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Date : 20170428


Dossier : IMM-3816-16

Référence : 2017 CF 423

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 avril 2017

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

SUBRAHMANYAM PILAKA VENKATA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. INTRODUCTION

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, à l’encontre d’une décision rendue le 15 juillet 2016 à l’ambassade du Canada à Varsovie [décision], par un agent d’immigration [agent des visas] qui a refusé la demande de résidence permanente du demandeur en tant que membre de la catégorie des travailleurs qualifiés.

II. FAITS

[2] Le demandeur est un citoyen de l’Inde âgé de 39 ans. Le 26 novembre 2014, il a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés. La demande a été reçue le 1er décembre 2014, soit un jour après que le demandeur a atteint l’âge de 37 ans.

[3] Le 24 mars 2015, l’Unité centrale des plaintes a examiné la demande et a recommandé la substitution de l’appréciation. La demande a été transférée à un agent des visas à Varsovie, en Pologne, qui a décidé que la substitution de l’appréciation n’était pas justifiée.

[4] La demande a été refusée le 22 juillet 2015 parce que le demandeur n’avait obtenu que 66 des 67 points requis. Le demandeur a amorcé les procédures de contrôle judiciaire de la décision, mais la question a été réglée le 23 mars 2016, les parties convenant que la demande devrait être examinée de nouveau par un autre agent des visas.

[5] Le 10 juin 2016, le demandeur a reçu une lettre d’équité procédurale. La lettre l’avisait que, même si le demandeur avait demandé l’examen de sa demande selon la substitution de l’appréciation, l’agent des visas avait conclu que la substitution de l’appréciation n’était pas justifiée, car les points attribués et les renseignements fournis reflétaient avec exactitude la capacité du demandeur à réussir son établissement économique au Canada. La lettre avisait également le demandeur qu’il disposait de 30 jours pour répondre à la lettre avec des renseignements supplémentaires, ce que le demandeur a fait le 27 juin 2016.

[6] Le 7 juillet 2016, l’ancien représentant du demandeur, le cabinet d’avocat Borders [Borders], a demandé la prorogation de la date limite afin d’obtenir et de fournir d’autres preuves. Le demandeur n’a pas reçu de réponse à sa lettre.

[7] Le même jour, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a reçu une demande du demandeur pour retirer Borders comme représentant et faire acheminer dorénavant toute correspondance à son courriel personnel. Le 15 juillet 2016, CIC a informé Borders que le demandeur avait annulé sa nomination à titre de représentant.

III. DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[8] La décision de l’agent des visas, envoyée par lettre au demandeur le 15 juillet 2016, indiquait que le demandeur n’était pas admissible à l’immigration au Canada en tant que membre de la catégorie des travailleurs qualifiés.

[9] L’agent des visas a décidé que, selon les critères d’évaluation établis au paragraphe 76(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [Règlement], le demandeur était admissible pour 66 des 67 points requis :

Critère

Points évalués

Âge

10

Études

23

Expérience

13

Exercice d’un emploi réservé

0

Compétence dans les langues officielles

20

Capacité d’adaptation

0

Total

66

[10] ’agent des visas a ensuite reconnu la demande du demandeur pour que sa demande soit examinée en vertu de la substitution de l’appréciation. Cependant, l’agent des visas a conclu que les points attribués étaient un indicateur suffisant de la capacité du demandeur à réussir son établissement économique au Canada. L’agent des visas a ensuite précisé que le demandeur avait été informé de la décision de ne pas utiliser la substitution de l’appréciation dans une lettre d’équité procédurale en date du 10 juin 2016, et que la réponse n’avait pas convaincu l’agent des visas de la capacité du demandeur à réussir son établissement économique. Par conséquent, l’agent des visas a conclu que la demande ne serait pas examinée en vertu de la substitution de l’appréciation.

[11] Dans les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC), une entrée en date du 10 juin 2016 décrivait les points attribués au demandeur. Sous l’expérience, le demandeur s’est vu attribuer 13 points pour son emploi antérieur comme ingénieur civil pour la période de mars 2004 à mai 2009, pour un total de 5 ans et un mois. L’entrée notait également que, même si le demandeur avait résidé au Canada pendant plus de cinq ans avec une autorisation de travailler, rien n’indiquait qu’il se montrait capable d’obtenir un emploi viable et de réussir son établissement économique.

[12] En ce qui concerne la lettre d’équité procédurale, les entrées du SMGC indiquent que la réponse du demandeur à la lettre a été reçue le 5 juillet 2016 et que d’autres documents ont été reçus le 6 juillet 2016. Dans sa réponse, le demandeur avait affirmé que, étant donné ses 15 années d’expérience de travail dans cinq pays ainsi que ses études, il était convaincu qu’il pourrait exploiter sa propre entreprise au Canada. Le demandeur a aussi présenté des preuves concernant son revenu de travailleur indépendant de 2010 à 2014. Cependant, l’agent des visas a précisé que le revenu obtenu au cours des périodes de travail indépendant était minime et que la capacité du demandeur à obtenir un emploi de 2010 à 2012 était insuffisante.

[13] Les entrées du SMGC indiquent également que la demande de changement d’adresse postale et résidentielle du demandeur a été reçue le 7 juillet 2016. Le même jour, CIC a reçu, par courriel, une demande de prorogation de délai afin de fournir des documents supplémentaires, mais a noté que certains documents avaient déjà été reçus; la question a donc été envoyée au gestionnaire de programme (GP) pour examen.

IV. QUESTIONS EN LITIGE

[14] Le demandeur soutient que les questions suivantes sont en litige dans cette procédure :

  1. L’agent des visas a-t-il commis un manquement à l’équité procédurale en rendant une décision avant de répondre à la demande de prorogation de délai du demandeur?

  2. L’agent des visas a-t-il commis une erreur en attribuant des points en vertu du facteur d’expérience pour lesquels le demandeur était admissible et qui auraient donné lieu à suffisamment de points pour être admissible à la résidence permanente?

  3. L’agent des visas a-t-il commis une erreur de droit et de fait en interprétant mal la demande de substitution de l’appréciation du demandeur et a-t-il ignoré des preuves essentielles menant au refus de la demande?

V. NORME DE CONTRÔLE

[15] La Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir] a maintenu qu’une analyse de la norme de contrôle n’est pas nécessaire dans tous les cas. Il se peut aussi que, lorsque la norme de contrôle applicable à une question particulière dont est saisie la Cour est réglée de manière satisfaisante par un cas de jurisprudence antérieur, la Cour adopte cette norme de contrôle. Ce n’est que si cette recherche ne porte pas de fruits, ou lorsque les précédents pertinents semblent incohérents avec les nouveaux développements dans les principes de common law pour le contrôle judiciaire que la cour de révision doit entreprendre un examen des quatre facteurs qui forment l’analyse de la norme de contrôle : Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 au paragraphe 48.

[16] En matière d’équité procédurale, la première question visant à savoir si l’agent des visas aurait dû répondre à la demande de prorogation de délai du demandeur avant de rendre sa décision sera examinée selon la norme de la décision correcte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au paragraphe 43 [Khosa].

[17] Les deuxième et troisième questions porte sur l’examen, par un agent des visas, d’une demande de résidence permanente qui concerne des questions mixtes de faits et de droit et peut faire l’objet d’un contrôle en vertu de la norme de la décision raisonnable : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Young, 2016 CAF 183 au paragraphe 7; Odunsi c Canada (Citioyenneté et Immigration), 2016 CF 208 au paragraphe 13.

