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Date : 20170609


Dossier : IMM-4180-16

Référence : 2017 CF 562

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 9 juin 2017

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

YANG LIU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une demande, déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 22 septembre 2016 (décision) par une agente d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs (agente ou représentante du ministre) de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), qui a émis une ordonnance d’expulsion à l’endroit du demandeur.

II.                CONTEXTE

[2]               Le demandeur est un citoyen de la Chine âgé de 25 ans. Il est entré au Canada en septembre 2012 pour entreprendre des études à Seneca College.

[3]               Le 26 janvier 2016, le demandeur a été déclaré coupable de vol de carte de crédit par procédure sommaire en vertu du sous-alinéa 342(1)c)(i) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46 (Code). Il a reçu une condamnation de 170 jours de détention à domicile.

[4]               En mai 2016, le demandeur a présenté une demande de permis de travail postdiplôme qui a été refusée le 18 juillet 2016.

[5]               Peu après, le demandeur a reçu un avis de convocation pour un contrôle de la représentante du ministre prévu le 16 août 2016 (premier contrôle). Le demandeur s’est présenté au premier contrôle de la représentante du ministre accompagné de son avocat. Lors du contrôle, l’avocat du demandeur a demandé à ce que le rapport émis en vertu du paragraphe 44(2) de la LIPR (rapport) soit réécrit étant donné que le demandeur a été condamné pour un acte criminel malgré une condamnation par procédure sommaire. L’affaire a été ajournée pour permettre à l’auteur du rapport d’examiner la requête. Après examen de la requête, l’auteur a conclu qu’il n’était pas nécessaire de réécrire le rapport puisque le paragraphe 36(3) de la LIPR considère toutes les infractions mixtes comme étant punissables par mise en accusation, même si l’infraction est poursuivie par procédure sommaire.

[6]               Un deuxième contrôle de la représentante du ministre a été fixé le 22 septembre 2016 (deuxième contrôle). Le demandeur s’est présenté seul au deuxième contrôle.

III.             DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[7]               La décision faisant l’objet du contrôle concerne l’ordonnance d’expulsion à l’endroit du demandeur datée du 22 septembre 2016 et le formulaire de contrôle rempli par la représentante du ministre (formulaire de contrôle de la représentante du ministre). Ces documents indiquent que le demandeur est jugé interdit de territoire pour grande criminalité en vertu de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR.

IV.             QUESTIONS EN LITIGE

[8]               Le demandeur avance que ce qui suit est en litige dans la présente instance :

A.                La représentante du ministre a-t-elle commis une erreur en ne constatant pas que le demandeur parle et comprend à peine l’anglais et avait besoin d’un interprète?

B.                 Aux fins d’équité, la représentante du ministre aurait-elle dû permettre au demandeur d’être accompagné d’un avocat pendant l’entrevue?

C.                 La représentante du ministre a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur était interdit de territoire pour grande criminalité?

D.                La preuve établit-elle que le demandeur a compris la représentante du ministre, qu’il était en mesure de participer de manière significative et qu’il a renoncé à son droit d’être accompagné d’un interprète et d’un avocat?

V.                NORME DE CONTRÔLE

[9]               Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’était pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. Lorsque la jurisprudence est constante quant à la norme de contrôle applicable à une question précise, la cour de révision peut adopter cette norme. C’est uniquement lorsque cette démarche se révèle infructueuse ou si la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente du droit en matière de contrôle judiciaire que la cour de révision procédera à l’examen des quatre facteurs de l’analyse relative à la norme de contrôle : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48.

[10]           Les première, deuxième et quatrième questions portent sur l’équité procédurale et seront examinées selon la norme de la décision correcte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43 [Khosa].

[11]           La troisième question en est une de fait et de droit et sera examinée selon la norme de la décision raisonnable : Pompney c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 862, au paragraphe 12.

[12]           Lorsqu’une décision est examinée selon la norme de la décision raisonnable, son analyse s’attache à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et l’arrêt Khosa, précité, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour devrait intervenir seulement si la décision est déraisonnable, c’est-à-dire si elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI.             DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[13]           Les dispositions suivantes de la LIPR s’appliquent en l’espèce :

Grande criminalité

36 (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

[…]

Application

36(3) Les dispositions suivantes régissent l’application des paragraphes (1) et (2) :

a) l’infraction punissable par mise en accusation ou par procédure sommaire est assimilée à l’infraction punissable par mise en accusation, indépendamment du mode de poursuite effectivement retenu;

b) la déclaration de culpabilité n’emporte pas interdiction de territoire en cas de verdict d’acquittement rendu en dernier ressort ou en cas de suspension du casier — sauf cas de révocation ou de nullité — au titre de la Loi sur le casier judiciaire;

c) les faits visés aux alinéas (1)b) ou c) et (2)b) ou c) n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui, à l’expiration du délai réglementaire, convainc le ministre de sa réadaptation ou qui appartient à une catégorie réglementaire de personnes présumées réadaptées;

d) la preuve du fait visé à l’alinéa (1)c) est, s’agissant du résident permanent, fondée sur la prépondérance des probabilités;

e) l’interdiction de territoire ne peut être fondée sur les infractions suivantes :

