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Date : 20170515


Dossier : IMM-4848-16

Référence : 2017 CF 499

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 15 mai 2017

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

NIVEN ABDELWAHAB SALIH OSMAN

KHALID MAHMOUD ABDELGADIR SULIMAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La présente demande concerne une décision rendue le 31 octobre 2016 par la Section d’appel des réfugiés (la SAR), confirmant la décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) selon laquelle les demandeurs, un mari et sa femme du Soudan, n’ont qualité ni de réfugiés au sens de la Convention ni de personnes à protéger.

[2]  La demanderesse principale, Niven Abdelwahab Salig Osman, craint d’être persécutée par les forces gouvernementales, car elle a travaillé pour Médecins Sans Frontières (MSF) au Soudan, [traduction] « une organisation qui est établie au Soudan depuis 1979 […] et qui dispense des soins médicaux aux populations touchées par des conflits » (Décision de la SPR, au paragraphe 12). Mme Osman allègue notamment que MSF l’a envoyée au Darfour occidental où, après avoir [traduction] « signalé des cas de viol et indiqué les effets de la violence sur la santé des femmes » (Décision de la SAR, au paragraphe 4), elle a été arrêtée et interrogée par les forces de sécurité qui l’ont mise en garde contre les préjudices dont elle pourrait être victime (Décision de la SAR, au paragraphe 5).

[3]  La SPR a rejeté la demande des demandeurs le 16 mars 2016 pour les motifs suivants :

La demanderesse principale n’a présenté aucune preuve pour corroborer son emploi allégué au sein d’une organisation non gouvernementale médicale de renommée internationale. Durant son témoignage, elle a déclaré qu’elle avait la carte d’identité de MSF de 2013, au moment où elle avait initialement prévu de présenter une demande d’asile […]

La demanderesse principale n’a pu expliquer plus en détail pourquoi elle n’avait pas fait d’autres efforts, depuis son arrivée au Canada, pour corroborer ses allégations concernant son travail au sein de MSF ou les problèmes que ce travail lui avait occasionnés […]

Je considère que l’absence de documents de corroboration, sans explication raisonnable, attaque grandement la crédibilité de ses allégations concernant son emploi ou les préjudices qu’elle aurait subis.

(Décision de la SPR, au paragraphe 15)

[Non souligné dans l’original.]

[4]  Devant la SAR, les demandeurs ont déclaré que leur consultant en immigration leur avait déconseillé de présenter à la SPR la preuve documentaire corroborante qui était alors disponible. Par conséquent, à part une carte d’identité périmée de MSF pour étayer le travail de Mme Osman au sein de cette organisation, les autres éléments de preuve n’ont pas été présentés. La SAR a été informée que les demandeurs avaient déposé une plainte auprès du Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada [CRCIC] le 20 avril 2016 en invoquant l’incidence négative des conseils qu’ils avaient reçus de leur consultant (Dossier des demandeurs, p. 51).

[5]  Pour appuyer leur appel auprès de la SAR, les demandeurs ont cherché à faire admettre en preuve les nouveaux éléments suivants :

  • (1) La plainte déposée auprès du CRCIC;

  • (2) Un courriel daté du 18 avril 2016, joint à une lettre de Dagemlidet T. Worku, coordonnateur médical de MSF France;

  • (3) Une lettre adressée à Mme Osman en date du 31 octobre 2013, en provenance du Dr Lashitew Gedamu de l’Université de Calgary;

  • (4) Une lettre datée du 20 septembre 2013, en provenance de Yolanda Muller Chabloz, de l’organisme Epicentre de MSF à Paris;

  • (5) Une lettre adressée à Mme Osman en date du 1er mars 2016, en provenance de l’Université de Calgary.

[6]  Devant la SAR, l’avocat des demandeurs a fait valoir que les nouveaux éléments de preuve étaient :

[…] extrêmement probants […] et que, si ces documents avaient été présentés, l’audience aurait été fort différente tant par son contenu que par son ambiance et que les commissaires auraient formulé des avertissements moins sévères à l’endroit des demandeurs pour ne pas avoir présenté de documentation à l’appui.

(Dossier des demandeurs, p. 136)

[7]  La SAR a également signifié l’avertissement suivant aux demandeurs :

La demanderesse ne peut pas simplement blâmer son avocat pour tous les problèmes découlant de la décision rendue par la SPR […]

Les instructions à l’intention du demandeur sur le formulaire Fondement de la demande d’asile (FA) précisent notamment ce qui suit : « ÉCRIVEZ TOUT CE QUI EST IMPORTANT POUR VOTRE DEMANDE D’ASILE » et « joignez deux copies de tous les documents que vous avez pour appuyer votre demande d’asile »

(Décision de la SAR, au paragraphe 19)

[8]  Les nouveaux éléments de preuve ont donc été écartés. Même si ces éléments n’ont pas été admis en preuve, ils ont été pris en compte; il a toutefois été conclu que, outre la plainte déposée auprès du CICCR, [traduction] « la SAR n’accorderait qu’une faible valeur probante à ces documents » car, bien qu’ils attestent des titres de compétence de la demanderesse ou de son travail pour MSF dans l’est du Soudan, ils ne confirment pas [traduction] « ses allégations selon lesquelles elle a travaillé pour MSF au Darfour occidental afin de recueillir des données sur des femmes victimes de violence sexuelle » (Décision de la SAR, aux paragraphes 20 et 21).

[9]  L’avocat de la demanderesse soutient que la SAR a rendu une décision déraisonnable, en rejetant d’emblée les éléments de preuve, sans vraiment tenir compte des raisons pour lesquelles cette preuve n’avait pas été présentée à la SPR, et en formulant des conclusions superficielles au sujet de la qualité d’éléments de preuve n’ayant pu être versés au dossier. Je suis d’accord avec cet argument.

[10]  Après examen des avertissements formulés par la SAR, je conclus que l’inférence non fondée concernant la crédibilité de la demanderesse a eu un effet inéquitable sur le rejet par la SAR des nouveaux éléments de preuve.  Je suis donc d’avis que la décision contestée est déraisonnable.


JUGEMENT

LA COUR annule la décision contestée et l’affaire est renvoyée pour réexamen par un tribunal différemment constitué.

Il n’y a aucune question à certifier.

« Douglas R. Campbell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4848-16

INTITULÉ :

NIVEN ABDELWAHAB SALIH OSMAN et KHALID MAHMOUD ABDELGADIR SULIMAN c. LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 mai 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :

Le 15 mai 2017

COMPARUTIONS :

Howard P. Eisenberg

Pour les demandeurs

Suzanne M. Bruce

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Eisenberg & Young LLP

Avocats et notaires publics

Hamilton (Ontario)

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

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