[18] L’analyse portant sur le contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Khosa, précité, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour devrait intervenir uniquement si la décision était déraisonnable dans le sens où elle sort des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[19] Les dispositions suivantes tirées du Règlement sont pertinentes dans les présentes procédures :

Critères de sélection

Selection criteria

76 (1) Les critères ci-après indiquent que le travailleur qualifié peut réussir son établissement économique au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) :

76 (1) For the purpose of determining whether a skilled worker, as a member of the federal skilled worker class, will be able to become economically established in Canada, they must be assessed on the basis of the following criteria:

a) le travailleur qualifié accumule le nombre minimum de points visé au paragraphe (2), au titre des facteurs suivants :

(a) the skilled worker must be awarded not less than the minimum number of required points referred to in subsection (2) on the basis of the following factors, namely,

(i) les études, aux termes de l’article 78,

(i) education, in accordance with section 78,

(ii) la compétence dans les langues officielles du Canada, aux termes de l’article 79,

(ii) proficiency in the official languages of Canada, in accordance with section 79,

(iii) l’expérience, aux termes de l’article 80,

(iii) experience, in accordance with section 80,

(iv) l’âge, aux termes de l’article 81,

(iv) age, in accordance with section 81,

(v) l’exercice d’un emploi réservé, aux termes de l’article 82,

(v) arranged employment, in accordance with section 82, and

(vi) la capacité d’adaptation, aux termes de l’article 83;

(vi) adaptability, in accordance with section 83; and

b) le travailleur qualifié :

(b) the skilled worker must

(i) soit dispose de fonds transférables et disponibles – non grevés de dettes ou d’autres obligations financières – d’un montant égal à la moitié du revenu vital minimum qui lui permettrait de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille,

(i) have in the form of transferable and available funds, unencumbered by debts or other obligations, an amount equal to one half of the minimum necessary income applicable in respect of the group of persons consisting of the skilled worker and their family members, or

(ii) soit s’est vu attribuer des points aux termes des alinéas 82(2)a), b) ou d) pour un emploi réservé, au Canada, au sens du paragraphe 82(1).

(ii) be awarded points under paragraph 82(2)(a), (b) or (d) for arranged employment, as defined in subsection 82(1), in Canada.

Nombre de points

Number of points

(2) Le ministre établit le nombre minimum de points que doit obtenir le travailleur qualifié en se fondant sur les éléments ci-après et en informe le public :

(2) The Minister shall fix and make available to the public the minimum number of points required of a skilled worker, on the basis of

a) le nombre de demandes, au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), déjà en cours de traitement;

(a) the number of applications by skilled workers as members of the federal skilled worker class currently being processed;

b) le nombre de travailleurs qualifiés qui devraient devenir résidents permanents selon le rapport présenté au Parlement conformément à l’article 94 de la Loi;

(b) the number of skilled workers projected to become permanent residents according to the report to Parliament referred to in section 94 of the Act; and

c) les perspectives d’établissement des travailleurs qualifiés au Canada, compte tenu des facteurs économiques et autres facteurs pertinents.

(c) the potential, taking into account economic and other relevant factors, for the establishment of skilled workers in Canada.

Substitution de l’appréciation de l’agent à la grille

Circumstances for the officer’s substituted evaluation

(3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié – que celui-ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) – n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a).

(3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points referred to in subsection (2), an officer may substitute for the criteria set out in paragraph (1)(a) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada.

[…]

[…]

Application

Conformity — applicable times

77 Pour l’application de la partie 5, les exigences et critères prévus aux articles 75 et 76 doivent être remplis au moment où la demande de visa de résident permanent est faite et au moment où le visa est délivré.

77 For the purposes of Part 5, the requirements and criteria set out in sections 75 and 76 must be met on the date on which an application for a permanent resident visa is made and on the date on which it is issued.

[…]

[…]

Expérience (15 points)

Experience (15 points)

80 (1) Un maximum de 15 points d’appréciation sont attribués au travailleur qualifié en fonction du nombre d’années d’expérience de travail à temps plein, ou l’équivalent temps plein pour un travail à temps partiel, au cours des dix années qui ont précédé la date de présentation de la demande, selon la grille suivante :

80 (1) Points shall be awarded, up to a maximum of 15 points, to a skilled worker for full-time work experience, or the equivalent in part-time work, within the 10 years before the date on which their application is made, as follows:

a) 9 points, pour une année d’expérience de travail;

(a) 9 points for one year of work experience;

b) 11 points, pour deux à trois années d’expérience de travail;

(b) 11 points for two to three years of work experience;

c) 13 points, pour quatre à cinq années d’expérience de travail;

(c) 13 points for four to five years of work experience; and

d) 15 points, pour six années d’expérience de travail et plus.

(d) 15 points for six or more years of work experience.

[20] Les dispositions suivantes des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [RCF] sont pertinentes dans les présentes procédures :

Contenu

Content of affidavits

81 (1) Les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle, sauf s’ils sont présentés à l’appui d’une requête – autre qu’une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire – auquel cas ils peuvent contenir des déclarations fondées sur ce que le déclarant croit être les faits, avec motifs à l’appui.

81 (1) Affidavits shall be confined to facts within the deponent’s personal knowledge except on motions, other than motions for summary judgment or summary trial, in which statements as to the deponent’s belief, with the grounds for it, may be included.

[21] Les dispositions suivantes des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 [CF CIRPR] sont pertinentes dans ces procédures :

16 Lorsque la demande d’autorisation est accueillie, le greffe garde les documents déposés à l’occasion de la demande, pour que le juge puisse en tenir compte à l’audition de la demande de contrôle judiciaire.

16 Where leave is granted, all documents filed in connection with the application for leave shall be retained by the Registry for consideration by the judge hearing the application for judicial review.

[22] Les dispositions suivantes de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5 [LPC] sont pertinentes dans ces procédures :

Application

Application of this part

52 La présente partie s’applique aux catégories suivantes de personnes :

52 This Part extends to the following classes of persons:

a) les fonctionnaires de l’un des services diplomatiques ou consulaires de Sa Majesté, lorsqu’ils exercent leurs fonctions dans tout pays étranger, y compris les ambassadeurs, envoyés, ministres, chargés d’affaires, conseillers, secrétaires, attachés, consuls généraux, consuls, vice-consuls, proconsuls, agents consulaires, consuls généraux suppléants, consuls suppléants, vice-consuls suppléants et agents consulaires suppléants;

(a) officers of any of Her Majesty’s diplomatic or consular services while performing their functions in any foreign country, including ambassadors, envoys, ministers, charges d’affaires, counsellors, secretaries, attaches, consuls general, consuls, vice-consuls, proconsuls, consular agents, acting consuls general, acting consuls, acting vice-consuls and acting consular agents;

b) les fonctionnaires des services diplomatiques, consulaires et représentatifs du Canada lorsqu’ils exercent leurs fonctions dans tout pays étranger ou dans toute partie du Commonwealth et territoires sous dépendance autre que le Canada, y compris, outre les fonctionnaires diplomatiques et consulaires mentionnés à l’alinéa a), les hauts commissaires, délégués permanents, hauts commissaires suppléants, délégués permanents suppléants, conseillers et secrétaires;

(b) officers of the Canadian diplomatic, consular and representative services while performing their functions in any foreign country or in any part of the Commonwealth and Dependent Territories other than Canada, including, in addition to the diplomatic and consular officers mentioned in paragraph (a), high commissioners, permanent delegates, acting high commissioners, acting permanent delegates, counsellors and secretaries;

c) les délégués commerciaux du gouvernement canadien et les délégués commerciaux adjoints du gouvernement canadien lorsqu’ils exercent leurs fonctions dans un pays étranger ou dans toute partie du Commonwealth et territoires sous dépendance autre que le Canada;

(c) Canadian Government Trade Commissioners and Assistant Canadian Government Trade Commissioners while performing their functions in any foreign country or in any part of the Commonwealth and Dependent Territories other than Canada;

d) les fonctionnaires consulaires honoraires lorsqu’ils exercent leurs fonctions dans tout pays étranger ou dans toute partie du Commonwealth et territoires sous dépendance autre que le Canada;

(d) honorary consular officers of Canada while performing their functions in any foreign country or in any part of the Commonwealth and Dependent Territories other than Canada;

e) les fonctionnaires judiciaires d’un État étranger autorisés, à des fins internes, à recevoir les serments, les affidavits, les affirmations solennelles, les déclarations ou autres documents semblables;

(e) judicial officials in a foreign country in respect of oaths, affidavits, solemn affirmations, declarations or similar documents that the official is authorized to administer, take or receive; and

f) les employés engagés sur place et désignés par le sous-ministre des Affaires étrangères ou toute autre personne autorisée par lui à procéder à une telle désignation lorsqu’ils exercent leurs fonctions dans tout pays étranger ou dans toute partie du Commonwealth et des territoires sous sa dépendance autre que le Canada.

