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Date : 20170404


Dossier : T-1048-07

Référence : 2017 CF 88

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 4 avril 2017

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

ELI LILLY CANADA INC., ELI LILLY AND COMPANY, ELI LILLY AND COMPANY LIMITED ET ELI LILLY SA

demanderesses

(défenderesses reconventionnelles)

et

TEVA CANADA LIMITÉE

défenderesse

(demanderesse reconventionnelle)

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS MODIFIÉS

(Expurgés du jugement et des motifs confidentiels rendus le 30 janvier 2017)

I. Aperçu

[1] Teva Canada Ltd (anciennement Novopharm Ltd) réclame à Eli Lilly Canada Inc. des dommages-intérêts à titre d’indemnité pour l’avoir empêchée, en 2006-2007, de commercialiser une version générique d’un médicament appelé olanzapine. L’olanzapine est utile principalement dans le traitement de la schizophrénie. Teva allègue avoir subi des pertes pour avoir été tenue à l’écart du marché de l’olanzapine à la suite de la demande de Lilly visant à obtenir une ordonnance lui interdisant d’obtenir un avis de conformité du ministre de la Santé et en raison du sursis réglementaire connexe, conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133. Teva a été tenue à l’écart du marché de l’olanzapine jusqu’à la fin de l’instance engagée sous le régime du Règlement, le 5 juin 2007, date à laquelle le juge Roger Hughes a rejeté la demande de Lilly (Eli Lilly Canada Inc. c Novopharm Limitée, 2007 CF 596).

[2] Par la suite, Lilly a intenté une action contre Teva en contrefaçon de son brevet d’olanzapine. J’ai conclu que le brevet de Lilly pour l’olanzapine était invalide (Eli Lilly Canada Inc. c Novopharm Limited, 2009 CF 1018). J’ai également conclu que Teva avait droit à des dommages-intérêts prévus à l’article 8 du Règlement pour un montant qui serait déterminé dans une instance distincte (voir l’annexe II pour toutes les dispositions citées). Un appel interjeté à l’encontre de ma décision a été accueilli en partie (Eli Lilly Canada inc. c Novopharm Limited, 2010 CAF 197). Dans une décision ultérieure, j’ai de nouveau conclu que le brevet de Lilly était invalide (Eli Lilly Canada Inc. c Novopharm Limited, 2011 CF 1288). Cette dernière décision a été confirmée par la Cour d’appel fédérale; la Cour suprême du Canada a refusé l’autorisation d’interjeter appel de cette décision.

[3] En fait, je suis saisi du litige pour une troisième fois afin de trancher une nouvelle question : quel est le montant des dommages-intérêts, le cas échéant, auxquels Teva a droit conformément au Règlement pour la période pendant laquelle elle a été écartée du marché? Pour répondre à cette question, il faut créer un monde hypothétique dans lequel Lilly n’aurait pas présenté une demande dont l’effet était de refuser à Teva l’accès au marché de l’olanzapine. Dans ce monde hypothétique, Teva aurait pu arriver sur le marché sur la foi d’un avis de conformité pour l’olanzapine générique dès le 3 mars 2006, date à laquelle le ministre aurait accordé un tel avis à Teva, n’eût été l’instance introduite par Lilly. Lilly conteste la date de début au motif que Teva avait précédemment renoncé à sa demande de dommages-intérêts et qu’elle n’était pas réellement en position de commercialiser ses produits sur le marché avant le printemps 2007, au plus tôt.

[4] Lilly soulève également plusieurs motifs pour lesquels les dommages-intérêts de Teva devraient être réduits, y compris le fait que Teva a inclus des pertes qui ne sont pas attribuables à l’application du Règlement, qu’elle n’a pas pris en compte la présence probable d’un autre fabricant des produits génériques, Apotex Inc, sur le marché au même moment, qu’elle a surévalué les profits réels qu’elle aurait réalisés dans les diverses provinces; et que sa demande n’inclut pas l’intégralité du montant qu’elle aurait versé aux pharmacies pour promouvoir son produit (ce qu’il est convenu d’appeler les dépenses de commercialisation). Chacun de ces facteurs nécessite une analyse distincte.

[5] Par conséquent, la principale question, soit le montant des dommages-intérêts auxquels Teva a droit, soulève les cinq questions distinctes suivantes :

  1. Quelle est la période de responsabilité?

  2. Quelle était la taille du marché de l’olanzapine?

  3. Quelle était la part des produits génériques sur le marché de l’olanzapine?

  4. Quelle était la part de Teva du marché de l’olanzapine générique?

  5. Quel est le montant réel des pertes de Teva?

[6] Les parties ne me demandent pas d’effectuer des calculs. Elles me demandent simplement de tirer les conclusions de fait nécessaires pour effectuer ces calculs.

II. Le cadre législatif

[7] Aux termes du Règlement, une société pharmaceutique détenant un brevet sur un médicament précis (la première personne) peut intenter des poursuites visant à interdire à une autre société souhaitant commercialiser une version générique de ce médicament (la seconde personne) d’obtenir un avis de conformité jusqu’à ce que cette dernière prenne en compte le brevet de la première ou jusqu’à l’expiration du brevet. La seconde personne peut prendre en compte le brevet en alléguant que son produit ne contrefera pas le brevet ou que le brevet est invalide. Jusqu’à ce que la Cour se prononce sur ces allégations, la seconde personne ne peut pas pénétrer le marché. Le Règlement impose une suspension automatique de 24 mois ou jusqu’à ce que la demande d’interdiction de la première personne soit rejetée.

[8] Si la première personne ne parvient pas à persuader la Cour que les allégations de la seconde personne sont injustifiées, la première personne n’obtiendra pas son ordonnance d’interdiction et la seconde personne aura la possibilité d’obtenir son avis de conformité. Cependant, le Règlement reconnaît que la suspension automatique fera en sorte que la seconde personne soit tenue à l’écart du marché pendant la durée de l’instance, même si les allégations de cette dernière se révèlent finalement justifiées. Par conséquent, le Règlement précise que, lorsque la Cour rejette la demande d’ordonnance d’interdiction de la première personne, cette dernière est responsable envers la seconde personne des pertes subies au cours de la période pertinente. Ladite période commence à la date certifiée par le ministre comme étant la date à laquelle la seconde personne aurait obtenu son avis de conformité n’eut été l’instance introduite par la première personne, à moins que la Cour conclue qu’une autre date est plus appropriée. La période pertinente prend fin à la date à laquelle la demande de la première personne est rejetée.

[9] Teva a le fardeau d’établir tous les éléments de sa demande de dommages-intérêts, y compris démontrer que les pertes qu’elle dit avoir subies découlaient de l’application du Règlement (Pfizer Canada Inc. c Teva Canada Limited, 2016 CAF 161, au paragraphe 64). Pour être susceptible d’indemnisation, il doit y avoir un lien de causalité entre les dommages-intérêts que Teva réclame et l’instance introduite par Lilly. La question essentielle est celle de savoir ce qui se serait produit si Lilly n’avait pas présenté une demande d’ordonnance d’interdiction contre Teva.

[10] Il incombe à Lilly de répondre aux éléments de preuve présentés par Teva, et elle doit s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe à l’égard de ses moyens de défense. Par exemple, dans sa défense, Lilly soutient que Teva avait déjà renoncé à sa demande de dommages-intérêts et que la date de début de la période de responsabilité est beaucoup plus tardive que la date certifiée par le ministre. Il incombe à Lilly de prouver ces questions (Pfizer Canada Inc. c Teva Canada Limited, précitée, au paragraphe 65).

III. Questions relatives à la preuve

[11] Les parties ont contesté deux questions importantes relatives à la preuve. La première question était de savoir si les témoins des faits pouvaient être appelés à s’exprimer sur ce qui aurait pu ou non se produire dans le monde hypothétique. Pour l’essentiel, Lilly s’est opposée aux témoignages présentés par les témoins des faits de Teva au motif que le fait de poser à ces témoins des questions hypothétiques les invitait à fournir un témoignage d’opinion, domaine qui devrait être laissé aux experts. Teva a soutenu à maintes reprises qu’elle n’avait pas d’autre choix que de poser des questions sur le monde hypothétique aux témoins des faits, puisqu’il lui incombait de prouver ce qui se serait produit si Lilly n’avait pas engagé de procédures fondées sur le Règlement. Teva a attiré mon attention sur des décisions antérieures où ce genre de preuve avait été autorisé. Pendant le procès, j’ai permis que certaines questions hypothétiques soient posées aux témoins des faits, réservant ma décision sur l’objection de Lilly jusqu’à ce que je puisse examiner davantage l’objection ainsi que la jurisprudence.

[12] La deuxième question relative à la preuve avait trait à une prétendue preuve par ouï-dire. Lilly s’est opposée à l’admission de certains documents pour la véracité de leurs contenus. Encore une fois, pour l’essentiel, j’ai réservé ma décision sur les objections de Lilly jusqu’à ce que je puisse examiner l’admissibilité des documents en question, compte tenu de leur nécessité et fiabilité dans le contexte global de l’affaire.

[13] En ce qui concerne la première question, je suis d’accord avec Lilly pour dire que les opinions des témoins des faits ne sont pas admissibles. Au cours du procès, j’ai dit à l’avocat que la meilleure façon de fournir à la Cour des éléments de preuve pertinents serait d’examiner, avec les témoins des faits, ce qu’ils faisaient dans le monde réel. Puis, on pourrait demander à ces derniers s’il y avait une raison quelconque pour laquelle ils auraient agi différemment dans le monde hypothétique. Cela aurait pour effet de limiter les témoins des faits à leurs propres connaissances et à leur propre expérience plutôt que de leur poser une question ouverte sur ce qu’ils auraient fait ou sur ce qui, de leur avis, se serait produit dans le monde hypothétique. Dans le dernier cas, il y avait une preuve d’opinion inadmissible; dans le premier, il y avait des faits admissibles connus des témoins.

[14] Je remarque que la Cour d’appel fédérale a conclu que les témoins des faits peuvent, de façon limitée, témoigner « sur la question des intentions générales [...] dans le monde hypothétique » et sur les « mesures générales [...] prises pour se préparer à entrer sur le marché » (Pfizer Canada Inc. c Teva Canada Limited, précitée, au paragraphe 106). Cependant, les dépositions que Teva cherchait à obtenir de ses témoins allaient au-delà des intentions générales ou des étapes préparatoires : on demandait parfois aux témoins ce qu’ils auraient réellement fait ou ce qui se serait réellement produit dans le monde hypothétique. Les témoins ont été invités à tort à fournir un témoignage d’opinion.

[15] L’approche que j’ai proposée n’était toutefois pas possible pour certains témoins. Par exemple, le témoin de Teva, le Dr Brian Des Islet, directeur exécutif des affaires scientifiques de Teva, a été invité à imaginer un scénario dans lequel Teva avait obtenu son avis de conformité le 3 mars 2006; on lui a demandé si Teva aurait lancé le produit au moyen d’un procédé donné (procédé 1) ou d’un autre (procédé 2). L’avocat de Lilly s’est opposé à la question au motif qu’elle invitait le Dr Des Islet, un témoin des faits, à donner son opinion. Puisque seul le produit du procédé 2 était utilisé dans le monde réel, le fait de demander au Dr Des Islet si Teva se serait appuyée sur le produit du procédé 1 dans le monde hypothétique aurait été une invitation à donner une opinion spéculative. On ne peut répondre à la question de savoir si Teva aurait pu lancer et aurait lancé le produit au moyen du procédé 1 qu’après avoir examiné tous les éléments de preuve pertinents, et il est de ma responsabilité d’y répondre en fonction des éléments de preuve dont je suis saisi. Le fait qu’il incombe à Teva d’établir qu’elle aurait pu lancer et qu’elle aurait lancé son produit avec l’IPA du procédé 1 en mars 2006 ne signifie pas qu’elle a le droit de demander à un témoin des faits de répondre à cette question.

