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Date : 20170605


Dossier : IMM-4735-16

Référence : 2017 CF 549

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 5 juin 2017

En présence de monsieur le juge Barnes

Dossier : IMM-4735-16

ENTRE :

RAJVIR KAUR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS 

[1]               La demanderesse conteste une décision d’un agent des visas qui a conclu qu’elle est interdite de territoire pour fausse déclaration. En conséquence, la demande de résidence permanente de la demanderesse à titre de membre de la catégorie du regroupement familial a été rejetée. La conclusion quant à l’existence d’une fausse déclaration interdit également à la demanderesse d’entrer au Canada pendant cinq ans.

[2]               Le dossier révèle qu’après la demande de résidence permanente, la demanderesse a épousé un résident permanent du Canada. Peu de temps après, elle est tombée enceinte. Compte tenu de l’état civil nouvellement acquis, la demanderesse a cherché à retirer sa demande de résidence permanente au profit d’un parrainage conjugal. La demande de retrait a été rejetée et la demande en vertu de la catégorie des travailleurs qualifiés est allée de l’avant. Au cours de ce processus, il a été déterminé que la demanderesse avait peut-être fait, à certains égards, une fausse déclaration concernant ses antécédents professionnels déclarés. Une lettre relative à l’équité a donc été remise, laquelle lettre a motivé une réponse du représentant de la demanderesse. Bien que la demanderesse ait affirmé que toute erreur dans sa déclaration était sans importance et innocente, le principal motif de sa demande de dérogation porte sur son mariage et sa grossesse. En particulier, elle a fait une [traduction] « demande de grâce » compte tenu de l’intérêt supérieur de son enfant à naître. L’agent des visas a rejeté la demande pour les motifs suivants : [traduction]

J’ai examiné les renseignements en ce qui a trait à l’expérience d’emploi déclarée de la demanderesse, aux résultats de vérification, à la lettre relative à l’équité procédurale et à la réponse de la demanderesse. La demanderesse a soumis des lettres mises à jour indiquant qu’elle était employée en tant qu’ingénieure civile par la société New Gautam Nagar Co-op Labour and Construction Company d’octobre 2010 à juin 2016. Elles sont en opposition directe avec les résultats de la vérification. Je préfère les renseignements fournis spontanément par l’employeur lors de la vérification des renseignements et des documents produits en réponse à la lettre relative à l’équité procédurale et je leur accorder plus de poids. Le représentant en immigration fait remarquer que la demanderesse a demandé le retrait cette demande parce qu’elle s’attend à être parrainée par son époux, qui est un résident permanent du Canada, et qu’elle n’avait donc aucune raison de faire une fausse déclaration au sujet de son expérience professionnelle. Je note que la demande de retrait a été reçue le même jour que la vérification auprès de l’employeur et qu’au moment de la présentation de la demande et de la lettre de recommandation professionnelle, la demanderesse n’était pas mariée et que son mariage et son éventuel parrainage n’étaient pas des facteurs pertinents à ce moment-là. Je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse a délibérément falsifié son expérience professionnelle, un fait important lié aux questions pertinentes que sont l’admissibilité à l’appartenance à la catégorie économique en tant que travailleur qualifié fédéral conformément à la classification nationale des professions (R75(2)) et les points à attribuer pour l’expérience professionnelle. La fausse déclaration au sujet de ces faits importants aurait pu entraîner une erreur dans l’administration de la Loi par la délivrance d’un visa à une personne qui n’y a pas droit. Par conséquent, je conclus que la demanderesse est visée par l’alinéa 40(1)a) et est interdite de territoire au Canada.

Je prends en note la demande faite par le représentant en immigration pour que le cas soit examiné à la lumière de motifs d’ordres humanitaires compte tenu de l’anxiété que la demande en cours a occasionnée chez la demanderesse. Étant donné que cette anxiété est due au fait que la demanderesse a dénaturé un fait important relativement à une question pertinente, il serait contraire à l’intention de la loi d’accorder à la demanderesse un statut de résident permanent ou une exemption de tous les critères ou obligations applicables de la présente loi pour ce motif. Je prends également en note la demande de prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant de la demanderesse. Je note que l’enfant n’est pas encore né, la date prévue d’accouchement étant le 18 novembre 2016. Je ne suis pas convaincu de pouvoir tenir compte de l’intérêt supérieur d’un enfant qui n’existe pas encore de façon indépendante malgré la référence faite par le représentant en immigration à la décision Li c. Canada (Sécurité publique) et, pour ce motif, je refuse de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant. Demande rejetée en vertu des articles 40 et 11.

[3]               La question déterminante dans cette demande concerne le traitement par l’agent des visas de la grossesse de la demanderesse et, en particulier, le refus de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant à naître. Selon l’agent des visas, une grossesse n’assure aucun motif d’ordre humanitaire.

[4]               À mon avis, cette partie de la décision constitue une abrogation du pouvoir conféré en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 [LIPR] et n’est pas raisonnable.

[5]               Une grossesse et la naissance probable d’un enfant sont pertinentes et, dans de nombreux cas, constituent des faits convaincants qui doivent être pris en compte dans la décision d’accorder ou non cette forme de dérogation à une demanderesse. Les conséquences probables du refus d’une dérogation dans de tels cas comprennent une séparation prolongée de la famille et des préoccupations quant au soutien de l’enfant à naître. On ne peut pas balayer du revers de la main ces questions au motif que l’enfant [traduction] « n’existe pas encore de façon indépendante ». Il n’est pas non plus loisible à un agent des visas de rejeter les décisions pertinentes de notre Cour comme si elles n’avaient aucune incidence sur la décision. Notre Cour a clairement indiqué dans les décisions Li c. Canada, 2016 CF 451, [2016] ACF no 416 (QL) [Li] et Hamzai c. Canada, 2006 CF 1108, [2006] ACF no 1408 (QL), qu’une grossesse est pertinente pour justifier l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire pour des motifs d’ordre humanitaire. Ces décisions réduisent considérablement la portée du pouvoir discrétionnaire du décideur et ne peuvent certainement pas être rejetées d’emblée. Même si l’enfant n’est pas né, le décideur est tenu de faire preuve de bon sens et de réfléchir attentivement aux circonstances les plus susceptibles de se présenter à la fin de la grossesse. Contrairement au point de vue apparent de l’agent des visas, la naissance à venir d’un enfant dans ce contexte n’a rien à voir avec une affirmation des droits du fœtus.

[6]               Je n’accepte pas non plus l’argument du défendeur selon lequel une distinction peut être établie dans la décision Li. Le fait que l’enfant, une fois né, ne soit pas citoyen canadien n’a aucune conséquence juridique, et il n’importe pas non plus que la demanderesse et l’enfant soient à l’extérieur du Canada. Ce qui est pertinent est la question de savoir si la famille est susceptible d’être séparée, et si oui, pour combien de temps.

[7]               Pour les motifs qui précèdent, la demande est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre décideur afin qu’elle soit jugée à nouveau sur le fond. Aucune des parties n’a soumis de question à certifier et aucune question d’importance générale ne se pose.


JUGEMENT

LA COUR accueille la demande, et l’affaire doit être renvoyée à un autre décideur afin qu’il rende une nouvelle décision sur le fond.

« R.L. Barnes »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-4735-16

 

INTITULÉ :

RAJVIR KAUR c. LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 31 mai 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BARNES

DATE DES MOTIFS :

Le 5 juin 2017

COMPARUTIONS :

Victor Ing

Pour la demanderesse

Brett Nash

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sas & Ing, Immigration Law

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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