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Date : 20170510


Dossier : T-1653-16

Référence : 2017 CF 487

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 mai 2017

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

APOTEX INC., apotex pharmachem india pvt ltd et apotex research private limited

demanderesses

et

Rona Ambrose, Julie Vaux, Clark Olsen, Nick Switalski, Cailin Rodgers, George Da Pont, Paul Glover, Anil Arora, Anne Lamar, Supriya Sharma, Robin Chiponski, Mary Morgan, Steven Schwendt, Sharon Mullin, Barbara Sabourin, Karen Reynolds, Craig Simon, Michelle Kovacevic, John Doe, Jane Doe, Sa Majesté la Reine et le procureur général du Canada

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                    Contexte

[1]               Il s’agit d’une requête en radiation conformément à l’article 221(1)a) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, dans laquelle les défendeurs demandent une ordonnance rejetant l’action intentée contre tous les défendeurs, à l’exception de Sa Majesté la Reine.

A.                 Les parties

[2]               Les demanderesses dans l’action sous-jacente (les intimées aux fins de la présente requête) sont Apotex Inc. (« Apotex ») ainsi que ses deux sociétés affiliées, qui sont situées en Inde : Apotex Pharmachem India Pvt Ltd. (« APIPL ») et Apotex Research Private Limited (« ARPL ») (collectivement, les « demanderesses »). Apotex est un fabricant de médicaments génériques et un vendeur de produits pharmaceutiques au Canada. En plus de fabriquer des produits pharmaceutiques, Apotex importe et vend des médicaments fabriqués par ses sociétés affiliées.

[3]               Les défendeurs dans l’action sous-jacente (les requérants aux fins de la présente requête) sont Rona Ambrose, Julie Vaux, Clark Olsen, Nick Switalski, Cailin Rodgers, George Da Pont, Paul Glover, Anil Arora, Anne Lamar, Supriya Sharma, Robin Chiponski, Mary Morgan, Steven Schwendt, Sharon Mullin, Barbara Sabourin, Karen Reynolds, Craig Simon, Michelle Kovacevic, John Doe, Jane Doe (ensemble, les « défendeurs individuels »), Sa Majesté la Reine (la « Couronne ») et le procureur général du Canada (collectivement, « les défendeurs »).

[4]               Mme Ambrose était ministre de la Santé (« ministre ») entre juillet 2013 et novembre 2015. Mme Vaux était, pendant toute la période pertinente, chef de cabinet du ministre et conseillère politique principale. M. Olsen et Mme Rodgers étaient, pendant toute la période pertinente, directeurs des communications du ministre. M. Switalski était, pendant toute la période pertinente, adjoint spécial principal du ministre. M. Da Pont était sous-ministre fédéral de la Santé, entre août 2013 et janvier 2015. M. Glover est, et a été pendant toute la période pertinente, sous-ministre délégué fédéral de la Santé.

[5]               Santé Canada est le ministère fédéral qui supervise la réglementation des produits pharmaceutiques au Canada. Il se compose de diverses directions générales, cabinets et bureaux, y compris : (1) le Bureau des régions et des programmes (« BRP »), qui est chargé d’inspecter les installations qui fabriquent des produits pharmaceutiques; et (2) la Direction générale des produits de santé et des aliments (« DGPSA »), une direction générale qui supervise plusieurs directions. Les directions sous l’autorité de la DGPSA comprennent (1) l’Inspectorat de la Direction générale des produits de santé et des aliments (« l’Inspectorat »), qui est responsable des activités de conformité et d’application de la loi ainsi que de la surveillance des licences d’établissement pour les installations qui fabriquent des produits pharmaceutiques; et (2) la Direction des produits thérapeutiques (« DPT »), qui est responsable de la réglementation fédérale des médicaments pharmaceutiques et des dispositifs médicaux.

[6]               M. Arora était sous-ministre adjoint fédéral de la Santé de la DGPSA, entre septembre 2014 et septembre 2016. Mme Lamar est, et a été pendant toute la période pertinente, sous-ministre adjointe déléguée fédérale de la Santé de la DGPSA. Mme Sharma a été, pendant toute la période pertinente, jusqu’en août 2015, conseillère médicale principale auprès de la sous-ministre adjointe déléguée fédérale de la Santé de la DGPSA; en août 2015, elle a été nommée conseillère médicale principale auprès du sous-ministre de la Santé.

[7]               Mme Chiponski est, et a été pendant toute la période pertinente, directrice générale de l’Inspectorat. M. Schwendt a été, pendant toute la période pertinente, un employé de l’Inspectorat et, pendant la période allant de 2015 à 2016, directeur général intérimaire de l’Inspectorat. Mme Mullin est, et a été pendant toute la période pertinente, une employée de l’Inspectorat. Mme Sabourin a été, pendant toute la période pertinente, jusqu’en janvier 2016, directrice générale de la DPT. Mme Reynolds est, et a été pendant toute la période pertinente, directrice du Bureau des sciences pharmaceutiques de la DPT. M. Simon est, et a été pendant toute la période pertinente, directeur associé du Bureau des sciences pharmaceutiques de la DPT. Mme Kovacevic est, et a été pendant toute la période pertinente, sous-ministre adjointe de la Santé de la Direction générale des communications et des affaires publiques de Santé Canada (« DGCAP »).

[8]               Apotex s’est réservé le droit de mettre en cause d’autres personnes qui étaient aussi personnellement responsables de la décision et des mesures prises en l’espèce ou qui y ont pris part; ces personnes, actuellement inconnues d’Apotex, ont été identifiées ici comme John Doe et Jane Doe.

B.                 Le régime réglementaire

[9]               Au Canada, la vente de drogues est à la fois très réglementée et assujettie au respect de la législation fédérale, qui vise à équilibrer deux intérêts concurrents, à savoir encourager l’innovation continue de nouveaux médicaments et favoriser l’accès en temps opportun aux équivalents génériques : (1) le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) [Règlement sur les MB(AC)] et (2) la Loi sur les aliments et drogues [la Loi] et les règlements qui l’accompagnent [Règlements] (collectivement, « Loi et Règlements »). Ces instruments énoncent les règles et les exigences qui traitent de sujets tels que la classification des médicaments, les identifications numériques des médicaments (« DIN »), l’étiquetage, la tenue des dossiers, les conditions pour les établissements de fabrication de médicaments, les bonnes pratiques de fabrication (« BPF ») et les essais cliniques.

[10]           La Loi et les Règlements sont complétés par diverses politiques et lignes directrices, qui précisent l’interprétation par le ministre de ces textes législatifs. Le ministre est en principe la personne responsable de l’administration de la Loi et des Règlements. Toutefois, le pouvoir discrétionnaire du ministre est, en réalité, délégué à divers groupes et individus au sein de Santé Canada.

(1)               Identification numérique des médicaments

[11]           Chaque médicament vendu au Canada dans une forme posologique finale se voit attribuer un DIN par le sous-ministre adjoint délégué fédéral de la Santé de la DGPSA. L’attribution d’un DIN se fait conformément aux dispositions du titre premier de la partie C des Règlements, à la demande du fabricant du médicament (au Canada), de son mandataire ou de l’importateur.

[12]           Au moment de faire une demande de DIN, le demandeur doit fournir des renseignements conformément à l’article C.01.014.1(2), qui concernent la composition et l’étiquetage du médicament. Si un fabricant ou un importateur a fourni tous les renseignements prescrits, le directeur attribue au fabricant un DIN, à moins que le directeur n’ait des motifs raisonnables de croire que ce produit n’est pas un médicament, que sa vente pourrait causer un préjudice à la santé du consommateur ou de l’acheteur, ou que cette vente constituerait une violation de la Loi et des Règlements (article C.01.014.2).

[13]           En vertu de l’article C.01.014.6(2), le directeur peut annuler l’attribution d’un DIN à un médicament :

a) si le fabricant de la drogue ne s’est pas conformé à l’article C.01.014.5; ou

a)      the manufacturer of the drug has failed to comply with section C.01.014.5; or

b) si le fabricant à qui l’identification numérique a été attribuée a été avisé, selon l’article C.01.013, que les preuves présentées au sujet de la drogue sont insuffisantes.

b)      the manufacturer to whom the number was assigned has been notified pursuant to section C.01.013 that the evidence he submitted in respect of the drug is insufficient.

(2)               Avis de conformité (« AC »)

[14]           Dans le cas d’un « nouveau médicament », la demande d’un DNI doit également satisfaire aux exigences du titre 8 de la partie C des Règlements. Un nouveau médicament est défini comme suit (C.08.001) :

a) une drogue qui est constituée d’une substance ou renferme une substance, sous forme d’ingrédient actif ou inerte, de véhicule, d’enrobage, d’excipient, de solvant ou de tout autre constituant, laquelle substance n’a pas été vendue comme drogue au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l’innocuité et l’efficacité de ladite substance employée comme drogue;

(a) a drug that contains or consists of a substance, whether as an active or inactive ingredient, carrier, coating, excipient, menstruum or other component, that has not been sold as a drug in Canada for sufficient time and in sufficient quantity to establish in Canada the safety and effectiveness of that substance for use as a drug;

b) une drogue qui entre dans une association de deux drogues ou plus, avec ou sans autre ingrédient, qui n’a pas été vendue dans cette association particulière, ou dans les proportions de ladite association pour ces drogues particulières, pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l’innocuité et l’efficacité de cette association ou de ces proportions employées comme drogue; ou

(b) a drug that is a combination of two or more drugs, with or without other ingredients, and that has not been sold in that combination or in the proportion in which those drugs are combined in that drug, for sufficient time and in sufficient quantity to establish in Canada the safety and effectiveness of that combination and proportion for use as a drug; or

c) une drogue pour laquelle le fabricant prescrit, recommande, propose ou déclare un usage comme drogue ou un mode d’emploi comme drogue, y compris la posologie, la voie d’administration et la durée d’action, et qui n’a pas été vendue pour cet usage ou selon ce mode d’emploi au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l’innocuité et l’efficacité de cet usage ou de ce mode d’emploi pour ladite drogue.