(i) celles qui sont qualifiées de contraventions en vertu de la Loi sur les contraventions,

(ii) celles dont le résident permanent ou l’étranger est déclaré coupable sous le régime de la Loi sur les jeunes contrevenants, chapitre Y-1 des Lois révisées du Canada (1985),

(iii) celles pour lesquelles le résident permanent ou l’étranger a reçu une peine spécifique en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

[…]

Rapport d’interdiction de territoire

44 (1) S’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre.

Suivi

(2) S’il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête, sauf s’il s’agit d’un résident permanent interdit de territoire pour le seul motif qu’il n’a pas respecté l’obligation de résidence ou, dans les circonstances visées par les règlements, d’un étranger; il peut alors prendre une mesure de renvoi.

Conditions

(3) L’agent ou la Section de l’immigration peut imposer les conditions qu’il estime nécessaires, notamment la remise d’une garantie d’exécution, au résident permanent ou à l’étranger qui fait l’objet d’un rapport ou d’une enquête ou, étant au Canada, d’une mesure de renvoi.

Serious criminality

36 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

[…]

Application

36(3) The following provisions govern subsections (1) and (2):

(a) an offence that may be prosecuted either summarily or by way of indictment is deemed to be an indictable offence, even if it has been prosecuted summarily;

(b) inadmissibility under subsections (1) and (2) may not be based on a conviction in respect of which a record suspension has been ordered and has not been revoked or ceased to have effect under the Criminal Records Act, or in respect of which there has been a final determination of an acquittal;

(c) the matters referred to in paragraphs (1)(b) and (c) and (2)(b) and (c) do not constitute inadmissibility in respect of a permanent resident or foreign national who, after the prescribed period, satisfies the Minister that they have been rehabilitated or who is a member of a prescribed class that is deemed to have been rehabilitated;

(d) a determination of whether a permanent resident has committed an act described in paragraph (1)(c) must be based on a balance of probabilities; and

(e) inadmissibility under subsections (1) and (2) may not be based on an offence

(i) designated as a contravention under the Contraventions Act,

(ii) for which the permanent resident or foreign national is found guilty under the Young Offenders Act, chapter Y-1 of the Revised Statutes of Canada, 1985, or

(iii) for which the permanent resident or foreign national received a youth sentence under the Youth Criminal Justice Act.

[…]

Preparation of report

44 (1) An officer who is of the opinion that a permanent resident or a foreign national who is in Canada is inadmissible may prepare a report setting out the relevant facts, which report shall be transmitted to the Minister.

Referral or removal order

(2) If the Minister is of the opinion that the report is well-founded, the Minister may refer the report to the Immigration Division for an admissibility hearing, except in the case of a permanent resident who is inadmissible solely on the grounds that they have failed to comply with the residency obligation under section 28 and except, in the circumstances prescribed by the regulations, in the case of a foreign national. In those cases, the Minister may make a removal order.

Conditions

(3) An officer or the Immigration Division may impose any conditions, including the payment of a deposit or the posting of a guarantee for compliance with the conditions, that the officer or the Division considers necessary on a permanent resident or a foreign national who is the subject of a report, an admissibility hearing or, being in Canada, a removal order.

[14]           Les dispositions suivantes du Code sont pertinentes en l’espèce :

Vol, etc. de cartes de crédit

342 (1) Quiconque, selon le cas :

[…]

c) a en sa possession ou utilise une carte de crédit — authentique, fausse ou falsifiée, — ou en fait le trafic, alors qu’il sait qu’elle a été obtenue, fabriquée ou falsifiée :

(i) soit par suite de la commission d’une infraction au Canada,

[…]

est coupable :

e) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans;

f) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Theft, forgery, etc., of credit card

342 (1) Every person who

[…]

(c) possesses, uses or traffics in a credit card or a forged or falsified credit card, knowing that it was obtained, made or altered

(i) by the commission in Canada of an offence,

[…]

is guilty of

(e) an indictable offence and is liable to imprisonment for a term not exceeding ten years, or

(f) an offence punishable on summary conviction.