[16] Par conséquent, je n’ai pas tenu compte des témoignages dans lesquels les témoins des faits exprimaient des opinions sur ce qui aurait pu se produire ou non dans le monde hypothétique. Je me fonde uniquement sur les opinions d’experts et mes propres conclusions tirées des éléments de preuve.

[17] En ce qui concerne les objections de Lilly relatives au ouï-dire, je suis encore une fois d’accord avec elle pour dire que la preuve par ouï-dire ne peut pas être admise, à moins qu’elle ne relève d’une exception reconnue (p. ex. les documents opérationnels) ou qu’elle satisfasse aux critères de nécessité et de fiabilité. Ce principe fondamental a été clairement souligné par la Cour d’appel fédérale (Pfizer Canada Inc. c Teva Canada Limited, précitée, aux paragraphes 95 à 103). L’objection principale de Lilly repose sur un rapport préparé par Deloitte qui, entre autres, renferme des renseignements sur le taux de dépenses de commercialisation de Teva pour son produit venlafaxine. L’auteur du rapport n’a pas été appelé à témoigner.

[18] À mon avis, le rapport de Deloitte ne satisfait pas au critère de l’exception relative aux documents opérationnels. Cette exception exige que l’auteur du document soit tenu de le créer, et ce, de façon contemporaine et qu’il soit fondé sur des connaissances personnelles (Ares c Venner, [1970] R.C.S. 608, à la page 626, voir aussi la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c C-5, article 30). Comme l’auteur du rapport de Deloitte est inconnu et que les détails entourant la préparation du rapport n’ont pas été produits en preuve, le rapport ne peut satisfaire à ce critère.

[19] Lilly conteste également, au motif qu’ils constituent du ouï-dire, des documents censés contenir des renseignements sur les ristournes et autres incitatifs (dépenses de commercialisation) que Teva aurait consentis aux pharmacies et autres détaillants pour un autre de ses produits, la venlafaxine. Les documents en question n’ont pas été préparés en même temps que les opérations financières qu’ils auraient enregistrées. Les auteurs des documents n’ont pas été appelés comme témoins. Ces documents constituent également du ouï-dire inadmissible qui ne tombe pas sous le coup de l’exception relative aux documents opérationnels.

[20] Même si certains éléments indiquent que les documents contestés sont fiables, ils ne sont pas admissibles suivant l’exception raisonnée à la règle du ouï-dire puisque l’espèce ne répond pas au critère de la nécessité. Les éléments de preuve relatifs aux dépenses de commercialisation ont été présentés au moyen d’une preuve directe par les témoins des faits de Teva, Mme Oksana Tressel, M. Doug Sommerville et M. Barry Fishman. Il n’est pas nécessaire de se reporter au rapport de Deloitte ou aux autres documents contestés pour déterminer le taux de dépenses de commercialisation de Teva pour la venlafaxine.

[21] Par conséquent, je me suis limité aux éléments de preuve dont je suis saisi. Je n’ai pas tenu compte des opinions exprimées par les témoins des faits ou du ouï-dire inadmissible.

A. Première question – Quelle est la période de responsabilité?

[22] Teva soutient que la période de responsabilité de Lilly commence à la date certifiée par le ministre comme étant la date à laquelle Teva aurait obtenu son avis de conformité si Lilly n’avait pas engagé de procédures conformément au Règlement, le 3 mars 2006. Les parties conviennent que la période prend fin à la date à laquelle le juge Hughes a rendu sa décision rejetant la demande de Lilly, le 5 juin 2007.

[23] Lilly soutient essentiellement qu’en raison du fait que Teva a renoncé à sa demande de dommages-intérêts, il n’y a pas de période de responsabilité. Subsidiairement, Lilly conteste le fait que Teva s’appuie sur la date certifiée par le ministre, soit celle du 3 mars 2006, et indique que la date appropriée de début est le 22 mars 2007 parce que Teva n’aurait pas pu lancer son produit sur le marché plus tôt. En fait, Lilly réduirait la période de responsabilité invoquée par Teva, d’environ 15 mois à zéro ou à un maximum de trois mois et demi.

[24] Je ne suis pas convaincu par les arguments de Lilly portant sur la renonciation ou sur une autre date de début. Interprétés dans leur contexte, les éléments de preuve ne démontrent pas que Teva a renoncé à sa demande de dommages-intérêts dans la présente instance. Ces éléments de preuve démontrent en outre que, sans la procédure d’interdiction, Teva aurait pu mettre son produit sur le marché lorsqu’elle a reçu son avis de conformité le 3 mars 2006. Par conséquent, la période de responsabilité s’étend du 3 mars 2006 au 5 juin 2007.

1) Renonciation

[25] Lilly s’appuie sur la suite des événements en lien avec le premier avis d’allégation de Teva dans lequel Teva allègue que le brevet de Lilly visant l’olanzapine, le brevet canadien no 2 041 113 (le brevet 113), était invalide. Teva a signifié l’avis d’allégation le 5 août 2004. Lilly a répondu à l’avis d’allégation en invoquant le Règlement et en demandant une ordonnance d’interdiction contre Teva (T-1734-04). Lilly a produit ses éléments de preuve, mais Teva a ensuite retiré son avis d’allégation et en a signifié un nouveau. Lilly a réclamé ses dépens dans la première instance. En réponse à Lilly, Teva a soutenu que le retard causé par le retrait avait eu un effet préjudiciable sur elle, en partie parce qu’elle avait [traduction] « renoncé à sa demande de dommages-intérêts prévus à l’article 8 ».

[26] Lilly renvoie aux observations de Teva sur les dépens, déposées dans le cadre de l’instance antérieure, et soutient que Teva a pris l’engagement sans équivoque, tant envers la Cour qu’envers Lilly, de renoncer catégoriquement à toute demande de dommages-intérêts conformément à l’article 8. Selon Lilly, la demande de Teva est bloquée par les principes de la renonciation et de la préclusion. En outre, selon Lilly, en l’espèce, la Cour devrait tenir compte de l’observation de Teva formulée dans le cadre de l’instance antérieure au moment d’évaluer les dommages-intérêts suivant le paragraphe 8(5) du Règlement. Lilly fait également remarquer que l’instance relative au deuxième avis d’allégation de Teva avait déjà été introduite au moment où Teva a présenté ses observations sur les dépens. Par conséquent, selon Lilly, la position antérieure de Teva sur la renonciation devrait être reportée de l’instance antérieure et s’appliquer en l’espèce, et devrait empêcher Teva de présenter une demande de dommages-intérêts contre Lilly.

[27] Je ne suis pas d’accord avec Lilly sur ce point. À la lecture de l’observation de Teva au sujet de la renonciation dans son contexte, je conclus qu’elle ne se rapportait qu’à la première instance. Cette observation répondait à la demande de dépens de Lilly. Selon ma compréhension, Teva faisait simplement remarquer que la renonciation à une demande de dommages-intérêts dans le cadre de cette instance était une des conséquences du retrait de son premier avis d’allégation. Teva n’a pas reconnu qu’elle ne réclamerait pas de dommages-intérêts suivant l’article 8 dans le cadre de la deuxième instance ni d’ailleurs dans la présente action.

[28] De plus, dans la première décision que j’ai rendue dans le cadre de la présente action, j’ai conclu que la demande de dommages-intérêts de Teva prévus à l’article 8 serait tranchée dans une autre instance. Bien que cette décision ait fait l’objet d’un appel accueilli en partie, la Cour d’appel fédérale a précisé que sa décision n’avait pas d’incidence sur la question des dommages-intérêts prévus à l’article 8 (2010 CAF 219, au paragraphe 13). La question devrait donc être tranchée dans une instance subséquente.

[29] Je ne souscris pas à la position exprimée par Teva, bien que ma décision antérieure dans la présente affaire et la réponse subséquente de la Cour d’appel fédérale permettent d’invoquer la doctrine de la chose jugée en ce qui a trait à la question de la renonciation. J’ai indiqué précisément que la question de la date de début et de fin de la période de responsabilité pouvait être tranchée dans l’instance distincte portant sur les dommages-intérêts, outre le procès quant aux questions de responsabilité et de contrefaçon (voir mon ordonnance du 16 décembre 2009). Selon mon interprétation de l’ordonnance de disjonction, j’étais libre, mais sans y être obligé, d’aborder toutes les questions relatives à la responsabilité en dommages-intérêts au cours de la première étape. L’ordonnance de disjonction dispensait les parties de présenter des éléments de preuve sur le montant des dommages-intérêts lors de cette étape, mais elle ne précisait pas ce qui serait déterminé à la deuxième étape. J’ai préféré réserver la question de la responsabilité en dommages-intérêts à la deuxième étape, puisque j’estimais qu’elle était étroitement liée à la question du montant. Même si je ne suis pas d’accord avec Lilly sur la question de la renonciation, je ne la blâme pas d’avoir soulevé la question en l’espèce. La doctrine de la chose jugée ne s’applique pas à la question de la renonciation.

2) Date de début

[30] Lilly affirme que la date de début de la période de responsabilité devrait être le 22 mars 2007. Elle s’appuie sur ce qui suit :

  1. Teva devait demander et obtenir une modification à déclaration obligatoire pour le procédé qu’elle prévoyait utiliser pour son produit avant de pénétrer le marché. Sa modification à déclaration obligatoire a été approuvée par Santé Canada le 22 mars 2007.

  2. L’ingrédient pharmaceutique actif (IPA) en vrac que Teva a reçu au cours de la période pertinente a été fourni par son fournisseur, Dr Reddy’s Laboratory, |||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

  3. L’approvisionnement en IPA de Dr Reddy’s n’était pas fiable jusqu’à la fin de 2006.

  4. Teva n’a pas terminé ses essais de validation avant le 22 mars 2007.

[31] Je ne suis pas d’accord avec Lilly. Les éléments de preuve n’étayent pas son allégation selon laquelle Teva aurait eu de la difficulté à pénétrer le marché une fois son avis de conformité obtenu le 3 mars 2006.

[32] En ce qui concerne la modification à déclaration obligatoire, les éléments de preuve indiquent que Teva a eu recours à un seul procédé (le procédé 1) pour fabriquer l’IPA à des fins de réglementation. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Dr Reddy’s a alors créé le procédé 2 et Teva a demandé une modification à déclaration obligatoire à l’égard du nouveau procédé. Teva a présenté sa demande le 14 septembre 2006. Santé Canada a accepté d’examiner la demande le 9 novembre 2006 et a terminé son examen le 22 mars 2007. Depuis cette date, Teva a été en mesure de vendre son produit avec l’IPA du procédé 2.

[33] L’expert de Lilly, le Dr Gordon Munro, a retenu de ces éléments de preuve que Teva n’aurait pas pu mettre en œuvre le passage du procédé 1 au procédé 2 avant le 22 mars 2007 et qu’aucun produit fabriqué au moyen du procédé 2 n’aurait pu être commercialisé avant cette date (voir l’annexe I pour un résumé des qualifications de l’expert).

[34] Compte tenu de ces éléments de preuve, Lilly soutient que le produit de Teva n’aurait pas pu être commercialisé avant le 22 mars 2007.

[35] Je ne suis pas d’accord. Bien que les éléments de preuve démontrent que Teva n’aurait pas pu commercialiser son produit avec l’IPA du procédé 2 avant le 22 mars 2007, ils indiquent également que Teva aurait pu vendre des comprimés d’olanzapine contenant l’IPA du procédé 1 à partir du 3 mars 2006. Dr Reddy’s était en mesure de le fournir. M. Rajesh Sadanandan, un employé de Dr Reddy’s, qui était responsable des ventes européennes des produits d’IPA de Dr Reddy’s à l’époque pertinente, a expliqué que le procédé 1 avait été élaboré ||||||||||||||. Au cours de la période de 2005 à 2007, Dr Reddy’s était en mesure de produire environ 1 800 kg par année. En 2007, Dr Reddy’s a commencé à vendre le produit du procédé 2, en plus de l’IPA du procédé 1.

