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Date : 20170531


Dossier : T-1424-16

Référence : 2017 CF 525

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2017

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

ANGELA MIGLIALO

demanderesse

et

LA BANQUE ROYALE DU CANADA

intimée

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par la demanderesse en vertu des articles 51 et 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, à l’encontre de l’ordonnance du protonotaire Lafrenière, datée du 27 avril 2017, par laquelle il a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse pour cause de retard.

[2]               Les ordonnances discrétionnaires des protonotaires ne devraient être infirmées que lorsqu’elles sont erronées en droit, ou fondées sur une erreur manifeste et dominante quant aux faits (Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, aux paragraphes 64 et 79, demande d’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada déposée le 9 décembre 2016 dans 2016 CarswellNat 7112 (WL)). La partie qui reçoit un avis d’examen de l’état de l’instance doit répondre à deux questions : 1) Y a-t-il une justification pour l’omission d’avoir fait avancer l’affaire? 2) Quelles mesures la partie a-t-elle l’intention de prendre pour faire avancer l’affaire? (Liu c. Matrikon Inc., 2010 CAF 329, au paragraphe 2; citant Baroud c. Canada, [1998] ACF no 1729 (CFPI); voir également Cotirta c. Missinippi Airways, 2012 CF 1262, au paragraphe 8, confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt 2013 CAF 280).

[3]               La présente demande concerne une plainte devant le Commissaire à la protection de la vie privée, laquelle a été déposée le 26 août 2016. Aucune autre mesure n’a été prise pour faire avancer l’affaire. Le 4 avril 2017, notre Cour a signifié un avis d’examen de l’état de l’instance, pour lequel les parties ont déposé des réponses écrites. Le protonotaire Lafrenière a rejeté la demande au motif que la seule explication offerte par la demanderesse pour justifier le retard était qu’elle se représentait elle-même et qu’elle n’était pas au courant des mesures procédurales à prendre suivant la signification de l’avis de comparution. Le protonotaire n’a pas jugé que cette raison était valable, soulignant qu’il était de la responsabilité de la demanderesse de se familiariser avec les règles procédurales et de s’y conformer (Scheuneman c. Canada, 2003 CFPI 37). La demanderesse n’a pas non plus expliqué les raisons justifiant une période substantielle d’inactivité et, malgré le libellé clair de l’avis d’examen de l’état de l’instance, elle n’a proposé aucune mesure concrète pour faire avancer l’affaire dans l’éventualité où l’on autoriserait sa poursuite. À la lumière de ce retard anormalement long et injustifié, et du manquement persistant de la demanderesse à ses responsabilités, le protonotaire a rejeté la demande pour cause de retard.

[4]               En appel, la demanderesse ne laisse pas entendre que le protonotaire a commis une erreur en droit ou qu’il a fondé sa décision sur une erreur manifeste et dominante quant aux faits. En lieu et place, elle explique une fois de plus qu’elle n’a pas compris ce que l’on attendait d’elle et affirme avoir eu de la difficulté à comprendre les termes techniques de l’avis d’examen de l’état de l’instance et de l’ordonnance; en outre, elle avance que la firme d’avocats avec laquelle elle a communiqué ne pouvait agir en son nom parce qu’elle représentait l’intimée ou n’avait pas d’expérience de la Cour fédérale. Toutefois, il s’agit là d’une simple réaffirmation des raisons qu’elle a fournies en réponse à l’avis d’examen de l’état de l’instance, et cela n’est pas suffisant pour justifier que la Cour intervienne relativement à la décision du protonotaire. De plus, les termes de l’avis d’examen de l’état de l’instance ne sont pas difficiles à comprendre. On y indique qu’un demandeur doit déposer [traduction] « ses prétentions énonçant les raisons pour lesquelles l’instance ne devrait pas être rejetée pour cause de retard. Ces prétentions devaient comprendre une justification du retard et un calendrier proposé indiquant les mesures nécessaires pour faire avancer l’instance de façon expéditive. »

[5]               La demanderesse a également déposé un affidavit pour appuyer son appel, lequel explique le contexte factuel entourant sa plainte devant le Commissaire à la protection de la vie privée. Sont également joints à l’affidavit des dossiers médicaux pour la période allant du 20 février 2014 au 6 mai 2016 concernant l’anxiété dont elle a souffert à la suite de l’atteinte alléguée à sa vie privée; le plus récent de ces documents se termine sur une déclaration selon laquelle la demanderesse souhaite régler la question de l’atteinte à sa vie privée et prévoyait déposer sa plainte devant la Cour fédérale. La demanderesse affirme que cela prouve qu’elle a toujours eu l’intention de donner suite à sa demande, de manière à mettre fin au stress émotionnel qu’elle a vécu. Mis à part le fait que cette information n’a pas été présentée au protonotaire, le plus récent dossier médical précède le dépôt de la demande de contrôle judiciaire et n’explique pas le retard à donner suite à l’affaire.

[6]               Toutefois, l’ordonnance indique que, malgré le libellé clair de l’avis d’examen de l’état de l’instance, la demanderesse ne propose aucune mesure concrète pour faire avancer l’affaire dans l’éventualité où l’on autoriserait sa poursuite. En outre, l’ordonnance indique que [traduction] « il est simplement insuffisant d’avancer en réponse qu’elle a examiné les règles de la Cour “et la procédure suivante pour poursuivre sur le fond” ». En fait, cette déclaration apparaît dans les observations écrites de la demanderesse déposées en réponse à l’avis d’examen de l’état de l’instance le 13 avril 2017, lesquelles ne contiennent pas de calendrier proposé. Le 26 avril 2017, un jour avant que le protonotaire Lafrenière ne rende son ordonnance, la demanderesse a déposé une réponse aux observations écrites de l’intimée relativement à l’avis d’examen de l’état de l’instance. Cette réponse inclut un tableau, que la demanderesse décrit comme [traduction] « un calendrier proposé indiquant les mesures nécessaires pour faire avancer l’instance de façon expéditive et sur le fond ».

[7]               Selon la date de l’ordonnance et sa terminologie, il est possible que le protonotaire n’ait pas eu devant lui la réponse de la demanderesse datée du 26 avril 2017 lorsqu’il a rendu son ordonnance, ou qu’il ait omis par inadvertance d’en tenir compte. La demanderesse se représente elle-même dans cette affaire et n’a pas soulevé cette possible erreur dans les faits. Toutefois, dans les circonstances, il est dans l’intérêt de la justice d’accueillir l’appel, d’annuler l’ordonnance rejetant la demande pour cause de retard et d’autoriser la poursuite de cette affaire à titre d’instance à gestion spéciale (voir Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, au paragraphe 72).


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                   L’appel contre l’ordonnance du protonotaire Lafrenière, datée du 27 avril 2017, est accueilli et l’ordonnance en question, rejetant la demande de contrôle judiciaire pour cause de retard, est annulée.

2.                   La poursuite de cette affaire se fera à titre d’instance à gestion spéciale, en application de l’article 384 des Règles des Cours fédérales.

3.                   Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1424-16

 

INTITULÉ :

ANGELA MIGLIALO c. LA BANQUE ROYALE DU CANADA

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) EN VERTU DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES.

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 31 MAI 2017

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Angela Miglialo

Pour la demanderesse

(EN SON PROPRE NOM)

 

Jordan R.M. Deering

Emily McCarthy

POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l.

400, 3rd Avenue SW, Suite 3700

Calgary (Alberta)

T2P 4H2

POUR L’INTIMÉE

 

 

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