(f) persons locally engaged and designated by the Deputy Minister of Foreign Affairs or any other person authorized by that Deputy Minister while performing their functions in any foreign country or in any part of the Commonwealth and Dependent Territories other than Canada.

Serments déférés à l’étranger

Oaths taken abroad

53 Les serments, affidavits, affirmations solennelles ou déclarations déférés, recueillis ou reçus à l’étranger par toute personne mentionnée à l’article 52 sont aussi valides et efficaces et possèdent la même vigueur et le même effet, à toutes fins, que s’ils avaient été déférés, recueillis ou reçus au Canada par une personne autorisée à y déférer, recueillir ou recevoir les serments, affidavits, affirmations solennelles ou déclarations qui sont valides ou efficaces en vertu de la présente loi.

53 Oaths, affidavits, solemn affirmations or declarations administered, taken or received outside Canada by any person mentioned in section 52 are as valid and effectual and are of the like force and effect to all intents and purposes as if they had been administered, taken or received in Canada by a person authorized to administer, take or receive oaths, affidavits, solemn affirmations or declarations therein that are valid and effectual under this Act.

VII. ARGUMENTS

A. Demandeur

(1) Équité procédurale

[23] Le demandeur soutient que l’agent des visas a commis un manquement à l’équité procédurale en rendant une décision avant de répondre à la demande de prorogation de délai du demandeur. La jurisprudence démontre que, si un demandeur demande une prorogation de délai et n’obtient pas de réponse, le fait de rendre une décision avant l’expiration de cette prorogation constitue un manquement à l’équité procédurale et la question doit être renvoyée pour nouvel examen : Hussain c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1199 aux paragraphes 6 à 11 [Hussain].

[24] Dans le cas présent, l’agent des visas a confirmé que la demande de prorogation de délai du demandeur afin de fournir d’autres documents en réponse à la lettre d’équité procédurale a été reçue le 7 juillet 2016. Malgré cela, l’agent des visas a rendu une décision trois jours plus tard, sans répondre à la demande du demandeur. Par conséquent, le demandeur n’a pas eu l’occasion de fournir des documents supplémentaires. Même si l’agent des visas a précisé que certains documents avaient été fournis, cela n’exonérait pas l’agent des visas de la responsabilité de répondre à la demande parce que le demandeur avait clairement demandé du temps supplémentaire pour fournir une réponse complète. Le demandeur soutient que cette erreur suffit pour justifier l’intervention judiciaire.

(2) Points attribués

[25] Le demandeur soutient également que l’agent des visas a commis une erreur en attribuant les points sous le facteur d’expérience auxquels le demandeur était admissible. L’agent des visas a conclu qu’en vertu du paragraphe 80(1) du Règlement, le demandeur n’avait droit qu’à 13 points; cependant, au moment de la décision, le demandeur avait plus de six ans d’expérience pertinente et avait droit à 15 points. La réponse du demandeur à la lettre d’équité procédurale demandait que son expérience supplémentaire depuis décembre 2014 soit prise en considération.

[26] La Cour a maintenu que, pour les fins de l’évaluation de l’expérience de travail, l’agent des visas doit évaluer la demande de résidence permanente en se fondant sur les faits qui existent au moment de l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire : Belousyuk c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 746 aux paragraphes 17 à 19 [Belousyuk]. Le demandeur soutient qu’il n’y a pas place au pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne les points qui régissent la question en vertu du Règlement. Si le demandeur avait reçu 15 points pour l’expérience, il aurait obtenu 68 points et aurait été admissible à la résidence permanente. Le demandeur soutient que cette erreur de droit justifie une intervention judiciaire.

(3) Demande de substitution de l’appréciation

[27] Le demandeur soutient également que l’agent des visas a commis une erreur de droit et de fait en interprétant de manière erronée la demande d’évaluation de substitution du demandeur comme une demande visant à obtenir des points supplémentaires sous le facteur de l’âge, qui a mené au refus de la demande. Le demandeur avait demandé [TRADUCTION] « le recours à la substitution de l’appréciation fondée sur une analyse holistique de la capacité du demandeur à réussir son établissement économique au Canada » en vertu du paragraphe 76(3) du Règlement.

[28] La Cour a maintenu que, lorsqu’un agent des visas effectue une substitution de l’appréciation, il le fait à la place des critères habituels des points gagnés; autrement dit, une exception est faite en vertu du paragraphe 76(3) afin de tenir compte de facteurs en plus de ceux qui sont indiqués au sous-alinéa 76(1)a) : Xu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 418 au paragraphe 18; Kisson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 99 au paragraphe 13; Choi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 577 au paragraphe 20.

[29] Par conséquent, le demandeur soutient que l’agent des visas a mal compris la demande. Il avait énoncé que le fait qu’il était âgé de 36 ans un jour seulement avant la réception de la demande était un meilleur indicateur de sa capacité à réussir son établissement économique que les points correspondants attribués aux demandeurs âgés de 37 ans. L’agent des visas n’a pas effectué de substitution de l’appréciation; il a plutôt considéré la grille des points et n’a tenu compte que des facteurs indiqués à l’alinéa 76(1)a) du Règlement.

[30] Étant donné que le demandeur n’a pas pu fournir de renseignements supplémentaires en raison du manquement à l’équité procédurale, le demandeur soutient que la décision de l’agent des visas n’était pas raisonnable.

B. Défendeur

(1) Norme de la décision raisonnable

[31] Le défendeur prétend que la décision est raisonnable et est conforme à la loi. En vertu des articles 77 et 81 du Règlement, les candidats ont le droit d’être évalués à compter de la date de leur demande. En ce qui a trait à l’expérience obtenue après la date de la demande, le paragraphe 80(1) du Règlement précise que des points sont attribués pour l’expérience de travail « au cours des dix années qui ont précédé la date de présentation de la demande ». Dans le même ordre d’idée, le Règlement indique que l’âge doit être évalué à la date de la demande. Par conséquent, la demande du demandeur afin qu’il soit évalué à des dates autres qu’à la date de la demande est sans fondement légal.

[32] En ce qui concerne la question de la substitution de l’appréciation, le défendeur soutient que la décision de passer outre à la substitution de l’appréciation était raisonnable. L’évaluation de l’agent des visas a conclu que le demandeur, qui n’a pu obtenir les points minimums requis, n’avait pas prouvé que l’évaluation des points était un reflet inexact de ses chances de réussir une intégration économique au Canada. L’agent des visas a aussi mentionné le fait que le demandeur n’avait pas réussi à s’établir malgré le fait qu’il avait vécu au Canada pendant plusieurs années. Après avoir examiné toute la documentation, y compris celle qu’il aurait dû être invité à fournir au moyen d’une lettre d’équité procédurale et la justification du demandeur pour une substitution de l’appréciation positive, l’agent des visas a raisonnablement conclu qu’une substitution de l’appréciation n’était pas justifiée.