[36] Le Dr Brian Des Islet, directeur exécutif des affaires scientifiques de Teva, a déclaré dans son témoignage que Dr Reddy’s avait fourni à Teva le produit du procédé 1 pour les lots présentés à Santé Canada à des fins de réglementation et, qu’il avait d’ailleurs continuellement fourni l’IPA à Teva pour son produit olanzapine. Il a expliqué que Teva a demandé à Dr Reddy’s d’élaborer un procédé différent pour produire l’IPA, ce qui a amené Teva à demander une modification à déclaration obligatoire pour passer du procédé 1 au procédé 2. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[37] Le Dr Des Islet a été invité à imaginer un scénario dans lequel Teva avait obtenu son avis de conformité le 3 mars 2006, et on lui a demandé si elle aurait lancé son produit avec l’IPA du procédé 1 ou du procédé 2. J’ai déjà discuté de l’inadmissibilité de cet élément de preuve. Cependant, le Dr Des Islet a pu affirmer que le seul produit qui avait reçu l’approbation réglementaire nécessaire à son lancement le 3 mars 2006 était l’IPA du procédé 1. De plus, il savait que Dr Reddy’s était en mesure d’approvisionner le marché américain avec le produit du procédé 1, ce qui laisse croire que Dr Reddy’s aurait probablement pu répondre aux besoins de Teva également.

[38] Lilly soutient que Teva n’aurait pas pu pénétrer le marché avec l’IPA du procédé 1 |||||||||||||||||| Toutefois, il y peu d’éléments de preuve, voir aucun qui ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. L’expert de Lilly, le Dr Munro, a déclaré dans un rapport complémentaire qu’il [traduction] « examinerait » |||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Toutefois, en contre-interrogatoire, le Dr Munro a déclaré qu’il faisait simplement une observation qui n’avait aucune incidence sur son opinion générale au sujet du moment où Teva aurait pu être en mesure de lancer son produit. Il a reconnu que cela ne relevait pas de son principal domaine de compétence et qu’il ne pouvait pas se prononcer sur la contrefaçon. Je ne peux donc pas conclure que Teva n’aurait pas pu légalement pénétrer le marché avec des comprimés contenant l’IPA du procédé 1, le 3 mars 2006. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[39] En ce qui concerne l’injonction américaine, Lilly renvoie à des bordereaux de marchandises et à des factures indiquant que Teva a reçu l’IPA en vrac des laboratoires Dr Reddy’s aux États-Unis avant juin 2007. Selon Lilly, ces livraisons auraient violé une ordonnance d’un tribunal américain. Cependant, on ne sait pas si les éléments de preuve sur lesquels Lilly se fonde démontrent la provenance réelle des livraisons d’IPA à Teva au Canada, ou s’ils indiquent simplement la provenance des documents ou le lieu de facturation. Selon ces éléments de preuve, je ne peux pas conclure que les livraisons d’IPA étaient illégales.

[40] En ce qui concerne l’approvisionnement en IPA, Lilly se fonde sur l’opinion du Dr Munro selon laquelle les livraisons de Dr Reddy’s provenant de l’Inde étaient lentes et imprévisibles, au moins jusqu’en juin 2007. Le Dr Munro a noté que les premières commandes que Teva a passées auprès de Dr Reddy’s ont pris environ six mois pour arriver à destination. Avant le 5 juin 2007, Teva avait reçu seulement 61 kg d’IPA. Par la suite, les retards ont été réduits à environ 6 semaines. Le Dr Munro conclut néanmoins que l’accès de Teva à l’IPA ne s’est stabilisé qu’en juin 2007. Ces problèmes étaient liés au produit du procédé 2. On a demandé au Dr Munro si Teva, ayant réussi à se lancer dans un marché à un seul fabricant en juin 2007, aurait pu faire de même en mars 2006. Le Dr Munro a qualifié cette question d’hypothétique et a refusé d’y répondre. Il a fondé son opinion uniquement sur les documents qu’il avait examinés et qui se rapportaient aux événements survenus dans le monde réel en 2006-2007 : il n’était pas disposé à envisager ce qui aurait pu se produire dans le monde hypothétique.

[41] Il souligne également que la validation des lots de Teva, essentielle aux fins d’approbation réglementaire, n’a pas été effectuée avant mars 2007. Selon ces renseignements, il a conclu que Teva n’aurait pas été en mesure de lancer son produit en mars 2006. On lui a demandé si Teva aurait procédé à sa validation plus tôt si elle avait su qu’elle aurait pu pénétrer le marché en mars 2006, mais le Dr Munro a rejeté ce scénario hypothétique pour lequel il ne disposait d’aucun élément de preuve pour étayer son opinion d’expert.

[42] Les données relatives à ces lots ont montré que les rendements variaient de 86 à 97 %, une fourchette que le Dr Munro a considérée comme étant exceptionnellement peu élevée. Le Dr Munro a également noté que les numéros de lots semblaient être en désordre, laissant entendre que Teva n’aurait peut-être pas testé ses lots de façon consécutive, tel que prévu. Une fois de plus, le Dr Munro s’est dit préoccupé par le fait que les documents révélaient une variabilité sur le plan de la fabrication du produit de Teva, qui aurait entravé son lancement commercial. Il ne pouvait toutefois pas affirmer que cette variabilité aurait influé sur la fiabilité des validations de Teva ou aurait entravé son entrée sur le marché.

3) Conclusion relative à la période de responsabilité

[43] La période de responsabilité commence le 3 mars 2006 et prend fin le 5 juin 2007, date à laquelle le juge Hughes a rejeté la demande de Lilly en vue d’obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à Teva.

B. Deuxième question – Quelle était la taille du marché de l’olanzapine?

[44] Les parties conviennent que la taille du marché de l’olanzapine dans le monde hypothétique aurait été la même que dans le monde réel. L’entrée d’un fabricant de produits génériques sur le marché n’aurait pas eu d’incidence sur le marché global de l’olanzapine. Comme Teva a lancé son produit uniquement sous certaines formes posologiques (2,5, 5, 7,5, 10 et 15 mg), c’est le marché global de ces produits particuliers qui devrait être pris en compte.

C. Troisième question – Quelle était la part des produits génériques sur le marché de l’olanzapine?

[45] Les parties s’entendent, de façon générale, sur la méthode servant à déterminer la part des produits génériques sur le marché de l’olanzapine. Cependant, elles ne s’entendent pas sur la rapidité avec laquelle un fabricant de produits génériques aurait pu pénétrer le marché de l’olanzapine dans chaque province. Cela dépend de la date à laquelle le produit générique aurait être pu être approuvé et inscrit sur les formulaires provinciaux. Dans chaque province ou territoire, il faut tenir compte de ce qui s’est produit dans le monde réel – le délai entre la date à laquelle Teva a obtenu son avis de conformité et son entrée sur le marché dans chaque province –, puis évaluer si un événement différent se serait produit dans le monde hypothétique.

[46] La principale question en litige entre les parties porte sur les provinces de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba. Les circonstances dans ces provinces ne peuvent toutefois être comprises qu’après avoir examiné la situation en Ontario, en 2007. Par conséquent, même si les parties s’entendent en grande partie sur la date d’inscription appropriée en Ontario, j’examinerai d’abord le scénario ontarien.

1) Ontario

[47] En supposant que Teva ait obtenu son avis de conformité le 3 mars 2006, les parties conviennent que l’olanzapine générique de Teva aurait été inscrite sur le Formulaire des médicaments de l’Ontario le 19 mai 2006. La question la plus épineuse est le prix auquel elle aurait été inscrite et l’incidence que certains événements en Ontario auraient eue sur les prix dans les autres provinces.

[48] De façon générale, Teva aurait tenté d’inscrire son produit dans toutes les provinces, y compris en Ontario, à 70 % du prix du médicament de marque de Lilly. En Ontario, cependant, dans le monde réel, la situation s’est compliquée en raison du dépôt du projet de loi 102, en octobre 2006. À ce sujet, l’expert de Teva, M. Ian Hilley, a expliqué que selon le projet de loi 102, les prix des produits génériques étaient généralement fixés à 50 % des prix des médicaments de marque. Cependant, certaines exceptions étaient autorisées. L’administrateur du Formulaire des médicaments de l’Ontario a autorisé couramment des exceptions pour les produits génériques à source unique et dans lesquels les fabricants avaient beaucoup investi. Par exemple, Teva a obtenu une exception pour son produit venlafaxine de source unique, qui était inscrit à 70 % du prix du médicament de marque, au lieu de 50 %.

[49] Elle a toutefois demandé une exception pour son produit d’olanzapine, qui n’a pas été autorisée. Elle n’a pas été en mesure de justifier une inscription à |||||||||||||||||||||||||||||||||| du prix du médicament de marque. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Teva a obtenu une inscription à la liste publiée à 75 % du prix du médicament de marque.||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Par conséquent, le ||||||||||||||||, selon l’entente, était |||||||| du prix de Lilly.

[50] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Lorsque le projet de loi 102 est entré en vigueur, Teva aurait demandé une exception à la règle, mais cette exception n’aurait probablement pas été autorisée. Par conséquent, le 1er janvier 2007, Teva aurait eu à |||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Dans le monde hypothétique comme dans le monde réel, Teva aurait eu à fixer son prix effectif en Ontario à au plus |||||||| du prix de Lilly.

[51] Sur la foi de son prix d’inscription publié de 75 % en Ontario, Teva a tenté d’augmenter ses prix dans les autres provinces à un niveau équivalent. Comme nous le verrons plus loin, il s’agissait d’un facteur déconcertant dans les efforts déployés par Teva pour obtenir des inscriptions pour son produit dans ces provinces. Puisque l’entente |||||||||| avec l’Ontario n’aurait pas été conclue dans le monde hypothétique, il faut examiner ce qui se serait produit en son absence. De plus, le paysage changeait en 2007, principalement en raison des développements en Ontario. Il faut donc être conscient, dans la reconstruction du monde hypothétique de 2006-2007, que certains événements du monde réel n’avaient pas encore eu lieu.

[52] Je suis d’avis que certains événements du monde réel en 2007 et par la suite – l’incidence du projet de loi 102, l’offre concurrentielle de Lilly en Ontario, l’entente |||||||||| connexe de Teva et le contentieux en cours entre les parties – ne reflètent pas la situation dans le monde hypothétique de 2006-2007.

2) Colombie-Britannique

[53] Dans le monde réel, le produit de Teva n’était pas inscrit en Colombie-Britannique avant mai 2011, presque quatre ans après l’obtention de son avis de conformité. Lilly soutient que Teva aurait éprouvé les mêmes difficultés à obtenir l’inscription de son produit en Colombie-Britannique même si elle avait obtenu son avis de conformité en 2006 plutôt qu’en 2007. Lilly soutient donc que Teva n’a pas perdu de ventes en Colombie-Britannique au cours de la période pertinente.

[54] Je ne suis pas d’accord. En raison de circonstances particulières en 2007, l’inscription de Teva au formulaire des médicaments de la Colombie-Britannique a été retardée. Je conclus que ces circonstances n’auraient pas prévalu en 2006 et que Teva aurait donc pu inscrire son produit au formulaire des médicaments de la Colombie-Britannique assez rapidement si elle avait obtenu son avis de conformité le 3 mars 2006.