(c) a drug, with respect to which the manufacturer prescribes, recommends, proposes or claims a use as a drug, or a condition of use as a drug, including dosage, route of administration, or duration of action and that has not been sold for that use or condition of use in Canada, for sufficient time and in sufficient quantity to establish in Canada the safety and effectiveness of that use or condition of use of that drug

[15]           Pour vendre un nouveau médicament, le fabricant doit déposer auprès du ministre une présentation de drogue nouvelle (« PDN »), une présentation de drogue nouvelle à usage extraordinaire, une présentation abrégée de drogue nouvelle (« PADN ») ou une présentation abrégée d’utilisation extraordinaire de drogue nouvelle. Le ministre doit également avoir délivré un avis de conformité à l’égard du nouveau médicament, qui ne doit pas avoir été suspendu, et le ministre doit avoir reçu des renseignements suffisants du fabricant concernant l’étiquetage du nouveau médicament. Les renseignements présentés doivent être suffisants pour permettre au ministre d’évaluer l’innocuité et l’efficacité du nouveau médicament et d’inclure les renseignements prescrits par le Règlement C.08.002(2). Sur demande, le fabricant peut avoir à soumettre des échantillons du nouveau médicament ainsi que des renseignements ou documents additionnels concernant l’innocuité et l’efficacité du nouveau médicament (C.08.002(3)).

[16]           Les fabricants de produits pharmaceutiques génériques, comme Apotex, soumettent généralement une PADN, ce qui n’inclut habituellement pas les résultats des essais cliniques. Une PADN compare plutôt la formulation du médicament en question avec une formulation, sous la même forme posologique, qui est déjà commercialisé au Canada. Ces études comparatives comprennent les « études comparatives de bioéquivalence » ou les « études de bioéquivalence », qui servent à établir l’équivalence avec le médicament homologué.

[17]           Le fabricant de produits génériques doit également satisfaire aux exigences du Règlement sur les MB(AC), qui consiste à déterminer si le médicament en question est inscrit au « Registre des brevets ». L’autorité du ministre en ce qui concerne l’examen et la délivrance d’un avis de conformité est déléguée au directeur général de la DPT.

(3)               Les licences d’établissement (« LE ») et les bonnes pratiques de fabrication (« BPF »)

[18]           Le titre 1A de la partie C des Règlements régit la délivrance, la modification et la suspension des LE au Canada. En vertu du Règlement C.01A.004(1)a), il est interdit de fabriquer, d’emballer/d’étiqueter ou d’importer un médicament, à moins d’être en conformité avec une LE. Le ministre a délégué l’autorité de superviser le régime de LE à la directrice générale de l’Inspectorat. L’Inspectorat, avec l’aide des inspecteurs du BRP, est chargé d’inspecter les établissements qui détiennent les LE tant au Canada qu’à l’étranger.

[19]           Les inspections effectuées par l’Inspectorat et le BRP permettent de vérifier si les établissements respectent les BPF, dont les exigences sont contenues dans le régime du titre 2 de la partie C des Règlements. Outre les exigences énoncées dans les Règlements, les nombreux documents d’orientation publiés par le ministre expliquent les mécanismes de conformité qui existent pour remédier et faire face aux lacunes relatives aux BPF. Les renseignements sur l’Inspectorat, y compris les directives, les documents d’orientation, les politiques et les listes de contrôle, sont publiés sur le site Web de Santé Canada.

C.                 Événements sous-jacents à cette action

(1)               Antécédents réglementaires d’Apotex

[20]           Avant et après le 30 septembre 2014, Apotex a détenu et continue de détenir des DIN et des AC valides et non suspendus pour les produits d’APIPL et d’ARPL qui ont fait l’objet d’une interdiction d’importation, laquelle fut annoncée et mise en œuvre le 30 septembre 2014 (« interdiction d’importation »). Ces DIN et AC n’ont jamais été suspendus ou annulés.

[21]           Tant avant qu’après le 30 septembre 2014, Apotex a détenu et continue de détenir des LE valides à l’égard de ses installations de fabrication au Canada, ce qui permet à Apotex d’importer des produits auprès d’APIPL et d’ARPL. De plus, toutes les installations d’Apotex, au Canada et à l’étranger, ont été inspectées physiquement par les inspecteurs de Santé Canada et se sont révélées conformes aux BPF.

(2)               L’interdiction d’importation

[22]           L’interdiction d’importation a empêché l’importation au Canada de médicaments fabriqués par APIPL ou ARPL. L’interdiction des importations a été mise en œuvre par deux mécanismes : (1) les expéditions ont été retenues par l’Agence des services frontaliers du Canada; et (2) les modalités et les conditions ont été imposées de façon autonome aux LE d’Apotex, interdisant l’importation et la vente de produits d’ARPL ou d’APIPL. Au même moment, les défendeurs ont publié des déclarations publiques et des communiqués de presse pour justifier l’interdiction d’importation, diffamant prétendument les demanderesses (les « déclarations publiques »).

[23]           Le présumé motif pour l’interdiction d’importation était qu’APIPL et ARPL n’étaient pas conformes aux BPF. Toutefois, aucun des DIN ou AC pour l’un ou l’autre des produits interdits n’a été annulé ou suspendue, et aucune des LE d’Apotex n’a été suspendu, conformément aux dispositions des Règlements qui traitent de la conformité aux BPF. La décision du ministre a été prise plutôt en vertu de l’article C.01A.008 des Règlements.

[24]           En octobre 2014, Apotex a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision de mettre en œuvre l’interdiction d’importer. Dans un jugement rendu le 14 octobre 2015 (Apotex Inc. c. Canada (Santé), 2015 CF 1161), la Cour a annulé l’interdiction d’importation, en concluant que le ministre avait agi dans un but illégitime en mettant en œuvre l’interdiction (c.-à-d. pour calmer les médias et atténuer les pressions politiques) et n’avait pas agi conformément aux principes de justice naturelle. La Cour a également ordonné au ministre et à Santé Canada de rétracter les déclarations publiques.

(3)               La décision d’août 2015

[25]           En juin 2015, Santé Canada a mené des inspections dans les installations d’APIPL et d’ARPL. Ces inspections n’ont pas permis de cerner les sujets de préoccupation. Le 31 août 2015, Mme Chiponski a écrit à Apotex en lui indiquant que Santé Canada avait décidé de modifier, en partie, les modalités et les conditions qu’elle avait imposées dans le cadre de l’interdiction d’importation (la « décision d’août 2015 »). Les modalités et les conditions modifiées prévoyaient que l’interdiction d’importation demeure en place pour les produits fabriqués avant le 10 juin 2015, et que les produits fabriqués après le 10 juin soient soumis à d’autres essais au Canada avant leur vente.

[26]           En septembre 2015, Apotex a entamé une deuxième demande de contrôle judiciaire visant à annuler la décision d’août 2015. Dans un jugement rendu le 15 juin 2016 (Apotex Inc. c. Canada (Santé), 2016 CF 673), la Cour a déclaré la décision du 15 août illégale, pour le motif qu’elle était « touchée » par le but illégitime qui avait motivé l’interdiction d’importation et qu’il n’y avait aucune preuve à l’appui de la mise en œuvre ou du maintien de la décision du 15 août.

(4)               Le problème d’intégrité des données

[27]           Le ou vers le 23 septembre 2014, la directrice générale de la DPT, Mme Sabourin, a reçu un appel téléphonique d’un collègue de l’Inspectorat concernant l’intégrité des données provenant d’ARPL et d’APIPL, ainsi qu’une copie électronique du formulaire 483 de la Food and Drug Administration (FDA). Peu de temps après, un AC préliminaire pour l’Apo-Rasagiline d’Apotex a été remis à Mme Sabourin, indiquant par le fait même qu’APIPL et ARPL seraient responsables de la fabrication et de la mise à l’essai du produit pharmaceutique. En raison des préoccupations relatives aux BPF et à l’intégrité des données qui avaient été soulevées à l’endroit d’APIPL et d’ARPL, Mme Sabourin a refusé de signer l’AC préliminaire. Mme Sabourin a également informé Apotex que les AC ne seraient pas délivrées pour les présentations contenant des données provenant d’APIPL et d’ARPL jusqu’à nouvel ordre (la « décision de novembre 2014 ») Bien qu’elle ait déjà présenté une demande de contrôle judiciaire de l’interdiction d’importation, Apotex a mis en œuvre des mesures correctives et préventives pour répondre à ces préoccupations concernant les BPF et l’intégrité des données.