(2) Réfutation des observations du demandeur

[33] En ce qui a trait à l’argument du demandeur selon lequel la demande de prorogation de délai pour répondre à la lettre d’équité procédurale n’avait pas été traitée, le défendeur soutient que ni lui ni son représentant autorisé n’avait présenté la demande. Même si Borders avait envoyé une demande le 7 juillet 2016, la demande n’était pas autorisée puisque le demandeur avait avisé CIC d’un changement de représentant le même jour. La lettre personnelle de réexamen du demandeur, en date du 15 juillet 2016, confirme que Borders a agi à l’insu du demandeur et sans son autorisation, car la lettre ne contenait aucune mention de la demande de prorogation de délai ni d’indication selon laquelle il voulait présenter du matériel supplémentaire. Par conséquent, l’agent des visas n’a pas commis d’erreur en ne répondant pas à la demande de Borders. La jurisprudence citée par le demandeur n’est pas utile, puisqu’elle prend en considération une demande valable du demandeur; dans le présent cas, la demande n’était pas valable. Le demandeur observe de manière erronée que la demande a été initiée par lui, alors qu’elle l’a été par un ancien représentant, et ce, sans autorisation.

[34] Quant à l’évaluation des points, le défendeur soutient qu’il n’y a pas de fondement en droit pour la demande selon laquelle l’agent des visas aurait dû évaluer l’expérience de travail du demandeur en date de l’évaluation plutôt qu’en date de la demande. Le demandeur tente des positions contradictoires sur la date appropriée puisqu’il demande que son âge soit considéré à la date de la demande, mais que son expérience soit considérée à la date de l’évaluation. La confiance en Belousyuk, précité, est mal placée, car la Cour, dans cette décision, ne visait pas une demande en vertu de la catégorie des travailleurs qualifiés et n’affirme pas que l’expérience de travail peut continuer de s’accumuler après la date de la demande. Le Règlement indique clairement que l’évaluation des points pour l’expérience de travail à temps plein concerne les 10 années qui précèdent la date de présentation de la demande.

[35] Sur la question de la substitution de l’appréciation, le défendeur prétend que les arguments du demandeur ne sont pas fondés. Les notes du SMGC démontrent que l’agent des visas a examiné si le dossier du demandeur reflétait avec exactitude ses chances de réussite à s’établir. Étant donné que le demandeur n’a pas fourni de preuve de réussite de l’établissement antérieure, l’agent des visas a conclu que le demandeur devrait quand même être débouté, ce qui indique que l’agent des visas a tenu compte de toute la documentation, et pas seulement de l’évaluation des points. Le défendeur soutient que le demandeur cherche à défendre un résultat défavorable, mais les faits ne démontrent aucune question de droit défendable.

C. Réponse du demandeur

(1) Validité de la demande de prorogation de délai

[36] Le demandeur n’est pas d’accord avec l’observation du défendeur selon laquelle le demandeur avait envoyé un avis de changement de représentant. Les notes du SMGC démontrent que le jour même de la réception de la demande de prorogation, le formulaire requis pour annuler la nomination du représentant du demandeur était incomplet. Rien ne prouve que le demandeur a rempli l’avis de changement de représentant. Le défendeur admet avoir ignoré la demande, mais qu’il était justifié de l’ignorer, car la demande n’était pas autorisée. Cependant, les dossiers indiquent qu’au moment de la demande, Borders était encore le représentant autorisé; par conséquent, la demande était valide. En outre, ni Borders ni le demandeur n’ont été informés que CIC ignorerait la demande de prorogation de délai. Par conséquent, le demandeur s’appuie sur ses observations antérieures selon lesquelles le défaut de répondre à une demande de prorogation de délai constitue un manquement à l’équité procédurale qui l’a empêché de fournir la documentation supplémentaire.

(2) Jurisprudence sur l’évaluation par les points

[37] Le demandeur réfute également l’argument selon lequel les observations sur l’évaluation des points par l’agent des visas n’a pas de fondement en droit. Le demandeur a cité plusieurs décisions, y compris Belousyuk, précité, pour indiquer que l’agent des visas avait mal interprété le paragraphe 80(1) du Règlement. Le demandeur a clairement demandé que son expérience de travail supplémentaire soit considérée, ce qui est appuyé par la jurisprudence qui précise que les agents des visas doivent évaluer les demandes sur les faits tels qu’ils existent au moment de l’évaluation. Si l’agent des visas avait respecté cette demande, et donc mené une évaluation conforme tant au Règlement qu’à la jurisprudence, le demandeur aurait obtenu 68 points et aurait été admissible à la résidence permanente. Par conséquent, le défaut par l’agent des visas de le faire est une erreur en droit.

(3) Caractère raisonnable de la décision de substitution de l’appréciation

[38] Le demandeur s’est aussi opposé à l’argument du défendeur selon lequel la décision de l’agent des visas de ne pas avoir recours à la substitution de l’appréciation était raisonnable. Le demandeur avait demandé une substitution de l’appréciation, laquelle aurait tenu compte des facteurs autres que ceux indiqués à l’alinéa 76(1)a) du Règlement. L’agent des visas a mal interprété cette demande et l’a interprétée comme une demande de points supplémentaires sous le facteur de l’âge, qui est indiqué à l’alinéa 76(1)a) du Règlement. Étant donné que l’agent des visas a ignoré la demande de prorogation de délai et a rendu sa décision sans permettre au demandeur de présenter des renseignements supplémentaires concernant la substitution de l’appréciation, la décision constitue un manquement à l’équité procédurale et est aussi déraisonnable. Le demandeur fait aussi remarquer qu’il s’agit du deuxième contrôle judiciaire requis pour sa demande.

D. Autre argument du demandeur

(1) Validité de la demande de prorogation de délai

[39] Le demandeur continue de soutenir que l’agent des visas a ignoré une demande valide de prorogation de délai et a rendu une décision, ce qui constitue un manquement à l’équité procédurale. Le document certifié du tribunal indique que la demande a été présentée le 7 juillet 2016 par Borders au nom du demandeur, et qu’un formulaire dûment rempli IMM 576 pour retirer Borders comme représentant autorisé a été reçu le 13 juillet 2016. Le formulaire indique que le formulaire doit être utilisé si une demande exprime le souhait d’annuler la nomination du représentant autorisé; l’entrée au SMGC en date du 7 juillet 2016 répète ces instructions. Le demandeur a suivi les instructions et a retourné le formulaire le 11 juillet 2016; cependant, il n’a pas aussi demandé à annuler la prorogation de délai demandée en son nom par le représentant. Par conséquent, la demande était valide.

[40] Le demandeur soutient que CIC ne devrait pas être autorisé à justifier son choix d’ignorer la demande en appliquant le formulaire rétroactivement à la date de réception de la demande. CIC n’a pas reçu l’annulation du représentant autorisé avant le 13 juillet 2016, une semaine après la demande, et n’en a pas été avisé. Par conséquent, CIC aurait dû au moins informer le demandeur que la demande ne serait pas traitée. Le demandeur fait remarquer que le défendeur n’a pas d’autres renseignements pour expliquer la raison pour laquelle une demande valide de prorogation de délai par un représentant autorisé n’a pas reçu de réponse avant de refuser la demande seulement huit jours après avoir reçu la demande valide.

(2) Évaluation des points

[41] Ensuite, le demandeur cite la version de 2014 du paragraphe 80(1) du Règlement pour indiquer que 15 points devraient être accordés pour six ans ou plus d’expérience de travail à temps complet au cours des dix années précédant la date de présentation de la demande. Le guide de Traitement des demandes à l’étranger [OP] de CIC stipule que l’expérience de travail doit avoir eu lieu au cours des 10 années qui précèdent immédiatement la date de la demande, et que l’agent doit tenir compte de toutes les années d’expérience qui surviennent entre la date de la demande et l’évaluation et pour lesquelles le demandeur a fourni la documentation nécessaire. L’OP a été cité avec l’approbation de la Cour dans Dash c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1255, qui a conclu que l’expérience après la demande n’est pas pertinente tant que le demandeur ne satisfait pas aux exigences minimales au moment de la présentation de la demande ainsi qu’au moment de l’émission du visa.

