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Date : 20170511


Dossier : IMM-4449-16

Référence : 2017 CF 489

Montréal (Québec), le 11 mai 2017

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

KONGOLO, PATRICK NGOYI

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Au préalable

[21]      Le demandeur défend la thèse que la nature des infractions dont il a été déclaré coupable ne suffit pas à faire de lui un danger pour le public, en application du paragraphe 115(2) de la Loi. Il soutient que les incidents en question ne sont rien de plus que des « infractions économiques mineures » qui n'impliquent pas de violence et qu'ils ne devraient donc pas servir à le catégoriser comme un danger pour le public.

[22]      Je ne suis pas d'accord sur le raisonnement du demandeur concernant l'article 115 et le parallèle qu'il trace entre les actes violents et le danger pour le public. Le libellé de l'article 115 ne se limite pas à certains types d'infractions. Il laisse au représentant du ministre la latitude voulue pour déterminer si une personne constitue un danger pour le public. Le représentant du ministre a constaté que le demandeur n'avait pas usé de violence en commettant ses infractions, mais il a aussi pris en compte le nombre de crimes perpétrés, leur continuité et leurs conséquences sérieuses pour la population canadienne. Compte tenu de toute la preuve dont il disposait, et en se fondant sur la nature des crimes, le représentant du ministre a décidé que le demandeur était un danger pour le public.

[23]      Le demandeur demande en réalité à la Cour de réévaluer la preuve qui a été soumise au représentant du ministre. Il n'appartient pas à la Cour de réévaluer la preuve qui a servi de fondement à une décision discrétionnaire. La preuve était suffisamment fiable pour justifier la conclusion que le demandeur constitue un danger pour le public au Canada. En outre, j'estime que le demandeur n'a pas montré que le représentant du ministre a mal exercé son pouvoir discrétionnaire ou qu'il a commis une autre erreur susceptible de contrôle judiciaire.

(Arinze c Canada (Solliciteur général), 2005 CF 1547 (également voir les soumissions du demandeur concernant la dangerosité de Patrick Ngoyi Kongolo, volume 3 de 5, Dossier du Tribunal au paragraphe 15 à la page 267))

[1]               La Cour constate que les allégations de craintes du demandeur se limitent aux liens qu’a entretenus son père avec le régime de Mobutu et à son implication dans des activités de la communauté congolaise, au Canada, dénonçant l’actuel président de la République démocratique du Congo [RDC] (Dossier du demandeur, à la page 55), sans toutefois préciser de quelle façon il pourrait personnellement être une cible d’intérêt ou de persécution en RDC. La Cour note aussi que le document auquel se réfère le demandeur, relativement au traitement des anciens proches du régime de Mobutu, est une mise à jour datant de 2002. On ne saurait prétendre qu’il s’agit d’un élément de preuve démontrant le sort récent des collaborateurs de l’ancien régime en RDC. Enfin, la Cour constate que la déléguée du ministre a pris en considération la preuve portant sur la situation des droits humains en RDC, tout en nuançant les informations contenues au rapport; elle a conclu que le demandeur venait de Kinshasa, une région plus stable que l’est du pays où se produisent les manquements les plus importants.

[2]               La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Nagalingam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CAF 153 [Nagalingam], présente les principes gouvernant l’application de l’alinéa 115(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] :

[44]      En résumé donc, voici les principes applicables à la décision prise par le délégué en vertu de l’alinéa 115(2)b) de la Loi et les étapes à suivre pour arriver à cette décision :

(1) La personne protégée et le réfugié au sens de la Convention bénéficient du principe du non-refoulement reconnu par le paragraphe 115(1) de la Loi, sauf si l’exception prévue à l’alinéa 115(2)b) s’applique;

(2) Pour que l’alinéa 115(2)b) s’applique, il faut que l’intéressé soit interdit de territoire pour raison de sécurité (article 34 de la Loi), pour atteinte aux droits humains ou internationaux (article 35 de la Loi) ou pour criminalité organisée (article 37 de la Loi);

(3) Si l’intéressé est interdit de territoire pour l’une ou l’autre de ces raisons, le délégué doit décider si l’intéressé ne devrait pas être autorisé à demeurer au Canada à cause de la nature et de la gravité des actes commis ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada;