VII.          THÈSES DES PARTIES

A.                Demandeur

(1)               Demande pour un interprète

[15]           Le demandeur indique que la représentante du ministre a commis une erreur en le persuadant de procéder au deuxième contrôle malgré l’absence d’un interprète. Le demandeur déclare avoir avisé la représentante du ministre qu’il ne comprenait pas la procédure, mais il a consenti à procéder sans interprète lorsque la représentante du ministre lui a affirmé que sa connaissance de l’anglais était suffisante. Cette déclaration est appuyée par le formulaire de contrôle de la représentante du ministre, qui montre que la réponse à la question « Avez-vous besoin d’un interprète?  », qui était initialement « Oui », a été remplacée par « Non » et que le changement de la réponse  « Oui » a été paraphé par la représentante du ministre.

[16]           Étant donné que la langue maternelle du demandeur est le mandarin, et non l’anglais, et l’importance de l’audience, le demandeur indique que la représentante du ministre aurait dû faire preuve de prudence et reporter le deuxième contrôle de façon à ce qu’un interprète soit présent. La représentante du ministre a plutôt procédé au contrôle.

(2)               Absence d’un avocat

[17]           Le demandeur indique également que la représentante du ministre a commis une erreur de procédure en procédant au deuxième contrôle malgré l’absence de l’avocat du demandeur. Étant donné que la représentante du ministre était au courant que le demandeur avait retenu les services d’un avocat, que le demandeur avait avisé la représentante du ministre qu’il ne comprenait pas la procédure et l’importance de l’audience, le demandeur déclare que la représentante du ministre aurait dû faire preuve de prudence et reporter l’audience de façon à ce que l’avocat du demandeur soit présent. La représentante du ministre a plutôt procédé au contrôle.

(3)               Grande criminalité

[18]           Le demandeur soutient que la représentante du ministre a commis une erreur en concluant qu’il était interdit de territoire pour grande criminalité. Le demandeur a été déclaré coupable par procédure sommaire et condamné à seulement cinq mois de détention à domicile. Bien qu’il fût absent à l’audience, l’avocat du demandeur avait fourni une lettre résumant ces faits. Le demandeur déclare que la représentante du ministre n’a pas tenu compte de ce document en concluant que le demandeur était interdit de territoire pour grande criminalité.

B.                 Défendeur

(1)               Raisonnabilité de la décision

[19]           Le défendeur soutient que la décision est raisonnable. En vertu de l’alinéa 36(3)a) de la LIPR, les infractions mixtes sont considérées comme des actes criminels même si elles sont traitées par voie sommaire. Le demandeur a été condamné en vertu du sous-alinéa 342(1)c)(i) du Code, ce qui constitue une infraction mixte. Par conséquent, le choix d’une procédure sommaire n’est pas pertinent par rapport à la conclusion d’interdiction de territoire.

(2)               Demande pour un interprète

[20]           Le défendeur rejette l’allégation du demandeur selon laquelle il a demandé ou avait besoin d’un interprète. Dans un affidavit, la représentante du ministre a confirmé que le demandeur n’a pas demandé et n’avait pas besoin d’un interprète. En plus d’avoir entretenu une conversation avec le demandeur pour confirmer qu’il comprenait l’anglais, la représentante du ministre a confirmé à au moins deux autres reprises que le demandeur comprenait la nature de la procédure. Par ailleurs, le demandeur a reçu deux avis de convocation indiquant qu’il pouvait se faire accompagner par un interprète aux audiences au besoin, mais il a choisi de ne pas le faire.

[21]           Le défendeur fait remarquer que le demandeur a assisté au premier contrôle de la représentante du ministre sans interprète, moment où la même représentante lui a expliqué le processus. Le défendeur souligne en outre que le demandeur est resté au Canada grâce à un visa d’étudiant, qui exige une preuve de ses aptitudes en anglais. Par conséquent, le défendeur déclare qu’on devrait accorder peu de poids à l’allégation selon laquelle le demandeur ne comprenait pas la procédure. Le défendeur demande plutôt à la Cour d’accorder plus de poids à l’affidavit de la représentante du ministre, qui a pris des notes pendant la procédure et qui est désintéressée à l’égard du résultat de ce contrôle judiciaire.

(3)               Absence d’un avocat

[22]           Le défendeur soutient que la présence de l’avocat du demandeur n’était pas nécessaire puisqu’il n’y a pas de droit à l’assistance d’un avocat lors de la détermination d’une ordonnance de renvoi, à moins que la personne concernée ne soit en détention. En l’espèce, le demandeur n’a pas demandé d’ajournement afin que son avocat puisse être présent. Par conséquent, l’avocat du demandeur a eu l’occasion de participer en assistant au premier contrôle de la représentante du ministre et en y présentant des objections par écrit. En outre, le demandeur n’a pas démontré avoir subi un préjudice en raison de l’absence de son avocat lors du deuxième contrôle de la représentante du ministre. Finalement, le résultat du contrôle était inévitable puisque le pouvoir de la représentante du ministre était restreint à l’établissement des faits et le demandeur avait concédé tous les faits pertinents. Par conséquent, la procédure était équitable sur le plan procédural.