[28]           En janvier 2015, la DPT a élaboré une politique globale concernant son approche de la gestion des présentations contenant des données provenant de sites où l’intégrité des données avait été remise en question. Tous les fabricants de médicaments ont reçu un avis officiel de cette politique le 22 mai 2015. En juin 2015, la DPT a procédé à d’autres inspections des installations d’APIPL et d’ARPL. Dans l’ensemble, les conclusions de la DPT n’ont pas permis de repérer des cas de violation de l’intégrité des données, qui avaient déjà été observés par la FDA. Toutefois, la DPT a déterminé que, même si les nouveaux contrôles de système et la modification des procédures ont répondu de manière satisfaisante aux préoccupations concernant l’intégrité des données, une supervision supplémentaire serait nécessaire pour démontrer la durabilité et l’efficacité de ces procédures en période de production accrue.

[29]           À l’automne 2015, Apotex a entamé des procédures devant la Cour fédérale pour contester la décision de novembre 2014 et son maintien par la directrice générale de la DPT, Marion Law. Dans un jugement rendu le 27 mars 2017 (Apotex Inc. c. Canada, 2017 CF 315), la Cour a jugé que le refus persistant de Santé Canada d’accorder des AC pour l’Apo-Varenicline et l’Apo-Sitagliptine, les deux seuls produits pour lesquels la DPT continuait d’exiger des renseignements supplémentaires sur l’intégrité des données, en date de l’audience devant la Cour fédérale, n’était ni inapproprié ni déraisonnable.

II.                 Les questions en litige

[30]           Dans leurs observations écrites à l’appui de la présente requête, les demanderesses déclarent qu’elles ne s’opposent pas au retrait du procureur général du Canada comme partie, à condition que la Couronne s’engage à ne pas soulever de questions en vertu de l’article 23 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, ch. C-50, ou quant à la suffisance de désigner « Sa Majesté la Reine » comme ayant qualité de partie dans les réclamations des demanderesses à l’égard de la Couronne.

[31]           Les défendeurs ne contestent pas que la Cour fédérale a compétence concernant les réclamations à l’égard de la Couronne. Par conséquent, il est ordonné que l’intitulé de la cause en l’espèce soit modifié pour supprimer toute mention du procureur général du Canada.

[32]           Par conséquent, la seule question qu’il reste à trancher dans la présente requête est de savoir si la Cour fédérale a compétence pour entendre les réclamations à l’égard des défendeurs individuels.

[33]           Selon les documents écrits présentés à la Cour et les arguments présentés à l’audience par les parties, je rejette la requête en radiation. Pour les motifs qui suivent, j’estime qu’il n’est pas manifeste et évident que la Cour fédérale n’a pas compétence à l’égard des défendeurs individuels.

III.               Analyse

A.                 Le critère relatif à une requête en radiation

[34]           L’alinéa 221(1)a) régit la requête en radiation des défendeurs :

221 (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;

Elle peut aussi ordonner que l’action soit rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.

221 (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be …

and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.

[35]           La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, au paragraphe 17, a énoncé le critère relatif à une requête en radiation :

[...] l’action ne sera rejetée que s’il est évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, que la déclaration ne révèle aucune cause d’action raisonnable [...] Autrement dit, la demande doit n’avoir aucune possibilité raisonnable d’être accueillie. Sinon, il faut lui laisser suivre son cours.

[Renvois omis.]

[36]           Les défendeurs soulignent que les Règles des Cours fédérales ne contiennent pas de disposition spécifique prévoyant le rejet d’une demande au motif que la Cour fédérale n’a pas compétence pour entendre la demande. Ils soutiennent que le critère de la chose claire et évidente est mal adapté aux questions de la compétence de la Cour fédérale parce que, contrairement au rejet d’une demande pour d’autres motifs, le succès d’une question de compétence dépend rarement des éléments de preuve qui seront présentés lors de l’interrogatoire préalable. Les défendeurs font également valoir que cette différence justifie le remplacement de la norme en matière de requête en radiation pour défaut de compétence par une prépondérance des probabilités. En outre, ils soutiennent que la double situation négative, qui est un résultat possible selon le critère actuel — c.-à-d. la conclusion selon laquelle il n’est pas évident et manifeste que la Cour n’a pas compétence — pourrait conduire à une situation où la compétence n’est complètement établie qu’au procès, ce qui n’est pas idéal.

[37]           Les demanderesses prétendent que le critère de la chose claire et évidente est le critère approprié pour contester la juridiction de la Cour fédérale sur une requête en radiation en vertu de l’alinéa 221(1)a). Ils soutiennent que la Cour peut appliquer un critère rigoureux à l’égard de la question de compétence, parce que la conclusion selon laquelle la Cour n’a pas compétence aurait pour conséquence de priver les demanderesses de leur choix de forum. De plus, ils s’appuient sur la jurisprudence pertinente de la Cour d’appel fédérale et sur le jugement rendu récemment par la Cour suprême du Canada Windsor (City) c. Canadian Transit Co., 2016 CSC 54, au paragraphe 24 [Windsor (City)], qui souscrit à la norme de la chose claire et évidente :

La seule question litigieuse consiste à décider si la Cour fédérale a compétence, suivant le critère de l’arrêt ITO, pour connaître de la demande de la Société. Si la Cour fédérale n’a manifestement pas compétence pour connaître de cette demande, la requête en radiation doit être accueillie.

[38]           Bien que la préoccupation des défendeurs selon laquelle la question de la compétence ne doit pas être tranchée lors du procès puisse être justifiée, je ne suis pas d’accord pour dire que le critère de la chose claire et évidente est mal adapté ou que la norme en matière de requête en radiation pour défaut de compétence devrait être remplacée par une prépondérance des probabilités. L’historique du critère visant une requête en radiation en vertu du paragraphe 221(1) a été examiné, en 2002, par le protonotaire Hargrave dans la décision Charlie c. Vuntut Gwitchin Development Corp., 2002 CFPI 344 [Vuntut]. En constatant que le critère du caractère manifeste et évident, selon lequel la norme exige que la preuve soit établie hors de tout doute, est approprié, il a déclaré ce qui suit (Vuntut, aux paragraphes 10, 16 à 18) :

[10] Le critère applicable à la radiation pour absence de cause d’action, qu’il soit clair, évident et indubitable que la demande ou la défense est vouée à l’échec, discuté dans la trilogie célèbre des arrêts Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, Operation Dismantle Inc. c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 441 et Canada c. Inuit Tapirisat of Canada, [1980] 2 R.C.S. 735, est si fermement établi qu’il n’est plus besoin en général de s’y attarder. Toutefois, en l’espèce, les défenderesses Gwitchin Vuntut disent que le critère relatif à la radiation pour défaut de compétence est moins rigoureux, faisant valoir que la procédure de radiation est analogue en réalité à la décision d’un point de droit et, en outre, qu’il incombe au demandeur de démontrer, de manière affirmative, la compétence de la Cour. Les défenderesses Gwitchin Vuntut renvoient ici à divers exemples qui, selon elles, appuient leur position que le critère de radiation pour défaut de compétence est la prépondérance de la preuve.

[...]

[16] Heureusement, ce débat de procédure assez vain et ces normes apparemment contradictoires en matière de requêtes en radiation pour défaut de compétence ont été abandonnés dans la décision Hodgson c. La Reine. Dans les motifs de ma décision du 10 septembre 1999, au sujet de l’action T-2553-91, j’expose au paragraphe 28 que je ne conclus au défaut de compétence que lorsque la chose est claire, évidente et certaine, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

[17] En appel à la Section de première instance [...], Madame le juge Reed a dû examiner directement ce critère comme fondement d’appel. Elle a rejeté l’appel en concluant que le critère de la chose claire et évidente s’appliquait :

[...] [...] [...] Le critère de savoir si la chose est claire et évidente s’applique à la radiation d’actes de procédure pour absence de compétence de la même façon qu’il s’applique à la radiation de tout acte de procédure au motif qu’il ne fait état d’aucune cause raisonnable d’action. L’absence de compétence doit être « claire et évidente » pour justifier la radiation d’actes de procédure à ce stade préliminaire.

Cette conclusion n’a pas été modifiée par le juge Rothstein en appel. Tout en notant que l’avocat des défendeurs a admis le critère, la Cour d’appel a effectivement appliqué ce critère en autorisant la poursuite de l’action. La Cour suprême du Canada a rejeté, le 6 septembre 2001, une demande d’autorisation d’appel de l’arrêt Hodgson.

[18] Certaines questions de compétence doivent être tranchées à l’instruction seulement, au moment où tous les faits concernant la question ont été présentés au tribunal, mais dans d’autres cas, la question de la compétence peut être décidée par voie sommaire. Dans ces cas, le critère de la chose claire, évidente et indubitable s’applique à la radiation pour défaut de compétence. Il va de soi que pour aboutir à cette conclusion, il faut d’abord examiner la compétence à la lumière de l’arrêt Miida Electronics Inc. c. Mitsui O.S.K. Lines Ltd. and ITO-International Terminal Operators Ltd., [1986] 1 RCS 752.

[39]           Je suis d’accord. Le critère du caractère manifeste et évident est le critère approprié à utiliser pour décider si une demande devrait être radiée parce que la Cour fédérale n’a pas la compétence.

B.                 Le critère relatif à la compétence de la Cour fédérale

[40]           Les parties conviennent que le critère approprié pour décider si la Cour fédérale a compétence sur une question est le critère énoncé par la Cour suprême dans l’arrêt ITO-Int’l Terminal Operators c. Miida Electronics, [1986] 1 RCS 752 [ITO] :

1.   Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.

2.   Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.

[traduction]
3.   La loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où l’expression est employée à l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[41]           Toutefois, les parties ne sont pas du même avis quant à savoir si la décision Windsor (City), précitée, doit être appliquée ou non pour établir si notre Cour a compétence.

