Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20170426


Dossier : T-1073-15

Référence : 2017 CF 407

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 avril 2017

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

SAM TWINN ET ISAAC TWINN

demandeurs

et

PREMIÈRE NATION SAWRIDGE, PREMIÈRE NATION SAWRIDGE, AUPARAVANT CONNUE SOUS LE NOM DE BANDE INDIENNE DE SAWRIDGE, ROLAND TWINN, AGISSANT EN SON NOM ET EN SA QUALITÉ DE CHEF DE LA PREMIÈRE NATION SAWRIDGE ET SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I. INTRODUCTION

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7 (la Loi), de décisions connexes rendues par le directeur général des élections (DGE), rendues aux alentours du 17 février 2015 (les décisions) concernant l’élection de générale de 2015 (l’élection) de la Première Nation Sawridge (PNS).

II. RÉSUMÉ DES FAITS

[2] Le 4 décembre 2014, avant l’élection, le DGE a envoyé une trousse d’envoi par la poste aux électeurs de la PNS qui contenait ceci : une lettre de présentation, un avis d’élection, un avis de la date des mises en candidature, une sous-liste des électeurs résidents et une sous-liste des électeurs non-résidents. La lettre de présentation conseillait aux destinataires de se reporter à l’article 18 de la Sawridge First Nation Elections Act, Consolidated with Elections Act Amendment Act (la Loi sur les élections) pour connaître les dispositions qui régissaient le processus pour soumettre des changements aux sous-listes et les échéanciers correspondants.

[3] Le DGE a reçu quatre demandes pour corriger les sous-listes et a communiqué un avis des modifications aux électeurs de la PNS le 23 décembre 2014. L’avis indiquait également que la date limite pour présenter une déclaration solennelle afin de savoir pourquoi les modifications ne devraient pas être apportées était 11 jours avant la réunion sur les mises en candidature du 13 janvier 2015.

[4] Le 13 janvier 2015, Sam et Roland Twinn ont été mis en candidature pour le poste de chef.

[5] L’élection s’est tenue le 17 février 2015, entre 10 h et 18 h. Après la fermeture du scrutin, le DGE a ouvert publiquement les 15 bulletins de vote postaux scellés, dont ceux de Walter Felix Twinn (Walter) et de Deana Morton.

[6] Le bulletin de vote de Walter ne portait pas les initiales du DGE, ce qui est une exigence de validité aux termes de la Loi sur les élections. Ron Rault (le scrutateur), le scrutateur pour Sam Twinn, Tracey Poitras-Collins et Elizabeth Poitras, a suggéré d’accepter le vote de Walter, ou que Walter soit autorisé à voter en personne, puisqu’il était présent au scrutin; cependant, le DGE a rejeté les deux suggestions et a décidé que le vote de Walter ainsi que deux autres votes étaient invalides.

[7] Le vote de Deana ne comportait pas l’adresse d’un témoin, mais a été accepté par le DGE.

[8] Roland a été déclaré le gagnant de l’élection au poste de chef par l’écart d’un vote. D’après l’article 72 de la Loi sur les élections, une égalité est requise pour tenir un scrutin de ballottage.

[9] Les demandeurs ont alors entrepris d’en appeler de l’élection. Le 2 mars 2015, ils ont déposé un avis d’appel auprès du DGE, qui a été rejeté le 6 mars 2015. Les demandeurs ont alors interjeté appel auprès de la Commission des anciens, qui n’a pas répondu dans les délais requis. En conséquence, les demandeurs ont interjeté appel devant l’assemblée générale spéciale (AGS) de la PNS le 13 avril 2015. Les quatre motifs de tous les appels étaient les suivants : le rejet inadéquat de bulletins de vote, le non-respect des règles de l’élection, l’incohérence des décisions administratives qui ont eu une incidence sur le vote populaire, et le non-respect des règles concernant la création et la communication des listes des électeurs.

[10] Le 30 mai 2015, l’AGS a rejeté l’appel des demandeurs. Les demandeurs ont alors déposé la présente demande de contrôle judiciaire.

III. DÉCISIONS FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[11] Selon les demandeurs, trois décisions connexes constituent l’objet du présent contrôle judiciaire :

1) Le rejet du vote de Walter

[12] D’après le scrutateur, le DGE a annulé le bulletin de vote de Walter au moment d’ouvrir le vote postal de Walter, car il avait été coupé et que les initiales du DGE avaient été retirées. Le DGE a ultérieurement décidé que le vote de Walter était invalide, écartant la suggestion du scrutateur d’autoriser Walter à effectuer un nouveau vote en personne au lieu d’en remettre à son bulletin de vote détérioré.

2) La conduite de l’élection

[13] Les trousses d’envoi par la poste étaient datées du 3 décembre 2014 et ont été envoyées par la poste le 4 décembre 2014. L’élection a eu lieu le 17 février 2015.

[14] Deux des trousses d’envoi par la poste, adressées à Patrick Twinn et à Georgina Ward, n’ont pas été livrées et elles ont été retournées.

[15] Après que des corrections avaient été apportées, le DGE a envoyé des listes d’électeurs révisées. La date limite pour corriger la nouvelle liste était le 2 janvier 2015. Cependant, Sam Twinn n’a reçu l’avis que le 6 janvier 2015.

[16] Le 12 janvier 2015, le DGE affirmait, dans un courriel envoyé à Catherine Twinn, la greffière des membres, que les questions générales relatives à l’appartenance étaient traitées par les membres plutôt que par le DGE. Cette réponse se rapportait à la question de Catherine de savoir si le DGE avait le pouvoir d’ajouter les noms des personnes qui bénéficiaient du droit de faire partie des membres de la liste des électeurs, y compris ceux dont les demandes remplies avaient été en suspens pendant un délai déraisonnable.

3) Processus d’obtention du statut de membre de la PNS

[17] Dans la trousse d’envoi postal du 4 décembre 2014, Roy Twinn, le fils de Roland Twinn, était inscrit dans la sous-liste des non-résidents. Aucun document n’indique à quel moment Roy est devenu membre, mais Roy ne figurait pas sur la liste des électeurs pour l’élection de 2011. D’autres personnes ont présenté des demandes en vue d’obtenir le statut de membre et attendent toujours une décision.

IV. QUESTIONS EN LITIGE

[18] Les demandeurs font valoir que les questions suivantes sont en litige :

  1. Le DGE a-t-il commis une erreur de droit, y compris en ce qui concerne la compétence, à la fois dans sa décision initiale et dans sa décision en appel de rejeter un bulletin de vote, découlant de la mauvaise interprétation et de la mauvaise application des dispositions réglementaires, le tout exacerbé par des manquements aux règles de justice naturelle et d’équité procédurale?

  2. Les défendeurs ont-ils manqué à leur obligation fiduciaire d’établir et de confirmer qu’une liste adéquate et complète des électeurs a été préparée, au mépris des exigences constitutionnelles, réglementaires et autres exigences juridiques, le tout exacerbé par des pratiques frauduleuses, commettant ainsi des erreurs en ce qui concerne la compétence?

  3. Le DGE a-t-il commis une erreur de droit, y compris en ce qui concerne la compétence, en omettant ou en refusant de mener une enquête adéquate sur la composition de la liste des électeurs, le tout exacerbé par l’iniquité procédurale et le mépris des règles de justice naturelle?

[19] Les défendeurs font valoir que les questions suivantes sont en litige :

  1. Les renseignements et documents dans l’affidavit de Sam, mentionnés dans les arguments des défendeurs, sont-ils tous non pertinents et inadmissibles dans un contrôle judiciaire des décisions du DGE?

  2. Le DGE a-t-il raisonnablement et, effectivement à juste titre, rejeté et omis de compter le bulletin de vote postal de Walter, car il ne portait pas [traduction] « la marque distinctive du président d’élection au verso » comme le dispose l’alinéa 69(1)b) de la Loi sur les élections?

  3. La décision du DGE de ne pas remettre à Walter un nouveau bulletin de vote en personne après qu’il avait déjà voté au moyen d’un bulletin de vote postal et après la fermeture du scrutin n’était-elle ni injuste, ni discriminatoire, ni antidémocratique, mais constituait-elle plutôt une interprétation et une application raisonnables et, effectivement correctes, de la Loi sur les élections?