(4) Une fois cette décision prise, le délégué doit procéder à une analyse fondée sur l’article 7 de la Charte. À cette fin, le délégué doit vérifier si, selon la prépondérance des probabilités, l’intéressé sera exposé à une menace à sa vie ou à un risque à sa sécurité ou à sa liberté s’il est renvoyé dans son pays d’origine. Cette analyse se fait simultanément et le réfugié au sens de la Convention ou la personne protégée ne peut s’autoriser de son statut pour réclamer l’application de l’article 7 de la Charte (Suresh, précité, au paragraphe 127);

(5) Poursuivant son analyse, le délégué doit mettre en balance la nature et la gravité des actes commis ou le danger pour la sécurité du Canada et le degré de risque, en tenant également compte de tout autre facteur d’ordre humanitaire applicable (Suresh, précité, aux paragraphes 76 à 79; Ragupathy, précité, au paragraphe 19).

II.                Nature de l’affaire

[3]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la LIPR à l’encontre d’un avis émis par une déléguée du ministre le 6 octobre 2016, selon lequel le demandeur constitue un danger pour le public au Canada selon l’alinéa 115(2)a) de la LIPR.

III.             Faits

[4]               Le demandeur, âgé de 43 ans, est citoyen de la RDC. Il est arrivé au Canada comme étudiant en décembre 1995, suivi par l’un de ses frères l’année suivante. Il est issu d’une famille ayant entretenu des liens étroits avec les membres du régime de Mobutu. En 1997, dans la foulée de la chute du régime, le demandeur aurait cessé de bénéficier du soutien financier de son père et il aurait craint pour sa vie s’il devait retourner en RDC.

[5]               Le 18 juin 1997, le demandeur a revendiqué le statut de réfugié au Canada, qu’il a obtenu le 26 septembre 1997.

[6]               Entre 1997 et avril 2015, le demandeur a commis plus d’une vingtaine d’infractions de fraude, de vol d’identité et d’usage de faux, pour lesquelles il a plaidé coupable et a été condamné.

[7]               Le 19 novembre 2015, le demandeur a reçu de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] un avis d’intention concernant la demande de l’avis du ministre en vertu de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR. Le demandeur a présenté des soumissions les 4 décembre 2015 et 12 août 2016 suite à la divulgation de renseignements supplémentaires par l’ASFC.

IV.             Décision

[8]               Le 6 octobre 2016, la déléguée du ministre a conclu que le demandeur constitue un danger pour le public au Canada aux termes de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR et qu’il pouvait être renvoyé en RDC.

[9]               La déléguée s’est d’abord déclarée satisfaite que le demandeur est interdit de territoire au Canada pour grande criminalité selon l’alinéa 36(1)a) de la LIPR, au vu des condamnations dont il avait fait l’objet entre 1999 et 2014.

[10]           Ensuite, la déléguée a considéré les nombreuses récidives en matière criminelle du demandeur ainsi que le peu de mobilisation démontrée dans ses démarches de réhabilitation. Elle a conclu que le demandeur représente un risque pour le public au Canada.

[11]           La déléguée a par la suite procédé à l’évaluation du risque auquel serait exposé le demandeur s’il devait être renvoyé en RDC. Elle a noté qu’aucun document de preuve ne lui permettait de conclure à l’existence d’un risque actuel pour le demandeur en tant qu’individu proche de l’ancien régime. De plus, si la situation des droits de l’homme est instable dans certaines régions de la RDC, il n’en va pas de même dans la région de Kinshasa, où a vécu le demandeur avant son départ pour le Canada. Selon la prépondérance des probabilités, la déléguée a déterminé que le demandeur ne fait pas personnellement face à un risque à sa vie, à sa liberté et à sa sécurité advenant son retour en RDC.