[42]           De plus, les défendeurs soutiennent que, au moment des événements invoqués, tous les défendeurs individuels étaient des préposés ou des mandataires de la Couronne et que, par conséquent, la Couronne est responsable du fait d’autrui à l’égard de leurs actes conformément à la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif. Il est vrai que la Couronne est responsable du fait d’autrui à l’égard des délits commis par les défendeurs individuels en tant que préposés ou mandataires de la Couronne. Toutefois, cela n’empêche pas la Cour fédérale d’avoir compétence à l’égard des défendeurs individuels, si le critère de l’arrêt ITO est satisfait.

C.                 La nature essentielle de la demande

(1)               La nature essentielle de la revendication doit-elle être déterminée?

[43]           Les défendeurs soutiennent que, depuis l’arrêt Windsor (City), la première étape dans la détermination de la compétence, avant de parler du critère de l’arrêt ITO, est de caractériser la nature essentielle de la demande. Ils affirment que la nature essentielle des réclamations des demanderesses à l’égard des défendeurs individuels est fondée sur la responsabilité délictuelle. Les défendeurs soulignent la nature personnelle des réclamations en responsabilité civile délictuelle et font valoir que ces causes d’action de droit privé, comme il est invoqué par les demanderesses, ne peuvent être considérées comme provenant de la loi fédérale simplement parce qu’elles incluent, en tant qu’élément, une allégation de l’exercice nul ou illégal de l’obligation ou du pouvoir conférés par la loi.

[44]           Les demanderesses soutiennent que les directives de la Cour suprême de caractériser la nature de la demande en cause ne s’appliquent pas en l’espèce parce que les demandes découlent de l’alinéa 17(5)b) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, et non pas de l’alinéa 23c) comme c’était le cas dans l’arrêt Windsor (City). Ils soutiennent que les juges majoritaires de la Cour suprême envisageaient l’application du critère uniquement pour décider si la Cour fédérale avait compétence relativement à une demande découlant de l’alinéa 23c). De plus, ils soutiennent que, parce que le libellé de l’alinéa 17(5)b) est très différent de celui de l’alinéa 23c), il est clair que la Cour suprême dans l’arrêt Windsor (City) avait l’intention pour cette étape de la détermination de la nature essentielle de la demande d’être limitée dans l’application de l’article 23.

[45]           L’alinéa 17(5) de la Loi sur les Cours fédérales dispose de ce qui suit :

Actions en réparation

(5) Elle a compétence concurrente, en première instance, dans les actions en réparation intentées :

Relief in favour of Crown or against officer

(5) The Federal Court has concurrent original jurisdiction

a) au civil par la Couronne ou le procureur général du Canada;

(a) in proceedings of a civil nature in which the Crown or the Attorney General of Canada claims relief; and

b) contre un fonctionnaire, préposé ou mandataire de la Couronne pour des faits — actes ou omissions — survenus dans le cadre de ses fonctions.

(b) in proceedings in which relief is sought against any person for anything done or omitted to be done in the performance of the duties of that person as an officer, servant or agent of the Crown.

[46]           L’article 23 de la Loi sur les Cours fédérales dispose de ce qui suit :

Lettres de change et billets à ordre — Aéronautique et ouvrages interprovinciaux

Bills of exchange and promissory notes — aeronautics and interprovincial works and undertakings

23 Sauf attribution spéciale de cette compétence par ailleurs, la Cour fédérale a compétence concurrente, en première instance, dans tous les cas — opposant notamment des administrés — de demande de réparation ou d’autre recours exercé sous le régime d’une loi fédérale ou d’une autre règle de droit en matière :

23 Except to the extent that jurisdiction has been otherwise specially assigned, the Federal Court has concurrent original jurisdiction, between subject and subject as well as otherwise, in all cases in which a claim for relief is made or a remedy is sought under an Act of Parliament or otherwise in relation to any matter coming within any of the following classes of subjects:

a) de lettres de change et billets à ordre lorsque la Couronne est partie aux procédures;

(a) bills of exchange and promissory notes, where the Crown is a party to the proceedings;

b) d’aéronautique;

(b) aeronautics; and

c) d’ouvrages reliant une province à une autre ou s’étendant au-delà des limites d’une province.

(c) works and undertakings connecting a province with any other province or extending beyond the limits of a province.

[47]           Les deux parties renvoient la Cour au paragraphe 25 de l’arrêt Windsor (City), où le juge Karakatsanis, s’exprimant au nom de la majorité, indique :

Afin de décider si la Cour fédérale a compétence sur une demande, il est nécessaire de déterminer la nature ou le caractère essentiel de cette demande. Comme je l’explique en détail ci‑après, l’al. 23c) de la Loi sur les Cours fédérales confère compétence à la Cour fédérale uniquement à l’égard d’une demande de réparation ou d’un autre recours exercé « sous le régime d’une loi fédérale ou d’une autre règle de droit ». L’attribution de compétence dépend de la nature de la demande ou du recours exercé. Le fait de déterminer la nature essentielle de la demande permet au tribunal de décider si celle‑ci relève de l’al. 23c). La compétence ne s’apprécie pas au cas par cas ou au regard d’une question litigieuse à la fois.

[Renvois omis.]

[48]           Ainsi, même si l’étape de la caractérisation préliminaire est requise, il s’agit simplement d’établir les faits substantiels nécessaires pour évaluer si la demande relève de l’attribution légale de compétence déterminée à la première étape du critère de l’arrêt ITO.

(2)               La nature essentielle d’une demande en application de l’alinéa 17(5)b) doit-elle découler du droit fédéral?

[49]           Les défendeurs soutiennent que l’essence même des réclamations à l’égard des défendeurs individuels est fondée sur les manquements allégués aux obligations de droit privé. Ils affirment que l’arrêt Windsor (City) défend le principe selon lequel ces types de demandes doivent découler d’une loi fédérale distincte de l’alinéa 17(5)b) pour que la Cour fédérale ait compétence pour les entendre. En outre, les défendeurs se fondent sur les arrêts Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 62, aux paragraphes 28 à 30 [Telezone], pour appuyer leurs affirmations selon lesquelles les causes d’action en responsabilité délictuelle ne peuvent être considérées comme provenant de la loi fédérale et, par conséquent, elles ne relèvent pas de la compétence de la Cour fédérale simplement parce qu’elles incluent des allégations de l’exercice nul ou illégal de l’obligation ou du pouvoir conférés par la loi.

[50]           La question de la compétence dans l’arrêt Windsor (City) concernait l’article 23, qui énonce explicitement que la Cour fédérale a compétence dans les cas où une demande de réparation est présentée « sous le régime d’une loi fédérale ou d’une autre règle de droit ». La juge Karakatsanis a interprété cela comme signifiant que le droit de demander réparation doit découler directement de la loi fédérale, et non simplement du droit fédéral (Windsor (City), aux paragraphes 46 à 48). Toutefois, l’alinéa 17(5)b) ne précise pas cette limite; il énonce plutôt que la Cour fédérale a compétence en ce qui concerne les actions en réparation « intentées contre un fonctionnaire, préposé ou mandataire de la Couronne pour des faits — actes ou omissions — survenus dans le cadre de ses fonctions. »

[51]           Les défendeurs ont raison de dire que les manquements au pouvoir conféré par la loi ne mènent pas automatiquement à des demandes de nature délictuelle relevant de la Cour fédérale. Toutefois, l’arrêt Telezone portait sur la question de savoir si une demande d’indemnisation pouvait être instruite en Cour supérieure sans que le demandeur ait demandé à la Cour fédérale, avant le début de la procédure devant la Cour supérieure, d’annuler la décision de contrôle judiciaire sous-jacente; et non pas si la Cour fédérale avait compétence pour entendre les demandes de réparation découlant d’une responsabilité délictuelle ou sur la manière dont la question de la compétence en matière de responsabilité délictuelle devrait être tranchée.

[52]           De plus, au paragraphe 58 de la décision Telezone, le juge Binnie, s’exprimant pour une Cour suprême unanime, a cité comme suit les déclarations faites par le ministre de la Justice en 1989, tandis que les modifications étaient apportées à l’article 17 de la Loi sur les Cours fédérales :

Par exemple, une poursuite fondée sur le bris d’un contrat d’achat de marchandises ou sur des blessures causées à un automobiliste par la négligence au volant d’un préposé de la Couronne devrait pouvoir être intentée devant le tribunal qui convient le mieux au demandeur [...]

[...]

C’est pourquoi le gouvernement propose que les cours provinciales et la Cour fédérale se partagent la compétence relative à ce type d’actions. Ceci donnerait généralement au demandeur le choix du tribunal.

[Renvois omis, souligné dans l’original.]

[53]           Le juge Binnie a conclu que l’article 17 devait être lu de façon que les demanderesses aient le choix du tribunal, permettant ainsi aux demanderesses l’accès à une cour qu’elles « connaissent mieux » (Telezone, au paragraphe 59). Par conséquent, contrairement à l’argument des défendeurs, la position de Telezone appuie le principe selon lequel si une action en responsabilité délictuelle est visée par l’article 17, les demanderesses devraient avoir le choix du tribunal.

