeur principal, Nouh Hussein Abdall Hamad, un permis d’études pour venir étudier au Canada. Le demandeur principal soutient que la décision de l’agent est déraisonnable et que ses droits à l’équité procédurale n’ont pas été respectés pendant l’examen de sa demande de visa d’étudiant. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de l’agent est raisonnable et que l’argument de l’équité procédurale n’est pas fondé. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

I.                   Contexte et décision faisant l’objet du contrôle

[2]               En 2011, le demandeur principal a présenté sa première demande de permis d’études pour venir étudier au Canada. Les membres de sa famille ont présenté des demandes de visa de résident temporaire en même temps que sa demande de visa d’étudiant. La demande du demandeur principal a été rejetée, car l’agent des visas n’était pas convaincu que le demandeur principal et sa famille retourneraient en Libye après ses études. Les demandeurs ont alors déposé une demande de contrôle judiciaire, qui a été accueillie. Cependant, après un nouvel examen, la demande a été rejetée de nouveau. Là encore, les demandeurs ont demandé le contrôle judiciaire du deuxième refus et leur demande a été accueillie. Finalement, le demandeur principal et sa famille ont obtenu les visas nécessaires pour venir au Canada. Au début de 2014, le demandeur principal s’est inscrit à des cours d’anglais au Collège George Brown de Toronto. Cependant, avant l’expiration de leurs visas, le demandeur principal et sa famille sont retournés en Libye.

[3]               En juin 2016, le demandeur principal a présenté une nouvelle demande de visa d’étudiant et les membres de sa famille ont demandé des visas de résident temporaire.

[4]               Après une entrevue en personne, l’agent a rejeté la demande. Dans sa décision et les notes qui l’accompagnaient, l’agent indique qu’il n’était pas convaincu que le demandeur principal et sa famille quitteraient le Canada à la fin de ses études. Il n’était pas non plus convaincu que le demandeur était véritablement un étudiant et que le programme d’études qu’il prévoyait suivre était une [traduction] « suite logique de son cheminement scolaire et professionnel ». Il s’agit de la décision faisant l’objet du contrôle.

II.                Questions en litige

[5]               Il y a deux questions à trancher dans la présente demande de contrôle judiciaire :

  1. La décision de l’agent est-elle raisonnable?
  2. Les droits à l’équité procédurale du demandeur principal ont-ils été violés?

III.             Norme de contrôle

[6]               La décision d’un agent des visas d’accorder un visa de résident temporaire ou un permis d’études est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir : Ngalamulume c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1268, aux paragraphes 15 et 16; Punia c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 184, au paragraphe 20; Patel c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 602, au paragraphe 28).

[7]               Le caractère raisonnable d’une décision tient principalement à la justification de celle-ci, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]).

[8]               Les questions d’équité procédurale sont sujettes à un contrôle selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43). Selon cette norme, la cour de révision n’acquiesce pas au raisonnement du décideur. En cas de désaccord avec la conclusion du décideur, elle substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s’impose (voir Dunsmuir, au paragraphe 50).

IV.             Analyse

A.                La décision de l’agent est-elle raisonnable?

[9]               Le demandeur principal soutient que l’agent a commis une erreur en concluant que ses plans de carrière n’étaient pas réalistes compte tenu de l’instabilité politique qui régnait en Libye. Le demandeur principal prétend que la conclusion de l’agent selon laquelle il aurait peu de chances de trouver un emploi de gestionnaire après l’obtention de son diplôme était déraisonnable. Il affirme que l’agent n’a pas tenu compte de ses antécédents professionnels et du fait qu’il est un homme d’affaires prospère et expérimenté.

[10]           Le demandeur principal a déclaré qu’il voulait étudier au Canada pour augmenter ses chances d’être embauché par une entreprise internationale lorsque le conflit en Libye aura pris fin. Il a dit à l’agent qu’avec un diplôme d’un collège canadien en poche et la capacité de parler anglais, il serait pressenti pour des postes de gestionnaire. L’agent a jugé que cette affirmation était [traduction] « irréaliste » et a mis en doute le véritable motif de la demande de permis d’études du demandeur principal.

[11]           L’agent a fait remarquer que les affaires du demandeur principal semblaient bien aller même s’il ne possédait pas de diplôme collégial et ne parlait pas anglais. L’agent a déclaré qu’il était [traduction] « très peu probable qu’une entreprise internationale offre un poste de gestionnaire à un nouveau diplômé d’un collège communautaire ».

[12]           Cette conclusion était raisonnable selon l’appréciation des éléments de preuve dont disposait l’agent. Dans Zhang c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2003 CF 1493, la Cour a déclaré que « [l]’agent des visas jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour l’appréciation de la preuve et la prise de sa décision » (au paragraphe 7).