[42] Le demandeur soutient que, même si la version la plus récente de l’OP n’oblige pas les agents des visas à tenir compte de l’expérience de travail après la demande, rien n’indique que l’instruction de l’OP précédente ne s’applique plus. De plus, il n’y a pas de changement important dans la disposition législative traitant l’attribution des points pour l’expérience de travail pour justifier un tel changement à l’interprétation selon laquelle les points devraient être attribués pour l’expérience de travail après la demande sur présentation des documents nécessaires à l’appui. Par conséquent, le défendeur ne peut pas affirmer que le paragraphe 80(1) du Règlement ne permet pas l’examen de l’expérience de travail après la demande pour l’attribution des points, car cela irait à l’encontre de l’interprétation antérieure appuyée par la version antérieure de l’OP qui a été approuvée par la Cour.

[43] De plus, dans Hamid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CAF 217 au paragraphe 49, la Cour d’appel fédérale fait la distinction de l’âge, par rapport à d’autres critères tels que l’expérience de travail, selon que l’âge échappe à tout contrôle du demandeur et qu’un gel de l’âge serait toujours à l’avantage du demandeur. Ainsi, la jurisprudence est cohérente en concluant qu’un agent des visas peut tenir compte de nombreux faits qui ont lieu après la date de la demande et doit évaluer une demande de résidence permanente en fonction de faits de l’affaire au moment de la prise de décision.

[44] Dans le cas présent, le demandeur a demandé précisément que son expérience après la demande soit prise en compte, ce qui est appuyé par l’OP et par la jurisprudence de la Cour. Par conséquent, le fait que l’agent des visas a omis d’attribuer les deux points supplémentaires est une erreur très importante qui a coûté au demandeur son admissibilité à satisfaire aux points minimums requis pour la résidence permanente.

E. Autre argument du défendeur

(1) Admissibilité des affidavits

[45] Le défendeur s’oppose à l’admissibilité des affidavits du demandeur, soutenant qu’ils n’ont pas été convenablement établis sous serment. Les documents démontrent qu’ils ont été signés devant un représentant qui attestait seulement l’identité du demandeur, et non le contenu. Les documents qui ne sont que signés et qui ne sont pas établis sous serment ou confirmés ne constituent pas un témoignage par affidavit admissible : article 81 des RCF; article 14 de la LPC. Entre autres, le défendeur soutient qu’un agent consulaire choisi au hasard à l’ambassade indienne dans le territoire de résidence du demandeur n’est pas compétent pour établir sous serment un témoignage, puisque les représentants étrangers ne figurent pas dans la catégorie de personnes qui peuvent faire prêter serment à quelqu’un à l’étranger : articles 52, 53 de la LPC.

(2) Validité de la demande de prorogation de délai

[46] Le défendeur maintient la position selon laquelle la demande de prorogation de délai n’avait pas été autorisée par le demandeur. Même si CIC exigeait que le demandeur remplisse un formulaire de changement de représentant pour exécuter sa demande, il ne s’ensuit pas que Borders continuait en tant que représentant autorisé de manière à ce que la demande ait été autorisée. Les exigences en matière de formulaire visent simplement à faciliter la communication appropriée. Le demandeur a fait savoir à CIC qu’il se représenterait lui-même et que le fait d’accepter les arguments du demandeur sur les exigences en matière de formulaire constituerait une victoire de la forme sur le fond. Le demandeur tente d’exploiter le fait que Borders a envoyé la demande le même jour que le jour où il a exprimé qu’il ne souhaitait pas que Borders le représente. L’examen de la validité de la demande doit être décidé sur le plan légal et des principes.

[47] Les faits de l’affaire démontrent que le demandeur a renvoyé Borders et avait l’intention d’agir en son nom propre, ce qui est appuyé par le formulaire de changement de représentant dûment rempli et le fait que Borders n’avait plus de participation dans le dossier du demandeur. Le fait qu’il a fallu des jours pour que le demandeur se conforme aux exigences en matière de formulaire ne change pas le fait que le demandeur avait renvoyé Borders. Puisque la demande n’était pas autorisée, l’agent des visas avait le droit de refuser de répondre. Par ailleurs, le défendeur remarque que le demandeur n’a pas attesté que la demande de Borders était autorisée par lui dans les affidavits déposés, ce qui doit être pris comme une reconnaissance tacite du fait que Borders n’agissait pas selon son autorisation.

(3) Évaluation des points

[48] Le défendeur réitère que le Règlement permet l’attribution de points pour l’expérience obtenue seulement jusqu’à la date de la demande. Les parties de l’OP citées par le demandeur sont hors propos et ne démontrent pas d’erreur en droit dans l’évaluation de la demande. Cependant, le défendeur admet que CIC peut examiner la question de savoir si un demandeur a obtenu de l’expérience supplémentaire au cours de la période depuis la demande, pourvu que les exigences minimales du paragraphe 75(2) du Règlement soient satisfaites. Cette évaluation n’est pas un droit en vertu du Règlement, mais bien une pratique. L’agent des visas a examiné cette pratique, mais, après un examen complet, il a conclu que la preuve était insuffisante pour appuyer les arguments du demandeur selon lesquels il avait acquis plus d’expérience de travail. La question est donc une question d’évaluation de la preuve et l’agent des visas avait le droit de conclure que la documentation sur laquelle s’appuyait le demandeur était insuffisante, ce qui distingue la présente affaire d’autres cas de jurisprudence cités par le demandeur.

F. Observations écrites du demandeur

[49] Le demandeur prétend que ses affidavits sont admissibles. Les deux affidavits ont été rédigés à la première personne, se limitaient aux faits relevant de ses connaissances personnelles, et sont conformes à l’article 81 des RCF. L’agent consulaire qui a estampillé et a signé les affidavits entre dans la catégorie de personnes décrites à l’alinéa 52e) de la LCP; par conséquent, les affidavits sont valides et ont effet en vertu de l’article 53 de la LCP.

[50] Subsidiairement, si les affidavits ne sont pas valides en vertu de la LCP, le demandeur soutient que l’équité procédurale et les intérêts de la justice exigent l’admission des affidavits en preuve. Puisque le défendeur a l’intention de remettre en question le témoignage ou la crédibilité du demandeur, l’exclusion des affidavits refuserait au demandeur la possibilité de répondre et mènerait à un manquement à l’équité procédurale. En outre, puisque les affidavits font partie de la preuve sur laquelle l’autorisation de demander le contrôle judiciaire s’est fondée, ils doivent être maintenus pour considération par le juge saisi de la demande de contrôle judiciaire : article 16 des CF CIRPR.

[51] Le demandeur soutient que les soi-disant lacunes des affidavits sont fondées sur une mauvaise compréhension des fonctions du commissaire à l’assermentation et du notaire. Ni l’un ni l’autre n’est responsable du contenu d’un affidavit; cette responsabilité incombe au déposant. Par conséquent, les estampilles sur les affidavits ne sont pas pertinentes pour établir l’admissibilité. En outre, la Cour a conclu que l’annulation d’affidavits sur le fondement de lacunes attribuables au notaire équivaudrait à faire passer la forme avant le fond : A Paschos K Katsikopoulos SA c Polar (The), 2003 FCT 584 au paragraphe 10.

[52] Le demandeur fait aussi remarquer que les deux affidavits indiquent que les déclarations sont faites par le demandeur sous serment avec les mots : [traduction] « Je, Subrahmanyam Pilaka Venkata, de la ville de Muscat, dans le Sultanat d’Oman, DÉCLARE SOUS SERMENT ». Le demandeur soutient que, si cela ne suffisait pas à convaincre le défendeur que les affidavits avaient été établis sous serment convenablement, ces préoccupations auraient dû être exprimées au demandeur au moment du contre-interrogatoire. Le défendeur ne l’a pas fait et il serait injuste sur le plan des procédures de permettre une contestation à ce moment-ci, après l’écoulement du délai approprié. Le défaut par une partie de se prévaloir de cette possibilité de contre-interroger une personne en ce qui concerne un affidavit est un facteur important et pertinent pour décider si l’affidavit en question devrait être admis en preuve : Eli Lilly Canada Inc c Novopharm Inc, 2006 CF 781 au paragraphe 15.

[53] De plus, le défendeur admet qu’il ne conteste pas que la majorité du contenu des affidavits est sans controverse. En tenant compte de ces faits, ainsi que de la contestation tardive, le demandeur soutient qu’il serait injuste sur le plan procédural de rendre les affidavits inadmissibles.

G. Observations écrites du défendeur

[54] Le défendeur soutient que l’article 81 du RFC est pertinent pour l’admissibilité des affidavits puisque la contestation porte sur la capacité de l’agent consulaire à recevoir un serment pour examen par les Cours canadiennes et si le demandeur avait en fait prêté serment. Cependant, le défendeur retire l’aspect de l’argument concernant les représentants indiens comme membres des services diplomatiques et consulaires de Sa Majesté aux fins de l’article 52 de la LPC.

[55] En ce qui a trait à la question de savoir si les affidavits sont réellement des affidavits, le défendeur soutient que les observations du demandeur n’abordent pas la préoccupation du défendeur et n’établissent pas l’admissibilité des affidavits. Le demandeur n’a pas établi qu’un document signé devant un commissaire constitue un témoignage admissible; il dévie plutôt sur la question sur le fait de savoir si le commissaire avait, en fait, fait prêter serment au demandeur. De plus, le défendeur réfute l’argument du demandeur selon lequel il serait injuste sur le plan des procédures que la Cour accepte les arguments du défendeur sur le fondement que ce dernier n’a pas déposé d’affidavit ou contre-interrogé le demandeur.

[56] Le défendeur n’est pas d’accord pour dire que le fait que le défendeur n’a pas déposé d’affidavits est important, puisque le défendeur n’est pas tenu de le faire; seul le demandeur est tenu de le faire selon l’alinéa 10(2)d) et l’article 11 des CF CIRPR. Il n’est aussi pas rare que le défendeur s’appuie uniquement sur le document certifié du tribunal. Dans le même ordre d’idées, le fait que le défendeur n’a pas contre-interrogé le demandeur ne prouve pas que les affidavits ont été établis sous serment convenablement ou qu’ils sont admissibles en preuve. Le défendeur n’est pas tenu de se prévaloir du droit procédural du contre-interrogatoire pour faire un argument juridique pour examen. Par ailleurs, il n’existe pas de fondement en droit pour la suggestion du demandeur selon laquelle il doit avoir la possibilité de fournir des commentaires sur les préoccupations du défendeur et sur l’admissibilité de ses affidavits.

[57] Le défendeur ne s’oppose pas à la crédibilité des déclarations dans les affidavits; par conséquent, la jurisprudence citée par le demandeur n’a pas d’application. Le défendeur conteste également le fait que les textes législatifs affirment qu’une partie ne peut pas contester l’admissibilité de la preuve sur le fondement qu’il s’agit d’un témoignage établi sous serment sauf si cette partie contre-interroge d’abord le déposant quant à l’admissibilité de l’affidavit.

[58] Contrairement aux observations du demandeur, le défendeur ne soutient pas qu’un commissaire doit assumer la responsabilité du contenu de l’affidavit. Le défendeur soutient plutôt que le commissaire ne fait que reconnaître l’identité du demandeur et agit comme témoin de la signature. La question est de savoir si le demandeur a prêté serment et le commissaire n’indique pas cela.

[59] Quant à la récitation du demandeur qu’il a déclaré sous serment, le défendeur soutient que cette phrase a été incluse par des avocats canadiens et envoyés à l’étranger aux fins d’assermentation. La préoccupation relève du fait que les estampilles du commissaire ne sont pas conformes au texte de l’affidavit parce qu’elles n’attestent que le fait que le demandeur a signé les documents, alors que le texte affirme que l’affidavit est établi sous serment. Le défendeur soutient que la meilleure preuve de l’acte du commissaire réside dans les estampilles, et non dans la récitation des affidavits.

[60] En ce qui concerne l’article 16 des CF CIRPR, le défendeur soutient que la règle ne rend pas les affidavits admissibles en preuve. La documentation est conservée et sera examinée, notamment un examen pour savoir si la preuve est admissible. En outre, cet aspect de l’argument du demandeur, même s’il est accepté, ne peut réussir qu’à l’égard de son affidavit d’autorisation, et non de son affidavit ultérieur.

[61] Enfin, le défendeur demande en quoi il serait contraire aux intérêts de la justice de considérer et d’accepter l’opposition du défendeur aux affidavits et demande à la Cour d’examiner et de pondérer la preuve admissible, surtout puisque les affidavits omettent de se conformer à l’exigence fondamentale qu’ils soient le témoignage d’un témoin qui déclare sous serment ou solennellement de dire la vérité.

[62] Subsidiairement, le défendeur soutient que les oppositions sont bien fondées. Premièrement, en ce qui a trait au caractère opportun de l’opposition, le défendeur soutient qu’il n’est pas rare que des questions soient soulevées pour la première fois dans un autre mémoire. Le demandeur a aussi reçu le droit de répondre par la possibilité de présenter des observations écrites à ce sujet. Deuxièmement, le défendeur ne s’est pas opposé, au départ, aux affidavits au stade de l’autorisation, car les avocats n’avaient pas remarqué la déficience à l’époque. Il serait inapproprié pour le demandeur, qui a fourni un document déficient, de se plaindre du fait que le défendeur n’a pas remarqué la déficience assez tôt et d’obtenir l’admission de l’affidavit déficient sur ce fondement.

[63] Par conséquent, le défendeur soutient que les affidavits ne sont pas admissibles à la pondération en raison de leur déficience sur la face des documents qui laisse entendre qu’ils n’ont pas été établis sous serment.

I. DISCUSSION

A. Équité procédurale

[64] Le demandeur soutient que l’agent des visas a commis un manquement à l’équité procédurale en rendant sa décision sans d’abord répondre à la demande de prorogation de délai du demandeur afin de présenter des preuves supplémentaires pour appuyer sa demande.

[65] Le défendeur affirme que le demandeur cherchait simplement à profiter de la situation, et tente d’exploiter le fait que Borders avait envoyé la demande de prorogation le même jour que le jour où il avait indiqué que Borders [l’ancien représentant du demandeur] n’agirait plus pour son compte :

[traduction]

27. La réponse simple à l’argument du demandeur est que « sa » demande de prorogation de délai n’avait pas été traitée par le bureau des visas est que ni lui, ni le représentant autorisé n’avait présenté une telle demande. Les dossiers indiquent que son ancien représentant, le cabinet d’avocats Borders, avait envoyé la demande par courriel le 7 juillet 2016 au bureau des visas. Mais il semble que cette demande n’avait pas été autorisée par le demandeur, puisque la lettre de demande de prorogation a été envoyée après que le demandeur a envoyé un « avis de changement de représentant » au bureau des visas qui retirait le cabinet d’avocats Borders comme représentant et établissait le demandeur comme son propre représentant. En effet, par la suite, le demandeur a communiqué directement avec le bureau. Le bureau des visas a informé l’ancien représentant par courriel qu’il n’était plus un représentant autorisé.

[66] Il y a de longs arguments entre les parties quant à savoir si Borders continuait de représenter le demandeur lorsque la demande de prorogation de délai a été déposée le 7 juillet 2017.

[67] Cependant, le dossier me laisse entendre que l’agent des visas n’a pas effectué le genre d’examen formel de la question que les parties me présentent.

[68] Après avoir reçu la demande de changement d’adresse postale du demandeur, l’agent des visas a entrepris de s’assurer que les formalités visant le changement de représentant étaient respectées et a demandé au demandeur de soumettre un formulaire signé de Recours aux services d’un représentant, ce qu’il a dûment fait. Ce formulaire rendait l’annulation de Borders rétroactive au 7 juillet 2016, soit le même jour que le jour où la demande de prorogation de délai a été reçue.

[69] Cette situation laissait à l’agent des visas un dilemme à résoudre : le demandeur avait-il, en retirant son représentant, simultanément annulé la demande de prorogation de délai?

[70] La réponse la plus simple à cette question aurait été de demander au demandeur s’il demandait toujours une prorogation de délai. Mais l’agent des visas ne l’a pas fait. L’agent des visas a fait l’entrée suivante :

[traduction]

Le 7 juillet 2016, réception d’une demande par courriel pour proroger le délai afin de fournir des documents supplémentaires; cependant, certains documents ont déjà été reçus. Courriel envoyé au GP pour examen.

[71] Cela me laisse entendre que l’agent des visas avait des préoccupations quant à savoir si la demande de prorogation de délai était toujours nécessaire, étant donné que [traduction] « certains documents » avaient déjà été reçus par courriel. Il était suffisamment préoccupé à cet égard pour demander une directive de son gestionnaire de programme. Nous ne savons pas ce que le gestionnaire de programme a répondu, ni l’analyse qui a été menée, mais il est clair que la décision fût d’ignorer la demande de prorogation de délai, puisque la demande a été refusée sans accorder plus de temps au demandeur pour présenter des documents, et sans l’informer que la demande de prorogation de délai avait été refusée.

[72] Il semble donc que l’agent des visas, avec la directive de son gestionnaire de programme, a décidé que la demande de prorogation de délai devrait tout simplement être ignorée. Mais nous ne savons pas pourquoi. Il se peut, par exemple, que l’agent des visas ait adopté la position officielle que prend maintenant le défendeur selon laquelle la demande de prorogation de délai n’était plus valide parce que le représentant qui l’a faite avait cessé d’agir au nom du demandeur au moment de la demande. Cela me semble peu probable, parce que cela voudrait dire que la demande a été refusée en s’appuyant sur une analyse formelle très contestable de la validité continue de la demande de prorogation de délai et, si elle était ignorée pour cette raison, des motifs s’imposaient. Cette approche donnerait une mauvaise image de l’agent des visas, car cela voudrait dire qu’il a choisi la forme sur le fond et n’a pas informé le demandeur qu’il refusait la demande de prorogation de délai. Toute personne raisonnable dans ces circonstances aurait simplement demandé si la demande de prorogation de délai subsistait.

[73] Ce qui me semble plus plausible, c’est que l’agent des visas a conclu qu’une demande de prorogation n’était plus nécessaire parce que [traduction] « certains documents avaient déjà été reçus ». Encore une fois, cependant, il semble que cette approche de l’agent des visas soit très contestable, alors qu’un simple courriel (« Demandez-vous toujours une prorogation de délai? ») aurait rapidement réglé toute la question d’une manière juste et raisonnable, et aurait épargné aux deux côtés le trouble et la dépense d’un litige à ce sujet.

[74] Le défendeur soutient que le demandeur est opportuniste, mais la meilleure preuve que j’ai vient du demandeur lui-même qui affirme que Borders était toujours son représentant autorisé au moment pertinent. Le défendeur a choisi de ne pas contre-interroger le demandeur à ce sujet. Le défendeur a aussi choisi de ne pas fournir le témoignage de l’agent des visas concerné quant à la raison pour laquelle il avait décidé d’ignorer la demande de prorogation de délai pour soumettre des renseignements supplémentaires, et a choisi une approche légaliste :

[traduction]

Le défendeur soutient que l’examen de la Cour pour savoir si Borders était autorisé ou non doit être décidé légalement et selon les principes, et ne peut pas reposer sur l’argument du demandeur, qui est avancé simplement parce que le résultat lui serait favorable. Si l’on examine les questions de façon objective, le bureau avait raison d’ignorer la demande de Borders et avait raison de traiter Borders comme non autorisé et donc d’ignorer la demander.

[75] À mon avis, il ne s’agit pas d’une approche appropriée. Tout ce que nous savons, c’est que l’agent des visas a ignoré la demande de prorogation de délai, mais nous ne pouvons qu’avancer des hypothèses quant à ses motifs. Sans motif justifiable pour ignorer la demande, je pense que nous devons conclure qu’un manquement à l’équité procédurale s’est produit dans cette affaire. L’agent des visas a ignoré la demande de prorogation de délai sans en aviser le demandeur et a ensuite rendu sa décision. Rien n’indique qu’il a agi de la sorte pour les motifs présentés par le défendeur dans cette demande. Il pourrait avoir commis l’erreur de supposer que le demandeur avait déjà présenté la documentation qu’il voulait présenter : [traduction] « certains documents avaient déjà été reçus ».

[76] Quoi qu’il en soit, il me semble que la demande de prorogation de délai du demandeur a été ignorée sans motif valable.

[77] Pour emprunter les mots du juge Hughes dans Hussain, « Dans les circonstances, il était déraisonnable, et constituait un déni d’équité procédurale et de justice naturelle, que [l’agent des visas] rende une décision et l’envoie avant l’expiration [du délai prorogé demandé] » (paragraphes 6 à 11).

[78] La décision doit être renvoyée pour cette question seule, mais il pourrait être utile d’aborder aussi le désaccord entre les parties sur la question des points.

B. Évaluation des points

[79] Le demandeur affirme qu’il aurait dû obtenir 15 points (plutôt que 13) sous le facteur de l’expérience, parce que, au moment où l’agent des visas a rendu sa décision le 15 juillet 2016, le demandeur avait plus de six ans d’expérience, ce qui lui donnait droit à 15 points.

[80] Le défendeur s’oppose à cet argument sur les motifs suivants :

[traduction]

31. Il n’existe aucun fondement en droit pour l’argument du demandeur selon lequel l’agent aurait dû évaluer l’expérience de travail du demandeur pour le facteur « expérience » à la date à laquelle l’agent a rendu sa décision sur l’affaire du demandeur, plutôt qu’à la date de la demande. Comme pour son argument sur la prorogation de délai, le demandeur cherche de manière risible à avoir le meilleur des deux mondes. D’un côté, il cherchait à obtenir du bureau des visas des points supplémentaires pour l’âge, soutenant que son âge devait être évalué quelques jours avant la présentation de sa demande; le corollaire de cet argument étant que son âge encore plus avancé au moment de la décision de l’âge ne doive pas compter contre lui. Et de l’autre côté, il soutient devant la Cour que la date déterminante devrait être ignorée et demande l’évaluation selon son expérience près de deux ans après la date déterminante, afin d’obtenir plus de points pour l’expérience.

32. Il est normal que le demandeur cherche à obtenir le plus de points possibles, mais ses arguments sont fondés sur les résultats, et, par conséquent, dénués de principe juridique et ils n’expriment pas de question de droit défendable. La loi est claire : les évaluations de points sous la catégorie des travailleurs qualifiés sont décidées en fonction de la date de la demande, que l’on appelle la « date déterminante ».

[81] Dans l’autre exposé des arguments du défendeur, cette position est légèrement modifiée :

[traduction]

18. En ce qui a trait aux observations du demandeur dans son exposé supplémentaire sur la question des points supplémentaires pour l’expérience – qui sont un perfectionnement des observations présentées dans son dossier d’autorisation – le défendeur reprend sa position selon laquelle la demande du demandeur a été refusée de façon appropriée. Le règlement permet d’attribuer des points sur l’expérience acquise jusqu’à la date de la demande. Le demandeur ne peut l’éluder.