[54]           De plus, rien dans l’arrêt Windsor (City) n’indique que le juge Karakatsanis allait à l’encontre de la conclusion du juge Binnie dans Telezone : les demanderesses ont le choix du tribunal dans les cas d’une violation de contrat ou d’un délit, comme la négligence, qui sont dûment présentés à la Cour en vertu de l’article 17. En effet, un examen du jugement de première instance qui a conduit à l’affaire Windsor (City), The Canadian Transit Company c. Windsor (Ville), 2014 CF 461 [Canadian Transit Company], montre que la situation factuelle sous-jacente à la décision Windsor (City) est très différente de la matrice factuelle en l’espèce, et met dans leur contexte la décision et les commentaires de la Cour suprême portant sur l’alinéa 23c).

[55]           Dans l’arrêt Windsor (City), la demande sous-jacente portait sur un litige entre la société Canadian Transit Company et la Ville de Windsor relativement à 114 propriétés vacantes qui étaient devenues un fléau pour la communauté et pour lesquels la Ville de Windsor avait rendu des ordonnances de réparation. La société Canadian Transit Company a interjeté appel de ces ordonnances auprès du Comité des normes des biens-fonds, un conseil municipal qui entend les appels des ordonnances rendues par l’agent des normes des biens-fonds de la municipalité.

[56]           En première instance, la principale mesure de redressement demandée par la société Canadian Transit Company était de faire déclarer que le pont Ambassador constitue une « entreprise fédérale » et qu’à ce titre, le pont n’est pas assujetti aux règlements municipaux (Canadian Transit Company, au paragraphe 6). La Ville de Windsor a présenté à la Cour une demande de radier pour défaut de compétence. Dans son évaluation de la demande de radiation, le juge Michel Shore a précisé (Canadian Transit Company, aux paragraphes 12 et 13, et 15) :

[12] Sans statuer sur le fond de l’affaire, la Cour estime qu’il est évident et manifeste que la demande ne révèle aucune cause d’action raisonnable et qu’elle n’a aucune chance d’être accueillie. Même en faisant une lecture généreuse de l’avis de demande de la demanderesse, il est extrêmement difficile de discerner ce que cette dernière demande exactement à la Cour de faire. La demanderesse ne semble contester aucune décision particulière de la ville de Windsor ou du Comité sur les normes des biens‑fonds, ni aucune ordonnance d’un office fédéral. Elle semble plutôt demander simplement un avis juridique à la Cour sur l’applicabilité de la LCCTC.

[13] Nulle disposition législative n’autorise la Cour à accorder une telle réparation. Seuls peuvent renvoyer une question à la Cour le procureur général du Canada ou un office fédéral à l’égard duquel la Cour exerce par ailleurs, en vertu des paragraphes 18.3 (1) et (2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, des fonctions de contrôle judiciaire. Les particuliers demandeurs ne peuvent se servir du renvoi comme d’un outil leur permettant d’obtenir un jugement déclaratoire de la Cour.

[...]

[15] La Cour conclut en outre qu’il est tout aussi difficile de discerner sur quel fondement juridique la demanderesse s’est appuyée pour lui présenter la demande. La demanderesse a invoqué l’alinéa 23c) de la Loi sur les Cours fédérales lorsqu’elle a déposé son avis de demande; toutefois, le législateur fédéral a simplement attribué une compétence à la Cour au moyen de cet alinéa. La disposition ne confère aucun droit d’appel ou de contrôle judiciaire à un demandeur, ni n’accorde le pouvoir à la Cour de rendre un jugement déclaratoire.

[Renvois omis.]

[57]           En l’espèce, contrairement à la Ville de Windsor, il est clair que les demanderesses demandent un redressement à l’encontre des agents de la Couronne pour les actes ou omissions résultant des activités qui sont profondément enracinées dans le cadre de la Loi et des Règlements, et qui nuisaient aux demanderesses. Comme il en ressort de l’analyse dans l’arrêt Telezone, la Cour a le fondement législatif pour statuer sur les demandes en responsabilité délictuelle et contractuelle qui sont dûment présentées à la Cour en vertu de l’article 17 de la Loi sur les Cours fédérales. Par conséquent, la déclaration des défendeurs, selon laquelle les causes d’action de droit privé soulevées en l’espèce doivent découler d’une loi fédérale distincte et ne peuvent pas être une demande en responsabilité délictuelle pour que la Cour fédérale ait compétence, est inexacte.

(3)               Quelle est la nature essentielle des demandes?

[58]           La juge Karakatsanis, aux paragraphes 26 et 27 de l’arrêt Windsor (City), a donné les directives suivantes à un tribunal chargé de dégager la nature essentielle d’une demande :

Il faut dégager la nature essentielle de la demande selon « une appréciation réaliste du résultat concret visé par le demandeur ». La « déclaration [du demandeur] ne doit pas être prise au pied de la lettre ». Le tribunal doit plutôt » aller au‑delà des termes employés, des faits allégués et de la réparation demandée, et il doit s’assurer que la déclaration ne constitue pas une tentative déguisée visant à obtenir devant la Cour fédérale un résultat qui ne peut par ailleurs pas être obtenu de cette cour ».

Par ailleurs, de véritables choix stratégiques ne devraient pas être dénigrés sous prétexte qu’ils constituent d’astucieux arguments. La question consiste à se demander si la cour a compétence à l’égard de la demande précise que le demandeur a choisi d’introduire, et non pas à l’égard d’une demande similaire que, de l’avis du défendeur, le demandeur aurait plutôt dû présenter, pour une raison ou une autre.

[Renvois omis.]

[59]           Les parties s’entendent pour dire que cette action contre la Couronne relève de la Cour fédérale, et que la nature essentielle de cette demande tombe sous le coup de la compétence de la Cour.

[60]           Les questions en litige soulevées dans le cadre de l’instance sous-jacente telle qu’elle a été plaidée par les demanderesses sont les suivantes :

1)      Les défendeurs ont-ils volontairement et de mauvaise foi agi illégalement en dehors de la portée de leur pouvoir?

2)      Les défendeurs avaient-ils un devoir de diligence envers les demanderesses et ont-ils omis d’agir avec le degré de soin, de diligence et d’habileté dans leur interprétation et acquittement de leurs obligations et responsabilités en vertu de la Loi, des Règlements, ou autrement en droit?

3)      Les défendeurs ont-ils diffamé les demanderesses?

a.       Les demanderesses devraient-elles recevoir des dommages-intérêts élevés en raison de la méthode de publication des déclarations prétendument diffamatoires et du contenu du site Web?

4)      Les défendeurs ont-ils comploté pour infliger des dommages aux demanderesses?

5)      Les demanderesses devraient-elles recevoir des dommages-intérêts de droit public ou d’autres réparations pécuniaires similaires?

6)      Les demanderesses devraient-elles recevoir des dommages‑intérêts punitifs et exemplaires?

[61]           Les demanderesses demandent à obtenir les réparations suivantes à l’encontre des défendeurs, solidairement :

1)      dommages généraux, spéciaux, majorés et punitifs au montant total de 500 000 000,00 $;

2)      une injonction interlocutoire ou permanente et une ordonnance impérative (ou un jugement déclaratoire équivalent) obligeant les défendeurs :

a.       à cesser de publier et à retirer formellement et autrement à supprimer, tout le contenu diffamatoire de sites Web, comme il est détaillé dans la déclaration;

b.      à traiter les PADN d’Apotex pour l’approbation réglementaire sans aucun ajout supplémentaire d’exigences pour démontrer l’« intégrité des données »;

3)      une autorisation d’un interrogatoire préalable en equity, exigeant que les défendeurs identifient toutes les personnes qui ont participé à la décision de mettre en œuvre et de maintenir l’interdiction d’importation, de la publication des déclarations diffamatoires et de l’exigence relative à l’intégrité des données;

4)      les intérêts antérieurs et postérieurs au jugement;

5)      les dépens en lien avec la présente poursuite; et

6)      toute autre réparation que la Cour estime juste.

[62]           Les demanderesses ont invoqué de multiples actes répréhensibles, dont beaucoup, s’ils étaient prouvés, pourraient conduire la Cour à l’octroi de la mesure de réparation souhaitée. À ce titre, le Cour doit déterminer la nature essentielle de chaque demande faite par les demanderesses et décider si chacune d’elles relève du champ d’application de l’alinéa 17(5)b).

[63]           La faute dans l’exercice d’une charge publique exige que les demanderesses démontrent que les défendeurs avaient une « insouciance délibérée à l’égard d’une fonction officielle conjuguée au fait de savoir que l’inconduite sera vraisemblablement préjudiciable [aux demandeurs]. » (Succession Odhavji c. Woodhouse, 2003 CSC 69, au paragraphe 23). Ainsi, pour déterminer la nature essentielle des réclamations des demanderesses à l’égard des défendeurs individuels concernant la faute dans l’exercice d’une charge publique, il suffit de décider si leurs actes ou omissions étaient conformes aux actes autorisés ou exigés par la Loi et les Règlements. Autrement dit, les défendeurs individuels exerçaient-ils des fonctions en vertu de la loi fédérale, et dans le cadre de leurs fonctions de préposés de la Couronne, de telle sorte qu’ils (1) ont fait fi des limites de leur autorité ou de la portée de leurs fonctions; et de telle sorte qu’ils (2) avaient les moyens de savoir ou la compréhension, ou qu’ils ont fait preuve d’une insouciance téméraire ou d’un aveuglement volontaire à l’égard du préjudice qui serait probablement causé aux demandeurs en raison de leurs actions?