[12]           La déléguée a finalement examiné les considérations d’ordre humanitaire soulevées par le demandeur, soit l’intérêt supérieur de ses quatre filles canadiennes ainsi que celui des deux enfants de sa conjointe actuelle. La déléguée a fait état des prétentions suivantes du demandeur : il a de bonnes relations avec ses filles biologiques; l’une de ses filles est atteinte d’un trouble envahissant du développement; les deux enfants de sa conjointe sont attachés à lui. Elle a toutefois relevé qu’aucun document n’avait été soumis pour étayer la nature et la fréquence des relations du demandeur avec ses filles, ni pour démontrer le soutien financier ou émotionnel qu’il leur apportait. Elle a en outre estimé que bien que le départ du demandeur puisse attrister les enfants de sa conjointe, ils avaient déjà subi une séparation durant la période de son incarcération et ils pourraient garder contact via des moyens technologiques.

V.                Questions en litige

[13]           Le demandeur ne conteste pas l’évaluation qu’a faite la déléguée du ministre quant au danger qu’il représentait pour le public au Canada.

[14]           Par conséquent, les questions litigieuses soulevées dans la présente cause sont les suivantes :

1.      La déléguée a-t-elle erré dans son évaluation du risque auquel ferait face le demandeur s’il était renvoyé en RDC?

2.      La déléguée a-t-elle erré dans son examen des considérations d’ordre humanitaire eu égard à l’intérêt supérieur des enfants touchés?

[15]           La décision d’une déléguée du ministre d’émettre un avis conformément à l’alinéa 115(2)a) de la LIPR – de même que son évaluation du risque couru par le demandeur ainsi que l’examen des considérations humanitaires – est soumise à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Nagalingam, ci-dessus, au para 32; Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, 2008 CSC 9 au para 47).

VI.             Dispositions pertinentes

[16]           L’alinéa 115(2)a) de la LIPR prévoit l’exception au principe de non-refoulement :

Principe du non-refoulement

Principle of Non-refoulement

Principe

Protection

115 (1) Ne peut être renvoyée dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités, la personne protégée ou la personne dont il est statué que la qualité de réfugié lui a été reconnue par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée.

115 (1) A protected person or a person who is recognized as a Convention refugee by another country to which the person may be returned shall not be removed from Canada to a country where they would be at risk of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion or at risk of torture or cruel and unusual treatment or punishment.

Exclusion

Exceptions

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à l’interdit de territoire :

(2) Subsection (1) does not apply in the case of a person

a) pour grande criminalité qui, selon le ministre, constitue un danger pour le public au Canada;

(a) who is inadmissible on grounds of serious criminality and who constitutes, in the opinion of the Minister, a danger to the public in Canada; or

b) pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée si, selon le ministre, il ne devrait pas être présent au Canada en raison soit de la nature et de la gravité de ses actes passés, soit du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

(b) who is inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality if, in the opinion of the Minister, the person should not be allowed to remain in Canada on the basis of the nature and severity of acts committed or of danger to the security of Canada.

VII.          Analyse

[17]           Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

A.                Risque encouru par le demandeur en RDC

[18]           Le demandeur soutient que la décision de la déléguée est déraisonnable en raison des erreurs commises dans l’appréciation des risques à sa vie, à sa liberté et à sa sécurité auxquels il ferait face advenant son renvoi en RDC. En premier lieu, le demandeur reproche à la déléguée de juger qu’il serait en sécurité en RDC bien qu’elle cite le Country Report of Human Rights Practices 2015 du Département d’État américain portant sur la RDC, lequel fait état de graves lacunes en matière de droits humains en RDC. Cette apparente contradiction viendrait vicier la décision de la déléguée puisqu’elle manquerait de justification, de transparence et d’intelligibilité (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 RCS 708, 2011 CSC 62 au para 16). En second lieu, le demandeur critique le traitement sélectif de la preuve par la déléguée. Il allègue que la déléguée aurait ignoré le passage d’un document corroborant ses craintes et faisant état de la persécution de personnes ayant « occupé un poste très élevé et visible au sein du parti, du gouvernement ou des forces de sécurité, ou qu’elles se soient opposées ouvertement au gouvernement actuel » (République démocratique du Congo (RDC) : mise à jour de RDC33027.F du 25 novembre 1999 sur le traitement, par le gouvernement congolais, des anciens diplomates qui retournent à Kinshasa et des autres personnes perçues comme des sympathisants de Mobutu (2001-2002). La déléguée aurait ainsi commis une erreur susceptible de révision (Thomas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 838).