19. Sur le point des bulletins du ministère du défendeur, il s’agit d’extraits hors contexte qui ne servent pas à démontrer une erreur de droit dans l’évaluation de la demande du demandeur. Cependant, le défendeur admet que le ministère peut considérer si un demandeur de la catégorie des travailleurs a obtenu une expérience supplémentaire au cours de la période depuis la demande, par exemple, si un candidat échoue sur les points évalués à la date de la demande, mais étant donné l’expérience de travail supplémentaire depuis, il réussirait. Cette évaluation « peut » être faite pourvu que le candidat satisfasse aux exigences minimales du paragraphe 75(2) à la date de la demande. Cette évaluation n’est pas un droit en vertu du Règlement, mais bien une pratique du ministère du défendeur en reconnaissance des réalités pratiques des cas et de l’équité.

20. Et, dans le contexte de l’affaire en cause, le dossier indique que l’agent considérait cette évaluation, en plus de la demande plus générale de la substitution de l’appréciation, et a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour appuyer les arguments du demandeur qu’il avait obtenu plus d’expérience de travail. Ainsi, la question est une question d’évaluation de la preuve. L’agent avait le droit de conclure que les documents sur lesquels s’appuyait le demandeur étaient insuffisants. Cela distingue l’affaire des décisions citées par le demandeur.

[82] Ainsi, la position du défendeur semble être qu’il n’existe aucun droit pour prendre en compte l’expérience de travail supplémentaire après la « date déterminante », qui est la date de la demande, mais il est possible de le faire en matière de pratique ministérielle « en reconnaissance des réalités pratiques des cas et de l’équité ».

[83] Il ne m’apparaît pas clairement si le défendeur affirme qu’il est permis de tenir compte de l’expérience après la « date déterminante », et qu’il le fait en matière de pratique, ou si le défendeur affirme que le ministère [traduction] « peut » le faire, mais n’est pas tenu de le faire, et qu’il revient à chaque agent d’en décider. De toute façon, il est clair que le défendeur adopte la position selon laquelle l’agent des visas dans la présente affaire a examiné l’expérience supplémentaire [traduction] « en plus de la demande plus générale de substitution de l’appréciation, et a conclu que les preuves étaient insuffisantes pour appuyer les arguments du demandeur qu’il avait acquis plus d’expérience de travail ».

[84] Ainsi, selon les faits de l’affaire, j’estime que le défendeur affirme que l’expérience du demandeur après la « date déterminante » a été examinée par l’agent des visas, mais que [traduction] « les preuves étaient insuffisantes pour appuyer les arguments du demandeur qu’il avait acquis plus d’expérience de travail. »

[85] Cependant, lors de l’audience devant moi, l’avocat du défendeur maintenait que le paragraphe 80(1) du Règlement ne permettait d’accorder des points que pour l’expérience à temps plein dans les 10 années précédant la date de la demande, de sorte que l’agent des visas n’avait pas le droit, en matière de droit, d’examiner l’expérience de travail après la « date déterminante ».

[86] Cette position plus rigoureuse ne semble pas avoir été reflétée dans la pratique du ministère concerné. Dans le guide de Traitement des demandes à l’étranger du défendeur, au chapitre 6a – Travailleurs qualifiés – fédéral [OP 6], au paragraphe 10.13 de la version de 2009, il est énoncé que les agents [TRADUCTION] « doivent [] tenir compte de toutes les années d’expérience qui surviennent entre la demande et l’évaluation et pour lesquels le demandeur a fourni la documentation requise (R77) ».

[87] La version de l’OP 6 en vigueur au moment de la demande originale du demandeur en 2014 ne contient pas ce libellé, mais il n’y a pas eu de changements importants à la loi habilitante et aucune directive selon laquelle les agents ne devraient pas tenir compte du travail entre la demande et l’évaluation.

[88] En ce qui concerne le réexamen actuel de la décision, le dossier indique que le demandeur a demandé clairement que l’expérience supplémentaire acquise après décembre 2014 soit prise en compte et il a fournir les relevés d’emploi pertinents. Cela veut dire qu’au moment de l’évaluation, le demandeur avait accumulé 1,5 année d’expérience supplémentaire, et si cette expérience supplémentaire était prise en compte, cela voulait dire qu’on aurait dû lui attribuer 15 points pour 6 années d’expérience.

[89] Le défendeur affirme maintenant deux choses. Premièrement, le paragraphe 80(1) du Règlement ne permet pas de faire cela. Cependant, cette déclaration est clairement contredite par la pratique du ministère et le libellé obligatoire de la version de 2009 de l’OP 6. Il existe également des cas de jurisprudence, bien qu’ils ne découlent pas nécessairement de faits semblables à la présente affaire, pour laisser entendre que la « date déterminante » ne veut pas dire que l’expérience subséquente ne peut pas être examinée :

25. Traitant de la période qui peut être considérée aux fins de l’évaluation de l’expérience de travail, cette honorable Cour a maintenu, dans la décision Belousyuk :

Cette expression « date déterminante » ne se trouve pas dans la Loi ni dans les règlements pris sous son régime. Elle n’était décrite que dans le chapitre OP1 de l’ancien guide de l’immigration – Traitement des demandes à l’étranger. Je comprends que lorsqu’il y avait une date déterminante pour une demande, cela signifiait que le droit qui était en vigueur à cette date s’appliquait au moment où la décision était finalement rendue concernant la demande et que, par exemple, une diminution des points de la demande dans la profession n’affectait pas la demande d’un travailleur qualifié déposée avant la date d’une telle augmentation.

Toutefois, cela ne signifiait pas que l’agent des visas n’avait pas le droit de tenir compte des faits qui survenaient après la date déterminante. En fait, la Cour a décidé que l’agent des visas doit évaluer la demande de résidence permanente en se fondant sur les faits tels qu’ils existent au moment de l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire et que cette approche pouvait également profiter à un demandeur lorsqu’il s’arrange pour mettre à jour ses compétences ou pour obtenir une offre d’emploi viable.

Belousyuk c. Canada (M.C.I.), 2004 CF 746, paragraphes 17 à 19 [je souligne]

Shabashkevich c. Canada (M.C.I.), 2003 CFPI 361 (CanLII), [2003] A.C.F. No 510 (QL) (T.D.))

Lau c. Canada (M.C.I.), 1999 CanLII 7388 (CF), 162 A.C.F. 134 (1re instance)

[souligné dans l’original]

[90] Il me semble donc que la loi n’est pas entièrement claire à ce sujet, mais qu’il existe une pratique (présentée dans l’OP 6) et admise par le défendeur, que « le ministère peut considérer si un demandeur de la catégorie des travailleurs a obtenu une expérience supplémentaire au cours de la période depuis la demande, par exemple, si un candidat échoue sur les points évalués à la date de la demande, mais étant donné l’expérience de travail supplémentaire depuis, il réussirait ». De plus, j’estime que le défendeur croit que c’est ce qui a été fait dans la présente affaire, mais que la preuve était insuffisante.

[91] Si cette pratique existe, elle doit être offerte à tous les demandeurs selon le principe de l’équité procédurale. Je ne vois aucune indication concrète dans la décision qu’elle a été offerte au demandeur dans la présente affaire. Et, si elle l’a été, il n’y a pas d’explication claire pour expliquer pourquoi de nouvelles preuves d’expérience supplémentaire n’ont pas été considérées comme suffisantes. Cette question devrait être considérée lorsque l’affaire sera renvoyée pour nouvel examen.

C. Certification

Les avocats sont d’accord avec le fait qu’il n’y a pas ici de question à certifier et la Cour est d’accord.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est accueillie. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« James Russell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3816-16

 

INTITULÉ :

SUBRAHMANYAM PILAKA VENKATA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 mars 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 28 avril 2017

 

COMPARUTIONS :

Me Mario D. Bellissimo

 

pour le demandeur

 

Me Lorne McClenaghan

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bellissimo Law Group

Avocats

Toronto (Ontario)

 

pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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