  4. La décision du DGE de rejeter la constatation du 2 mars 2015 des demandeurs à l’égard des sous-listes d’électeurs pour non-conformité aux procédures réglementaires et délais de prescription constituait-elle une interprétation et une application raisonnables et, effectivement correctes, de la Loi sur les élections?

  5. Le contrôle judiciaire en l’espèce est-il assujetti à la politique publique?

V. NORME DE CONTRÔLE

[20] Par l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. Lorsque la jurisprudence est constante quant à la norme de contrôle applicable à une question en litige devant la Cour, la cour de révision peut l’adopter. C’est uniquement lorsque cette démarche se révèle infructueuse ou que la jurisprudence semble incompatible avec l’évolution récente des principes de common law en matière de contrôle judiciaire que la cour de révision doit soupeser les quatre facteurs de l’analyse de la norme de contrôle (Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48).

[21] Même si les demandeurs soulèvent un large éventail de questions dans la demande en l’espèce, la Cour a conclu qu’elle est seulement en mesure d’examiner une série de décisions connexes (plus précisément le rejet du vote de Walter), rendues par le DGE dans le cadre de l’élection de 2015 et l’appel de ces décisions auprès du DGE. Cela donne essentiellement lieu aux questions relatives à l’équité procédurale ainsi qu’à l’interprétation et à l’application par le DGE des dispositions applicables de la Loi sur les élections.

[22] Il a été jugé que les questions d’équité procédurale, notamment celles qui concernent les mesures prises par des comités d’élections sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte : Beardy c Beardy, 2016 CF 383, au paragraphe 45 [Beardy].

[23] La norme de contrôle applicable aux questions relatives à l’interprétation et à l’application des lois par le DGE est la norme de la décision raisonnable : Mercredi c Première Nation crie Mikisew, 2015 CF 1374, au paragraphe 17.

[24] Le contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable se fonde sur une analyse qui s’attache à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, l’intervention de la Cour se justifie seulement si une décision est déraisonnable, c’est-à-dire si elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[25] Les dispositions suivantes de la Constitution of the Sawridge First Nation (la Constitution) sont pertinentes dans le cadre de la présente instance :

[traduction]

Article 1 : Interprétation

1.(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente Constitution.

« loi de la Première Nation » loi de la Première Nation adoptée conformément à la présente Constitution;

[...]

« membre » tout membre de la Première Nation conformément au Code d’appartenance à la Première Nation;

[...]

« règles d’appartenance » les règles adoptées par la bande de Sawridge pour régir son système d’appartenance avant l’établissement de la présente Constitution;

[...]

Article 3 : Appartenance

Code d’appartenance

3.(3) Jusqu’à sa modification conformément à la présente Constitution, l’appartenance à la Première Nation relèvera des règles d’appartenance qui étaient en vigueur immédiatement avant le jour de l’entrée en vigueur de la présente Constitution, y compris toute modification requise par la Constitution. Les règles d’appartenance seront par la suite désignées comme « le Code d’appartenance ».

[...]

Article 4 : Organes directeurs

Le mode d’élection

4.(2) Le chef, les conseillers et les commissaires des anciens sont élus dans le cadre d’une élection de la Première Nation par une pluralité de votes par les électeurs en application des dispositions de la présente Constitution conformément à l’ensemble des procédures d’élection établies dans les lois ou codes de la Première Nation.

[...]

Article 9 : Nomination d’un président d’élection

9.(1) Le conseil, en consultation avec la Commission des anciens, nommera un président d’élection au plus tard quatre-vingts jours avant la date de tenue de l’élection.

[...]

Article 10 : Le déclenchement des élections

Élections générales

10.(3) Le conseil déclenchera une élection générale de la Première Nation pour les postes de chef et de conseillers, la Commission des anciens ainsi que les membres d’un comité de vérification et de rémunération qui devra se tenir au plus tard quatre années après la date à laquelle la dernière élection générale a été tenue.

[...]

Article 11 : Appel du résultat de l’élection

11.(1) Dans les quatorze jours suivant une élection, tout candidat ou tout électeur peut déposer un appel écrit auprès du président d’élection si le candidat ou l’électeur a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu, selon le cas :

a) des manœuvres frauduleuses à l’égard de cette élection;

b) une violation de la présente Constitution, ou de toute loi de la Première Nation qui pourrait avoir eu une incidence sur le résultat de l’élection.

(2) Le président d’élection doit rendre une décision à l’égard de tout appel dans les sept jours suivant sa réception.

(3) Si un candidat à l’élection ou un électeur n’est pas satisfait de la décision du président d’élection à l’égard de l’appel, alors cette personne peut, dans les 28 jours suivant la décision du président d’élection, interjeter appel de celle-ci auprès de la Commission des anciens (si l’élection portait sur le conseil ou une autre fonction) ou du conseil (si l’élection portait sur la Commission des anciens) par écrit. La Commission des anciens ou le conseil, selon le cas, est désigné comme « le tribunal d’appel » et doit rendre une décision à l’égard de tout appel dans les sept jours suivant sa réception.

(4) Si un candidat à l’élection ou un électeur n’est pas satisfait de la résolution du tribunal d’appel de quelque appel que ce soit dont il est saisi en application du paragraphe (3), cette personne peut alors, dans les quatorze jours après le dépôt de l’appel, interjeter appel auprès de l’assemblée générale spéciale ou régulière, qui peut être convoquée à cette fin dans les trente jours à compter de la date de réception de l’appel.

Envoi de documents au président d’élection

(5) Dès le dépôt d’un appel, l’appelant enverra une copie de l’appel avec tous les documents à l’appui au président d’élection et à chaque candidat.

Réponses écrites requises

(6) Un candidat peut, et le président d’élection doit, dans les quatorze jours suivant la réception d’une copie d’un appel en application du paragraphe (4), transmettre au tribunal d’appel, par courrier recommandé, une réponse écrite aux renseignements énoncés dans l’appel, ainsi que tous les documents à l’appui s’y rapportant, dûment certifié par affidavit.

Le dossier

(7) Tous les renseignements et documents produits conformément au présent article constituent le dossier.

Redressement

(8) Le président d’élection, le tribunal d’appel ou l’assemblée générale peut accorder tout redressement qu’il juge indiqué, lorsqu’il semble qu’il y a eu, selon le cas :

a) une pratique frauduleuse liée à l’élection qui pourrait avoir eu une incidence sur le résultat de l’élection;

b) une violation de la présente Constitution, ou de toute loi de la Première Nation qui pourrait avoir eu une incidence sur le résultat de l’élection.

[...]

Article 21 : Modification de la Constitution

Entrée en vigueur d’une modification

21.(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (4), une modification de la Constitution entre en vigueur à la date où elle est approuvée par soixante-quinze pour cent (75 %) des votes dans le cadre d’un référendum tenu dans le but de modifier la Constitution, à la condition que le taux de participation au référendum soit d’au moins soixante-quinze pour cent (75 %) des électeurs, ou à toute autre date ultérieure établie dans la modification.

[26] Les dispositions suivantes de la Loi sur les élections, dans sa version en vigueur en date du 26 octobre 2013, sont pertinentes dans la présente instance :

Définitions

2. (2) Les termes ci-après ont les définitions suivantes :

« candidat » un candidat à l’élection;

« président d’élection adjoint » une personne nommée à ce poste en application de la présente Loi;

« élection » une élection générale pour différentes fonctions, tel qu’elles sont prévues dans la Constitution ou toute loi de la Première Nation, ou une élection complémentaire pour une ou plusieurs de ces fonctions;

« jour du scrutin » le jour fixé pour la tenue d’une élection par le conseil;

« liste des électeurs » la liste des électeurs préparée en application de la présente Loi, dans sa version modifiée de temps à autre;

« en règle » en ce qui concerne les dettes dues à la Première Nation, s’entend au sens qu’aucun paiement n’est dû à la Première Nation ou à une société de la Première Nation, au sens du règlement, conformément à l’accord aux termes duquel la dette a été contractée, plus de 90 jours en retard à la date à laquelle un certificat de solvabilité est délivré aux fins d’admissibilité à la mise à candidature. Lorsqu’aucune modalité de paiement n’est précisée dans un prêt, le prêt est exigible sur demande. Un paiement à l’égard d’un prêt à vue n’est exigible que lorsqu’il est exigé.

