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Date : 20170612


Dossier : 17-T-24

Référence : 2017 CF 576

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 juin 2017

En présence de madame la juge Gagné

ENTRE :

V.I. FABRIKANT

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Le demandeur est un détenu qui purge une peine à vie à l’Établissement Archambault et qui a été déclaré plaideur quérulent dans un jugement rendu par notre Cour en 1999. Par cette requête préliminaire présentée à l’écrit en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, M. Fabrikant demande de nouveau à la Cour une exemption des droits de dépôt payables aux termes du tarif A des Règles, d’une part en ce qui concerne sa requête en autorisation déposée en vertu du paragraphe 40(3) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, et d’autre part, si cette requête est accordée, en ce qui concerne sa demande de contrôle judiciaire.

[2]               Pour ce qui est du bien-fondé de sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur envisage de contester la réponse finale au grief du commissaire adjoint du Service correctionnel du Canada, rejetant sa demande de remboursement de [traduction] « tout l’argent dépensé pour l’achat de lait et de produits laitiers cachers ».

[3]               Les principes de base concernant les requêtes relatives à l’exemption des droits de dépôt ont été résumés dans une décision rendue récemment par la protonotaire Aylen, rejetant une requête semblable présentée par le même demandeur (Fabrikant c. Canada, 2016 CF 954, appel porté devant la Cour fédérale, rejeté le 25 novembre 2016 [T-1405-16], appel porté devant la Cour d’appel fédérale en instance [A-458-16, cas précédent]).

[4]               En fait, le cas précédent est un cas parmi tant d’autres présentés devant la Cour par le demandeur, depuis qu’il a été déclaré plaideur quérulent. Au cours des dernières années seulement, le demandeur a présenté de nombreuses requêtes semblables devant la Cour, la plupart étant accompagnées d’une requête relative à l’exemption des droits de dépôt. Souvent, la forme des documents fournis par le demandeur n’était pas conforme aux Règles. De plus, les documents non utilisables ou l’insuffisance de la preuve de signification ont souvent donné lieu à de nombreux échanges inutiles entre le demandeur et les fonctionnaires de la Cour.

[5]               Une décision relative à une demande d’exemption des droits de dépôt est de nature discrétionnaire, et cette exemption devrait être accordée uniquement dans des circonstances spéciales (article 55 des Règles). Dans tous les cas, le demandeur devra démontrer son indigence en prouvant que l’obligation de payer des droits de dépôt l’empêcherait d’engager une action ayant raisonnablement les chances de succès devant la Cour (Spatling c. Canada [Solliciteur général], 2003 ACF 443).

[6]               Pour appuyer sa requête présentée dans le cas précédent, le demandeur avait déposé un affidavit concernant le fait qu’il gagnait 26,19 $ toutes les deux semaines. Dans le cas présent, il affirme qu’il gagne maintenant 30,24 $ toutes les deux semaines. De plus, le défendeur a fourni un état de compte du demandeur de Service correctionnel du Canada, indiquant que le demandeur avait un solde de 234,47 $ dans son compte bancaire en date du 19 avril 2017.

[7]               Compte tenu des circonstances dont je suis saisie, j’abonde dans le sens du défendeur en ce qui concerne le fait que le demandeur ne s’est pas déchargé de son fardeau de prouver son indigence avec suffisamment de détails et de démontrer que l’obligation de payer des droits de dépôt l’empêcherait de poursuivre les procédures. En plus du montant qu’il gagne chaque mois, le demandeur possède au moins quelques centaines de dollars qu’il peut utiliser comme bon lui semble. Je dis « au moins » parce que dans l’affidavit déposé le 7 septembre 2016, le demandeur n’atteste pas avoir divulgué toutes ses véritables sources de revenus ou tout autre compte bancaire « externe », et il ne s’est pas reporté à des documents financiers susceptibles d’appuyer sa requête.

[8]               Le demandeur n’a pas réussi à me convaincre qu’une exemption est requise afin d’éviter une injustice, et je suis d’avis que le fait que le demandeur a été déclaré plaideur quérulent va à l’encontre de l’exemption des droits de dépôt. L’article 40 de la Loi est l’outil principal utilisé pour éloigner les plaideurs quérulents des ressources judiciaires. Comme l’a récemment confirmé le juge Stratas, [traduction] « l’article 40 reflète le fait que les Cours fédérales sont des biens de la communauté utilisés au service de chacun, et non des ressources privées pouvant être réquisitionnées au détriment des intérêts de chacun » (Canada v. Olumide, 2017 FCA 42, au paragraphe 17). En plus de l’article 40 de la Loi, le paiement des frais et dépens alloués en vertu de l’article 400 des Règles sert à dissuader les plaideurs quérulents d’abuser du système et tout plaideur d’intenter des procédures inutiles ou vexatoires.

[9]               L’article 40 de la Loi a été invoqué dans le dossier du demandeur il y a près de deux décennies. Or, si l’on tient compte du nombre de requêtes présentées devant la Cour par le demandeur seulement au cours des dernières années, pour ne pas dire ses nombreuses requêtes visant à remettre en question les ordonnances rendues et les directives données par la Cour, le demandeur semble toujours percevoir les ressources de la Cour comme des ressources privées. En fait, on peut affirmer qu’un jugement rendu en vertu de l’article 40 n’était pas suffisant dans le dossier du demandeur, étant donné que ses nombreuses procédures et requêtes incessantes pèsent toujours sur les fonds publics et les ressources limitées de la Cour.

[10]           Enfin, je suis également d’accord avec le défendeur que le bien-fondé de la demande de contrôle judiciaire sous-jacente proposée est au mieux faible.

[11]           Le demandeur est juif et suit un régime casher. Il affirme que, depuis le 24 octobre 2014, il a été obligé d’acheter du lait casher à la cantine, puisqu’il est d’avis que le système de distribution du lait en poudre au pénitencier n’est pas casher. Or, la décision du commissaire adjoint (à la page 2) semble confirmer que le demandeur a obtenu, auprès du Conseil Kacheroute du Canada, la certification que le lait en poudre est casher, ainsi que la confirmation, par l’Institution Rabbi, que le système de distribution du lait en poudre est conforme aux normes d’hygiène établies.

[12]           Selon le dossier de requête dont je suis saisie, il semble que la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur est frivole, à première vue. L’exemption des droits de dépôt dans de telles circonstances annulerait essentiellement l’effet du jugement rendu en vertu de l’article 40 à l’encontre du demandeur.


ORDONNANCE dans le dossier 17-T-24

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.                  La requête du demandeur est rejetée.

2.                  Des dépens de 100 $, payables immédiatement, sont adjugés en faveur du défendeur.

« Jocelyne Gagné »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

17-T-24

INTITULÉ :

V.I. FABRIKANT c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) EN VERTU DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE GAGNÉ

DATE DES MOTIFS :

LE 12 JUIN 2017

OBSERVATIONS ÉCRITES :

V.I. Fabrikant

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Joshua Wilner

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

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