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Date : 20170509


Dossier : IMM-2903-16

Référence : 2017 CF 471

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 9 mai 2017

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

MYKALEE ALLANIE BRACKENRIDGE, STEPHANIE ANNMARIE BRACKENRIDGE, SAMUEL DWIGHT WAYNE BRACKENRIDGE, JAYDEN TENDAJI BRACKRENRIDGE

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Madame Stephanie Brackenridge a risqué sa vie en acceptant de témoigner en Jamaïque au procès de l’homme accusé d’avoir assassiné son frère. Elle soutient que sa tête a été mise à prix à la suite de son témoignage, tout comme celles de son époux, M. Samuel Brackenridge, et de leurs deux enfants. Les autorités gouvernementales ont placé la famille sous leur protection, mais ces mesures étaient temporaires. Voyant que leur protection touchait à sa fin, les demandeurs ont fui vers le Canada, où ils ont demandé le statut de réfugié. Un tribunal de la Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté la demande des demandeurs au motif qu’ils ne se sont pas acquittés du fardeau de réfuter la présomption que leur pays d’origine pouvait leur assurer une protection suffisante. En appel, la Section d’appel des réfugiés (SAR) est arrivée à la même conclusion.

[2]               Les demandeurs soutiennent que la conclusion de la SAR selon laquelle les autorités jamaïcaines sont capables de les protéger est déraisonnable et me demandent d’annuler la décision de la SAR et d’ordonner une nouvelle audition de l’affaire.

[3]               Je conviens que la décision de la SAR était déraisonnable. En conséquence, je ferai droit à la présente demande de contrôle judiciaire.

[4]               La seule question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si la conclusion tirée par la SAR au sujet de la protection de l’État était déraisonnable.

I.                    La conclusion de la SAR quant à la protection de l’État était‑elle déraisonnable?

[5]               Le ministre fait valoir que les demandeurs ont été placés sous garde protectrice dans une résidence protégée et que la Jamaïque a un programme de protection de témoins réputé. Il souligne également que les demandeurs ont quitté la Jamaïque avant que toute nouvelle mesure visant à assurer leur sécurité ait pu être mise en place. À son avis, la preuve démontre que la Jamaïque était capable et désireuse de protéger les demandeurs.

[6]               Je ne suis pas de cet avis.

[7]               Selon moi, la SAR a fait fi d’éléments de preuve qui démontrent que la protection de l’État offerte aux demandeurs était sur le point de prendre fin. Je parle plus précisément d’une lettre envoyée par le surintendant du Bureau national du renseignement (NIB) à sa section jamaïcaine, dans laquelle il écrit que [traduction] « les mesures de sécurité dont bénéficie actuellement la famille BRACKENRIDGE sont inadéquates […] » et recommande que [traduction] « […] des efforts plus poussés soient déployés pour assurer la sécurité de la famille BRACKENRIDGE ». Une deuxième lettre de la Direction des enquêtes criminelles (CIB) de la Force constabulaire de la Jamaïque à l’employeur de Mme Brackenridge presse ce dernier d’offrir [traduction] « toute l’aide se trouvant dans la mesure de ses capacités » pour rehausser la protection dont bénéficie Mme Brackenridge. Six mois après la lettre envoyée par le NIB, les mesures de protection dont bénéficiaient les demandeurs n’avaient toujours pas été rehaussées. Par surcroît, la preuve démontre que les demandeurs, avant leur fuite vers le Canada, étaient sur le point d’être expulsés de leur résidence protégée et qu’aucune nouvelle mesure de sécurité n’avait été prise.

[8]               J’estime donc que la conclusion de la SAR selon laquelle les demandeurs ne se sont pas acquittés du fardeau qui leur incombait était déraisonnable. Il s’agissait, pour la SAR, de déterminer si, d’après l’ensemble de la preuve – y compris la preuve portant sur la capacité de la Jamaïque à les protéger –, les demandeurs étaient exposés à une possibilité raisonnable d’être persécutés. La SAR semble avoir laissé de côté certains éléments de preuve importants pour répondre à cette question. Par conséquent, il m’est impossible de conclure que cette conclusion était raisonnable.

II.                 Analyse et décision

[9]               La SAR était arrivée à la conclusion déraisonnable que les demandeurs ne sont pas parvenus à réfuter la présomption que la protection de l’État leur était disponible en Jamaïque. Par conséquent, sur ce seul fondement, je fais droit à la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2903-16

LA COUR FAIT DROIT à la présente demande de contrôle judiciaire et DÉCLARE qu’il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« James W. O’Reilly »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2903-16

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

MYKALEE ALLANIE BRACKENRIDGE, STEPHANIE ANNMARIE BRACKENRIDGE, SAMUEL DWIGHT WAYNE BRACKENRIDGE, JAYDEN TENDAJI BRACKRENRIDGE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 26 janvier 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 9 mai 2017

 

COMPARUTIONS :

David Orman

 

Pour les demandeurs

 

Melissa Mathieu

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Orman

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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