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Date : 20170606


Dossier : IMM-4139-16

Référence : 2017 CF 551

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 6 juin 2017

En présence de monsieur le juge Barnes

Dossier : IMM-4139-16

ENTRE

IRINA VASILYEVA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Cette affaire soulève une seule question relative à l’équité procédurale. La demande pose la question de savoir s’il incombe à l’agent des visas d’informer la demanderesse de ses préoccupations au sujet de l’authenticité des états de service de son mari dans l’armée russe (livret militaire).

[2]               La demanderesse sollicitait le statut de résidente permanente au Canada. Le service militaire russe de son conjoint était évidemment pertinent pour la demande et l’agent des visas a demandé son livret militaire par courrier électronique en date du 24 août 2015. La demanderesse a fourni une copie du livret militaire de son mari délivré en 1992, laquelle copie a été reçue le 22 septembre 2015. La date du livret a soulevé une nouvelle préoccupation, comme le montrent les notes inscrites par l’agent des visas le 12 mai 2016 dans le dossier : [traduction]

– Conjoint : carrière dans l’armée soviétique en tant qu’officier. Le conjoint a fait parvenir une traduction du livret militaire : Le conjoint a servi apparemment 10 ans, entre 1982 et 1992, il a fréquenté le Collège militaire pendant 5 ans, puis il a occupé le poste de lieutenant principal à Saint-Pétersbourg – Le conjoint ne semble avoir eu aucune promotion malgré ses études militaires officielles et ses longs états de service. Le livret militaire du conjoint a été délivré en 1992, à la fin de son service : cela est très inhabituel, car son livret militaire soviétique aurait dû être délivré lorsqu’il avait 18 ans (vers 1981), âge auquel il aurait été appelé à s’inscrire pour son service militaire obligatoire; il aurait définitivement dû recevoir un livret militaire au début de son service militaire en 1982. À noter que la copie du livret militaire de 1992 qui a été fournie n’indique pas qu’il s’agit d’un remplacement ou d’un duplicata. Livret militaire original de 1981-1982, tableau détaillé des antécédents militaires et contrôle de sécurité requis

[3]               En raison de l’inquiétude susmentionnée, l’agent des visas a demandé, dans les 60 jours, le [traduction] « livret militaire original (confirmant vos états de service dans l’armée de 1982 à 1992) et le formulaire ci-joint dûment rempli au sujet de vos états de service dans l’armée avec tous les détails ». Quelques jours plus tard, une demande plus détaillée a été envoyée sous la forme suivante : [traduction]

Le présent message fait suite à notre courrier électronique daté du 12 mai 2016.

Veuillez noter qu’une copie du livret militaire de Vladimir Serdyuk est déjà consignée dans le dossier; cependant, ce livret militaire a été délivré en 1992, à la fin de la carrière militaire de Vladimir Serdyuk. En plus de la documentation demandée dans notre courriel du 12 mai 2016, veuillez envoyer une traduction certifiée du livret militaire de Vladimir Serdyuk qui lui a été délivré en 1981-1982, lorsqu’il a eu 18 ans et a commencé son service militaire. Si Vladimir Serdyuk n’a pas de livret militaire délivré en 1981-1982, veuillez expliquer en détail pourquoi il n’a pas de livret militaire datant du début de son service militaire.

Veuillez vous conformer à notre demande dans les 60 jours, sinon votre demande de résidence permanente au Canada sera évaluée en fonction de la documentation consignée au dossier et pourra être refusée.

[4]               Il ressort du dossier que la demanderesse a omis de fournir tous les renseignements supplémentaires demandés dans les délais impartis ou, éventuellement, que les renseignements ont en quelque sorte été égarés. Le dossier ne permet pas de le dire.

[5]               Ce qui s’est passé ensuite, c’est l’essentiel de la question à portée de main. Au lieu de simplement rejeter la demande parce que le dossier n’avait pas été mis en état, l’agent des visas a cerné un problème entièrement nouveau. Il a exprimé sa préoccupation quant à l’authenticité du livret militaire qui avait été soumis. Cette préoccupation se reflète dans le passage suivant des notes inscrites par l’agent des visas dans le dossier : [traduction]

Le 2 juin 2016, la demanderesse a présenté une lettre d’explication, le livret militaire original délivré en 1992 et un tableau détaillé du service militaire. Je remarque que le livret militaire a l’air neuf (pas de pli ni d’usure) bien qu’il ait été délivré il y a 24 ans. Je remarque également que les coins du livret militaire présenté ne sont pas découpés à la forme (comme l’on peut s’y attendre d’un livret délivré par le gouvernement) et qu’ils semblent plutôt avoir été découpés en forme d’arrondis à l’aide d’une paire de ciseaux. Ces deux facteurs remettent en cause l’authenticité du livret militaire.

[6]               Sans informer la demanderesse de la préoccupation susmentionnée en matière de crédibilité, l’agent des visas a rejeté la demande. Cette décision a motivé une demande de réexamen qui a également été rejetée.

[7]               La demanderesse soutient que l’omission de l’agent des visas de lui faire part de ses préoccupations concernant l’authenticité du livret militaire constituait un non-respect du principe d’équité procédurale. Le défendeur soutient que cette question est une « échappatoire » parce que le véritable fondement de la décision était que la demanderesse avait omis de fournir la preuve corroborante demandée par l’agent des visas.

[8]               Je suis d’avis qu’il y a eu un manquement au devoir d’équité procédurale en l’espèce et que ce manquement exige que l’affaire soit jugée à nouveau sur le fond. Nonobstant les arguments solides de M. Nash, le dossier ne permet pas de dire dans quelle mesure la décision a été influencée par les préoccupations de crédibilité et d’authenticité exprimées dans les notes que l’agent des visas a inscrites dans le dossier.

[9]               Par conséquent, le bénéfice du doute est accordé à la demanderesse. Elle aurait dû avoir la possibilité de répondre à la préoccupation et l’absence de cette possibilité constitue un manquement au devoir d’équité procédurale : voir Mursalim c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 264, aux paragraphes 22 à 24, [2016] ACF no 235 (QL).

[10]           Pour les motifs qui précèdent, la demande est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre décideur afin qu’elle soit jugée à nouveau sur le fond.

[11]           Aucune des parties n’a proposé de question à certifier et la présente affaire ne soulève aucune question grave de portée générale.


JUGEMENT

LA COUR accueille la demande, et l’affaire doit être renvoyée à un autre décideur afin qu’il rende une nouvelle décision sur le fond.

« R.L. Barnes »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-4139-16

 

INTITULÉ :

IRINA VASILYEVA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er juin 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BARNES

DATE DES MOTIFS :

Le 6 juin 2017

COMPARUTIONS :

Steven Meurrens

Pour la demanderesse

Brett Nash

Pour le DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Larlee Rosenberg

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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