[64]           Les principaux éléments du délit de négligence sont : (1) l’existence d’une obligation à laquelle est tenu le défendeur à l’égard du demandeur; (2) une violation par le défendeur du devoir de diligence; et (3) les préjudices portés à un demandeur par la violation (Donoghue v Stevenson, [1932] AC 562 à la page 580 (HL); Anns v Merton London Borough Council, [1978] SC 728, aux pages 751 à 752 (HL)). La nature essentielle de l’allégation de négligence est de savoir si l’application de la Loi et des Règlements a créé chez les défendeurs individuels un devoir de diligence à l’égard des demanderesses. Autrement dit, les devoirs des défendeurs individuels, comme il est régi par la Loi et les Règlements, ou les interactions entre les défendeurs individuels et les demanderesses dans le contexte du régime réglementaire régissant la fabrication et l’importation des médicaments, ont-ils créé une relation de proximité de sorte que chacun des défendeurs individuels avait un devoir de diligence envers les demandeurs?

[65]           En outre, pour décider si tous les défendeurs individuels sont responsables pour la négligence, la Cour devra statuer sur la norme de diligence envers les demanderesses. Cela exigera également un examen attentif de la Loi et des Règlements.

[66]           Les éléments juridiques du complot sont les suivants (Cement LaFarge c. B.C. Lightweight Aggregate, [1983] 1 SCR 452) :

1)      coalition d’au moins deux personnes agissant d’un accord mutuel ou d’un projet commun; et

2)      (1) la conduite vise principalement à causer un préjudice au demandeur, peu importe la légalité des moyens employés; ou (2) la conduite illégale est dirigée contre le demandeur dans des circonstances où les défendeurs auraient dû savoir que le préjudice subi par le demandeur serait une conséquence probable.

[67]           En l’espèce, le préjudice allégué à l’égard des demanderesses est le préjudice qui a été causé par un comportement des défendeurs individuels qui étaient dans l’exercice de leurs fonctions à titre d’employés de Santé Canada. Par conséquent, la nature essentielle de cette allégation est de savoir si les défendeurs individuels ont exercé leurs fonctions (1) par accord mutuel ou projet commun, en dehors de la coordination prévue par le cadre législatif, et (2) dans le but de causer le préjudice aux demanderesses, ou dans des circonstances où les défendeurs individuels savaient ou auraient dû savoir, qu’il était probable que les défendeurs en subiraient un préjudice.

[68]           Dans Colour Your World Corp v CBC (1998), 156 CLR (4th) 27 à 36 (ONCA), la juge Abella (tel était alors son titre) a défini la diffamation comme suit :

[traduction]

Une déclaration diffamatoire est celle qui a tendance à nuire à la réputation de la personne visée; autrement dit, qui tend à la rabaisser de l’avis général des membres bien-pensants de la société et particulièrement à la faire exposer à de la haine, au mépris, au ridicule, à de la peur, à de l’aversion ou à de la mésestime. La déclaration est jugée selon la norme d’un membre bien-pensant de la société. Par conséquent, ce critère est objectif...

[69]           Les demanderesses allèguent que la responsabilité des défendeurs individuels est engagée pour la diffamation en raison des déclarations publiques. Toutefois, certains des défendeurs individuels, à savoir le ministre et les défendeurs individuels dont les titres de poste indiquent qu’ils sont responsables des communications, peuvent avoir l’obligation de tenir le public informé des activités de Santé Canada, notamment en ce qui concerne les mesures prises pour assurer la sécurité publique. À ce titre, il n’est pas clair sans analyse du cadre législatif et de la politique applicable de la Loi et des Règlements que les déclarations publiques n’ont pas été faites d’une manière qui puisse offrir aux défendeurs individuels une défense aux allégations de diffamation comme une immunité relative, si le délit de diffamation est établi.

[70]           Par conséquent, la nature essentielle de l’allégation est de savoir si les défendeurs ont fait des déclarations portant atteinte à la réputation des demanderesses, d’une manière dont le cadre législatif ne fournit aucune défense.

[71]           Enfin, la réparation pécuniaire est la nouvelle cause d’action proposée dans l’arrêt Paradise Honey Ltd. c. Canada, 2015 CAF 89, aux paragraphes 116 à 118 [Paradis Honey], également appelée mesure administrative abusive. Bien que cette nouvelle cause d’action ne soit pas encore plaidée, la responsabilité des défendeurs individuels semblerait être fondée sur la question de savoir si leurs actions ou omissions dans l’exécution de leurs fonctions étaient acceptables du point de vue administratif. D’après les décisions rendues par la Cour concernant l’interdiction d’importation, à savoir la décision d’août 2015 et la décision de novembre 2014, la nature essentielle de chaque action ou omission devra être évaluée en fonction du cadre législatif créé par la Loi et les Règlements pour décider si elle était acceptable du point de vue administratif.

(4)               Conclusion sur la nature essentielle des demandes

[72]           D’après l’analyse qui précède, j’estime que la nature essentielle des allégations des demanderesses est la suivante :

1)      Faute : les défendeurs individuels ont-ils exercé des tâches en vertu de la Loi et des Règlements dans le cadre de leurs fonctions de préposés de la Couronne, et ont-ils fait fi des limites de leur autorité en toute connaissance de cause ou en faisant preuve d’un aveuglement volontaire du fait que les demanderesses subiraient un préjudice?

2)      Négligence : les devoirs des défendeurs individuels, en tant que préposés de la Couronne, ou les interactions entre les défendeurs individuels et les demanderesses, dans le contexte du régime réglementaire en vertu de la Loi et des Règlements régissant la fabrication et l’importation de médicaments, créent-ils une relation de proximité? Dans l’affirmative, le devoir de diligence a-t-il été violé, causant un préjudice aux demanderesses?

3)      Complot : les défendeurs individuels ont-ils exercé leurs fonctions d’une manière qui, par accord mutuel ou par projet commun, en dehors de la coordination prévue par le cadre législatif et la politique applicable de la Loi et des Règlements, dans le but de causer un préjudice aux demanderesses, ou dans des circonstances où les défendeurs individuels savaient ou auraient dû savoir qu’il était probable que les défendeurs en subiraient un préjudice?

4)      Diffamation : les défendeurs individuels ont-ils fait des déclarations qui auraient pu nuire à la réputation des demanderesses aux yeux de membres bien-pensants de la société, d’une manière dont le cadre législatif de la Loi et des Règlements ne fournit aucune défense?

5)      Réparation pécuniaire en droit public : les actions ou omissions des défendeurs individuels, dans l’exercice de leurs fonctions en vertu de la Loi et des Règlements, sont‑elles administrativement acceptables?

[73]           Compte tenu de l’interprétation contextuelle et téléologique, les réclamations des demanderesses ont la nature essentielle globale suivante : les défendeurs individuels ont-ils fait ou omis de faire quelque chose, dans l’exercice de leurs fonctions de préposés de la Couronne, en vertu de la Loi et des Règlements, et d’une manière qui outrepassait leur compétence ou à des fins inappropriées, donnant ouverture à des demandes valides de réparation tel qu’il est plaidé dans la présente instance?

D.                 Critère de l’arrêt ITO : Y a-t-il une attribution de compétence par une loi?

[74]           Les parties conviennent que l’article 17(5)b) de la Loi sur les Cours fédérales attribue une compétence législative spécifique applicable à la présente action : « dans les actions en réparation intentées contre un fonctionnaire, préposé ou mandataire de la Couronne pour des faits — actes ou omissions — survenus dans le cadre de ses fonctions ». J’estime que la nature essentielle globale de chacune des réclamations à l’égard des défendeurs individuels relève du champ d’application de cet article, de sorte qu’il existe une compétence législative spécifique à la Cour fédérale.

E.                  Critère de l’arrêt ITO : Existe-t-il un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence?

[75]           Les défendeurs soutiennent qu’il existe un courant jurisprudentiel « traditionnel » à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale, qui soutient que les réclamations de responsabilité délictuelle contre des préposés de la Couronne désignés individuellement ne peuvent être entendues devant la Cour fédérale. Ce courant jurisprudentiel reconnaît prétendument que la responsabilité du défendeur et le droit du demandeur à des dommages-intérêts en responsabilité délictuelle sont prévus par la common law provinciale, et qu’il est insuffisant que les demandes en responsabilité délictuelle impliquent des abus de pouvoir ou des manquements aux devoirs en vertu de la loi fédérale.

[76]           Les défendeurs affirment également que seules les réclamations fondées sur la rupture de contrat, dans le cas où les lois fédérales régissent tous les aspects de la relation contractuelle, relèvent de la compétence de la Cour fédérale. Ils affirment qu’une logique semblable ne s’applique pas aux réclamations en responsabilité délictuelle et se fondent sur différents cas à l’appui de cette déclaration : Ingle v Canada, [1984] 2 FC 57 (FCTD); Stephens Estate v R, [1982] FCJ no 114 (FCA); Leblanc v R, 2003 FC 776; Produits forestiers du Canada ltée c. Canada (Procureur Général), 2005 CAF 220.