« greffier des membres » la personne nommée par le conseil pour tenir le registre des membres en application de la Constitution;

« résidence principale » le lieu qui, au moment de la décision en ce qui concerne une personne, a été, pendant une période d’au moins six mois, le lieu principal de sa résidence réelle, fixe et permanente et son lieu d’habitation où, lorsqu’elle s’en absente, excluant les absences pour des vacances normales, des affectations de travail temporaires, des études ou une formation, toujours sans l’intention d’établir un domicile à un autre endroit, elle a l’intention de retourner;

« scrutateur » personne nommée par un candidat pour agir aux termes de la Loi pour observer le processus d’élection et attirer l’attention du président d’élection sur toute erreur, violation de la présente Loi et de ses règlements, ou toute autre affaire qui pourrait avoir une incidence inéquitable ou injuste sur la conduite de l’élection;

« entité de Sawridge » tout ministère, organisme ou unité du gouvernement de Sawridge.

[...]

Préparation de la liste des électeurs

16. (1) Dans les sept jours suivant la convocation d’une élection par le conseil en application de la présente Constitution, le greffier des membres doit fournir au président d’élection nommé par le conseil en application de la Constitution une liste alphabétique de tous les électeurs, comprenant la date de naissance et la dernière adresse connue de chaque électeur. La liste prendra deux formes :

(i) la première, la liste principale, contenant le nom, la date de naissance et l’adresse de chaque électeur;

(ii) la seconde, la liste publique, contenant uniquement les noms des électeurs.

Création et publication des listes des électeurs résidents et non-résidents

(1) Au moyen de la liste publique, le président d’élection doit créer une sous-liste des électeurs résidents et une sous-liste des électeurs non-résidents. Au moins 70 jours avant le jour des élections, le président d’élection doit publier les sous-listes dans tous les bureaux principaux. Le nom de chaque électeur doit figurer sur l’une ou l’autre de la sous-liste des électeurs résidents ou de la sous-liste des électeurs non-résidents, mais aucun nom ne doit figurer sur les deux sous-listes. Ces sous-listes ne doivent pas comprendre les adresses ou dates de naissance.

(2) À la demande de toute personne, le président d’élection doit confirmer si le nom de la personne figure sur la liste publique et, le cas échéant, dans quelle sous-liste il est inscrit.

(3) Un électeur a le droit de confirmer auprès du président d’élection les renseignements concernant l’électeur qui figurent sur la liste principale.

Correction des sous-listes

(2) Si un électeur souhaite présenter un motif pour lequel la modification ne devrait pas être apportée, il peut, en tout temps avant les 11 jours avant la date fixée pour l’assemblée de mise en candidature, présenter au président d’élection une déclaration réglementaire contenant des éléments de preuve; le président d’élection examinera alors ces éléments de preuve et rendra une décision quant à la liste où le nom de l’électeur sera inscrit et en informera tous les électeurs.

[...]

Appel de la décision du président d’élection

18.2 Si un électeur souhaite interjeter appel de la décision du président d’élection, l’affaire doit être renvoyée à la Commission des anciens au moins quatre jours avant la date fixée pour l’assemblée de mise en candidature, qui décidera si elle souhaite entendre l’appel et, dans la négative, la décision du président d’élection est définitive. Si la Commission des anciens décide d’entendre l’appel, elle doit entendre la preuve des électeurs qui ont produit des déclarations solennelles, l’électeur en question et le président d’élection quant aux motifs de sa décision et, après quoi, elle doit décider dans quelle liste le nom de l’électeur en question sera inscrit. La décision de la Commission des anciens doit être fournie au président d’élection avant la date fixée pour l’assemblée de mise en candidature.

18.3 Après le début de l’assemblée de mise en candidature, les noms qui figurent dans la liste des électeurs ne peuvent pas être modifiés et les noms qui figurent dans une sous-liste ne peuvent pas être supprimés de cette sous-liste et être inscrits dans l’autre sous-liste.

Aucun retard dans l’assemblée de mise en candidature ou l’élection

19. Malgré tout autre article de la présente Loi, aucune question en ce qui concerne les noms inscrits dans la liste des électeurs ou dans une sous-liste ne doit entraîner un retard dans la date fixée pour l’assemblée de mise en candidature ou de l’élection, ou pour la tenue de l’assemblée de mise en candidature ou de l’élection.

Correction des listes des électeurs

20. (1) Le président d’élection doit réviser les listes des électeurs lorsqu’il est démontré à sa satisfaction avant le début de l’assemblée de mise en candidature, le cas échéant que :

a) le nom d’un électeur a été omis de la liste des électeurs;

b) le nom ou la date de naissance d’un électeur est inscrit incorrectement dans la liste des électeurs;

c) le nom d’une personne qui n’a pas le droit de voter dans la liste des électeurs.

(2) Pour toute modification apportée, le président d’élection doit fournir un avis écrit de la correction à toute personne visée et à toute personne ayant fourni l’information qui a mené à la correction.

[...]

Demande de nouvel examen de la décision du président d’élection

21. (1) Si un électeur qui a demandé au président d’élection d’apporter une correction à la liste des électeurs ou tout électeur qui est touché par une décision du président d’élection de corriger la liste des électeurs n’est pas satisfait de la décision du président d’élection, l’électeur peut en tout temps avant la fermeture du scrutin demander au président d’élection de réexaminer sa décision pour un ou plusieurs des motifs suivants, et seulement pour ces motifs, à savoir :

a) la personne a le droit de figurer dans la liste des électeurs;

b) le nom de la personne figure dans le registre des membres et elle sera âgée de 18 ans ou plus le jour des élections;

c) le nom de la personne a été omis par erreur de la liste des électeurs;

d) la personne n’a pas perdu son droit de figurer dans la liste des électeurs;

f) [sic] la personne n’a pas le droit de figurer dans la liste des électeurs.

Responsabilité de chaque électeur de tenir son adresse à jour

23. Chaque électeur a la responsabilité :

(1) de tenir informé le greffier des membres de son adresse actuelle et de l’aviser de tout changement d’adresse;

(2) de vérifier que son adresse est indiquée correctement dans la liste des électeurs et d’informer le président d’élection de toute correction à apporter;

(3) de fournir au greffier des membres une déclaration concernant sa résidence principale dans les 120 jours de la promulgation de la présente disposition ou dans les 120 jours après être devenu un électeur, puis dans les 60 jours suivant tout changement de résidence principale.

[...]

Bureaux de vote

47. (6) Les bureaux de vote seront ouverts à compter de 10 h, heure locale, et le demeureront jusqu’à 18 h, heure locale, le jour des élections, sauf si le règlement établit des variations dans ces heures.

[...]

Bulletins de vote annulés

61. (1) Si un électeur commet une erreur dans un bulletin de vote ou détériore par inadvertance son bulletin de vote avant de le déposer dans l’urne, l’électeur a alors droit à un autre bulletin de vote qui doit être délivré par le président d’élection au retour du bulletin de vote détérioré au président d’élection.

(2) Le président d’élection doit inscrire le mot « annulé » sur le bulletin détérioré et, sans l’examiner, l’entreposer séparément.

(3) Un électeur qui reçoit un bulletin de vote détérioré ou mal imprimé a droit, au moment de le retourner au président d’élection, à un autre bulletin de vote. Le président d’élection doit inscrire le mot « annulé » sur le bulletin de vote détérioré et l’entreposer séparément.

PARTIE VI

DÉPOUILLEMENT DU SCRUTIN

66. Dès que possible après la fermeture du scrutin, le président d’élection doit, en présence du président d’élection adjoint et de tous les électeurs qui sont présents, ouvrir chaque enveloppe extérieure contenant un bulletin de vote postal qui a été reçu avant la fermeture du scrutin et, sans déplier le bulletin de vote :

a) annuler le bulletin de vote si :

(i) il n’était pas accompagné d’un formulaire de déclaration de l’électeur ou le formulaire de déclaration de l’électeur n’était pas signé ou attesté;

(ii) le nom de l’électeur inscrit dans le formulaire de déclaration de l’électeur ne figure pas sur la liste des électeurs;

(iii) la liste des électeurs indique que l’électeur a déjà voté ou, si le bulletin de vote n’est pas annulé;

b) ouvrir l’enveloppe intérieure et, sans le déplier, déposer le bulletin de vote dans l’urne et cocher dans la liste des électeurs le nom de l’électeur indiqué dans le formulaire de déclaration de l’électeur, et déposer le bulletin de vote dans une urne.