[19]           Le défendeur prétend au contraire que la déléguée a convenablement analysé le risque auquel pourrait être exposé le demandeur advenant son retour en RDC, puisqu’il n’a pas démontré l’existence de motifs sérieux de croire qu’il serait personnellement exposé aux risques allégués. Ainsi, compte tenu de la preuve documentaire soumise et de l’absence de documents démontrant l’existence d’un risque actuel, la décision de la déléguée serait raisonnable et aucune erreur ne justifierait l’intervention de la Cour. Il appartenait à la déléguée d’apprécier la preuve présentée et de soupeser la valeur à accorder aux allégations du demandeur (Sidhu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 39; Jarada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 409).

[20]           La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Nagalingam, ci-dessus, présente les principes gouvernant l’application de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR :

[44]      En résumé donc, voici les principes applicables à la décision prise par le délégué en vertu de l’alinéa 115(2)b) de la Loi et les étapes à suivre pour arriver à cette décision :

(1) La personne protégée et le réfugié au sens de la Convention bénéficient du principe du non-refoulement reconnu par le paragraphe 115(1) de la Loi, sauf si l’exception prévue à l’alinéa 115(2)b) s’applique;

(2) Pour que l’alinéa 115(2)b) s’applique, il faut que l’intéressé soit interdit de territoire pour raison de sécurité (article 34 de la Loi), pour atteinte aux droits humains ou internationaux (article 35 de la Loi) ou pour criminalité organisée (article 37 de la Loi);

(3) Si l’intéressé est interdit de territoire pour l’une ou l’autre de ces raisons, le délégué doit décider si l’intéressé ne devrait pas être autorisé à demeurer au Canada à cause de la nature et de la gravité des actes commis ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada;

(4) Une fois cette décision prise, le délégué doit procéder à une analyse fondée sur l’article 7 de la Charte. À cette fin, le délégué doit vérifier si, selon la prépondérance des probabilités, l’intéressé sera exposé à une menace à sa vie ou à un risque à sa sécurité ou à sa liberté s’il est renvoyé dans son pays d’origine. Cette analyse se fait simultanément et le réfugié au sens de la Convention ou la personne protégée ne peut s’autoriser de son statut pour réclamer l’application de l’article 7 de la Charte (Suresh, précité, au paragraphe 127);

(5) Poursuivant son analyse, le délégué doit mettre en balance la nature et la gravité des actes commis ou le danger pour la sécurité du Canada et le degré de risque, en tenant également compte de tout autre facteur d’ordre humanitaire applicable (Suresh, précité, aux paragraphes 76 à 79; Ragupathy, précité, au paragraphe 19).

[21]           La Cour constate que les allégations de craintes du demandeur se limitent aux liens qu’a entretenus son père avec le régime de Mobutu et à son implication dans des activités de la communauté congolaise, au Canada, dénonçant l’actuel président de la RDC (Dossier du demandeur, à la page 55), sans toutefois préciser de quelle façon il pourrait personnellement être une cible d’intérêt ou de persécution en RDC. La Cour note aussi que le document auquel se réfère le demandeur, relativement au traitement des anciens proches du régime de Mobutu, est une mise à jour datant de 2002. On ne saurait prétendre qu’il s’agit d’un élément de preuve démontrant le sort récent des collaborateurs de l’ancien régime en RDC. Enfin, la Cour constate que la déléguée du ministre a pris en considération la preuve portant sur la situation des droits humains en RDC, tout en nuançant les informations contenues au rapport; elle a conclu que le demandeur venait de Kinshasa, une région plus stable que l’est du pays où se produisent les manquements les plus importants.

[22]           Ainsi, la Cour conclut qu’il était loisible à la déléguée d’arriver au constat que le demandeur ne serait pas personnellement exposé à un risque à sa vie, à sa liberté et à sa sécurité s’il devait être renvoyé en RDC. Par conséquent, il n’y a pas lieu pour la Cour d’intervenir sur ce point.