[77]           Les demanderesses soutiennent que les cas présentés par les défendeurs se distinguaient de la présente instance, et qu’il existe un autre courant jurisprudentiel qui cadre avec les faits de la présente instance, à commencer par Rhine c. La Reine, [1980] 2 RCS 442 [Rhine/Prytula], qui soutient que, lorsque la législation fédérale prévoit un cadre législatif détaillé régissant tous les aspects de la relation entre les parties, une réclamation contractuelle ou délictuelle peut être intentée devant la Cour fédérale. Elles s’appuient sur les cas suivants pour le principe selon lequel la Cour fédérale est compétente pour connaître des causes qui sont fondées sur la loi fédérale : Peter G. White Management Ltd. c. Canada, 2006 CAF 190 [Peter G. White]; Oag v Canada, [1987] 2 FC 511 (FCA); Kigowa v Canada, [1990] 1 FC 804 (FCA); Canada (Procureur général) c. Gottfriedson, 2014 CAF 55; Maguire v Canada, [1990] 1 FC 742; Abdelrazik c. Canada (Affaires étrangères et Commerce international), 2009 CF 580; et Dickson c. Canada, 2016 CF 836 [Dickson].

[78]           L’affirmation des défendeurs, selon laquelle les réclamations en responsabilité délictuelle sont de la compétence exclusive de la Cour supérieure provinciale parce qu’elles découlent de la common law, est erronée. Dans l’arrêt Rhine/Prytula, à la page 447, la Cour suprême a formulé le principe selon lequel « on ne peut invariablement attribuer les “contrats” ou les autres créations juridiques, comme les délits et quasi-délits, au contrôle législatif provincial exclusif, ni les considérer, de même que la common law, comme des matières ressortissant exclusivement au droit provincial ».

[79]           Après avoir examiné les cas invoqués par les parties, je suis d’accord pour dire que les cas invoqués par les demanderesses s’apparentent davantage à ceux présentés par les défendeurs. Plus précisément, les faits de la présente action ressemblent à ceux dans l’arrêt Peter G. White, où le droit d’exploiter la télécabine est créé par un régime de crédit-bail et de gestion régi par la législation fédérale. En l’espèce, les droits des demanderesses de fabriquer et d’importer des médicaments sont créés par le cadre législatif spécifique de la Loi et des Règlements.

[80]           Dans l’arrêt Peter G. White, la demanderesse (« PGW ») a loué des terres de la Couronne au parc national Banff, où elle exploitait une station de ski. PGW n’a jamais été en mesure de faire fonctionner l’élévateur à télécabine en dehors de la saison hivernale, s’étant fait deux fois refuser une licence par les directeurs d’unité de gestion du parc national Banff, en vertu du Règlement sur la pratique de commerces dans les parcs nationaux (les « défendeurs du parc »). En outre, dans un plan de gestion pour le parc, qui a été déposé à la Chambre des communes, aux termes de la Loi sur les parcs nationaux, l’utilisation estivale de la télécabine était interdite. PGW a intenté une action en dommages‑intérêts devant la Cour fédérale contre les défendeurs du parc, qui étaient des préposés de la Couronne, en alléguant qu’ils étaient responsables de la violation d’un bail et de l’abus de fonctions publiques.

[81]           La Cour d’appel fédérale a déclaré que l’alinéa 17(5)b) de la Loi sur les Cours fédérales « envisage expressément que les préposés de la Couronne peuvent être poursuivis » et que « lorsque l’on détermine la responsabilité d’un agent ou d’un préposé de la Couronne, il ne faudrait pas faire de distinction entre les gestes “officiels” de la personne et ses gestes “non officiels” »; par conséquent, les préposés de la Couronne individuels ne devraient pas être considérés comme des défendeurs au motif que leurs actes prétendument délictueux se sont produits dans le cadre de leurs fonctions de préposé ou d’agent de la Couronne (Peter G. White, aux paragraphes 44 à 47). La Cour d’appel fédérale a en outre jugé que la Cour fédérale a compétence pour connaître des affaires délictuelles dont le caractère véritable est fondé sur la loi fédérale et lorsque les droits d’une partie prennent naissance en vertu d’un cadre législatif détaillé et sont régis en grande partie par ce dernier (Peter G. White, aux paragraphes 54 à 60).

[82]           La Cour d’appel fédérale a conclu que les droits de PGW visés par le contrat ont été créés dans un contexte juridique, qui est régi principalement par des lois fédérales parce que « la législation fédérale [...] fixe les paramètres dans lesquels un bail peut être accordé dans un parc national », et les droits de PGW font expressément l’objet de la législation fédérale applicable, qu’ils étaient conditionnels à l’obtention d’un permis nécessaire (Peter G. White, aux paragraphes 68 et 70). Par conséquent, la Cour d’appel a conclu que « la législation fédérale fourni[ssait] un cadre suffisamment détaillé pour constituer le fondement de l’attribution de la compétence fédérale en l’espèce » (Peter G. White, au paragraphe 72).

[83]           Les défendeurs soutiennent que Peter G. White est « le seuil élevé » de la vaste compétence de la Cour fédérale et que les commentaires de la juge Karakatsanis dans l’arrêt Windsor (City), au paragraphe 69, indiquent les cas dans lesquels une vision élargie de la compétence de la Cour fédérale s’écarte des restrictions énoncées par la Cour suprême dans l’arrêt ITO :

Ces formulations du critère ne devraient pas être considérées de quelque façon comme ayant pour effet de rendre moins exigeant le seuil élevé établi dans l’arrêt ITO lui‑même. Le seul fait que la Cour fédérale puisse devoir tenir compte des règles de droit fédérales en tant que facteur nécessaire ne suffit pas; ces règles de droit doivent être « essentiel[les] à la solution du litige ». Elles doivent « constituer le fondement » de l’attribution de compétence.

[84]           Toutefois, les cas mentionnés concernant « ces formulations »Bensol Customs Brokers Ltd v Air Canada, [1979] 2 FCR 575 [Bensol]; et The Queen v Montreal Urban Community Transit Commission, [1980] 2 FC 151 [Montreal Urban Community] — se distinguent par leurs faits, et la norme que ces cas ont énoncée fournissait une norme de preuve moins élevée que la norme à appliquer en l’espèce. Par exemple, dans l’arrêt Bensol aux pages 582 à 583, lequel est cité dans Montreal Urban Community, le juge Le Dain indique :

[traduction]

Il devrait être suffisant, à mon avis, si les droits et obligations des parties étaient déterminés en partie par la loi fédérale. Il ne devrait pas être nécessaire que la cause d’action soit créée par la loi fédérale tant qu’elle est affectée par elle.

[85]           En outre, bon nombre des cas invoqués par les demanderesses étaient cités dans l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Canadian Transit Company c. Windsor (Corporation de la ville), 2015 CAF 88, et ont été portés à l’attention de la Cour suprême. À mon avis, les mises en garde de la majorité dans le jugement Windsor (City) contre un élargissement de la compétence de la Cour fédérale ne créent pas une nouvelle position concernant la norme présentée dans l’arrêt ITO. Ces mises en garde servent simplement à rappeler à la Cour l’exigence selon laquelle le cadre législatif fédéral sous-jacent doit être essentiel à la solution du litige et doit constituer le fondement de l’attribution de compétence à la Cour fédérale. Pour les raisons qui suivent, je conclus que la Loi et les Règlements respectent les normes, telles qu’elles sont énoncées dans les arrêts ITO et Windsor (City).

[86]           La Loi et les Règlements créent les droits qui, selon les demanderesses, ont été lésés. Les droits de vendre, d’importer et de fabriquer des médicaments sont entièrement créés par la loi fédérale. Il s’agit d’un régime complet, de sorte qu’aucune autre doctrine reconnue en common law ne définit l’étendue de ces droits. En outre, la Loi et les Règlements définissent la portée de l’autorité du ministre et de Santé Canada et créent la mesure à l’égard de laquelle la légalité de leurs actions sera mesurée. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les allégations de faute dans l’exercice d’une charge publique et de négligence. Par exemple, outre les exigences relatives aux BPF exposées à la partie C, titre 2 des Règlements, le ministre publie des lignes directrices qui prévoient que toute lacune relative aux BPF constatée au cours d’une inspection doit être expliquée sans ambiguïté et appuyée directement par les Règlements; ces lignes directrices prévoient également les mécanismes de conformité permettant de remédier et de faire face à ces lacunes. De même, la délivrance, la modification et la suspension des LE sont régies par les Règlements.

[87]           À mon avis, l’interprétation et l’application de la Loi et des Règlements seront essentielles au règlement de chacune des réclamations des demanderesses en raison de l’existence d’un lien entre les lois fédérales et des faits substantiels allégués à l’endroit des défendeurs individuels. À ce titre, la Loi et les Règlements fournissent le contexte requis pour examiner les faits pertinents dans chaque réclamation.

(1)               Faute dans l’exercice d’une charge publique

[88]           Les fonctions officielles des défendeurs à l’égard des demanderesses ont toutes été prescrites et détaillées dans la Loi et les Règlements. En outre, tous les droits des demanderesses d’importer et de vendre des médicaments sont réglementés et découlent de la Loi et des Règlements. En outre, la connaissance que les défendeurs ont du préjudice éventuel subi par les demanderesses serait fondée sur leur compréhension et leur connaissance de la Loi et les Règlements. Par exemple, l’article 31.2 de la Loi interdit de vendre ou d’importer des produits thérapeutiques en violation de la Loi et du Règlement, la peine maximale étant une amende n’excédant pas 5 000 000 $ et un emprisonnement maximal de deux ans, ou l’une de ces peines.

[89]           À ce titre, déterminer en quoi consiste une « insouciance délibérée à l’égard d’une fonction officielle » implique une interprétation de la Loi et des Règlements, ainsi que des documents d’orientation, et la légalité de la conduite des défendeurs sera tranchée en fonction de ces lois fédérales.