Fonctions de dépouillement du président d’élection

69. (1) Dès que possible après le dépôt des bulletins de vote postaux en application de l’alinéa 66b), le président d’élection doit, en présence du président d’élection adjoint, de tous les électeurs et de toutes les autres personnes autorisées par la présente Loi ou ses règlements, ouvrir toutes les urnes et examiner chaque bulletin de vote et rejeter les bulletins de vote qui :

a) n’ont pas été délivrés, envoyés par la poste ou remis en main propre par le président d’élection;

b) ne portent pas la marque distinctive du président d’élection au verso;

c) sont marqués « détérioré », « annulé » ou « refusé »;

d) contiennent une marque qui identifie ou peut identifier un électeur.

[27] Les dispositions suivantes de la Loi sur les élections de la Première Nation de Sawridge, dans sa version en vigueur en date du 9 janvier 2010, sont pertinentes en l’espèce :

[traduction]

Demande de corriger les listes des électeurs

19. Toute personne dont le nom ne figure pas sur la liste des électeurs et qui croit avoir le droit de figurer sur la liste des électeurs, ou dont le nom figure sur la liste des électeurs, mais qui croit que son nom figure sur la mauvaise sous-liste, peut demander au président d’élection de corriger l’une ou l’autre ou les deux listes en fournissant au président d’élection :

a) une confirmation écrite du greffier des membres que la personne est un membre, et qu’elle est ou sera âgée de 18 ans ou plus au jour des élections, lorsque le nom de la personne ne figure pas sur la liste des électeurs;

b) une déclaration solennelle du droit de figurer sur la liste des électeurs et établissant son admissibilité à figurer sur l’une ou l’autre des sous-listes.

Correction des listes des électeurs

20. (1) Le président d’élection doit réviser les listes des électeurs où il est démontré à sa satisfaction que, selon le cas :

a) le nom d’un électeur a été omis de la liste des électeurs;

b) le nom ou la date de naissance d’un électeur est inscrit incorrectement dans la liste des électeurs;

c) le nom d’une personne qui n’a pas le droit de voter figure sur la liste des électeurs;

d) le nom d’un électeur a été inclus dans la sous-liste des électeurs résidents ou la sous-liste des électeurs non-résidents, alors qu’il aurait dû être inclus dans l’autre sous-liste.

(2) Pour toute modification apportée, le président d’élection doit fournir un avis écrit de la correction à toute personne visée et à toute personne ayant fourni l’information qui a mené à la correction.

(3) Le président d’élection peut poser à la Commission des anciens toute question à l’égard d’un litige à savoir s’il convient d’apporter une correction aux listes des électeurs, d’y faire un ajout ou d’y soustraire un élément, et doit tenir compte du conseil, de l’opinion ou de la recommandation de la Commission des anciens avant de rendre une décision.

[28] Les dispositions suivantes des règles d’appartenance de Sawridge sont applicables en l’espèce :

[traduction]

3. Chacune des personnes suivantes a droit à ce que son nom soit inscrit dans la liste de la bande : [ADOPTÉE LE 4 JUILLET 1985]

a) Toute personne qui, pour l’établissement des présentes règles, a droit, en application du paragraphe 11(1) de la Loi, que son nom soit inscrit dans la liste de la bande qui doit être tenue par le Ministère et qui, en tout temps après l’entrée en vigueur des présentes règles, selon le cas :

(i) réside légalement sur la réserve;

(ii) a demandé d’appartenir à la bande et, de l’avis du conseil de bande, manifeste un engagement réel envers l’histoire, les coutumes, les traditions, la culture et la vie communautaire de la bande, et en a une connaissance approfondie, et présente un caractère et un mode de vie qui feraient que son admission parmi les membres de la bande ne serait pas préjudiciable au bien-être et au progrès de la bande;

b) un enfant naturel dont les parents ont tous deux leurs noms qui figurent dans la liste de la bande;

c) avec le consentement du conseil de bande, toute personne qui :

(i) a demandé d’appartenir à la bande;

(ii) a le droit d’être inscrit au registre des Indiens conformément à la Loi;

(iii) est le conjoint d’un membre de la bande;

iv) n’est pas membre d’une autre bande;

d) avec le consentement du conseil de bande, toute personne qui :

(i) a demandé d’appartenir à la bande;

(ii) est née après la date d’entrée en vigueur des présentes règles;

(iii) est l’enfant naturel d’un membre de la bande;

e) tout membre d’une autre bande qui, avec le consentement des conseils des deux bandes, est admis parmi les membres de la bande et qui cesse alors d’être membre de l’autre bande.

[...]

15. Nul n’a droit à l’inclusion de son nom dans la liste de la bande, sous réserve de l’article 3 des présentes règles [ADOPTÉE LE 5 JUILLET 1985] et, il est entendu que nul n’a droit à l’inclusion de son nom dans la liste de la bande à moins que cette personne, à un moment quelconque après le 4 juillet 1985, ait eu un droit à l’inclusion de son nom dans la liste de la bande en application des présentes règles. [ADOPTÉE LE 24 JUIN 1987]

16. Dans l’éventualité où un tribunal compétent jugerait l’une des dispositions des présentes règles qui précèdent invalide, en tout ou en partie, au motif qu’elle ne relève pas du pouvoir de la bande d’exclure une ou des personnes données de l’appartenance à la bande, les présentes règles doivent être interprétées et auront effet comme si elles contenaient une disposition particulière confèrent à une telle personne un droit à l’inclusion de son nom dans la liste de la bande; il est toutefois entendu qu’aucune autre personne n’aura un droit à l’inclusion de son nom dans la liste de la bande aux termes des dispositions du présent article et, notamment, aucune personne visée au paragraphe 11(2) de la Loi n’aura droit à l’appartenance à la bande autrement qu’aux termes de l’article 3 des présentes règles. [ADOPTÉE LE 24 JUIN 1987]

17. Dans l’éventualité où un tribunal compétent jugerait invalide toute disposition ou toute partie d’une disposition des présentes règles, ou déciderait qu’elle n’a pas force obligatoire, les présentes règles doivent être interprétées et appliquées comme si une telle disposition ou partie de celle-ci ne s’appliquait pas aux circonstances ou dans les circonstances donnant lieu à une telle invalidité et l’effet des dispositions restantes, ou parties de celles‑ci, des présentes règles n’en sera pas par conséquent touché. [ADOPTÉE LE 24 JUIN 1987]

VII. THÈSES DES PARTIES

A. Demandeurs

1) Le rejet du vote de Walter

a) La jurisprudence applicable

[29] Les demandeurs font valoir que le DGE a commis une erreur de droit, à la fois dans sa décision initiale et dans sa décision en appel, en rejetant le bulletin de vote de Walter découlant de sa mauvaise interprétation et mauvaise application des dispositions réglementaires pertinentes, une erreur qui a été exacerbée par un manquement aux règles de justice naturelle et d’équité procédurale.

[30] Notre Cour a compétence pour entendre les appels de tout office fédéral aux termes de l’article 18.1 de la Loi. La PNS satisfait à cette définition, car il s’agit d’une bande reconnue en vertu d’une loi fédérale et elle tient des élections en vertu de la Loi sur les élections de la PNS. Dans la décision Conseil Coutumier de la Première Nation Anishinabe de Roseau River c Première Nation Anishinabe de Roseau River, 2009 CF 655, au paragraphe 27, le juge Phelan a tranché que la Cour a compétence sur les conseils de bandes indiennes, et ce, peu importe qu’un conseil ait été élu conformément à la coutume ou conformément à la Loi sur les Indiens, LRC (1985), c I-5 [Loi sur les Indiens].