C.                 Arguments supplémentaires du demandeur

[23]           Le demandeur ajoute qu’il s’est vu refuser la justice naturelle et l’équité procédurale.

(1)               Contestation des faits

[24]           Le demandeur indique que la question consiste à déterminer s’il a renoncé à son droit à la présence d’un interprète et d’un avocat lors du deuxième contrôle de la représentante du ministre. Pour appuyer sa position selon laquelle il n’a pas procédé à une telle renonciation, le demandeur s’appuie sur l’avis de convocation estampillé par son avocat ainsi que sur le formulaire de contrôle de la représentante du ministre.

[25]           Premièrement, le demandeur affirme que l’avis de convocation prouve son intention d’exercer son droit à l’assistance d’un avocat. Toutefois, l’avocat n’était pas présent au moment de l’entrevue.

[26]           Deuxièmement, le demandeur affirme que le formulaire de contrôle de la représentante du ministre prouve son intention d’exercer son droit à un interprète. Les preuves documentaires montrent que sa réponse initiale à la question de savoir s’il avait besoin d’un interprète était « oui ». Dans son affidavit, la représentante du ministre déclare qu’elle n’arrive pas à se rappeler pourquoi la case « oui » a été cochée et qu’il s’agit probablement d’une erreur administrative. Le demandeur conteste et déclare avoir approuvé le changement.

[27]           Le demandeur affirme qu’on devrait accorder le plus de poids à la preuve documentaire pour prendre une décision relativement à la contestation des faits. En l’espèce, la preuve documentaire montre que l’avocat devait être présent et qu’un interprète était requis et demandé.

(2)               Caractère inévitable

[28]           Le demandeur met également en cause l’argument du défendeur selon lequel le résultat du contrôle était inévitable.

[29]           Premièrement, la probabilité d’un résultat ne constitue pas une raison suffisante de renoncer à l’équité procédurale.

[30]           Deuxièmement, si le résultat était inévitable, il n’y avait aucune raison pour le demandeur d’assister à l’entrevue.

[31]           Troisièmement, le demandeur affirme que la représentante du ministre lui a demandé de satisfaire certains facteurs avant de prendre la décision. Dans son affidavit, la représentante du ministre admet que le demandeur avait droit à l’assistance d’un interprète et d’un avocat. Elle confirme que si l’un ou l’autre est demandé pendant une entrevue, elle interrompt normalement le contrôle et ajourne la procédure. La représentante du ministre indique également que la décision d’émettre une ordonnance d’expulsion est prise uniquement après avoir établi que les allégations dans le rapport sont bien fondées, que le demandeur comprend la procédure et qu’aucune raison ne l’empêche de retourner dans son pays d’origine. Bien qu’on ne puisse déterminer clairement si la présence d’un avocat ou d’un interprète aurait eu une incidence sur la procédure, il est clair que leur participation aurait été prise en considération dans la décision. Par conséquent, le demandeur affirme qu’il s’est vu refuser l’équité procédurale.

D.                Arguments supplémentaires du défendeur

(1)               Erreur susceptible de révision

[32]           Le défendeur soutient qu’aucune erreur susceptible de révision n’a été commise.

[33]           Les arguments du demandeur concernant la nature de la décision doivent être rejetés conformément à l’alinéa 36(3)a) de la LIPR. Le demandeur est interdit au Canada pour grande criminalité et n’a pas établi l’inexactitude des faits sous-jacents à la conclusion d’interdiction. Par ailleurs, il n’a pas démontré avoir subi un préjudice en raison de l’absence d’un avocat ou d’un interprète ni présenté de preuve pour démontrer en quoi la présence d’un avocat ou d’un interprète aurait changé la décision. Le seul argument du demandeur en ce qui a trait au caractère légal du rapport a été présenté par écrit à la représentante du ministre avant la décision.

(2)               Accès à l’assistance d’un avocat

[34]           Le défendeur conteste l’argument du demandeur selon lequel le dossier contenait des éléments de preuve indiquant qu’il souhaitait que son avocat assiste à l’entrevue du 22 septembre 2016. Le demandeur et son avocat ont reçu l’avis de convocation deux semaines avant le deuxième contrôle de la représentante du ministre, mais l’avocat ne s’est pas présenté et aucune preuve n’indique que l’avocat a demandé un report de l’entrevue. Par ailleurs, le demandeur n’a pas demandé un ajournement de la procédure afin que son avocat soit présent.