(2)               Négligence

[90]           Peter Hogg, dans Liability of the Crown, 4e éd. (Toronto : Thomson Reuters Canada Ltd, 2011) aux pages 232 à 244, est d’avis que la Cour suprême n’a pas donné de directives claires quant à la façon dont un régime législatif doit être utilisé pour décider de la proximité des fonctionnaires de demanderesses dans les cas de négligence. Cependant, il conclut, à la page 242, que les principes suivants peuvent être élucidés d’une lecture de la jurisprudence (Cooper c. Hobart, 2001 CSC 79;) Edwards c. Barreau du Haut-Canada, 2001 CSC 80; La Reine c. Saskatchewan Wheat Pool, [1983] 1 SCR 205; Hill c. Commission des services policiers de la municipalité régionale de HamiltonWentworth, 2007 CSC 41; Fullowka c. Pinkerton’s of Canada Ltd, 2010 CSC 5; Renvoi relatif à Broome c. Île-du-Prince-Édouard, 2010 CSC 11) :

1)      Une autorité publique ne sera pas responsable en cas de négligence à moins que l’autorité publique ne soit dans une relation « étroite et directe » ou de proximité avec un demandeur.

2)      Le régime législatif pertinent n’est pas la source exclusive, voire nécessaire, de proximité dans les cas impliquant des autorités publiques.

3)      Le régime législatif empêchera un devoir de diligence, lorsque ce devoir est contraire à la Loi.

4)      Le régime législatif peut jouer un rôle positif dans l’établissement de la proximité.

5)      Les facteurs évoquant la proximité incluent la proximité physique et causale, les attentes et les obligations supposées ou imposées, les déclarations, la fiabilité, les biens et d’autres intérêts en cause.

[91]           Dans l’arrêt Kamloops c. Neilsen, [1984] 2 RCS 2 à la page 9, la Cour suprême a cité Lord Wilberforce, qui a exprimé l’avis que « plus un pouvoir ou une obligation relève du domaine de l’exécution, plus il est facile de lui superposer une obligation de diligence qui relève de la common law ». À ce titre, il est possible que les actions ou les omissions que les défendeurs individuels ont commises dans l’exercice de leurs fonctions puissent entraîner la responsabilité si un devoir de diligence est prouvé. Par conséquent, pour qu’un tribunal puisse décider si les défendeurs sont responsables pour la négligence, la Cour devra interpréter l’étendue des fonctions et des pouvoirs conférés par la Loi et les Règlements, tout comme celle des cadres législatifs et stratégiques connexes.

(3)               Complot

[92]           En ce qui concerne les actions prétendument conspiratrices, le préjudice infligé aux demanderesses, le cas échéant, devra être évalué sur la base des actions licites que les défendeurs pourraient adopter dans leur cadre législatif. Autrement dit, l’existence du préjudice subi par les demanderesses, et l’intention prédominante des défendeurs individuels d’infliger un préjudice aux demanderesses, dépendront de la question de savoir si les actions des défendeurs étaient requises ou admissibles en vertu de la loi fédérale.

[93]           En outre, l’allégation des demanderesses selon laquelle la conduite conspiratrice des défendeurs individuels était une conduite fautive, réalisée en dehors des limites de leur pouvoir conféré par la loi, en dépit du fait qu’elle se soit produite par l’intermédiaire de mécanismes qui sont liés de façon inhérente à l’exercice de leurs fonctions à Santé Canada, par exemple l’administration du régime de LE. Cependant, il est possible que ce prétendu complot soit simplement fonction de la coordination créée au sein de Santé Canada par la Loi et les Règlements, et les lignes directrices par lesquelles ils sont mis en application. Le cadre législatif sera essentiel pour décider si les défendeurs individuels ont agi de manière injuste, contrairement à leurs propres lignes directrices publiées, et principalement dans le but de porter préjudice aux demanderesses.

(4)               Diffamation

[94]           Comme le soulignent les demanderesses, si le délit de diffamation est établi, il existe deux moyens de défense mis à la disposition des défendeurs individuels : l’obligation légale et l’immunité relative. La question de savoir si l’un ou l’autre de ces moyens de défense est à la disposition des défendeurs individuels sera tranchée par l’application de la Loi et des Règlements. À cet égard, la présente affaire est semblable à celle abordée dans l’arrêt Dickson, où la question de savoir si les actions des défendeurs individuels de l’Agence du revenu du Canada (les « défendeurs de l’ARC ») étaient justifiées, dépendait de l’interprétation des lois fédérales.

[95]           L’action sous-jacente dans l’arrêt Dickson découle d’un refus du ministre du Revenu national de renouveler la licence fédérale de fabrication de tabac des requérants en raison des impôts impayés. Le juge des requêtes, après avoir examiné la législation et la jurisprudence relatives à la compétence, a conclu que, pour décider si les défendeurs de l’ARC étaient responsables du refus injustifié de la licence de tabac, il faudrait ultimement décider si les requérants étaient exemptés de taxation conformément à l’article 87 de la Loi sur les Indiens. Par conséquent, la demande des requérants était « fondé[e] sur le droit fédéral et [...] régi[e] par un cadre législatif détaillé essentiel à l’issue du litige » (Dickson, au paragraphe 60).

[96]           En l’espèce, la question de savoir s’il y a un moyen de défense contre la diffamation devra être examinée en fonction des mandats de chacun des défendeurs individuels en vertu de la Loi et des Règlements, tout comme la question de savoir s’ils avaient pu croire de bonne foi que ces déclarations publiques étaient vraies, en se fondant sur leur compréhension des procédures en place en vertu du cadre législatif pertinent.

(5)               Réparation pécuniaire en droit public

[97]           Cette nouvelle cause d’action repose sur un cadre d’irrecevabilité, au sens du droit administratif, de la conduite de l’autorité publique et de l’exercice par le juge du pouvoir discrétionnaire (Paradis Honey, au paragraphe 139). Un élément important de cette cause d’action est la qualité de la conduite de l’autorité publique : par exemple, est-ce que l’autorité publique a manqué à un devoir d’agir de manière claire et précise, et est-ce que le défaut d’agir était inacceptable ou ne pouvait se justifier en droit administratif (Paradis Honey, aux paragraphes 144 et 145).

[98]           À ce titre, l’interprétation du régime législatif sera déterminante pour trouver une responsabilité ou non dans le cadre de cette nouvelle cause d’action. En outre, compte tenu des conclusions du juge Russell, selon lesquelles le refus continu de Santé Canada d’accorder des AC à l’égard de produits qui présentent encore des préoccupations relatives à l’intégrité des données (c.-à-d. l’Apo-Varenicline et l’Apo-Sitagliptine) est raisonnable et les actions inappropriées de la DPT, la compréhension des différents aspects du cadre législatif en vertu duquel chaque défendeur individuel exerçait ses fonctions sera essentielle à la détermination de sa responsabilité, le cas échéant, et à la décision d’accorder ou non une dispense.

[99]           Par conséquent, j’estime que la Loi et les Règlements sont essentiels pour que le juge de première instance rende une décision à l’égard de chacune des réclamations faites par les demanderesses à l’égard des défendeurs individuels, et j’estime qu’ils constituent le fondement dans l’attribution de la compétence, en satisfaisant à la norme énoncée dans l’arrêt ITO et réaffirmée dans l’arrêt Windsor (City). À ce titre, il n’est pas manifeste et évident que les droits, les obligations et les défenses éventuelles découlant de la présente action ne dépendent pas et ne sont pas fondés essentiellement par le cadre législatif fédéral.

F.                  Critère de l’arrêt ITO : Est-ce que la loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867?

[100]       Selon les défendeurs, cette étape du critère établi dans l’arrêt ITO exige que les causes d’action de droit privé découlent de la loi fédérale, autrement que par les allégations de délit non autorisé par la loi fédérale et/ou la relation entre les parties fondée sur le droit fédéral.

[101]       La compréhension par les défendeurs des exigences du troisième volet du critère établi dans l’arrêt ITO est inexacte. La majorité dans l’arrêt Windsor (City) est silencieuse sur les exigences de cette étape; cependant, l’opinion minoritaire précise que le troisième volet du critère établi dans l’arrêt ITO exige que la loi fédérale, qui est essentielle à la solution du litige et qui constitue le fondement de l’attribution de compétence, soit une loi fédérale valide, c’est‑à‑dire une loi qui relève de la compétence législative fédérale (Windsor (City), au paragraphe 116; voir aussi l’arrêt ITO, à la page 777).

[102]       Les parties s’entendent pour dire que la Loi et les Règlements relèvent de la compétence législative fédérale.

[103]       À la lumière de ce qui précède, il n’est pas manifeste et évident que la Cour fédérale ne soit pas compétente pour entendre les réclamations contre les défendeurs individuels.

IV.              Dépens

[104]       Les dépens sont adjugés aux demanderesses, quelle que soit l’issue de la cause.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1653-16

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  La présente requête est rejetée.

2.                  Le procureur général du Canada est retiré comme partie.

3.                  Les dépens sont adjugés aux demanderesses, quelle que soit l’issue de la cause.

« Michael D. Manson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1653-16

 

INTITULÉ :

APOTEX INC. ET AL. c. RONA AMBROSE ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 24 et 25 avril 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 10 mai 2017 :

 

COMPARUTIONS :

M. Nando De Luca

Mme Jule Rosenthal

 

Pour les DEMANDERESSES

 

Mme Glynis Evans

Mme Laura Tausky

 

Pour les DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOODMANS LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demanderesses

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour les DÉFENDEURS

 

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