[31] Les demandeurs soutiennent que la Cour devrait procéder au contrôle du rejet du vote de Walter selon la norme de la décision correcte, car il fait partie d’un processus électoral de la bande et que la coutume ne peut pas faire abstraction des principes de justice naturelle et d’équité procédurale ou les éclipser : Beardy, précitée, aux paragraphes 44, 45 et 126. Le droit de vote est au cœur de tout processus démocratique; en conséquence, les irrégularités qui ont une incidence sur le résultat de l’élection minent l’intégrité du processus dans son ensemble et constituent des motifs d’annulation d’une élection. Qui plus est, une élection équitable exige du DGE qu’il soit un gardien indépendant et neutre de l’intégrité du processus électoral : Longley v Canada (Attorney General), 2007 ONCA 852, au paragraphe 74; Stevens c Parti Conservateur du Canada, 2005 CAF 383, aux paragraphes 19 à 21. La Cour doit examiner attentivement l’exercice par le DGE de son pouvoir discrétionnaire et veiller à ce qu’il soit équitable et conforme aux garanties d’origine législative.

[32] Le fond de la présente espèce tient à la confiance de la PNS en son processus électoral. Si des personnes qui ont le droit de voter ne sont pas autorisées à le faire, cela érode les fondements de la démocratie. Ce point de vue est exprimé dans l’arrêt Harper c Canada (Procureur général), [2004] 1 RCS 827, au paragraphe 103.

[33] Les demandeurs font valoir que la jurisprudence susmentionnée s’applique à la présente espèce, car les lois n’ont jamais déclaré que les principes de common law associés à des élections ne s’appliquent pas aux élections d’une bande, et les tribunaux ont le pouvoir de déclarer une élection nulle en vertu de la common law, malgré le fait qu’elle aurait pu être annulée en vertu de la loi : Cameron v McDonnell, (1874) Russel R (NS) 42-60; Howley v Campbell, [1939] 1 DLR 431.

b) L’application au vote de Walter

[34] Les demandeurs font valoir que l’application de la common law au vote de Walter démontre que les décisions du DGE étaient déraisonnables et reflètent de graves erreurs de droit et un manque d’équité procédurale.

[35] Le rejet du vote de Walter a eu une incidence directe sur le résultat de l’élection du chef, car l’écart était d’un vote.

[36] Le DGE avait la responsabilité d’assurer une élection adéquate en application de l’article 12 de la Loi sur les élections, qui ne comprend aucun détail sur le processus de dépouillement du scrutin, dont la justesse du dépouillement, la détermination de la validité des bulletins de vote et le traitement des bulletins de vote postaux. Le DGE a exercé son pouvoir discrétionnaire dans ses décisions. Il s’agissait d’une erreur, car la Loi sur les élections comprend effectivement des règles précises qui régissent l’annulation des bulletins de vote. Plus précisément, le paragraphe 47(7) permet à un électeur à l’intérieur d’un bureau de vote de voter; le paragraphe 61(1) confère le droit à un électeur qui détériore par inadvertance son bulletin de droit d’en recevoir un nouveau; et le paragraphe 61(2) exige que le DGE inscrive la mention [traduction] « annulé » sur un bulletin de vote détérioré sans en examiner le contenu.

[37] En rejetant le bulletin de vote de Walter et en lui refusant un autre bulletin de vote, le DGE a commis une erreur de droit portant atteinte à sa compétence. Ses décisions étaient fondées sur le fait que les initiales du DGE ne figuraient pas sur le bulletin de vote de Walter, malgré le fait qu’il n’y avait aucun problème quant à l’identité, au double vote ou au fait que Walter était présent pendant l’ouverture des bureaux de vote et par la suite. Le DGE a permis au formalisme de l’emporter sur le fond, ce qui n’est pas la bonne approche. En outre, le DGE a autorisé le vote de Deana, et ce, malgré des déficiences apparentes. Le vote de Deana ne comportait pas l’adresse d’un témoin, ce qui signifie qu’il aurait dû être écarté en application de l’alinéa 66a) de la Loi sur les élections; pourtant, il a été accepté.

[38] Le DGE a justifié son rejet du vote de Walter en affirmant que les initiales du DGE étaient nécessaires pour assurer l’identification. Cependant, il n’y avait aucun problème relatif à l’identification de Walter. Le DGE croyait qu’un bulletin de vote ne pouvait pas être remplacé après 18 h, même si un remplacement n’était pas nécessaire et que Walter avait le droit de vote en application des articles 47 et 61 de la Loi sur les élections.

[39] Le DGE a ensuite commis une autre erreur dans son traitement de la décision d’appel en refusant de réexaminer les circonstances entourant le vote de Walter au motif que Walter n’avait pas interjeté appel et que les demandeurs n’étaient pas des anciens. La Loi sur les élections ne désigne ni l’un ni l’autre de ces facteurs comme une exigence pour qu’une question soit susceptible d’appel. Le DGE a effectivement rejeté l’appel des demandeurs pour un motif sans pertinence et a refusé à tort d’exercer sa compétence pour mener une enquête.

[40] De plus, les demandeurs font valoir que le DGE a refusé d’entendre les arguments de Walter. Dans leur avis d’appel, les demandeurs ont demandé le droit de participer et de présenter des éléments de preuve, y compris d’entendre Walter. Cependant, le DGE a rendu la décision d’appel sans égard pour cette demande. Les comités d’appel doivent se pencher sur la question dont ils sont saisis Meeches c Meeches, 2013 CF 196, au paragraphe 14. Même si la Cour a conclu qu’il est possible de renoncer au droit à une audience, les demandeurs font valoir que cela ne s’est pas produit en l’espèce, ce qui permet de faire une distinction entre cette décision et le jugement rendu dans Gadwa c Kehewin Première Nation, 2016 CF 597 [Gadwa].

[41] Les demandeurs font valoir que le DGE a omis de mener l’élection et la procédure d’appel conformément aux normes les plus élevées en matière de décision correcte et d’équité procédurale, ce qui constitue une justification suffisante pour annuler le résultat.

2) Processus d’obtention du statut de membre de la PNS

[42] Les demandeurs font valoir que les défendeurs ont manqué à leur obligation fiduciaire d’établir et de confirmer la préparation d’une liste des électeurs adéquate et exhaustive, et ce, au mépris des exigences constitutionnelles, réglementaires et autres exigences juridiques. Ce manquement a été exacerbé par des manœuvres corruptrices, culminant ainsi en une erreur portant atteinte à leur compétence.

[43] La PNS a des antécédents juridiques de tentative d’exercer un contrôle total sur ses membres. Dans la décision Bande de Sawridge c Canada, 2003 CFPI 347, conf. par 2004 CAF 16 [L’Hirondelle], notre Cour a conclu que la PNS ne pouvait pas continuer de mettre de côté les exigences juridiques relatives à l’appartenance imposées par la Loi sur les Indiens et la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11 (la Charte), et les directives claires des tribunaux. Dans l’arrêt L’Hirondelle, la Cour d’appel fédérale a confirmé une injonction exigeant le respect de ces exigences, en déclarant « [p]our ces personnes qui ont un droit d’appartenance, une simple demande d’inscription sur la liste de la bande suffit. Le fait que les personnes en cause n’aient pas présenté une demande formelle d’appartenance à la Bande de Sawridge est sans pertinence. » Cependant en 2008, la PNS a tenté de faire en sorte que les dispositions de la Loi sur les Indiens soient déclarées inconstitutionnelles, une demande qui a été rejetée : Bande de Sawridge c Canada, 2008 CF 322. En outre, la Cour a conclu dans la décision Poitras c Twinn, 2013 CF 910, que l’arrêt L’Hirondelle ne constitue pas un obstacle juridique au statut de membre d’un demandeur. Cependant, la PNS continue de refuser de mettre en œuvre l’arrêt L’Hirondelle et, ce faisant, cela corrompt le processus d’élection. En refusant d’ajouter les personnes qui ont un droit d’appartenance à la liste de la bande, il ne peut y avoir une élection juste.

[44] La corruption dans le processus d’appartenance est aggravée par le resquillage autorisé à l’endroit des enfants de Roland, qui ont été ajoutés à la liste, alors que d’autres, comme Mme Donald, sont tenus d’attendre que la loi soit appliquée. La preuve démontre qu’il est possible qu’une personne soit laissée sans réponse pendant des années dans le cadre d’un processus d’appartenance à la PNS qui est drapé dans le plus grand secret. La PNS a adopté une position et un processus qui sont totalement à l’opposé de l’objet d’émancipation de la Loi sur les Indiens et de tout processus électoral réellement juste et démocratique.