[13]           Les commentaires du juge Leblanc dans Akomolafe c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 472, s’appliquent en l’espèce :

[20]      Le demandeur a expliqué dans son [traduction] « affidavit sur le but de la visite » qu’il avait l’intention d’étudier au Centennial College pour améliorer ses [traduction] « compétences analytiques, organisationnelles et de gestion » et [traduction] « [qu’] étudier au Canada m’aidera à obtenir les compétences requises pour évoluer dans un monde des affaires en constant changement ». Il explique également dans son affidavit [traduction] « démontrant les liens avec le pays d’origine » que son intention est de [traduction] « réaliser un rêve de toujours d’étudier à l’étranger pour développer des relations internationales et pour me positionner dans le faisceau des nombreuses occasions disponibles au Nigeria reliées à ma profession. »

[21]      Ces motifs sont effectivement vagues et il était tout à fait possible pour l’agent d’en venir aux conclusions qu’il a tirées. Le demandeur est un adulte mature de 37 ans qui semble bien établi dans son emploi à titre d’analyste principal des affaires et d’assistant personnel du directeur général. Il planifie de retourner dans le même poste après ses études, tout en ayant le projet éventuel de mettre sur pied un cabinet-conseil pour conseiller des entreprises en développement des affaires. Je présume que le demandeur possède déjà les compétences analytiques, organisationnelles et de gestions nécessaires pour mener à bien ses responsabilités dans son poste actuel. Il était donc tout à fait loisible à l’agent de conclure que le demandeur n’a pas suffisamment élaboré sur les avantages spécifiques qu’il retirerait pour son poste actuel, ce qui soulève le doute quant à l’authenticité de ses intentions.

[14]           En l’espèce, le demandeur principal semble jouir d’une bonne situation professionnelle en Libye en tant qu’acheteur dans une université et mène ses propres affaires à titre d’associé d’un magasin de construction. Il était donc raisonnable que l’agent conclue que l’amélioration des compétences en langue anglaise et l’obtention d’un diplôme d’un collège canadien ne constituaient pas une preuve que le demandeur principal pourrait améliorer ses chances de faire valoir ses compétences sur le marché du travail et obtenir un poste de gestionnaire au sein d’une entreprise internationale.

[15]           De plus, il était raisonnable que l’agent tienne compte de la période de discontinuité dans les études du demandeur principal, qui, après avoir terminé ses études en administration des affaires en Libye, n’a pas entrepris d’autres études dans le domaine des affaires afin d’améliorer ses compétences professionnelles.

[16]           En définitive, il incombe au demandeur principal de convaincre l’agent des visas qu’il ne restera pas au Canada après l’expiration de son visa. En l’espèce, l’agent n’était pas convaincu qu’il quitterait le Canada. Il était loisible à l’agent de tirer une conclusion défavorable quant à l’intention véritable d’étudier du demandeur principal, surtout étant donné que les explications et les prédictions abstraites et floues de ce dernier n’étaient pas fondées sur des éléments de preuve concrets.

[17]           Par conséquent, la décision de l’agent est raisonnable.

B.                 Les droits à l’équité procédurale du demandeur principal ont-ils été violés?

[18]           Le demandeur principal fait valoir que l’agent a manqué à son obligation d’équité en ne lui faisant pas part de ses réserves quant à la description qu’il lui a faite de la situation en Libye. Le demandeur principal a dépeint la situation en termes positifs, mais l’agent estimait que sa description ne cadrait pas avec la réalité. Le demandeur principal croit que l’agent aurait dû lui donner la possibilité de répondre à ses réserves.

[19]           Dans Hassani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283, le juge Mosley a expliqué de la façon suivante l’obligation de l’agent des visas d’agir équitablement envers les demandeurs :

[24]      Il ressort clairement de l’examen du contexte factuel des décisions mentionnées ci‑dessus que, lorsque les réserves découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe, l’agent des visas n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre. Lorsque, par contre, des réserves surgissent dans un autre contexte, une telle obligation peut exister. C’est souvent le cas lorsque l’agent des visas a des doutes sur la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité de renseignements fournis par le demandeur au soutien de sa demande. [...]

[20]           En l’espèce, l’agent n’a pas mis en doute la crédibilité ou l’authenticité des éléments de preuve présentés par le demandeur principal. Il n’était plutôt pas convaincu que les raisons invoquées par le demandeur principal pour expliquer son désir d’étudier au Canada étaient réalistes. Cette conclusion relève du pouvoir discrétionnaire de l’agent.

[21]           En outre, comme la Cour l’a souligné, l’équité procédurale n’exige pas que l’agent des visas « fournisse au demandeur un «résultat intermédiaire» des lacunes que comporte sa demande » (Rukmangathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284, au paragraphe 23). Au contraire, en ce qui concerne les « demandes de visas, le niveau minimal d’équité procédurale auquel ils ont droit se situe à l’extrémité inférieure du registre » (voir Pan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 838, au paragraphe 26).

[22]           En l’espèce, rien n’indique qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4115-16

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agent des visas est rejetée.

2.      Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Ann Marie McDonald »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4115-16

INTITULÉ :

NOUH HUSSEIN ABDALLA HAMAD, MUNIRA SALEH MAHMOUD ET ABDALLA, AHMAD, ASIA, ET ABDERRAHMAN HAMAD, REPRÉSENTÉS PAR LEUR TUTEUR À L’INSTANCE, NOUH HUSSEIN ABDALA HAMAD c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 avril 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

Le 16 juin 2017

COMPARUTIONS :

Barbara Jackman

Pour les demandeurs

Lorne McClenaghan

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Nazami & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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