B.                 Considérations humanitaires : intérêt supérieur des enfants touchés

[23]           Le demandeur reproche à la déléguée sa conclusion quant aux considérations humanitaires. Elle aurait manqué à son obligation d’être réceptive, attentive et sensible à l’intérêt supérieur des enfants touchés par la décision (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2015] 3 RCS 909, 2015 CSC 61 aux para 36-39; Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 RCS 817). Elle aurait négligé d’évaluer les répercussions du départ du demandeur sur les enfants, en minimisant l’importance des preuves de bonnes relations, en comparant la séparation suivant le renvoi à celle de son incarcération et en suggérant que les enfants pourraient rester en contact avec leur père par Skype. De plus, le demandeur allègue que la déléguée aurait commis une erreur en considérant la gravité de l’interdiction de territoire dans son évaluation de l’intérêt supérieur des enfants :

Je considère que dans l’ensemble, la séparation d’avec les enfants n’est pas un facteur suffisant pour empêcher le renvoi compte tenu de la gravité de l’interdiction de territoire. Pour ces raisons, je considère que l’intérêt supérieur des enfants touchés n’a pas été démontré.

(Décision de la déléguée, à la p 33; Dossier du demandeur, à la p 38)

[24]           Le demandeur avance que la déléguée aurait erré en considérant la gravité de l’interdiction de territoire dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants et s’appuie sur la décision Williams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 166, rendue par le juge James Russell de notre Cour :

[63]      Lorsqu’il analyse l’intérêt supérieur d’un enfant, l’agent doit d’abord déterminer en quoi consiste l’intérêt supérieur de l’enfant, en deuxième lieu, jusqu’à quel point l’intérêt de l’enfant est compromis par une décision éventuelle par rapport à une autre et, enfin, à la lumière de l’analyse susmentionnée, le poids que ce facteur joue lorsqu’il s’agit de trouver un équilibre entre les facteurs positifs et les facteurs négatifs dont il a été tenu compte lors de l’examen de la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire. [Souligné dans l’original.]

[25]           Le défendeur argue d’abord que la déléguée a dûment considéré tous les éléments soumis par le demandeur avant de se prononcer sur l’intérêt supérieur des enfants touchés par la décision (Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CAF 38 [Owusu]). Ensuite, selon le défendeur, il était loisible à la déléguée de conclure que, même si le départ du demandeur pouvait causer des difficultés à ses enfants au Canada, l’ampleur du danger qu’il pose l’emportait sur ces difficultés (Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 4 RCF 358, 2002 CAF 125 [Legault]; Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 475, [2003] 2 CF 555 [Hawthorne]).

[26]           En ce qui a trait à l’appréciation de la preuve quant à l’intérêt supérieur des enfants, la Cour estime que la déléguée n’a pas commis d’erreur susceptible de révision. Dans sa décision, la déléguée tient compte de tous les éléments de preuve présentés par le demandeur et fait preuve de sensibilité à l’égard de la tristesse que causerait le départ du demandeur aux enfants. Néanmoins, comme le souligne le défendeur, il appartenait au demandeur de présenter suffisamment d’éléments de preuve afin de démontrer que l’intérêt supérieur des enfants serait compromis s’il devait être renvoyé en RDC (Owusu, ci-dessus). Force est de constater que ce fardeau de preuve n’a pas été rencontré et que le demandeur n’a pas convaincu la déléguée.

[27]           La Cour se range aux arguments du défendeur et estime que la déléguée a considéré toutes les circonstances, y compris l’intérêt supérieur des enfants, avant de conclure qu’il n’existait pas suffisamment de considérations humanitaires pour justifier le non-renvoi du demandeur (Legault et Hawthorne, ci-dessus).

VIII.       Conclusion

[28]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT au dossier IMM-4449-16

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4449-16

 

INTITULÉ :

KONGOLO, PATRICK NGOYI c LE MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 mai 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 mai 2017

 

COMPARUTIONS :

Manuel Centurion

 

Pour la partie demanderesse

 

Lisa Maziade

 

Pour la partie défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Manuel Centurion

Montréal (Québec)

 

Pour la partie demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour la partie défenderesse

 

 

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