3) Conduite antérieure à l’élection et à l’appel

[45] Les demandeurs soutiennent également que le DGE a commis une erreur de droit, y compris en touchant à la compétence, en omettant ou en refusant de mener une enquête adéquate sur la composition de la liste des électeurs, le tout exacerbé par l’iniquité procédurale et un mépris des règles de justice naturelle.

[46] Selon l’article 17 de la Loi sur les élections, le DGE doit envoyer les trousses d’élection au moins 75 jours avant la date du scrutin. Cependant, la PNS, à plusieurs égards, n’a pas respecté cette obligation. D’abord, le nombre de jours entre le 4 décembre 2014 et le 17 février 2015 s’élève à 74 jours, non 75. Ensuite, les électeurs ont soit reçu l’avis tardivement, comme cela a été le cas de Sam, le 12 décembre 2014, soit rien du tout, comme l’a admis le DGE dans un courriel adressé à Catherine. Troisièmement, l’avis des corrections aux sous-listes n’a été communiqué qu’après la date limite pour contester les sous-listes, faisant ainsi en sorte qu’il était impossible de contester les listes.

[47] De plus, le DGE a commis une erreur lorsqu’il a décidé qu’il n’avait pas le pouvoir d’enquêter sur la question des demandes d’appartenance en suspens. Il a déclaré que la question en était une [traduction] « d’appartenance » dans un courriel daté du 12 janvier 2015 et sa décision d’appel du 6 mars 2015 ne mentionne même pas la question, malgré son inclusion dans l’avis d’appel. Le DGE a omis de tenir compte de cette question, ce qui constitue un refus manifeste d’exercer sa compétence et une privation d’une possibilité équitable de se faire entendre.

[48] Les demandeurs font valoir que le DGE aurait dû se pencher sur cette question, car celle-ci relevait de son pouvoir en application du paragraphe 11(8) de la Constitution, qui dispose que le DGE, le tribunal d’appel ou l’AGS peuvent offrir un tel recours selon ce qu’ils jugent approprié lorsqu’il y a une manœuvre frauduleuse en rapport avec l’élection qui pourrait avoir une incidence sur le résultat de l’élection, ou une violation de la Constitution qui pourrait également avoir une incidence sur le résultat de l’élection. L’article 20 de la Loi sur les élections exige que le DGE révise la liste des électeurs lorsqu’il est démontré à la satisfaction du DGE, avant la tenue de l’assemblée de mise en candidature, que le nom d’un électeur a été omis de la liste des électeurs. Une comparaison avec une ancienne version de la Loi sur les élections, en vigueur avant le 26 octobre 2013, démontre que les ajouts à la liste exigeaient auparavant une confirmation du greffier des membres. L’élimination d’une telle exigence dans la Loi sur les élections actuellement en vigueur indique que le DGE a le pouvoir d’ajouter des électeurs à la liste.

[49] Cependant, le DGE a créé les sous-listes à partir des noms fournis par la PNS et a déclaré que tous les autres noms relevaient d’une question [traduction] « d’appartenance », malgré le fait que la décision rendue dans l’arrêt L’Hirondelle, précité, indique clairement que la question de savoir si une personne a présenté une demande d’appartenance ou non est sans pertinence. Le DGE avait la responsabilité de corriger les listes et son défaut de le faire a privé des personnes de la possibilité de contester les listes; il s’agit là d’une entière abdication de sa compétence et de ses responsabilités.

[50] Les erreurs du DGE ont continué à l’étape de l’appel lorsqu’il a refusé d’entendre les personnes qui avaient fait valoir leur droit d’appartenance en appliquant des considérations sans pertinence, par exemple la question de savoir si une demande d’appartenance avait été traitée et acceptée. Il a également contrevenu à l’équité procédurale en privant les demandeurs et d’autres de leur droit à une audience équitable et en renonçant à sa compétence aux termes de l’article 20 de la Loi sur les élections.

[51] Les demandeurs font valoir que l’interprétation de l’article 20 de la Loi sur les élections exacerbe les manœuvres corruptrices de la PNS. Le DGE avait la compétence pour ajouter des noms à la liste; cependant, il a refusé de le faire et il a renvoyé la question à [traduction] « l’appartenance ». Une telle renonciation au pouvoir doit être tranchée par la Cour, car le refus d’enquêter sur des demandes retardées de manière déraisonnable en vue de conférer le droit à des personnes d’être des électeurs mine l’intégrité du processus électoral.

4) Ordonnance demandée

[52] Le demandeur sollicite les réparations suivantes :

  1. Une ordonnance annulant les résultats de l’élection du 17 février 2015 au poste de chef ou déclarant nulle l’élection du chef le 17 février 2015, et déclarant la tenue d’une nouvelle élection au poste de chef de la PNS;

  2. Une ordonnance exigeant qu’un DGE, approuvé par les demandeurs et la Cour, mène une enquête et établisse une liste des électeurs juste, adéquate et complète;

  3. Une ordonnance établissant toutes les directives que la Cour juge appropriées pour la tenue d’une nouvelle élection équitable;

  4. Une majoration des dépens de la présente et des requêtes précédentes;

  5. Toute autre ordonnance que la Cour estime juste et équitable dans les circonstances.

B. Défendeurs

1) Pertinence de l’affidavit

[53] Les défendeurs contestent les renseignements et les documents contenus dans l’affidavit de Sam Twinn. Ils font valoir qu’il est sans pertinence et inadmissible dans un contrôle judiciaire de la décision du DGE, car le DGE n’avait pas été saisi de ces renseignements lorsqu’il a rendu les décisions qui font l’objet du contrôle judiciaire, et il ne fournit pas suffisamment de renseignements généraux pour aider la Cour dans l’appréciation du caractère raisonnable ou correct des décisions du DGE. En outre, il est inadmissible aux termes de l’article 81 des Règles, car l’essentiel de l’affidavit est une opinion ou un argument personnel. Par conséquent, aucun poids ou aucune considération ne devrait être accordé à l’affidavit de Sam.

[54] Le DGE n’avait aucun pouvoir en vertu de la loi de Sawridge d’enquêter sur la question de savoir pourquoi ou à quel moment le nom d’une personne a été inscrit dans la liste des électeurs, car celle-ci est compilée à partir du greffe des membres en application du paragraphe 16(1) de la Loi sur les élections. Les pouvoirs du DGE sont limités à la division de la liste fournie par le greffier des membres en sous-listes des électeurs résidents et non-résidents. Une fois que cette division est faite, tout électeur peut demander qu’une personne soit transférée d’une sous-liste à une autre, mais le DGE peut uniquement accueillir la demande pour certains motifs, qui sont énumérés aux articles 20 et 21 de la Loi sur les élections. Une telle décision peut également être portée en appel conformément aux articles 18.1 et 18.2 de la Loi sur les élections

[55] Les défendeurs soutiennent également que les arguments des demandeurs aux paragraphes 70 à 82 de leur mémoire ne sont pas pertinents, car le présent contrôle judiciaire n’examine pas les décisions rendues par la PNS aux termes du Code d’appartenance entre 1984 et 2014. Toute interprétation ou application du Code d’appartenance est sans lien avec les décisions du DGE et, à ce titre, tout argument concernant cette question ne devrait pas être pris en compte par la Cour : article 302 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (Règles des Cours fédérales).

2) Le rejet du vote de Walter

[56] Les défendeurs font valoir que le DGE a raisonnablement, et effectivement à juste titre, rejeté et omis de comptabiliser le bulletin de vote postal de Walter, conformément à l’alinéa 69(1)b) de la Loi sur les élections.

[57] La Loi sur les élections permet aux électeurs de voter au moyen d’un bulletin de vote postal ou en personne dans les bureaux de vote; cependant, les électeurs ne peuvent pas voter des deux façons durant la même élection. Les bulletins de vote postaux portent la [traduction] « marque distinctive » du DGE et un électeur peut soit envoyer le bulletin de vote par la poste, soit le remettre au DGE avant la fermeture du scrutin à 18 h à la date de l’élection : alinéa 45(1)f) et paragraphe 47(6) de la Loi sur les élections. Subsidiairement, le jour du scrutin, un électeur peut échanger un bulletin de vote non marqué pour qu’il soit marqué et déposé au bureau de vote, ou obtenir un bulletin de vote et voter en personne au bureau de vote, s’il jure qu’il n’a pas voté dans l’élection par la poste ou en personne : paragraphe 45(5) et alinéa 55(3)b) de la Loi sur les élections. Après la fermeture du scrutin, le DGE ouvre les enveloppes des bulletins de vote postaux, vérifie qu’ils contiennent un formulaire de déclaration de l’électeur signé et attesté, et il dépose le bulletin de vote dans l’urne sans le déplier : article 66 de la Loi sur les élections. Suivant le dépôt des bulletins de vote postaux, l’urne est ouverte et le DGE doit examiner et rejeter les bulletins de vote qui, selon le cas : n’ont pas été délivrés par le DGE; ne comportent pas la marque distinctive du DGE; portent la marque [traduction] « détérioré », [traduction] « annulé » ou [traduction] « refusé », ou qui portent une marque qui identifie ou pourrait permettre d’identifier un électeur : paragraphe 69(1) de la Loi sur les élections.