[55] L’experte de Teva, Mme Jane Costaris, a estimé que Teva aurait probablement obtenu l’inscription de son olanzapine générique en Colombie-Britannique le 17 mars 2006. Par contre, l’expert de Lilly, M. Ghislain Gauthier, a conclu que Teva n’aurait pas obtenu l’inscription de son produit en Colombie-Britannique avant un certain temps après la période de responsabilité. Sur un grand nombre de points relatifs aux inscriptions au formulaire des médicaments, je préfère le témoignage de Mme Costaris, qui possède une vaste expérience dans le monde réel en soumission de formulaires provinciaux.

[56] De l’avis de Mme Costaris, en 2006, les fonctionnaires de la Colombie-Britannique auraient eu hâte d’inscrire rapidement l’olanzapine générique de Teva parce que cela aurait permis à la province d’économiser plus de 8 millions de dollars chaque année puisque le produit générique de Teva aurait été inscrit à 70 % du coût du produit de Lilly. En réalité, comme je l’ai déjà mentionné, il a fallu près de quatre ans pour inscrire le produit de Teva. Toutefois, comme l’a expliqué Mme Costaris, ce retard découlait d’une série de circonstances spéciales en 2007, qui n’auraient pas existé en 2006.

[57] En août 2007, après l’obtention, par Teva, de son avis de conformité et en attendant l’issue de l’appel de Lilly de la décision du juge Hughes, cette dernière a conclu une entente avec la Colombie-Britannique relativement à l’approvisionnement en olanzapine à un prix inférieur à celui de Teva afin de conserver son inscription. Après le rejet de l’appel de Lilly, la Colombie-Britannique a publié une demande de propositions portant sur l’olanzapine. C’était la première fois que la Colombie-Britannique invoquait ce type de procédure. Lilly a eu gain de cause sur la demande de propositions et a conclu d’autres ententes avec la Colombie-Britannique. Teva n’a pas participé au processus de demande de propositions; elle a plutôt choisi de contester ce processus. Elle a échoué. Cependant, le 5 mai 2011, le produit de Teva a finalement été inscrit en Colombie-Britannique, seulement 16 jours après avoir présenté de nouveau sa demande.

[58] Dans le monde hypothétique, Lilly n’aurait pas présenté sa demande visant à empêcher Teva d’obtenir son avis de conformité. Il s’ensuit que Lilly n’aurait eu aucun droit d’interjeter appel de la décision du juge Hughes relativement à cette demande. Par conséquent, dans la mesure où les préoccupations des fonctionnaires de la Colombie-Britannique au sujet du contentieux en cours entre les parties sous le régime du Règlement ont nui à la capacité de Teva d’inscrire son produit, je dois en faire abstraction. En fait, dans de nombreux documents déposés en preuve, on cite l’appel de Lilly comme étant un facteur important faisant obstacle à l’inscription de Teva. Même s’il n’a pas mentionné ce facteur dans son rapport, M. Gauthier a reconnu son importance en contre-interrogatoire.

[59] Lilly indique que, même en l’absence de procédures visées par le Règlement, son action en contrefaçon, intentée immédiatement après la décision du juge Hughes, aurait également fait obstacle à ce que Teva obtienne son inscription en Colombie-Britannique. Toutefois, je ne vois aucun élément suscitant des préoccupations de la part des fonctionnaires de la Colombie-Britannique au sujet de la contrefaçon de brevet; au contraire. Leurs préoccupations, telles qu’elles ont été exprimées dans la correspondance avec Teva, se rapportaient plutôt uniquement aux procédures visées par le Règlement, à savoir si l’avis de conformité de Teva était valide.

[60] En ce qui concerne l’entente conclue en août 2007 entre la Colombie-Britannique et Lilly, M. Gauthier a déclaré qu’un accord semblable aurait probablement été conclu si Teva avait obtenu son avis de conformité en 2006. L’opinion de M. Gauthier était par ailleurs fondée sur le précédent créé en 2005 concernant une entente sur l’inscription de produits conclue entre la province et Lilly à l’égard d’un médicament appelé « Actos ». En contre-interrogatoire, M. Gauthier a reconnu que l’entente sur l’inscription de produits conclue en 2005 n’était pas une entente d’inscription exclusive et qu’elle était donc différente de l’entente conclue en 2007 entre la Colombie-Britannique et Lilly. Il a également omis de tenir compte d’un rapport de la Colombie-Britannique, datant de 2006, selon lequel la province n’avait pas par le passé [traduction] « négocié activement les prix des médicaments avec les fabricants », mais qu’elle commencerait à le faire en 2007.

[61] En ce qui concerne le processus de demande de propositions, les éléments de preuve indiquent que cela était probablement attribuable au dépôt du projet de loi 102 en Ontario, entré en vigueur le 1er janvier 2007. Le Dr Aidan Hollis, spécialiste des questions économiques de Teva, a décrit le processus de demande de propositions de la Colombie-Britannique comme étant un événement sans précédent en réaction au développement contemporain en Ontario. La Colombie-Britannique n’a pas invoqué le processus de demande de propositions en 2006 en ce qui concerne la risperidone, un médicament ayant des utilisations semblables à l’olanzapine, et n’a plus invoqué ce type de processus jusqu’en 2015. En 2007, le Bureau de la concurrence a publié un rapport dans lequel on recommandait des approches en matière de régime concernant les médicaments de remplacement qui contribueraient à réaliser des économies, et le sous-ministre de la Santé de la Colombie-Britannique a mis sur pied un groupe de travail sur les produits pharmaceutiques chargé d’explorer diverses options d’approvisionnement et d’administration des médicaments. Selon M. Hollis, ces mesures répondaient à des circonstances propres à l’environnement de 2007.

[62] En revanche, le Dr Iain Cockburn, de Lilly, croyait que la seule raison pour laquelle le produit de Teva n’était pas inscrit en Colombie-Britannique en 2007 était l’entente sur l’inscription de produits conclue entre Lilly et le gouvernement de la Colombie-Britannique, en août 2007. Compte tenu du fait qu’une entente semblable aurait probablement été conclue dans le monde hypothétique, le Dr Cockburn a conclu que le produit de Teva n’aurait pas été inscrit en Colombie-Britannique pendant la période de responsabilité. Le Dr Cockburn a toutefois reconnu que les préoccupations de la Colombie-Britannique quant au contentieux en cours entre les parties étaient une autre raison possible, jouant un rôle peut-être encore plus prépondérant, pour laquelle le produit de Teva n’était pas inscrit rapidement dans cette province.

[63] En examinant l’ensemble de ces éléments de preuve, je conclus que les événements du monde réel qui se sont déroulés en Colombie-Britannique à la fin de 2007 ne peuvent pas servir à déterminer ce qui se serait produit entre mars 2006 et juin 2007. Pendant la période pertinente, la Colombie-Britannique n’aurait probablement pas conclu une entente sur l’inscription de produits avec Lilly; elle aurait suspendu l’inscription de Teva en attendant l’issue du procès ou aurait mis en place un processus de demande de propositions visant l’approvisionnement en olanzapine. Je suis d’avis qu’en mars 2006, la Colombie-Britannique aurait rapidement inscrit le produit de Teva. Je suis d’accord avec Mme Costaris pour dire que la Colombie-Britannique aurait inscrit le produit de Teva le 17 mars 2006 ou aux alentours de cette date. M. Gauthier a reconnu que la date approximative mentionnée par Mme Costaris était raisonnable, à supposer que la Colombie-Britannique et Lilly n’aient pas conclu une entente sur l’inscription de produits.

3) Alberta

[64] Dans le monde réel, le produit générique d’olanzapine de Teva a été inscrit en Alberta le 1er septembre 2007, soit près de trois mois après l’obtention, par Teva, de son avis de conformité.

[65] M. Gauthier a conclu que Teva aurait probablement obtenu l’inscription de son produit le 1er juillet 2006 si elle avait reçu son avis de conformité le 3 mars 2006, un délai d’environ quatre mois.

[66] Selon Mme Costaris, si Teva avait reçu son avis de conformité le 3 mars 2006, elle aurait obtenu l’inscription de son produit en Alberta environ deux mois plus tard, soit le 1er mai 2006. À son avis, l’olanzapine générique aurait été inscrite rapidement compte tenu des économies annuelles que réaliserait la province, soit environ 5,5 millions de dollars. Mme Costaris a déclaré que l’inscription de l’olanzapine générique dans le monde réel a probablement été quelque peu retardée en raison de questions relatives aux prix. Elle fait cependant remarquer que ces questions découlaient du cadre réglementaire de l’Ontario en 2007, dans lequel Teva a négocié l’entente |||||||||||||| avec l’Ontario. À son tour, Teva a demandé à l’Alberta de fixer un prix représentant 75 % du prix du médicament de marque, au lieu de 70 %. Selon Mme Costaris, cette situation ne se serait pas produite dans le monde hypothétique de 2006-2007.

[67] Je partage son opinion. Dans son analyse, M. Gauthier se fondait sur des dates d’inscription pour des produits qui n’étaient pas analogues à l’olanzapine, a eu recours à une méthode fondée sur des dates moyennes d’inscription, ce qui a eu pour effet d’exagérer le délai applicable à l’égard de chaque produit, n’a pas tenu compte du retard imputable à une demande de changement de prix, et n’a pas pu pas expliquer de manière convaincante pourquoi ses dates d’inscription estimées dépassaient celles du monde réel.

[68] La date d’inscription du produit olanzapine de Teva aurait probablement été celle du 1er mai 2006, à 70 % du prix du médicament de marque.

4) Saskatchewan

[69] Dans le monde réel, l’olanzapine a été inscrite en Saskatchewan le 1er novembre 2009, soit près de trente mois après l’obtention, par Teva, de son avis de conformité.

[70] Mme Costaris et M. Gauthier conviennent que le délai d’attente en Saskatchewan découlait au moins en partie de la demande d’augmentation du prix présentée par Teva, après avoir présenté sa demande d’inscription. Comme pour l’Alberta, les prix révisés de Teva étaient le résultat de la situation qui prévalait en Ontario en 2007. Par conséquent, Mme Costaris estime que l’olanzapine générique de Teva aurait été inscrite au plus tard le 1er octobre 2006 si Teva avait obtenu son avis de conformité le 3 mars 2006. Mme Costaris a comparé l’olanzapine à un autre médicament (Apo-Feno-Super) qui a fait l’objet d’un avis de conformité le 1er avril 2006. La décision (négative) concernant l’inscription de l’Apo-Feno-Super a été rendue six mois plus tard., le 1er octobre 2006. Selon Mme Costaris, il est donc probable que la décision d’inscrire le produit olanzapine de Teva aurait été prise au même moment.

[71] M. Gauthier attire l’attention sur les discussions et un possible accord entre Lilly et la Saskatchewan selon lequel Lilly a offert des ristournes en échange d’un engagement à poursuivre l’inscription de son produit olanzapine. Cette entente a été signée le 12 décembre 2008. M. Gauthier croit que Lilly aurait tenté d’obtenir le même genre d’entente avec la Saskatchewan si Teva avait obtenu son avis de conformité plus tôt. Puisque la ristourne offerte par Lilly aurait entraîné un prix inférieur en Saskatchewan à celui que Teva demandait, M. Gauthier conclut que l’inscription du produit de Teva aurait accusé un retard important dans le monde hypothétique, au point où le produit n’aurait pas été inscrit en Saskatchewan au cours de la période pertinente.

[72] Ici encore, j’estime que l’opinion de Mme Costaris est plus convaincante. Premièrement, la question relative aux prix n’aurait été soulevée qu’après l’entrée en vigueur du projet de loi 102 de l’Ontario en 2007 : elle n’aurait pas eu d’incidence sur la position de Teva en Saskatchewan en mars 2006, au moment où celle-ci aurait obtenu son avis de conformité. Par conséquent, dans le monde hypothétique, Teva n’aurait probablement pas subi ces retards dans le monde réel.

[73] Deuxièmement, l’entente conclue entre Lilly et la Saskatchewan n’a été signée que dix-huit mois après l’obtention, par Teva, de son avis de conformité. En supposant que Lilly aurait tenté d’obtenir un accord semblable dans le monde hypothétique, elle ne l’aurait probablement pas obtenu avant l’expiration de la période de responsabilité; cela n’aurait pas eu d’incidence sur l’inscription de Teva en Saskatchewan.

[74] Je conclus donc que la date d’inscription appropriée en Saskatchewan est le 1er octobre 2006, et que le produit de Teva aurait été inscrit à 70 % du prix du médicament de marque.

5) Manitoba

[75] Dans le monde réel, le produit de Teva a été inscrit au Manitoba le 14 octobre 2010, plus de trois ans après que Teva a obtenu son avis de conformité.

[76] Selon Mme Costaris, dans le monde hypothétique, le produit de Teva aurait été inscrit au Manitoba le 14 septembre 2006, environ six mois après l’obtention, par Teva, de son avis de conformité. Pour arriver à cette date, elle a supposé que Teva n’aurait pas demandé une augmentation de prix comme elle l’avait fait dans le monde réel et, par conséquent, que l’inscription de Teva n’aurait pas été retardée. En outre, elle a présumé que Teva aurait demandé son inscription avant la mise en place, par le Manitoba, en 2007, d’un nouveau processus appelé « entente de gestion d’utilisation » (EGU).

[77] M. Gauthier a déclaré que, selon lui, Teva n’aurait pas obtenu l’inscription de son produit au Manitoba dans le monde hypothétique plus tôt qu’elle ne l’a fait dans le monde réel. Il a supposé que Teva aurait demandé un prix plus élevé au Manitoba que dans d’autres provinces, comme elle l’a fait dans le monde réel. Il conclut également que les discussions qui ont mené à l’EGU et qui ont finalement permis d’en arriver à une entente entre le Manitoba et Lilly en 2009 auraient également eu lieu dans le monde hypothétique et auraient retardé l’inscription de Teva. M. Gauthier était toutefois d’accord sur le fait que le Manitoba ne cherchait pas activement à mettre en œuvre des EGU en 2006.

[78] Je suis d’accord avec Mme Costaris sur le fait que le processus d’EGU n’aurait pas existé en 2006. Par conséquent, je retiens sa date d’inscription prévue du 14 septembre 2006 au prix de 70 % du prix du médicament de marque.

6) Les autres provinces

a) Québec

[79] Les experts conviennent que le produit de Teva aurait été inscrit au Québec le 11 octobre 2006 à un prix représentant 70 % du prix du médicament de marque. Même si M. Gauthier estime que Teva aurait été tenue de divulguer au Québec son entente ultérieure conclue |||||||||| en Ontario et de remettre au Québec l’équivalent du prix net de |||||||| du médicament de marque, les éléments de preuve démontrent que, dans le monde réel, ce n’est pas ce qui s’est produit. Au Québec, les prix n’ont pas |||||||||||||||||||||||| avant février 2008, bien au-delà de la période de responsabilité.

b) Nouveau-Brunswick

[80] Les experts conviennent que le produit olanzapine de Teva aurait été inscrit au Nouveau-Brunswick le 9 juin 2006. Le produit aurait été inscrit à 70 % du prix du médicament de marque.

c) Nouvelle-Écosse

[81] Dans son témoignage, Mme Costaris a déclaré que Teva aurait inscrit son produit en Nouvelle-Écosse le 1er juin 2006. Elle s’est fondée sur le traitement d’autres produits présentés en vue de leur inscription à peu près au même moment. M. Gauthier établit la date à un mois plus tard, soit le 1er juillet 2006, en fonction des délais d’inscription moyens entre la fin de 2005 et la fin de 2006. Comme je l’ai mentionné, l’approche de M. Gauthier a pour effet d’exagérer les délais d’inscription. Je suis donc d’avis que la date indiquée par Mme Costaris est plus exacte. Le prix d’inscription aurait été de 70 % du prix du médicament de marque.

d) Île-du-Prince-Édouard

[82] Dans son témoignage, Mme Costaris a déclaré que le produit de Teva aurait été inscrit le 16 octobre 2006 au plus tard. M. Gauthier a convenu avec elle lequel qu’une date antérieure au 1er juillet 2006 était tout à fait possible. Compte tenu de ces opinions, j’estime que la date la plus sûre est le 16 octobre 2006 et que le prix aurait été de 70 % du prix du médicament de marque.

e) Terre-Neuve-et-Labrador

[83] Mme Costaris était d’avis que Teva aurait pu obtenir l’inscription de son produit à Terre-Neuve-et-Labrador au plus tard le 1er janvier 2007. M. Gauthier a choisi la date antérieure du 1er septembre 2006. Je conclus que la date indiquée par M. Gauthier est juste. Ici encore, le prix d’inscription aurait été de 70 % du prix du médicament de marque.

D. Quatrième question – Quelle était la part de Teva du marché de l’olanzapine générique?

[84] Lilly soutient que Teva aurait eu à partager le marché de l’olanzapine générique avec un autre fabricant de produits génériques, Apotex Inc, et affirme que cette dernière aurait probablement pénétré le marché le 23 juin 2006, date à laquelle elle aurait reçu son avis de conformité pour l’olanzapine si Lilly avait renoncé à sa demande d’ordonnance d’interdiction contre Apotex. Dans le monde réel, Apotex est entrée sur le marché de l’olanzapine en octobre 2009, après que le brevet de Lilly a été jugé invalide. Lilly a obtenu gain de cause dans le cadre de sa demande d’interdiction contre Apotex, ce qui a empêché Apotex de commercialiser son produit plus tôt.

[85] Rien ne me permet de conclure que, dans le monde hypothétique dans lequel Teva a obtenu son avis de conformité le 3 mars 2006, Lilly se serait désistée de son instance engagée contre Apotex. Lilly a intenté des procédures d’interdiction contre de nombreux autres fabricants de produits génériques relativement à l’olanzapine, et la plupart d’entre elles ont été intentées après le rejet de la demande de Lilly présentée contre Teva le 5 juin 2007. En ce qui concerne précisément Apotex, Lilly a engagé des discussions avec elle, mais ces discussions n’ont abouti à aucun accord visant à autoriser Apotex à pénétrer le marché. En fait, les éléments de preuve indiquent que Lilly conclut rarement des ententes autorisant des fabricants de produits génériques à prendre part à un marché de concert avec elle. La dernière entente que Lilly a signée avec un fabricant autorisé de médicaments génériques remonte à 1995.

[86] Les gestes de Lilly posés dans le monde réel ne me semblent pas indiquer qu’elle aurait agi différemment dans le monde hypothétique. Dans le monde hypothétique, le Règlement aurait quand même existé (Apotex Inc. c Sanofi-Aventis, 2014 CAF 68, aux paragraphes 171 et 186). Par conséquent, Apotex aurait dû examiner le Règlement avant de pouvoir pénétrer le marché. Lilly aurait pu disposer des recours qui s’offraient à elle conformément au Règlement relativement à l’olanzapine et, à mon avis, elle se serait prévalue de ces recours contre d’autres fabricants de produits génériques souhaitant commercialiser l’olanzapine, y compris Apotex.

[87] De plus, aucun élément de preuve n’indique qu’Apotex était même en mesure d’arriver sur le marché en 2006. M. Gordon Fahner, vice-président principal du service des finances internationales chez Apotex, a été appelé comme témoin par Lilly, mais il n’a pas été en mesure de fournir d’éléments de preuve sur l’accès de son entreprise à l’IPA en vrac d’olanzapine au cours de la période pertinente.

[88] Par conséquent, les éléments de preuve montrent que Teva aurait été la seule à offrir des médicaments génériques sur le marché pendant la période de responsabilité.

E. Cinquième question – Quel est le montant des dommages-intérêts auxquels Teva a droit?

[89] J’ai déjà traité du prix du produit de Teva dans les diverses provinces. Il reste deux autres questions à trancher relativement à la quantification des pertes de Teva. Premièrement, le calcul des pertes de Teva devrait-il inclure une indemnité au titre du « garnissage »? Deuxièmement, de combien les pertes de Teva devraient-elles être réduites pour tenir compte des sommes qu’elle aurait versées aux pharmacies et aux autres détaillants pour son produit (les dépenses de commercialisation)?

1) Garnissage

[90] Teva allègue que ses pertes devraient inclure un montant au titre du garnissage – c’est-à-dire le volume de ventes que Teva aurait réalisé auprès des distributeurs dans le monde hypothétique, une somme qui ne serait pas prise en compte dans les ventes au détail (provenant d’IMS Health Canada, soit les données d’IMS). Elle soutient que les pertes imputables aux ventes de garnissage ont donné droit à indemnisation dans d’autres affaires relatives à l’article 8.

[91] Selon le concept de garnissage, un fabricant doit d’abord offrir son produit dans les circuits commerciaux avant que ce produit puisse être vendu aux clients. Il y a donc un délai entre l’expédition d’un produit de l’usine et la vente au détail. Teva soutient que ses pertes devraient inclure un redressement au titre du garnissage afin d’inclure les livraisons qu’elle aurait effectuées pendant la période de responsabilité.

[92] Je ne suis pas d’accord. Selon ma compréhension, le garnissage ne représente pas des ventes perdues pendant la période de responsabilité. Il s’agit plutôt de la différence entre les ventes au détail et la quantité de produits qui sortent de l’usine. Cette différence représente les ventes qui auraient été effectuées en dehors de la période de responsabilité. Il est vrai que le garnissage peut représenter certaines ventes perdues en ce sens que, dans le monde hypothétique, Teva aurait déplacé une certaine quantité de stocks dans le réseau de distribution, qui, en temps utile, seraient vendus aux clients. Dans le monde hypothétique, ces ventes auraient été réalisées, mais elles l’auraient été en dehors de la période de responsabilité. Par conséquent, aux fins de l’espèce, elles ne devraient pas être incluses dans les pertes de Teva.

[93] Je souscris à l’opinion du Dr Iain Cockburn sur le garnissage. Il a expliqué qu’il serait approprié de rajuster les données relatives aux ventes au détail pour traiter de la question du moment – le délai entre la fabrication et la vente au détail. Il a déclaré ce qui suit :

[traduction] Le médicament est fabriqué. Il peut rester en stock pendant un certain temps. Puis le fabricant l’envoie aux grossistes. C’est ce que l’on appelle les « ventes de départ chez le fabricant ». Il peut rester chez le grossiste quelque temps avant qu’il soit commandé par le détaillant. Après son arrivée [chez] ce détaillant, il peut alors rester quelque temps sur l’étagère de la pharmacie jusqu’à ce qu’il soit finalement prescrit à un patient. Je pense qu’en l’espèce, la difficulté réside dans le fait que, si on regarde les données sur les ordonnances d’IMS, on doit tenter de comprendre ce qui aurait été vendu ou déplacé plus tôt dans la chaîne de distribution. Il faut effectuer un rajustement au titre du temps.

[94] La perte économique associée à ce délai, selon le Dr Cockburn, se limite à la [traduction] « valeur temporelle de l’argent » ou au « coût de renonciation » fondé sur le fait que ces ventes auraient été réalisées plus tôt dans le monde hypothétique. Le rajustement qui s’impose, en effet, consisterait à accorder à Teva un montant représentant les intérêts sur les sommes en cause.

[95] Le Dr Cockburn a distingué cette question du moment de l’indemnité au titre du garnissage dans le sens indiqué plus haut. Ce dernier cas, proposé par M. Hollis, représente l’accumulation des stocks entre les mains des grossistes qui n’ont pas comptabilisés dans les données relatives aux ventes au détail. Selon l’analyse du Dr Cockburn, si Teva était en mesure de récupérer la quantité de produits qui était en stock, ces produits lui seraient crédités et elle pourrait pénétrer le marché avec des ventes en état d’équilibre, c’est-à-dire que chaque comprimé sortant de l’usine serait comptabilisé comme une vente. Selon le Dr Cockburn avec lequel je suis d’accord, une telle approche surindemniserait Teva puisqu’elle ne correspondrait pas au montant des ventes perdues de Teva dans le monde hypothétique. Comme il l’a expliqué, les produits accumulés dans les entrepôts des grossistes seront ultimement vendus. Comme ces produits seront vendus, il ne peut s’agir de ventes perdues.

[96] Comme je l’ai mentionné, Teva soutient qu’une indemnité au titre du garnissage a été accordée dans d’autres affaires relatives à l’article 8. À mon avis, contrairement à la situation en l’espèce, la question du garnissage soulevée dans ces affaires n’a pas été vigoureusement contestée. Teva renvoie aux décisions Apotex Inc. c Sanofi-Aventis, 2012 CF 553, aux paragraphes 221 à 226, confirmée par l’arrêt 2014 CAF 68; Teva Canada Limitée c Pfizer Canada Inc., 2014 CF 248, aux paragraphes 186 à 190; et Apotex Inc. c Takeda Canada Inc., 2013 CF 1237, aux paragraphes 119 et 120. J’aborderai chacune de ces décisions à tour de rôle.

[97] Dans la décision Apotex c Sanofi, les experts devant la juge Judith Snider ont convenu que le calcul des ventes perdues devait tenir compte dans une certaine mesure du délai qui s’écoule entre la vente aux distributeurs et la vente aux particuliers. Après avoir évalué les méthodes des trois experts, elle a conclu qu’un rajustement simple de deux mois de ventes devrait être ajouté au calcul des pertes d’Apotex. Ce chiffre représentait la différence entre les ventes d’Apotex dans le monde réel par rapport aux données saisies dans les dossiers d’IMS. Il est difficile de savoir si les rajustements effectués par la juge Snider étaient censés comprendre le garnissage ou répondre simplement à la question du moment. Dans le cadre de l’appel de la décision de la juge Snider, la Cour d’appel fédérale n’a pas abordé la question du garnissage.

[98] Le Dr Cockburn a passé en revue la décision de la juge Snider et il n’a pas pu dire si le rajustement qu’elle a accordé s’appliquait au moment ou au garnissage.

[99] Dans la décision Teva c Pfizer, le juge Russell Zinn a souligné la différence entre les données d’IMS indiquant le nombre de ventes effectuées à des clients individuels et la mesure des ventes fondée sur la quantité de produits sortant de l’usine du fabricant, appelée « données à la sortie de l’usine ». Le juge Zinn a conclu que les données d’IMS sous-estiment les ventes réelles et que, par conséquent, les données à la sortie de l’usine devraient être utilisées pour calculer les ventes. Selon lui, l’utilisation des données à la sortie de l’usine élimine le besoin de calculer séparément le garnissage. Aucun calcul d’un montant reflétant précisément la question du garnissage n’a été effectué.

[100] Dans la décision Apotex c Takeda, les parties ont convenu qu’il fallait procéder à un rajustement pour le garnissage parce que les données d’IMS ne permettraient pas de l’englober. Comme l’a décrit le juge Michael Phelan, la question comportait un « retard dans le système de déclaration » et nécessitait qu’une décision soit rendue quant au moment auquel les ventes atteindraient un état d’équilibre dans chaque ressort (au paragraphe 110). Les deux experts devant lui ont proposé des rajustements de 0,9 mois et de 1,5 mois, respectivement. Je ne sais pas trop si ce rajustement représentait un garnissage dans le sens où les parties ont utilisé ce terme en l’espèce.

[101] J’estime que la jurisprudence est quelque peu ambiguë sur la question du garnissage. La question n’a été sérieusement contestée dans aucune de ces affaires, pas plus qu’un montant exact n’a été calculé.

[102] Pendant la période de responsabilité, lorsqu’il existe un écart entre les données sur les ventes au détail et les chiffres sur la quantité de produits sortant des usines du fabricant, cette différence représente les ventes futures du produit qui seront conclues en dehors de la période de responsabilité. S’agit-il de ventes perdues aux fins de l’article 8 du Règlement?

[103] Il est clair que seules les pertes subies pendant la période de responsabilité sont indemnisables aux termes du Règlement. Il s’ensuit qu’à mon sens, lorsqu’un fabricant de produits génériques perd des ventes qui auraient été conclues après la fin de la période de responsabilité, ces pertes ne sont pas indemnisables. Par conséquent, avec égards pour les savants juges de la Cour qui ont peut-être entendu des arguments contraires, je conclus qu’il ne faudrait pas ajouter aux pertes de Teva un chiffre représentant le garnissage.

2) Dépenses de commercialisation

[104] Les dépenses de commercialisation représentent le montant après-vente payé par les fabricants de médicaments génériques à leurs acheteurs, principalement les pharmacies et les autres détaillants. Les dépenses de commercialisation peuvent prendre diverses formes : ristournes, valeurs de reprise, subventions à l’éducation, incitations à l’achat, entre autres. Les fabricants de produits génériques utilisent les dépenses de commercialisation pour encourager le commerce et favoriser la loyauté des personnes qui mettent des produits pharmaceutiques sur leurs étagères. Dans un marché à plusieurs fabricants, les produits génériques sont souvent en concurrence les uns avec les autres en raison du volume des dépenses de commercialisation que les fabricants sont disposés à fournir. Plus les dépenses de commercialisation sont élevées, plus l’incitatif de vendre le produit générique d’un fabricant en particulier est important.

[105] Lilly affirme que, dans le monde hypothétique, les dépenses de commercialisation de Teva pour son produit d’olanzapine générique auraient été de l’ordre de ||||||||||||||||||||||||||||, et que ses pertes devraient être réduites en conséquence. Lilly soutient que les dépenses de commercialisation de Teva devraient être établies au taux moyen pour tous les produits dans le monde réel (||||||||||||) ou même à un taux plus élevé(||||||||||||) en raison des circonstances qui auraient prévalu dans le monde hypothétique.

[106] Je ne suis pas d’accord avec l’argument de Lilly. Je conclus que, pendant la période 2006-2007, les dépenses de commercialisation de Teva pour l’olanzapine générique auraient été inférieures à ce qu’elles auraient été pour ses autres produits. Plus précisément, comme Teva aurait été la seule à offrir des médicaments génériques sur le marché pendant la période pertinente, je conclus que ses dépenses de commercialisation auraient été relativement faibles. Teva affirme qu’elles ne devraient pas être supérieures à 30 %. Je suis du même avis.

[107] L’experte de Lilly, Mme Ann Woods, a déclaré dans son témoignage que le taux de dépenses de commercialisation pour un marché ne comptant qu’un seul fabricant est une fiction. Elle affirme que les détaillants s’attendaient à une remise générale des fabricants, peu importe la molécule qu’on leur demandait de vendre. Selon son expérience, les fabricants n’établissaient pas de taux de dépenses de commercialisation en fonction de la quantité de molécules.

[108] Bien que Mme Woods ait exprimé une opinion réelle, celle-ci ne concorde pas avec les éléments de preuve dont je suis saisi. De plus, elle ne correspond pas aux conclusions tirées dans les autres affaires portant sur les dommages-intérêts prévus à l’article 8 où la Cour a conclu que le taux de dépenses de commercialisation pour un marché comptant un seul fabricant est très bas, beaucoup plus bas que le pourcentage avancé par Teva en l’espèce. À titre d’exemple, le juge Phelan a conclu que le taux de dépenses de commercialisation sur une molécule obtenue auprès d’un fournisseur unique dans une situation où il y avait un risque d’être poursuivi pour contrefaçon était de 8,9 % (Apotex c Takeda, précitée, aux paragraphes 161 et 162). Le juge Zinn a conclu que le taux de dépenses de commercialisation pour la venlafaxine dans un marché comptant un seul fabricant aurait été de 15 % (Pfizer Canada inc. c Teva Canada Limited, précitée, au paragraphe 217).

[109] Les témoins de Teva, de fait ou experts, indiquent que les dépenses de commercialisation pour l’olanzapine dans le monde réel à la fin de 2007 étaient plus élevées qu’elles l’auraient été dans le monde hypothétique. Teva tentait de profiter de sa position de seul fabricant d’olanzapine sur le marché pour mettre de l’avant un autre de ses produits, la venlafaxine, qui était en concurrence le produit d’autres sociétés faisant leur entrée sur le marché des produits génériques à l’époque. Teva affirme qu’elle a gonflé ses dépenses de commercialisation pour l’olanzapine, même s’il s’agissait d’un produit dont elle était la source unique, afin d’obtenir des engagements à long terme des détaillants pour l’olanzapine et la venlafaxine. Il s’agissait d’une circonstance propre à la période de la fin de 2007; selon Teva, elle n’aurait pas existé pendant la période de responsabilité de mars 2006 à juin 2007.

[110] Teva soutient plutôt qu’elle aurait été la seule source de produits génériques sur le marché à offrir l’olanzapine pendant la période de responsabilité. Afin d’établir ses dépenses de commercialisation probables pour l’olanzapine, Teva maintient qu’il faut se tourner vers le taux de dépenses de commercialisation pour la venlafaxine pendant la période où elle était le seul fournisseur de cette molécule – un taux se rapprochant de ||||||||.

[111] Lilly conteste la pertinence des éléments de preuve relatifs aux dépenses de commercialisation pour la venlafaxine. Elle souligne que Teva a vendu la venlafaxine en vertu d’une licence accordée par Wyeth, ce qui signifie qu’elle ne risquait pas d’être poursuivie en contrefaçon (contrairement à la situation à l’égard de l’olanzapine) et qu’elle pouvait avoir l’assurance de l’exclusivité du marché. En outre, l’accord conclu entre Teva et Wyeth limitait Teva aux seules dépenses raisonnables. En d’autres termes, Teva n’était pas libre d’établir des dépenses de commercialisation aussi élevées qu’elle l’aurait souhaité. Enfin, Lilly souligne que Teva partageait ses profits avec Wyeth, ce qui aurait pu inciter Teva à maximiser ses propres profits en réduisant les dépenses de commercialisation. Par conséquent, selon Lilly, ces circonstances auraient amené Teva à établir un faible taux de dépenses de commercialisation pour la venlafaxine, plus faible que pour l’olanzapine.

[112] Plus précisément, comme Teva aurait encouru le risque d’être tenue responsable pour contrefaçon du brevet de Lilly, elle aurait probablement atténué le risque d’être condamnée à des dommages-intérêts (calculés en fonction des profits) en augmentant ses dépenses de commercialisation. En outre, comme Teva aurait probablement fait face à une concurrence imminente de la part d’autres fabricants de produits génériques, Lilly maintient que Teva aurait établi des taux de dépenses de commercialisation élevés pour l’olanzapine, tout comme elle l’a fait lorsque l’on voyait poindre la concurrence sur le marché de la venlafaxine.

[113] Dans un autre ordre d’idées, Lilly soutient que les éléments de preuve relatifs aux dépenses de commercialisation pour la venlafaxine sont inadmissibles ou, au mieux, peu fiables. Ces éléments de preuve se présentent sous la forme d’un rapport préparé par Deloitte, que j’ai analysé plus tôt et qui a été jugé comme constituant une preuve par ouï-dire inadmissible. Il existe toutefois d’autres éléments de preuve documentaire, qui consistent à un résumé des données financières relatives à la venlafaxine, préparé par Mme Tressel, une ancienne directrice financière de Teva (2002 à 2011), qui a également témoigné au sujet de sa connaissance des taux de dépenses de commercialisation pour la venlafaxine, comme en fait foi son résumé. D’autres témoins de Teva, M. Doug Sommerville et M. Barry Fishman, ont également livré des témoignages directs au sujet des taux de dépenses de commercialisation pour la venlafaxine et l’olanzapine.

[114] Mme Tressel a confirmé que le taux de dépenses de commercialisation indiqué dans son résumé (||||||||||||||||||||||) tenait compte des données sous-jacentes saisies dans les dossiers financiers de Teva à l’égard de la venlafaxine, et présentées à Deloitte conformément à l’entente conclue entre Teva et Wyeth. Mme Tressel était chargée de recueillir les données pertinentes. Elle a préparé elle-même le résumé en fonction des rapports antérieurs sur les ventes et des dépenses de commercialisation préparés par les membres de son équipe et a vérifié personnellement l’exactitude de l’information contenue dans ce résumé. Ce résumé a été préparé dans le cours normal des affaires pour les besoins du suivi des dépenses de commercialisation consacrées à la venlafaxine. Je conclus que le résumé satisfait aux critères de l’exception relative aux documents opérationnels applicable à la preuve par ouï-dire, et qu’il est donc admissible comme faisant preuve de son contenu.

[115] Mme Tressel a déclaré que la politique relative aux dépenses de commercialisation pour la venlafaxine avait été établie par M. Sommerville et M. Fishman, qui ont tous deux également témoigné.

[116] M. Sommerville, vice‑président principal et administrateur général de Teva, était responsable de fixer les taux de dépenses de commercialisation en 2006-2007. Dans son témoignage, il a déclaré que, bien que les taux de dépenses de commercialisation variaient selon le produit et le client, les taux applicables aux produits obtenus auprès d’un seul fabricant étaient généralement beaucoup plus faibles (||||||||||||||) que les taux applicables aux produits dans un marché comportant plusieurs fabricants (||||||||||||||), surtout ceux qui sont produits à faible coût. Dans certains cas, les taux de dépenses de commercialisation pour des clients donnés peuvent être relativement élevés afin de convaincre ces clients d’inscrire d’autres produits ou d’obtenir leur loyauté à long terme. Contrairement à l’argument avancé par Lilly, M. Sommerville a déclaré que, lorsque Teva risquait d’être poursuivie pour contrefaçon, elle maintenait ses taux de dépenses de commercialisation peu élevés.

[117] M. Fishman, l’ancien président de Teva Canada, était d’accord. Il a déclaré que les dépenses de commercialisation pour un produit de source unique étaient généralement inférieures à ||||||||. M. Gordon Fahner, d’Apotex, a convenu que les dépenses de commercialisation sur les produits obtenus auprès d’un seul fabricant étaient relativement peu élevées. En effet, il a dit que plus la concurrence est forte, plus les dépenses de commercialisation sont élevées.

[118] Je conclus que les dépenses de commercialisation de Teva pour l’olanzapine dans le monde hypothétique se seraient situées à l’extrémité inférieure de la fourchette, et je suis prêt à retenir le taux proposé par Teva, soit 29,4 %.

[119] Teva aurait été la source unique d’une version générique de l’olanzapine pendant la période de responsabilité. Il n’y avait aucun compétiteur en position d’entrer sur le marché.

[120] Comme je l’ai mentionné, les dépenses de commercialisation consacrées aux produits de source unique sont généralement peu élevées. Je suis convaincu que la venlafaxine, un produit de source unique, de la même catégorie thérapeutique, commercialisée pendant la période pertinente, est un modèle approprié pour calculer les dépenses de commercialisation consacrées à l’olanzapine dans le monde hypothétique. Je retiens l’opinion de M. Errol Soriano qui a calculé le taux de dépenses de commercialisation pour la venlafaxine en se fondant sur le résumé de Mme Tressel, à savoir que ce taux était de 29,4 %. Dans son analyse, il a ajusté ses calculs pour tenir compte d’une somme importante versée à Loblaws pour la venlafaxine ainsi que de la hausse du taux de dépenses de commercialisation au cours des trois mois précédant le moment où Teva a dû affronter la concurrence sur le marché de la venlafaxine.

[121] Je suis d’avis que les ajustements effectués par M. Soriano étaient appropriés. Dans le premier cas, M. Sommerville a expliqué que le versement effectué à Loblaws était attribué à la venlafaxine aux fins comptables, mais qu’il visait en fait à garantir un engagement à long terme de Loblaws dans l’ensemble de la gamme de produits de Teva. Avant ce paiement, les dépenses de commercialisation de Teva pour la venlafaxine distribuée à Loblaws étaient de ||||||||. Dans l’autre cas, M. Sommerville a expliqué que Teva a appris, au cours de l’été 2007 que Ratiopharm lancerait bientôt son propre produit venlafaxine. Par conséquent, Teva a augmenté ses dépenses de commercialisation en août 2007. J’admets que les dépenses de commercialisation de l’olanzapine seraient demeurées faibles tout au long de la période de responsabilité parce qu’aucune concurrence n’était prévue pendant cette période. Je retiens donc les calculs de M. Soriano.

[122] En revanche, les taux réels de dépenses de commercialisation pour l’olanzapine dans le monde réel ne reflètent pas les taux dans le monde hypothétique. Comme M. Somerville l’a expliqué, dans le monde réel, l’olanzapine était utilisée pour tirer parti des engagements pris en faveur du produit de venlafaxine de Teva, une situation qui ne se serait pas produite dans le monde hypothétique.

[123] De plus, je ne suis pas d’avis que la possibilité d’une poursuite en contrefaçon de brevet de la part de Lilly aurait relevé le taux de dépenses de commercialisation de Teva. Je ne peux conclure qu’un fabricant de produits génériques à source unique aurait délibérément relevé son taux de dépenses de commercialisation afin de réduire ses bénéfices dans le but de limiter sa responsabilité éventuelle en dommages-intérêts dans l’éventualité d’une poursuite pour contrefaçon qu’il pourrait perdre.

F. Autres coûts

[124] Certains des facteurs suivants, relativement mineurs, devraient également être pris en compte dans le calcul des pertes de Teva :

  • la fourniture de produits gratuits;

  • les remises de distribution, les remises pour règlement rapide et les frais de distribution;

  • le coût des ventes.

[125] Mme Woods a calculé une réduction pour tenir compte des produits gratuits en fonction des données réelles relatives à l’olanzapine (||||||||||||||). M. Soriano a utilisé un chiffre moyen pour l’ensemble des produits (||||||||||||); j’admets que le calcul de Mme Wood est plus précis et représente mieux la quantité de produits gratuits qui auraient été remis dans le monde hypothétique.

[126] Les experts des parties s’entendent sur les questions relatives aux remises de distribution, aux escomptes et aux dépenses. Je n’ai pas besoin de tirer de conclusions sur ces questions.

[127] En ce qui concerne les autres coûts des ventes, les seuls montants réellement en cause concernent les primes accordées aux employés, les pertes de rendement et les frais de traitement.

[128] M. Sommerville et Mme Tressel ont tous deux déclaré qu’aucune prime n’aurait été versée au personnel des ventes ou aux autres employés si le produit olanzapine de Teva avait été lancé en 2006. Le budget avait déjà été établi et le lancement imprévu d’un nouveau produit n’aurait pas donné lieu à de nouvelles primes. Cependant, M. Sommerville a reconnu qu’en l’absence d’un litige, un budget aurait été établi pour prévoir les primes à accorder aux employés. Je retiens le témoignage de l’expert de Lilly, M. Greg McEvoy, selon lequel le montant approprié est |||||||||||| des ventes brutes supplémentaires.

[129] Lilly s’appuie sur les données relatives à la perte de rendement tirées de la validation des lots de Teva, tandis que Teva soutient que les données provenant de sa production commerciale sont plus précises. Je suis d’accord avec Teva sur ce point et je retiens le calcul de M. Soriano fondé sur les données relatives à la perte de rendement de 2007-2008.

[130] De même, j’accepte l’estimation de M. Soriano sur les frais de traitement des produits vendus. M. Soriano s’est fondé sur les chiffres de 2008 en fonction de la production réelle en 2007.

G. Intérêts

1) Intérêts avant jugement

[131] Teva réclame des intérêts avant jugement à partir du 3 mars 2006, calculés suivant l’article 127 de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario, LRO 1990, c C.43, qui prévoie un taux de 4,5 %. Lilly convient que le taux présumé est de 4,5 %, mais exhorte la Cour à fixer un pourcentage inférieur compte tenu de la baisse des taux d’intérêt au cours des dernières années, en se fondant sur le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 130(1) de la loi ontarienne.

[132] Je suis d’accord avec Lilly pour dire que le taux de 4,5 % demandé par Teva est trop élevé. Je suis d’avis qu’un taux d’intérêt variable au cours de la période pertinente serait plus approprié. Cette approche a été proposée par l’expert de M. Lilly, M. McEvoy, et a été retenue par la Cour dans la décision Apotex Inc c Sanofi-Aventis¸ 2012 CF 553, au paragraphe 298.

2) Intérêts après jugement

[133] Les intérêts après jugement doivent être calculés à compter de la date à laquelle le présent jugement est rendu.

IV. Conclusion et décision

[134] Mes conclusions sont les suivantes :

  1. La période de responsabilité s’étend du 3 mars 2006 au 5 juin 2007.

  2. La taille du marché de l’olanzapine pour cette période aurait été la même que dans le monde réel.

  3. La fraction générique du marché de l’olanzapine aurait été la même que dans le monde réel. Le produit olanzapine de Teva aurait été inscrit à 70 % du prix du médicament de marque sur les divers formulaires, de la manière suivante :

  • Ontario – le 19 mai 2006

  • Colombie-Britannique – le 17 mars 2006

  • Alberta – le 1er mai 2006

  • Saskatchewan – le 1er octobre 2006

  • Manitoba – le 14 septembre 2006

  • Québec – le 11 octobre 2006

  • Nouveau-Brunswick – le 9 juin 2006

  • Nouvelle-Écosse – le 1er juin 2006

  • Île-du-Prince-Édouard – le 16 octobre 2006

  • Terre-Neuve-et-Labrador – le 1er septembre 2006

  1. Teva était en mesure d’approvisionner l’ensemble du marché des médicaments génériques pendant la période de responsabilité et aucun autre fabricant de médicaments génériques n’aurait été présent. Aucune indemnité pour le garnissage ne devrait être incluse dans les ventes perdues.

  2. Le taux de dépenses de commercialisation de Teva pour l’olanzapine aurait été de 29,4 %.

  3. Les autres dépenses comprennent les produits gratuits, les remises de distribution, les remises pour règlement rapide, les frais de distribution et les coûts des ventes, à calculer à la lumière des paragraphes 124 à 130 ci-dessus.

  4. Teva a droit à des intérêts avant jugement selon un taux variable à partir du 3 mars 2006 et à des intérêts après jugement à compter de la date à laquelle le présent jugement est rendu.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1048-07

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. Teva a droit à des dommages-intérêts calculés à la lumière des conclusions de fait énoncées au paragraphe 134 ci-dessus, avec dépens.

  2. Les parties peuvent présenter des observations dans un délai de 10 jours quant à tout caviardage qui pourrait être nécessaire avant la publication d’une version publique de la présente décision.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 13e jour de juillet 2020

Lionbridge


Annexe I

Sommaire des experts

Eli Lilly

Dr Iain M. Cockburn, bachelier en économie (Hons.) Maîtrise en économie Doctorat en économie

Le Dr Cockburn est économiste et professeur de gestion à la Questrom School of Business de l’Université de Boston. Il a également été professeur à la faculté de commerce de l’Université de la Colombie-Britannique ainsi que chercheur invité au département d’économie de l’Université Harvard et dans divers départements du MIT. Il a été corédacteur ou lecteur critique pour plusieurs revues universitaires et a publié divers articles de revues examinés par des pairs. Par le passé, ses services ont été retenus à titre de consultant sur la tarification pharmaceutique et les questions connexes par des organismes gouvernementaux comme le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés ainsi que par des gouvernements internationaux.

M. Ghislain Gauthier, bachelier en commerce (marketing)

M. Gauthier compte plus de 30 ans d’expérience en ventes, en marketing et en communications dans les secteurs pharmaceutiques et de biotechnologie. Il a travaillé pour des sociétés comme Pangaea Consultants, ICN Canada, Allard Pharma Communications et Ortho Pharmaceuticals. Il a entre autres occupé les postes suivants au sein de ces sociétés : représentant des ventes, gestionnaire de produits, gestionnaire de comptes, gestionnaire de la publicité et directeur de la publicité.

M. Greg McEvoy, bachelier en commerce, comptable agréé, expert en évaluation d’entreprises et comptable professionnel agréé

M. McEvoy est comptable depuis plus de 25 ans, spécialisé en juricomptabilité, en quantification des dommages-intérêts et en évaluation d’entreprises. Il a rédigé des rapports comptables sur la quantification des dommages-intérêts et la comptabilité d’enquête, et a mené des enquêtes criminelles pour le secteur privé et les organismes gouvernementaux. Son travail s’est concentré sur la quantification des dommages-intérêts économiques résultant de divers conflits juridiques, y compris les questions de propriété intellectuelle.

Dr Gordon Munro, bachelier en (Hons.) pharmacie, maîtrise en sciences pharmaceutiques, doctorat en chimie, M.R.Pharm.S., C.Chem.MRSC, F.R.Pharm.S., F.R.S.C

Dr Munro est pharmacien et chimiste et est actuellement employé en tant que consultant. Auparavant, il a été responsable du contrôle de la qualité et de l’assurance, de la santé et de la sécurité, ainsi que des questions environnementales au sein de sociétés telles que Watson Pharmaceuticals et Glaxo Wellcome Operations. Il a également travaillé pour la Medicines Control Agency du Royaume-Uni et il a représenté des organismes de réglementation européens auprès de divers comités internationaux. Il a publié plusieurs articles scientifiques et donné des conférences à l’échelle nationale et internationale.

Mme Ann Woods, bachelière en biologie, maîtrise ès arts, analyste financière agréée

Mme Woods est analyste financier agréé et occupe actuellement le poste de directrice du Pangea Group. Avant d’occuper ce poste, elle a travaillé pour Novartis Pharma dans des fonctions impliquant l’aide aux pharmacies, l’intervention en soins de longue durée et des associés de l’industrie; elle a également travaillé chez Sandoz, un fabricant de médicaments génériques. Elle a occupé des postes de directrice en offrant des services de consultation destinés aux pharmacies, aux sociétés privées et aux institutions gouvernementales.

Teva

Mme Jane Costaris, bachelière spécialisée (Hons.) en microbiologie

Mme Costaris possède plus de 20 ans d’expérience dans la réglementation et l’assurance qualité pharmaceutique. Elle est la présidente de Regulatory Solutions Inc, une société d’experts-conseils en matière d’approbation réglementaire et de conformité pharmaceutique. Elle a donné des cours sur les soumissions réglementaires, les règlements et les lignes directrices au Collège Humber. Elle a également occupé des postes qui comprenaient la préparation et le dépôt auprès de Santé Canada de soumissions pour l’approbation de nouveaux médicaments et de soumissions pour des médicaments provinciaux novateurs.

M. Ian Hilley, bachelier en pharmacie (Hons.)

M. Hilley est un pharmacien qui a occupé des postes associés à la réglementation des produits pharmaceutiques. Il a participé à la direction de la planification et de la mise en œuvre de l’accès aux marchés, y compris les dépôts des formulaires provinciaux et les stratégies.

Dr Aidan Hollis, maîtrise en langue anglaise, en économie et doctorat en économie Doctorat en économie

Le Dr Hollis est actuellement professeur d’économie à l’Université de Calgary et ses recherches portent principalement sur les marchés pharmaceutiques. Il était auparavant directeur académique du Centre for Regulatory Affairs du Van Horne Institute et titulaire de la chaire TD MacDonald en économie industrielle au Bureau de la concurrence d’Industrie Canada. Son expertise comprend à la fois l’analyse théorique et empirique des marchés concurrentiels. Il a publié des articles sur les marchés pharmaceutiques dans diverses revues examinées par des pairs.

M. Errol Soriano, comptable professionnel agréé, expert en évaluation d’entreprises et examinateur de fraude certifié

M. Soriano est un expert en évaluation d’entreprises, un comptable professionnel agréé et un examinateur de fraude certifié. Il possède de l’expérience en évaluation d’entreprises et en quantification des pertes financières. Il a écrit des livres, des articles et du matériel pédagogique sur la comptabilité et la perte financière.


Annexe II

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133

Patented Medicines (Notice of Compliance) Regulations, SOR/93-133

8 (1) Si la demande présentée aux termes du paragraphe 6(1) est retirée ou fait l’objet d’un désistement par la première personne ou est rejetée par le tribunal qui en est saisi, ou si l’ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité, rendue aux termes de ce paragraphe, est annulée lors d’un appel, la première personne est responsable envers la seconde personne de toute perte subie au cours de la période :

8 (1) If an application made under subsection 6(1) is withdrawn or discontinued by the first person or is dismissed by the court hearing the application or if an order preventing the Minister from issuing a notice of compliance, made pursuant to that subsection, is reversed on appeal, the first person is liable to the second person for any loss suffered during the period

a) débutant à la date, attestée par le ministre, à laquelle un avis de conformité aurait été délivré en l’absence du présent règlement, sauf si le tribunal conclut :

(a) beginning on the date, as certified by the Minister, on which a notice of compliance would have been issued in the absence of these Regulations, unless the court concludes that

(i) soit que la date attestée est devancée en raison de l’application de la Loi modifiant la Loi sur les brevets et la Loi sur les aliments et drogues (engagement de Jean Chrétien envers l’Afrique), chapitre 23 des Lois du Canada (2004), et qu’en conséquence une date postérieure à celle-ci est plus appropriée,

(i) the certified date was, by the operation of An Act to amend the Patent Act and the Food and Drugs Act (The Jean Chrétien Pledge to Africa), chapter 23 of the Statutes of Canada, 2004, earlier than it would otherwise have been and therefore a date later than the certified date is more appropriate, or

(ii) soit qu’une date autre que la date attestée est plus appropriée;

(ii) a date other than the certified date is more appropriate; and

b) se terminant à la date du retrait, du désistement ou du rejet de la demande ou de l’annulation de l’ordonnance.

(b) ending on the date of the withdrawal, the discontinuance, the dismissal or the reversal.

[…]

(5) Pour déterminer le montant de l’indemnité à accorder, le tribunal tient compte des facteurs qu’il juge pertinents à cette fin, y compris, le cas échéant, la conduite de la première personne ou de la seconde personne qui a contribué à retarder le règlement de la demande visée au paragraphe 6(1).

(5) In assessing the amount of compensation the court shall take into account all matters that it considers relevant to the assessment of the amount, including any conduct of the first or second person which contributed to delay the disposition of the application under subsection 6(1).

Loi sur les tribunaux judiciaires, LRO 1990, c C.43

Ontario Court of Justice Act, RSO 1990, c C43

Taux d’intérêt antérieur et postérieur au jugement

Prejudgment and postjudgment interest rates

Définitions

Definitions

127. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et aux articles 128 et 129

127. (1) In this section and in sections 128 and 129

«taux d’intérêt postérieur au jugement» Le taux d’escompte à la fin du premier jour du dernier mois du trimestre précédant le trimestre au cours duquel se situe la date de l’ordonnance, arrondi au nombre entier supérieur si le taux comprend une fraction, plus 1 pour cent.

“postjudgment interest rate” means the bank rate at the end of the first day of the last month of the quarter preceding the quarter in which the date of the order falls, rounded to the next higher whole number where the bank rate includes a fraction, plus 1 per cent;

[…]

Pouvoir discrétionnaire du tribunal

Discretion of court

130. (1) Le tribunal peut, à l’égard de la totalité ou d’une partie de la somme qui porte intérêt aux termes de l’article 128 ou 129, s’il l’estime juste :

130. (1) The court may, where it considers it just to do so, in respect of the whole or any part of the amount on which interest is payable under section 128 or 129,

a) refuser les intérêts prévus à l’un ou l’autre article;

(a) disallow interest under either section;

b) accorder des intérêts à un taux supérieur ou inférieur à celui qui est prévu à l’un ou l’autre article;

(b) allow interest at a rate higher or lower than that provided in either section;

c) accorder des intérêts pour une période différente de celle qui est prévue à l’un ou l’autre article.

(c) allow interest for a period other than that provided in either section.

Idem

Same

(2) Pour l’application du paragraphe (1), le tribunal tient compte :

(2) For the purpose of subsection (1), the court shall take into account,

a) de la fluctuation des taux d’intérêt du marché;

(a) changes in market interest rates;

b) des circonstances de l’espèce;

(b) the circumstances of the case;

c) du fait qu’un paiement anticipé a été effectué;

(c) the fact that an advance payment was made;

d) des faits relatifs à la divulgation de renseignements médicaux par le demandeur;

(d) the circumstances of medical disclosure by the plaintiff;

e) du montant demandé et du montant recouvré dans le cadre de l’instance;

(e) the amount claimed and the amount recovered in the proceeding;

f) du comportement de l’une ou l’autre partie, qui aurait eu pour effet d’abréger ou de prolonger indûment la durée de l’instance;

(f) the conduct of any party that tended to shorten or to lengthen unnecessarily the duration of the proceeding; and

g) de tout autre facteur pertinent. L.R.O. 1990, chap. C.43, art. 130.

(g) any other relevant consideration. R.S.O. 1990, c. C.43, s. 130.

Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), ch F-7

Federal Courts Act, RSC 1985, c F-7

Intérêt sur les jugements — Fait survenu dans une seule province

Judgment interest — causes of action within province

37 (1) Sauf disposition contraire de toute autre loi fédérale et sous réserve du paragraphe (2), les règles de droit en matière d’intérêt pour les jugements qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s’appliquent à toute instance devant la Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale et dont le fait générateur est survenu dans cette province.

37 (1) Except as otherwise provided in any other Act of Parliament and subject to subsection (2), the laws relating to interest on judgments in causes of action between subject and subject that are in force in a province apply to judgments of the Federal Court of Appeal or the Federal Court in respect of any cause of action arising in that province.

Intérêt sur les jugements — Fait non survenu dans une seule province

Judgment interest — causes of action outside or in more than one province

(2) Dans le cas où le fait générateur n’est pas survenu dans une province ou dans celui où les faits générateurs sont survenus dans plusieurs provinces, le jugement porte intérêt, à compter de son prononcé, au taux que la Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale, selon le cas, estime raisonnable dans les circonstances.

(2) A judgment of the Federal Court of Appeal or the Federal Court in respect of a cause of action arising outside a province or in respect of causes of action arising in more than one province bears interest at the rate that court considers reasonable in the circumstances, calculated from the time of the giving of the judgment.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1048-07

 

INTITULÉ :

ELI LILLY CANADA INC., ELI LILLY AND COMPANY, ELI LILLY AND COMPANY LIMITED ET ELI LILLY SA c TEVA CANADA LIMITED

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

2 au 5 mai 2016; 9 au12 mai 2016; 16 au 20 mai 2016 et 24 au 27 mai 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS CONFIDENTIELS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

 

Le 30 janvier 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS MODIFIÉS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 4 avril 2017

COMPARUTIONS :

Anthony G. Creber

Marc Richard

Livia Aumand

Frédéric Lussier

 

Pour les demanderesses

 

Jonathan Stainsby

David Aitken

Bryan Norrie

Abbas Kassam

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour les demanderesses

 

Aitken Klee LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour la défenderesse

 

 

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