(3)               Préjudice en raison de l’absence d’un avocat

[35]           Le défendeur soutient également que le demandeur n’a pas subi de préjudice en raison de l’absence d’un avocat. Lors du deuxième contrôle, la représentante du ministre s’en est tenue à l’établissement des faits, et les faits figurant dans le rapport ne sont pas contestés. La seule objection concernait le mode de condamnation et l’application de l’alinéa 36(3)a) de la LIPR. Elle a été soulevée verbalement lors du premier contrôle de la représentante du ministre et par écrit après l’entrevue. Par conséquent, l’absence d’un avocat n’a pas empêché le demandeur de présenter des faits ou des arguments pertinents devant la représentante du ministre.

[36]           De plus, la juge Simpson a fait remarquer ce qui suit dans l’arrêt Gennai c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 8 :

[17]      La dernière question à trancher est celle de la réparation appropriée.  Les demandeurs affirment que l’absence de leur conseil leur a causé un préjudice, mais le conseil n’a fourni aucun élément de preuve sur les observations qu’il aurait présentées ni sur l’incidence que ces observations auraient pu avoir sur la décision de la déléguée du ministre lors de l’examen.

[18]      J’ai conclu qu’en l’absence de toute preuve que les demandeurs ont subi un préjudice important et qu’en raison du fait qu’ils reconnaissent que les mesures d’expulsion étaient raisonnables, la demande ne sera pas accueillie.

(4)               Accès à un interprète

[37]           Le défendeur indique que le demandeur ne s’est pas vu refuser l’accès à un interprète. Il était clairement conseillé au demandeur de se faire accompagner d’un interprète au besoin, mais le demandeur s’est présenté sans interprète et n’a pas demandé d’ajournement pour en trouver un. Le demandeur a plutôt indiqué à deux reprises à la représentante du ministre qu’il comprenait la nature de la procédure.

(5)               Réparation

[38]           Le défendeur indique également que, même si la Cour conclut que le demandeur s’est vu refuser l’équité procédurale, la présente demande de contrôle judiciaire devrait être refusée en raison du caractère inévitable de l’affaire : Magan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 960, au paragraphe 45. Le demandeur est interdit de territoire pour criminalité au Canada et un réexamen mènerait à la même conclusion.

VIII.       ANALYSE

[39]           La seule question en cause dans la présente demande est celle de l’équité procédurale. Comme le juge Evans, (son titre d’alors), l’a souligné il y a quelque temps déjà dans l’arrêt Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 1148, au paragraphe 23 :

[23]      En revanche, les cours de justice ont par ailleurs évité de banaliser l’obligation d’agir avec équité en la réduisant au niveau d’une formalisme. Ce ne sont pas tous les vices de procédure qui équivalent à un manquement à l’obligation d’agir avec équité. Pour que le tribunal judiciaire saisi d’une demande de contrôle judiciaire puisse annuler la décision d’un tribunal administratif pour cause d’iniquité procédurale, les erreurs reprochées doivent avoir privé l’intéressé de ce que toute personne objective considérerait comme une possibilité raisonnable d’influencer le tribunal par la production d’éléments de preuve et la présentation d’observations.

[40]           En l’espèce, le demandeur affirme avoir été privé d’équité procédurale lors du deuxième contrôle, car la représentante du ministre a commis une erreur en omettant de s’assurer que le demandeur était accompagné d’un interprète et en ne permettant pas au demandeur d’être accompagné d’un avocat.

A.                Interprète

[41]           Dans son affidavit accompagnant la présente demande de contrôle, le demandeur présente la preuve suivante : [traduction]

13. Pendant l’entrevue, j’ai dit à la représentante que je parlais et comprenais très peu l’anglais et que j’avais besoin d’un interprète.

14. La représentante m’a convaincu que je parlais et comprenais bien l’anglais et de poursuivre sans interprète.

[...]

17. Je ne comprenais pas la pleine nature de la procédure ni tout ce que la représentante du ministre m’a dit.

[42]           Le demandeur comprenait manifestement assez l’anglais pour suivre des cours et étudier le commerce international au Seneca College, et il vit au Canada depuis 2012. Dans son affidavit, il prend soin de mentionner qu’il ne comprenait pas la « pleine nature » de la procédure ni « tout » ce que la représentante du ministre a dit. Par conséquent, il est difficile de déterminer clairement ce que le demandeur n’a pas compris afin d’en établir la pertinence. En fait, la décision de la représentante du ministre indique clairement que le demandeur comprenait la question principale qui devait faire l’objet d’une décision et a fourni une réponse en ce sens. Dans son affidavit, il indique : [traduction] « lors du contrôle, la représentante du ministre a affirmé que j’étais interdit de territoire pour grande criminalité et que j’allais faire l’objet d’une ordonnance d’expulsion » (paragraphe 18). Les notes de la représentante du ministre indiquent clairement que le demandeur a répondu « oui » lorsque la question suivante lui a été posée : [traduction]

J’examinerai ce rapport ainsi que les éléments de preuve à l’appui. La présente procédure vise à déterminer si l’on devrait vous permettre de rester au Canada ou si une ordonnance de renvoi devrait être émise contre vous.