[58] Selon le rapport du scrutateur, on a jugé que le bulletin de vote de Walter était détérioré en application du paragraphe 69(1) de la Loi sur les élections, car il ne comportait pas la marque distinctive du DGE au verso. Par conséquent, le scrutateur et le DGE ont compris que le vote de Walter devait être rejeté en application de la Loi sur les élections. Le fait que le bulletin de vote de Walter aurait dû être déposé en étant déplié dans les urnes sans avoir été d’abord examiné par le DGE n’a aucune incidence sur le résultat de l’élection, car dès l’ouverture des urnes, le DGE aurait eu à le rejeter en application de l’alinéa 69(1)b). Donc, la décision du DGE de rejeter le bulletin de vote était à la fois raisonnable et correcte, et la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

[59] De même, les défendeurs adoptent la position selon laquelle la décision subséquente du DGE de refuser de délivrer à Walter un nouveau bulletin de vote en personne après la fermeture du scrutin n’était ni injuste, ni discriminatoire, ni antidémocratique.

[60] Le paragraphe 61(1) de la Loi sur les élections autorise clairement un électeur en personne qui commet une erreur au moment du vote de retourner son bulletin de vote et d’en recevoir un nouveau avant de voter, cependant, ce droit ne s’applique pas aux électeurs qui ont choisi de voter par la poste. Ces derniers électeurs peuvent uniquement voter en personne avant la fermeture du scrutin, à la condition qu’ils échangent leurs bulletins de vote postaux non marqués pour des bulletins de vote en personne, ou s’ils convainquent le DGE qu’ils n’ont pas déjà voté : paragraphes 45(4) et 45(5) de la Loi sur les élections.

[61] Au moment où l’on a découvert que le bulletin de vote de Walter était détérioré, le scrutin était fermé et il était trop tard pour qu’il reçoive un bulletin de vote en personne en application de l’article 45 de la Loi sur les élections. Donc, la décision du DGE était raisonnable et la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

[62] Les défendeurs s’opposent à la suggestion non fondée des demandeurs voulant que le DGE ait exercé son pouvoir discrétionnaire pour rejeter le vote de Walter. En plus du vote de Walter, le DGE a appliqué le paragraphe 69(1) afin de rejeter deux bulletins de vote supplémentaires qui comportaient des marques qui identifiaient ou pouvaient potentiellement identifier un électeur : alinéa 69(1)d). Le vote de Deana, d’autre part, a été accepté puisqu’il était signé et attesté, ce qui permettait d’assurer son identification, conformément à l’exigence du sous-alinéa 66a)(i) de la Loi sur les élections. On n’a pas refusé à Walter son droit de vote; il a voté incorrectement et, par conséquent, son vote était invalide. Le rejet de son vote n’est ni injuste, ni discriminatoire, ni antidémocratique; il était obligatoire aux termes des règles de la Loi sur les élections.

[63] Les dispositions comme le paragraphe 69(1) de la Loi sur les élections ne sont pas uniques. Les lois électorales partout au Canada exigent que les électeurs déposent leurs votes au moyen d’une formule de base et prescrite, à défaut de quoi ces votes sont rejetés. Certaines lois électorales confèrent effectivement aux responsables des élections le pouvoir discrétionnaire d’accepter des bulletins de vote non conformes, mais d’autres ne le font pas, par exemple l’alinéa 86(1)a) de la Alberta Local Authorities Election Act, RSA 2000, c L-21. Cependant, ces dispositions ne sont pas antidémocratiques.

[64] De plus, le DGE n’a pas porté atteinte à l’équité procédurale en tranchant les appels en matière électorale des demandeurs par écrit sans tenir une audience. L’obligation en matière d’équité procédurale est souple. Dans la décision Gadwa, précitée, le président d’élection était uniquement tenu de fournir une réponse dans les sept jours suivant un avis d’appel et l’a fait sans tenir une audience, comme c’est le cas en l’espèce. Le DGE a rendu une décision à l’intérieur du délai de sept jours. De plus, le DGE disposait de tous les renseignements requis pour prendre une décision, car le paragraphe 11(1) de la Constitution s’assure que le DGE disposait d’un avis d’appel écrit détaillé. De plus, les questions à trancher en appel exigeaient l’interprétation et l’application de la Loi sur les élections à l’égard de faits non contestés, ce qui indique que le défaut de tenir une audience entre les 2 et 6 mars 2015 ne peut avoir entraîné un manquement à l’équité procédurale. L’obligation en matière d’équité procédurale est limitée en l’espèce, car l’appel peut faire l’objet d’un nouvel appel devant la Commission des anciens ainsi que devant l’AGS en vertu des paragraphes 11(3) et 11(4) de la Constitution. En conséquence, les défendeurs font valoir que les demandeurs n’ont pas vu leur droit à l’équité procédurale enfreint et que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

3) Le rejet de la contestation de la liste des électeurs et des sous-listes

[65] Les défendeurs font valoir que la décision du DGE de rejeter la contestation des demandeurs en ce qui concerne les listes des électeurs au motif de leur non-conformité aux délais de prescription visés dans la Loi sur les élections était raisonnable et correcte.

[66] Comme il a été déclaré précédemment, le DGE n’a aucun pouvoir d’enquêter sur la façon dont le nom d’une personne figure sur la liste des membres qui ont un droit de vote qui est produite par le greffier des membres, ou sur la raison pour laquelle son nom y figure. Les pouvoirs du DGE sont expressément limités par les articles 17 à 20 de la Loi sur les élections, ce qui permet la division de la liste fournie en sous-listes.

[67] La preuve démontre également que les demandeurs n’ont contesté les sous-listes que le 2 mars 2015, au moment de produire leurs avis d’appel. Cette date était bien après le délai fixé pour contester la liste des électeurs, tel qu’il est énoncé aux articles 18 à 20 de la Loi sur les élections. La décision du DGE d’appliquer les limites prévues par la loi était correcte et légalement requise.

4) Le contrôle judiciaire va à l’encontre de la politique publique

[68] Même si les arguments des demandeurs selon lesquels les décisions du DGE étaient déraisonnables sont retenus, les défendeurs font valoir que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire aux termes du paragraphe 18.1(3) de la Loi et refuser d’accorder la réparation demandée.

[69] Les demandeurs ont eu plusieurs chances avant l’élection de contester la liste des électeurs ainsi que le droit d’interjeter appel dans le cadre d’un processus à trois paliers. Les demandeurs ne se sont pas prévalus de leurs droits avant l’élection, mais ils ont effectivement exercé leurs droits constitutionnels d’interjeter appel des résultats de l’élection. Cependant, la doctrine de l’épuisement des recours exige que les parties épuisent tous les recours adéquats qui leur sont ouverts en vertu du processus administratif avant de s’adresser aux tribunaux : Wilson c Énergie atomique du Canada limitée, 2015 CAF 17, aux paragraphes 28 à 33; Canada (Agence des services frontaliers) c CB Powell Limited, 2010 CAF 61, aux paragraphes 30 à 32.

[70] Bien que le juge Zinn n’ait pas conclu que la doctrine de l’épuisement des recours empêchait les demandeurs de présenter une demande de contrôle judiciaire, son ordonnance ne soustrait pas les demandeurs du fardeau de prouver leur droit à une réparation quelconque dans leur contrôle judiciaire des décisions du DGE; et elle n’élimine pas non plus le pouvoir discrétionnaire inhérent de la Cour de refuser d’accorder toute réparation, même lorsqu’un tel droit est prouvé. Dans l’arrêt Strickland c Canada (Procureur général), 2015 CSC 37, aux paragraphes 37 à 45, la Cour suprême du Canada a conclu que la Cour peut exercer son pouvoir discrétionnaire et refuser la réparation judiciaire si les demandeurs disposaient d’un autre recours administratif, ce qui est manifestement le cas en l’espèce.

[71] Les défendeurs font valoir que le fait d’accorder une réparation aux demandeurs ne tiendrait pas compte : du défaut des demandeurs de contester les sous-listes en vertu de la Loi sur les élections; du premier appel des demandeurs à l’égard des résultats de l’élection le 6 mars 2015; du deuxième appel des demandeurs à l’égard des résultats de l’élection le 30 mai 2015; et du défaut de contester la décision de l’AGS de refuser leur dernier appel constitutionnel relatif à l’élection. Si une réparation devait être accordée en l’espèce, la Cour ne tiendrait pas compte des principes du droit administratif et des valeurs du droit public qui sous-tendent la doctrine de l’épuisement des recours. La Cour ne devrait pas miner le système d’appel de l’élection à trois paliers, établi par la Constitution, ou permettre aux demandeurs de contourner la décision non contestée de l’AGS et d’en faire abstraction.

[72] Les défendeurs font donc valoir que l’on doit refuser aux demandeurs toute réparation qui pourrait leur avoir été conférée dans un contrôle judiciaire en application de l’article 18 de la Loi, même s’ils réussissent à démontrer que les décisions du DGE étaient déraisonnables.

5) Réparation demandée

[73] Les défendeurs demandent le rejet de la présente demande avec dépens.

VIII. DISCUSSION

Décisions

[74] En gardant à l’esprit l’éventail d’arguments concernant les manœuvres corruptrices au sein de la PNS présentés par les demandeurs, il convient de se rappeler que les décisions faisant l’objet d’un contrôle dans la présente demande sont énoncées dans l’avis de demande, comme le confirme le juge Zinn dans son ordonnance et ses motifs du 30 mars 2016 :

[3] L’avis de requête des requérants concernant la décision visée par la demande de contrôle énonce ce qui suit :

Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. 41 (1er suppl.) [la Loi] telle que modifiée, à l’encontre de la décision prise par Dennis Callihoo, directeur général des élections (DGE), aux environs du 17 février 2015 (la décision) concernant les élections générales de 2015 de la Première Nation Sawridge (la Nation), laquelle décision a été portée en appel par Sam Twinn et Isaac Twinn (les demandeurs) le 13 avril 2015 lors de l’Assemblée générale extraordinaire de la Première Nation Sawridge, appel qui fut par la suite rejeté le 30 mai 2015.

[75] Comme on peut le voir dans les observations écrites des demandeurs, il n’est pas du tout clair ce que la présente demande souhaite englober. La demande mentionne des [traduction] « décisions » rendues aux environs du 17 février 2015. Ces décisions ont fait l’objet d’appels auprès du DGE et, finalement, auprès de l’AGS de la PNS. Les demandeurs ont indiqué clairement qu’ils n’interjettent pas appel de la décision de l’AGS, mais qu’ils cherchent à examiner certaines décisions du DGE rendues pendant l’élection de 2015. Cependant, l’avis de demande modifié daté du 26 juin 2015 demande une réparation vaste et étendue qui va au-delà des décisions rendues par le DGE et comprend, par exemple, une demande relative à une déclaration que certaines dispositions de la Loi sur les élections sont invalides et qu’elles sont nulles et sans effet. Comme il devient clair à la lecture des observations écrites des demandeurs, les demandeurs ont omis de respecter l’article 302 des Règles des Cours fédérales et demandent à la Cour d’examiner dans le cadre d’une seule demande une variété de questions qui ne constitue pas une [traduction] « même série d’actes » au sens de la jurisprudence applicable. Il me semble que la présente demande de contrôle judiciaire se limite aux décisions rendues par le DGE pendant l’élection, que les demandeurs ont soulevées dans leur appel auprès du DGE et que ce dernier a traitées dans sa décision du 6 mars 2015 :

[traduction]

APPEL DES RÉSULTATS DE L’ÉLECTION DE LA PREMIÈRE NATION SAWRIDGE DE SAMUEL TWINN et ISAAC TWINN – DÉCISION DU PRÉSIDENT D’ÉLECTION

EN APPLICATION DU PARAGRAPHE 11(2) DE LA CONSTITUTION DE LA PREMIÈRE NATION SAWRIDGE 9 (la « Constitution ») DATÉE DU 6 MARS 2015

1. Un appel concernant l’élection de la Première Nation Sawridge du 17 février 2015 a été reçu par le président d’élection le 2 mars 2015. Les appels ont été produits par Samuel Twinn et Isaac Twinn (ci-après appelés les « appelants »), qui semblaient tous deux être des doubles. En conséquence, ils seront tranchés simultanément.

2. Les appelants ont présenté les quatre moyens d’appel suivants :

i. Le rejet inadéquat de bulletins de vote en violation de l’article 61 de la Loi sur les élections de la Première Nation Sawridge (la Loi) et des violations à la Constitution de Sawridge.

ii. Le non-respect de l’article 44, des paragraphes 45(4), 45(7), de l’article 61 de la Loi et de l’alinéa 2(1)f) de la Constitution.

iii. La décision administrative incohérente ayant une incidence sur le vote populaire.

iv. Le non-respect des règles concernant la création de l’avis et des listes des électeurs.

3. Étant donné que les deux premiers moyens d’appel se recoupent, je propose de les traiter simultanément.

4. Les appelants allèguent et déclarent qu’un électeur aurait dû être autorisé à recevoir un autre bulletin de vote après que le président d’élection a constaté que le bulletin de vote était détérioré au moment d’ouvrir les bulletins de vote postaux. Le bulletin de vote a été jugé détérioré au sens de l’alinéa 69(1)b) de la Loi, car il ne portait pas la marque distinctive du président d’élection au verso.

5. L’article 61 de la Loi figure à la partie VI et porte sur le vote. Si un électeur commet une erreur, il peut retourner son bulletin de vote et en recevoir un autre. Cependant, cela concerne le vote en personne et ne s’applique pas au vote par la poste. Le paragraphe 61(1) dispose en partie ce qui suit :

« Si un électeur commet une erreur dans un bulletin de vote [...] avant de le déposer dans l’urne [...] »

6. Les paragraphes 45(4) et (5) de la Loi autorisent les personnes qui votent par la poste à changer leur bulletin de vote en signant une déclaration écrite.

7. Le paragraphe 47(6) de la Loi porte que « les bureaux de vote seront ouverts à compter de 10 h, heure locale, et le demeureront jusqu’à 18 h, heure locale [...] ». Je conclus que cela s’applique à la fois aux personnes qui votent en personne et aux personnes qui votent par la poste.

8. La Loi ne comprend aucune disposition concernant l’autorisation du vote après la fermeture du scrutin à 18 h le jour du scrutin. Les allégations des appelants portent sur des événements qui ont eu lieu après 18 h alors que le scrutin était fermé. Par conséquent, cette partie de l’appel est rejetée.

9. Il a également été allégué que le président d’élection avait autorisé un bulletin de vote en faveur de Roland Twinn malgré l’irrégularité selon laquelle le formulaire de déclaration ne comportait aucune adresse pour le témoin. Cela n’est pas possible, car les bulletins de vote sont demeurés non ouverts et ont été déposés dans l’urne. L’affirmation des appelants selon laquelle le bulletin de vote était en faveur d’un candidat repose exclusivement sur des hypothèses.

10. L’objet du formulaire de déclaration est d’assurer l’identification de l’électeur, ce dont j’ai été satisfait, car le formulaire de déclaration était signé et l’électeur, identifié. Cette partie de l’appel est rejetée.

11. De plus, au paragraphe 5 de la section II de l’appel, il est allégué que le président d’élection aurait dû examiner les bulletins de vote en personne et corriger les erreurs avant d’autoriser le dépôt des bulletins de vote dans l’urne.

12. L’alinéa 55(6)c) de la Loi exige que le bulletin de vote soit plié de façon à dissimuler les caractères d’imprimerie ainsi que toute marque inscrite sur celui-ci par l’électeur, mais qu’il expose la marque distinctive du président d’élection. