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Date : 20170606


Dossier : IMM-4989-16

Référence : 2017 CF 555

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 juin 2017

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

DAVID KERDIKOSHVILI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée à l’encontre d’une décision rendue le 8 novembre 2016 par la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, confirmant la décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) selon laquelle le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger en vertu respectivement des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

[2]               Le demandeur est âgé de 31 ans et est originaire de Tbilissi, en Géorgie. Il prétend avoir subi un préjudice du fait qu’il est d’origine ossète et que l’État ne peut pas le protéger.

Décision de la SPR

[3]               Le demandeur a affirmé avoir subi cinq agressions en raison de son origine ethnique entre 2008 et 2015. La SPR a procédé à un examen de la preuve documentaire objective et a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était insuffisante pour prouver que les Ossètes étaient persécutés en Géorgie. La SPR a également déterminé que dans trois des incidents, le demandeur n’avait pas été agressé en raison de son appartenance ethnique ossète. Et, bien qu’il soit possible que les deux autres agressions aient été motivées par son appartenance ethnique, elles ont été traitées de manière appropriée par la police. En outre, il s’agissait d’incidents isolés qui, même considérés dans leur ensemble, n’ont pas constitué de la persécution étant donné l’absence de preuves objectives à l’appui. La SPR a également conclu que si la perte d’emploi d’un demandeur en raison de son origine ethnique ossète était discriminatoire, elle ne constituait pas une preuve de persécution. De plus, à la suite de l’une des agressions, la police est allée à l’hôpital pour s’entretenir avec le demandeur. Après avoir reçu son congé de l’hôpital, il a fait le suivi auprès de la police et il a été informé que l’enquête était toujours en cours. Le demandeur n’a plus fait de suivi par la suite. La SPR a déterminé qu’elle ne pouvait pas conclure que la police n’était pas disposée à aider le demandeur puisque, d’après le témoignage de celui-ci, elle enquêtait sur la plainte. En ce qui concerne le deuxième incident, le demandeur a affirmé avoir été agressé par un client en raison de son appartenance ethnique ossète. La SPR a pris note de son témoignage selon lequel, dans les 30 secondes, la police avait mis fin à la bagarre et que personne n’avait été blessé. La SPR a conclu, bien qu’aucune accusation n’ait été portée, qu’il s’agissait d’une réponse raisonnable. Compte tenu de l’enquête menée par la police et de l’intervention de celle-ci, le demandeur n’avait pas présenté d’éléments de preuve clairs et convaincants de l’incapacité de l’État à assurer sa protection et, par conséquent, n’avait pas réfuté la présomption de la protection de l’État.

Décision de la SAR

[4]               Il s’agit de la décision faisant l’objet du contrôle. La SAR a conclu qu’à certaines occasions non précisées, la SPR avait formulé des hypothèses sur les raisons des agressions sans tenir compte des affirmations faites par le demandeur en ce qui concerne son appartenance ethnique. De plus, la crédibilité du demandeur n’a pas été contestée. Cependant, la question déterminante tenait à la protection de l’État. Plus précisément, il s’agissait de savoir si le demandeur avait réfuté la présomption de protection de l’État au moyen d’éléments de preuve clairs et convaincants établissant l’incapacité de l’État à protéger ses citoyens et si la preuve objective étayait ses allégations. La SAR a fait référence au rapport sur la Géorgie (rapport de l’ECRI) publié le 1er mars 2016 par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance du Conseil de l’Europe et a souligné que des progrès législatifs avaient été faits pour éliminer la discrimination et assurer l’accès au défenseur public, une institution indépendante élue par le Parlement qui est autorisée à examiner les plaintes pour discrimination. En outre, alors que la lettre de l’ombudsman soutenait qu’il y avait des agressions en raison de l’origine ethnique en Géorgie, la preuve documentaire restait muette sur les cas d’agression ou de violence fondée sur l’origine ethnique à l’encontre des Ossètes, mis à part une discrimination linguistique. La SAR a également mentionné le Rapport sur les pratiques en matière de droits de la personne dans le monde – Géorgie de 2015 du Département d’État des États-Unis et la création du Service des enquêtes sur les infractions commises dans le cadre des procédures judiciaires au sein du Bureau du procureur général.

[5]               La SAR a conclu, compte tenu du niveau de démocratie en Géorgie et des organismes qu’elle avait identifiés et auprès desquels le demandeur aurait pu demander de l’aide, que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État. Tandis qu’il avait sollicité la protection de la police à plusieurs reprises, il n’y avait aucune preuve qu’il avait communiqué avec une autorité supérieure et il incombait au demandeur de joindre au moins les organismes qui lui auraient permis d’obtenir réparation à la lumière de ses allégations selon lesquelles la police ne l’avait pas aidé. La SAR a estimé qu’il fallait considérer le bien-fondé des craintes du demandeur et, à cet égard, elle était d’accord avec la SPR pour dire que la prépondérance de la preuve documentaire ne faisait pas état d’une persécution contre les Ossètes en Géorgie. Elle a également convenu avec la SPR que le demandeur n’avait pas établi que l’État géorgien ne lui offrirait pas une protection adéquate s’il avait fait des efforts pour solliciter la protection de l’État.

Question en litige et norme de contrôle

[6]               Les parties conviennent que la seule question dans la présente affaire est de savoir si une erreur découle de l’analyse faite par la SAR de la protection de l’État. L’évaluation par la SAR de la protection de l’État soulève des questions mixtes de faits et de droit, par conséquent, elle commande l’application de la norme de la décision raisonnable (Tan v Canada (Citizenship and Immigration), 2016 FC 876, au paragraphe 15; Kandha c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 430, au paragraphe 15). En révisant une décision sur la base de la norme de contrôle de la décision raisonnable, le rôle de la Cour est de déterminer si la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47). Il peut y avoir plusieurs résultats raisonnables, mais « si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable » (arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59).

Analyse

[7]               Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 RCS 689, la Cour suprême du Canada a conclu qu’en l’absence d’un effondrement complet de l’appareil étatique, il y a lieu de présumer que l’État est capable de protéger le demandeur. Le motif est que la protection internationale n’entre en jeu que lorsqu’un demandeur n’a pas d’autre recours disponible. Lorsque l’État n’a pas reconnu son incapacité à protéger un demandeur, comme en l’espèce, le demandeur doit fournir une confirmation claire et convaincante de l’incapacité de l’État à le protéger. Dans les situations où la protection pourrait raisonnablement être prévue, les réfugiés sont tenus de s’adresser à l’État en vue d’obtenir sa protection (voir également Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Villafranca, [1992] ACF no 1189 (CAF), au paragraphe 6; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Flores Carrillo, 2008 CAF 94, au paragraphe 25, Malik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 453, au paragraphe 17, Navarrete Andrade c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 436, au paragraphe 22).

[8]               Le demandeur soutient que l’évaluation faite par la SAR de la Géorgie en tant que pays démocratique était superficielle et imparfaite, ayant fait fi de la preuve pertinente en déterminant la position de la Géorgie sur le « spectre de la démocratie ». Selon le demandeur, la SAR a commis une erreur en concluant que les conditions dans le pays devraient conduire à la conclusion que le demandeur devait s’acquitter du lourd fardeau de réfuter la présomption de protection de l’État et en déterminant s’il était raisonnablement pratique pour lui de demander une protection de l’État (Guerrero Hidalgo v Canada (Citizenship and Immigration), 2016 FC 222, aux paragraphes 8 à 10; Capitaine c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 98).

[9]               Selon moi, cet argument ne saurait être retenu. La SAR, dans sa description des principes généraux, a fait référence à la jurisprudence indiquant que le fardeau de la preuve d’un demandeur est directement proportionnel au niveau de démocratie de l’État en question : plus les institutions de l’État sont démocratiques, plus un demandeur d’asile doit avoir épuisé tous les recours qui s’offrent à lui et, dans un pays où la démocratie n’est pas remise en question, un demandeur d’asile aura le lourd fardeau de prouver qu’il n’aurait pas dû être tenu d’épuiser tous les recours raisonnables dont il pouvait disposer dans son pays avant de demander l’asile (Kadenko c. Canada (Solliciteur général), [1996] ACF no 1376 (CAF) (« Kadenko »), Hinzman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 171, au paragraphe 57).

[10]           La SAR n’a pas commis d’erreur en adoptant cette approche. Elle n’a pas non plus conclu, comme l’a affirmé le demandeur, que la Géorgie [traduction] « a un niveau élevé de démocratie ». Au contraire, elle a conclu que selon la preuve documentaire, la Géorgie est un État démocratique. Elle n’a pas non plus commis d’erreur à cet égard, car la preuve documentaire dans cette affaire ne suggère pas que la Géorgie où la démocratie est remise en question, qu’il s’agit d’un État défaillant ou même que sa capacité à fonctionner en tant qu’État est compromise de manière significative. La SAR a reconnu que la protection de l’État peut ne pas être parfaite, mais elle a bien indiqué que la perfection n’est pas nécessaire et que l’absence de celle-ci n’établit pas une incapacité à protéger ses citoyens. Elle a ajouté qu’en réfutant la présomption de protection de l’État, un demandeur doit montrer qu’il a pris toutes les mesures raisonnables pour obtenir une protection, compte tenu de la situation générale qui a cours dans le pays, des mesures prises par le demandeur d’asile et de sa relation avec les autorités. À cet égard, il fallait examiner la nature des violations des droits de la personne, le profil de l’agresseur présumé, les efforts du demandeur pour demander la protection de l’État, la réponse des autorités et la preuve documentaire.

[11]           En conséquence, je ne suis pas d’accord pour dire que la SAR a imposé un fardeau excessif au demandeur et que sa décision était donc déraisonnable.

[12]           Le demandeur soutient également que dans son témoignage, il a indiqué s’être à plusieurs reprises adressé à l’État pour demander sa protection et que cette protection lui avait effectivement été refusée en raison de son appartenance ethnique ossète. En conséquence, il soutient que son témoignage incontestable réfute la présomption relative à la protection de l’État. À cet égard, il a affirmé qu’en 2011, sa petite amie est tombée enceinte et que les parents de cette dernière l’ont obligée à avorter. De plus, il a soutenu avoir été battu par le père, le frère et d’autres proches de sa petite amie, ce qui lui a valu une hospitalisation. Les médecins ont appelé la police, mais la police n’a pas communiqué avec le demandeur. Après avoir obtenu son congé de l’hôpital, le demandeur est allé au poste de police et on lui a dit que son cas était en attente. Il a déclaré dans son formulaire Fondement de demande d’asile (« FDA ») qu’un agent lui a demandé pourquoi il avait choisi une Géorgienne, qu’il aurait dû choisir une Ossète et qu’il devrait s’estimer heureux de ne pas avoir été tué. Au printemps 2013, à la suite de la célébration d’une fête religieuse, le demandeur et d’autres ont été agressés par des Géorgiens et il a été à nouveau hospitalisé. Les médecins ont une nouvelle fois appelé la police et le demandeur a parlé à la police, mais il ne se souvient pas des détails, ayant subi une commotion cérébrale. Un mois après avoir reçu son congé de l’hôpital, il est allé au poste de police pour se renseigner sur sa plainte et on lui a dit qu’elle était en cours de traitement et qu’il serait tenu au courant une fois l’enquête terminée. Cependant, la police n’a jamais communiqué avec lui. En outre, en 2014, dans le cadre de son emploi, il s’est rendu dans une maison pour installer des services Internet et il a été agressé. La police est arrivée et est intervenue, mais elle lui a demandé s’il était Ossète, pourquoi il s’était rendu chez des réfugiés géorgiens d’Ossétie du Sud. Le demandeur soutient que le fait qu’on l’ait accusé d’être responsable de cet incident renvoie au caractère adéquat de la protection de l’État qui lui serait offerte à l’avenir et que ses expériences démontrent que l’État n’a aucun intérêt à faire quelque chose au sujet de ses plaintes et que son appartenance ethnique a contribué à l’inaction de la police.

[13]           La SAR aurait certainement pu s’opposer au fait que le demandeur ne s’était pas renseigné davantage auprès de la police qui enquêtait sur ses plaintes ou au fait qu’il n’avait pas fait part de son inquiétude quant à l’inaction de la police à un niveau hiérarchique supérieur au sein du corps policier (Malik, au paragraphe 18, citant l’arrêt Kadenko, à la page 534). Elle aurait pu également, comme la SPR l’avait fait, se demander si, compte tenu de la réponse de la police, ces incidents établissaient la réticence ou l’incapacité de l’État à protéger le demandeur. Cependant, la SAR a plutôt conclu que le demandeur aurait dû demander l’aide de l’un des organismes qu’elle a identifiés dans ses motifs, qu’il lui incombait de faire appel à l’un de ces organismes, ces derniers pouvant lui offrir un recours à la lumière de ses allégations selon lesquelles la police ne l’avait pas aidé et que, par conséquent, il n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État.

[14]           Le problème est que notre Cour a précédemment conclu que la police est présumée être la principale institution chargée d’assurer la protection des citoyens et que les autres institutions publiques ou privées sont présumées n’avoir ni les moyens ni le rôle d’assumer une telle responsabilité (Graff c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 437, au paragraphe 24 (« Graff »), Katinszki c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1326, au paragraphe 15 (« Katinszki »), Flores Zepeda c. Canada (Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 491, aux paragraphes 24 et 25). Ici, le demandeur a prétendu avoir été agressé physiquement, donc les actions dénoncées n’étaient pas seulement discriminatoires, mais elles étaient de nature criminelle. Cependant, la SAR n’a pas expliqué, et cela ne ressort pas du dossier, comment les efforts entrepris par les organismes qu’elle a identifiés se traduiraient par une protection de l’État pour le demandeur sur le plan opérationnel contre d’autres agressions à motivation ethnique (Graff, aux paragraphes 21 à 23; Majoros c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 421, au paragraphe 20 (« Majoros »), Ignacz c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1164, au paragraphe 23, Katinszki, au paragraphe 14).

[15]           Le rapport de l’ECRI mentionné par la SAR stipule que le défenseur public peut entendre un cas et conclure si une personne a été victime de discrimination.  Le défenseur public peut également faire une recommandation sur la façon de restaurer l’égalité violée, mais ses conclusions et ses recommandations ne sont pas juridiquement contraignantes et ne peuvent pas être exécutées. Dans de tels cas, les victimes de discrimination doivent toujours porter leur cause devant les tribunaux. Le rapport de l’ECRI ne suggère pas que le défenseur public puisse proposer au demandeur un moyen de protection contre les agressions physiques. Je note que le rapport du Département d’État des États-Unis indique que d’après les organisations non gouvernementales, le Bureau du défenseur public, qui a pour mandat de surveiller les droits de la personne et d’enquêter sur les allégations d’abus et de discrimination, est l’organe de défense des droits de l’homme du gouvernement le plus objectif. Toutefois, il précise que l’autorité du défenseur public n’inclut pas le pouvoir d’engager des poursuites ou d’autres poursuites judiciaires. Il a le droit de formuler des recommandations non contraignantes aux organismes d’application de la loi pour enquêter sur certains dossiers relatifs aux droits de la personne. La SAR a également fait référence à une preuve documentaire indiquant que le Service d’inspection général du ministère des Affaires intérieures (« Ministère ») a pris moins de mesures disciplinaires à l’égard des agents d’application de la loi en 2015 que pendant l’année précédente. Cependant, on ne voit toujours pas en quoi les mesures disciplinaires imposées par le Ministère se traduiraient par une protection de l’État pour le demandeur.

[16]           Cela dit, la SAR a également conclu que la preuve documentaire ne corroborait pas la conclusion selon laquelle les Ossètes sont victimes de discrimination ou de violence en raison de leur origine ethnique en Géorgie et, après avoir examiné le dossier, je conclus que la SAR n’a pas commis d’erreur en tirant cette conclusion. Ainsi, la situation est différente de celle dans la décision Majoros où la preuve documentaire suggérait que la persécution contre les Roms en Hongrie était généralisée et systématique et, par conséquent, à moins que les agressions n’aient été perpétrées par la même personne, les tentatives continues faites par les demandeurs pour pousser les autorités à intervenir n’entraîneraient pas nécessairement une protection future de l’État. En pareil cas, la preuve documentaire est plus pertinente dans le cadre de l’analyse de la protection de l’État que les tentatives individuelles faites pour obtenir une telle protection (Majoros, aux paragraphes 14 à 16). Dans cette affaire, dans au moins deux des agressions, les assaillants étaient connus du demandeur, il est donc possible que les plaintes adressées au défenseur public ou au Ministère aient abouti à l’avancement de ces cas, mais la SAR n’a pas envisagé ce recours comme celui étant à la disposition du demandeur. De plus, la SAR n’évalue pas non plus la question de savoir si la protection contre ces sources aurait pu être assurée dans le cas du demandeur et elle n’examine pas la totalité des agressions revendiquées.

[17]           Dans l’ensemble, alors que les motifs de la SAR reprennent longuement les principes sous-jacents de la protection de l’État et renvoient à des extraits de la preuve documentaire, la SAR ne consacre qu’un seul paragraphe à son analyse. Étant donné que la SAR a explicitement reconnu que la crédibilité du demandeur n’avait pas été contestée, mais qu’elle n’a pas pris en considération son témoignage quant aux agressions qu’il avait subies antérieurement et qu’il attribuait à son appartenance ethnique ossète, et qu’elle n’a pas expliqué en quoi le fait de se tourner vers les organismes qu’elle a identifiés assurerait au demandeur une protection de l’État contre d’autres agressions physiques, à mon avis, sa conclusion selon laquelle le demandeur n’a pas réfuté la présomption de protection de l’État est déraisonnable.

[18]           En outre, si le SAR n’a pas commis d’erreur ni dans sa conclusion ni dans le fait qu’elle a convenu avec la SPR que la prépondérance de la preuve documentaire ne soutient pas la persécution généralisée contre les Ossètes en Géorgie, elle ne lie pas cette conclusion à sa conclusion relative à la protection de l’État et elle n’explique pas non plus en quoi elle est importante pour la décision. Il a été jugé que lorsqu’on entreprend une approche contextuelle pour déterminer si un demandeur a réfuté la présomption de protection de l’État, un certain nombre de facteurs doivent être pris en considération et comparés au dossier documentaire disponible, car le dossier peut indiquer si les circonstances de l’affaire sont vraisemblables dans le contexte d’un pays donné (Gonzalez Torres c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 234, aux paragraphes 37 et 43). C’est peut-être ce que la SAR voulait faire. Pourtant, elle a admis que le demandeur était crédible et elle n’a tiré aucune conclusion clairement défavorable au sujet de la vraisemblance de son affirmation selon laquelle les agressions étaient motivées par l’origine ethnique. On peut supposer qu’en l’absence de preuve documentaire soutenant la persécution d’Ossètes en Géorgie, qui constitue un fondement objectif pour la crainte du demandeur, la SAR a estimé qu’il ne pouvait pas y avoir d’élément de preuve clair et convaincant permettant de réfuter la disponibilité de la protection de l’État pour le demandeur. Cependant, rappelons-le, la SAR n’a pas tenu compte du témoignage du demandeur concernant les agressions qu’il attribuait à son appartenance ethnique ossète et elle a reconnu que la crédibilité du demandeur n’était pas contestée. En conséquence, à mon avis, comme cela n’est pas concilié dans les motifs de la SAR, la décision est également déraisonnable étant donné qu’elle est inintelligible.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada pour réexamen par un autre commissaire de la Section d’appel des réfugiés.

2.      Aucune question de portée générale n’est proposée par les parties et aucune n’est soulevée.

3.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Cecily Y. Strickland »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4989-16

 

INTITULÉ :

DAVID KERDIKOSHVILI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

AUDIENCE TENUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 31 MAI 2017 À TORONTO (ONTARIO) ET À OTTAWA (ONTARIO).

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 6 juin 2017

 

OBSERVATIONS ORALES ET ÉCRITES :

Richard M. Addinall

 

Pour le demandeur

 

Prathima Prashad

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Richard M. Addinall

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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