Comprenez-vous?

[43]           Le demandeur indique également ce qui suit dans son affidavit : [traduction]

18. Lors du contrôle, la représentante du ministre a affirmé que j’étais interdit de territoire pour grande criminalité et que j’allais faire l’objet d’une ordonnance d’expulsion.

19. Bien que les gestes qui m’ont valu un dossier criminel fussent inhabituels de ma part, j’en assume l’entière responsabilité.

[44]           Les notes d’entrevue indiquent également que le demandeur a répondu « oui » à la question générale [traduction] « Comprenez-vous? » et a ensuite donné les réponses suivantes à la question [traduction] « Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez dire en ce qui a trait aux allégations? » :

[traduction] Je ne suis pas d’accord avec le passage de la déclaration finale du rapport qui me déclare coupable d’un acte criminel, car j’ai été condamné par procédure sommaire.

[45]           De toute évidence, cette preuve montre que le demandeur comprenait pleinement la nature de la procédure et le contenu du rapport et qu’il était en mesure de faire comprendre clairement sa position. De plus, lors de la première entrevue de contrôle de la représentante du ministre, le demandeur s’est présenté avec son avocat, mais sans interprète malgré le fait qu’on lui avait dit de se faire accompagner par un interprète au besoin.

[46]           Il affirme maintenant devant moi : [traduction]

13. Pendant l’entrevue, j’ai dit à la représentante que je parlais et comprenais très peu l’anglais et que j’avais besoin d’un interprète.

14. La représentante m’a convaincu que je parlais et comprenais bien l’anglais et de poursuivre sans interprète.

[47]           Cette preuve est réfutée par la représentante du ministre, qui affirme ce qui suit dans son affidavit : [traduction]

11. Une nouvelle date a été fixée et un avis de convocation a été envoyé au demandeur et à son avocat. Encore une fois, l’avis de convocation indiquait au demandeur de se faire accompagner par un interprète au besoin. L’avis de convocation est en date du 8 septembre 2016 et la procédure était prévue pour le 22 septembre 2016. La « pièce E » ci-jointe est une copie de l’avis de convocation.

12. Le 22 septembre 2016, le demandeur s’est présenté pour la procédure. Le demandeur n’était pas accompagné d’un interprète ni d’un avocat.

13. On m’a informée que le formulaire de contrôle du représentant du ministre que j’ai rempli lors du contrôle du 22 septembre 2016 figure aux pages 7 et 8 du dossier de la demande. Les renseignements contenus dans le formulaire de contrôle du représentant du ministre correspondent aux renseignements qui m’ont été fournis par le demandeur pendant l’entrevue.

14. Chaque fois que je commence une entrevue, je vérifie d’abord si la personne a besoin d’un interprète. Le demandeur ne m’a pas indiqué qu’il avait besoin d’un interprète. Si une personne affirme mal comprendre ou parler l’anglais, je lui donne la possibilité d’ajourner la procédure pour lui permettre de trouver un interprète. La décision appartient au demandeur. Il n’est pas avantageux pour les deux parties de procéder si la personne concernée ne comprend pas l’anglais. Si je suis préoccupée à l’idée qu’une personne ne me comprenne pas ou ne comprenne pas le processus ou si je ne peux pas communiquer efficacement avec une personne, j’ajourne la procédure jusqu’à ce que cette personne puisse revenir avec un interprète.

15. Je ne me souviens pas d’avoir eu de la difficulté à communiquer avec le demandeur. Il a affirmé qu’il comprenait bien pourquoi il se trouvait devant moi et il avait déjà assisté à une entrevue avec moi sans l’aide d’un interprète. Je n’ai pas tenté de convaincre le demandeur de poursuivre sans interprète. Si le demandeur m’avait indiqué qu’il voulait un interprète, le contrôle aurait été ajourné.

[48]           Le demandeur affirme que je devrais privilégier sa preuve plutôt que celle de la représentante du ministre étant donné que la représentante a d’abord coché la case « oui » pour ensuite la rayer et cocher la case « non » quand on lui a posé la question « Avez-vous besoin d’un interprète? ». La représentante du ministre explique qu’il s’agit d’une erreur administrative : [traduction]

17. Je ne me rappelle pas pourquoi j’ai coché par erreur la case « oui » en regard de la question portant sur l’interprète dans le formulaire. Je vois que j’ai modifié la réponse et que j’ai inscrit mes initiales pour confirmer le changement. Contrairement aux allégations figurant au paragraphe 18 de l’exposé des arguments du demandeur, les initiales sur le formulaire sont les miennes et non les siennes. Bien que je n’aie pas de souvenir autonome de ce changement, je crois qu’il s’agit simplement d’une erreur administrative.

[49]           Bien que la représentante du ministre ne soit pas parfaitement précise quant aux raisons pour lesquelles le changement a été apporté, elle affirme clairement que le demandeur ne lui a pas « indiqué qu’il avait besoin d’un interprète » et la prépondérance de la preuve ci-dessus indique que c’est le cas. Cette preuve montre que le demandeur n’avait pas besoin d’interprète puisqu’il comprenait pleinement le processus et la signification du rapport et qu’il était parfaitement en mesure de formuler des commentaires sur sa position. La représentante du ministre établit clairement dans son affidavit qu’elle a « un souvenir autonome du demandeur et de son cas » et que le demandeur ne lui a pas « indiqué qu’il avait besoin d’un interprète », et que, s’il avait eu besoin d’un interprète ou éprouvé des problèmes de communication, elle lui aurait donné la possibilité d’ajourner la procédure pour en trouver un, conformément à la pratique habituelle. Comme d’habitude dans ce genre de cas, la version de la représentante du ministère est à privilégier puisqu’elle n’avait aucune raison de mentir et que sa version est appuyée par la preuve générale, y compris des notes contemporaines, selon laquelle le demandeur comprenait pleinement le processus et était en mesure de formuler des commentaires sur le rapport.

B.                 Avocat

[50]           Le demandeur présente les arguments suivants sur ce point : [traduction]

19. La représentante a également commis une erreur en ne permettant pas au demandeur d’être accompagné d’un avocat lors du contrôle de la représentante du ministère. La représentante était au courant que le demandeur avait retenu les services d’un avocat, mais ce dernier ne s’est pas présenté. Par conséquent, compte tenu de l’importance du contrôle de la représentante du ministre et du fait qu’il existait une certaine incertitude quant à la compréhension de la procédure par le demandeur, la représentante aurait encore une fois dû faire preuve d’un excès de prudence et reporter le contrôle. La représentante ne l’a pas fait et, de manière abusive et arbitraire et sans tenir compte de la compréhension de la procédure par le demandeur, a poursuivi le contrôle.

[51]           Dans son affidavit accompagnant la présente demande de contrôle, le demandeur fait les affirmations suivantes : [traduction]

15. J’ai dit à la représentante que j’avais retenu les services d’un avocat pour m’aider à l’entrevue; toutefois, mon avocat ne s’est pas présenté.

16. La représentante m’a dit que je n’avais pas besoin d’avocat et m’a convaincu de poursuivre le contrôle.

17. Je ne comprenais pas la pleine nature de la procédure ni tout ce que la représentante du ministre m’a dit.

[52]           Pour les raisons ci-dessus, il me semble que la preuve appuie le point de vue selon lequel le demandeur comprenait la pleine nature de la procédure. Dans la plaidoirie qu’il me présente, il semble maintenant croire qu’il aurait pu soulever des facteurs d’ordre humanitaire qui auraient changé le cours des événements s’il avait été accompagné d’un avocat. J’ai récemment traité de cette question dans l’arrêt Pompery c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 862 :

[40]      Le représentant du ministre n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’il a pris la mesure d’exclusion. Comme l’a dit clairement la Cour dans la décision Rosenberry, précitée :

[36]      Le fond de la décision n’obligeait pas la déléguée du ministre à tenir compte de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire ni, d’ailleurs, d’aucun facteur d’ordre humanitaire. Lorsqu’ils appliquent l’article 44, les agents d’immigration ne font que rechercher les faits. Ils sont tenus de prendre des mesures quand les faits indiquent qu’un étranger est interdit de territoire. Il n’appartient pas à ces agents d’examiner des considérations d’ordre humanitaire ni des facteurs de risque qui seraient pris en compte dans l’examen des risques avant renvoi. Ce principe a récemment été confirmé dans Cha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 126, [2007] 1 R.C.F. 409, aux paragraphes 35 et 37.

[37]      Il n’était pas non plus nécessaire, dans le contexte de la décision sur l’interdiction de territoire ou de la demande d’ajournement, d’examiner les questions concernant l’exécution des mesures de renvoi. Au moment où la demande a été faite, la déléguée du ministre aurait raisonnablement pu considérer que, si des mesures de renvoi étaient prises contre les demandeurs, ceux-ci auraient quand même le droit de présenter une requête en sursis en vertu du paragraphe 48 de la Loi, dans le cadre de laquelle la demande pendante fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et d’autres facteurs concernant l’exécution des mesures de renvoi seraient normalement examinés.

[41]      Le même argument a été avancé dans Lasin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1356 [Lasin] :

[19]      L’agente d’immigration devait simplement conclure, d’après les faits, que le demandeur n’avait pas le statut qui lui permettait de rester au Canada. La norme de contrôle applicable à ce genre de conclusion de fait, tirée au terme d’un processus administratif, est la décision manifestement déraisonnable. Je suis convaincu que l’agente d’immigration a respecté le processus prescrit par la Loi et qu’elle a pris une décision raisonnable.

[42]      Encore plus récemment, dans Eberhardt, précité, aux paragraphes 55 (citant Lasin, précité) et 59, la Cour a précisé que « l’agente d’immigration n’était saisie que d’une seule question : les renseignements relatifs à l’interdiction de territoire du demandeur étaient-ils exacts? ».

[53]           Pour éviter cette jurisprudence, l’avocat du demandeur a évoqué que, si un avocat avait été présent, il aurait demandé un autre ajournement de façon à ce que la représentante qui a rédigé le rapport examine les facteurs d’ordre humanitaire.

[54]           Il importe de garder à l’esprit que la représentante du ministère avait déjà accordé un ajournement afin de pouvoir examiner les objections soulevées verbalement et par écrit par l’avocat précédent du demandeur. Il était impossible pour la représentante du ministère de savoir qu’un avocat futur pourrait être en mesure de soulever d’autres questions juridiques ou que le demandeur pourrait avoir besoin de temps supplémentaire à cette fin. Après avoir accordé un ajournement pour pouvoir traiter les questions juridiques soulevées par l’avocat du demandeur, la représentante du ministre n’avait aucune obligation de s’assurer que l’avocat soit présent pour soulever d’autres questions juridiques possibles. Dans l’avis de convocation du deuxième contrôle de la représentante du ministère, il était indiqué au demandeur de se faire accompagner par un avocat au besoin. L’avocat ne s’est pas présenté et la preuve de la représentante du ministère montre clairement que le demandeur ne lui a pas « demandé d’ajourner le contrôle pour permettre à son avocat d’y assister » et que, s’il l’avait fait, l’audience aurait été reportée conformément à la pratique courante. Encore une fois, la preuve de la représentante est à privilégier. Elle établit clairement qu’elle a « un souvenir autonome du demandeur et de son cas » et elle n’a aucune raison de déformer les faits. En revanche, le demandeur n’est pas une partie neutre et cette demande pourrait avoir de grandes répercussions sur sa vie. Comme il le mentionne dans son affidavit, [traduction« Si je suis contraint de quitter le Canada, tout ce que j’ai travaillé si fort à accomplir sera perdu ».

[55]           Le demandeur ne conteste pas sa condamnation criminelle et n’allègue pas que le rapport d’interdiction était erroné en droit. Il soutient maintenant que la présence d’un avocat aurait pu entraîner d’autres objections juridiques par rapport aux conclusions du rapport. Le demandeur ne bénéficie pas d’un droit absolu à la présence d’un avocat (voir Canada [Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile] c. Cha, 2006 CAF 126, aux paragraphes 54 à 60) et, à la lumière des faits en l’espèce, la preuve à privilégier est qu’il n’a pas demandé d’ajournement de façon à ce qu’un avocat puisse assister au contrôle et que son ancien avocat a eu amplement l’occasion de présenter des facteurs d’ordre humanitaire ou tout autre argument juridique qui auraient pu aider le demandeur. Le fait que le demandeur a maintenant changé d’avocat et que celui-ci estime que d’autres observations auraient pu être présentées ne signifie pas que le demandeur a subi une injustice sur le plan procédural.

[56]           Je comprends que le demandeur a l’impression d’avoir été traité injustement. Dans son affidavit, il affirme que l’ordonnance d’expulsion qui a été émise était injuste et lui a causé énormément d’angoisse, car il était prêt à commencer à travailler au Canada pour demander un jour le statut de résident permanent. Toutefois, l’ordonnance d’expulsion a en fait été émise conformément aux lois canadiennes et le demandeur a été condamné (bien que par procédure sommaire) pour un acte criminel. Le demandeur a choisi de commettre cet acte et il affirme même dans son affidavit qu’il en « assume l’entière responsabilité ». Les conséquences de commettre un tel acte du point de vue de l’immigration sont tout autant la responsabilité du demandeur, même s’il n’en connaissait peut-être pas la nature quand il a choisi d’avoir une conduite criminelle au Canada.

[57]           Je ne vois aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision.

[58]           Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour est d’accord.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande est rejetée.

2.      Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« James Russell »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4180-16

 

INTITULÉ :

YANG LIU c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 MAI 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 9 JUIN 2017

 

COMPARUTIONS :

Jordan Duviner

 

Pour le demandeur

Manuel Mendelzon

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRIT AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

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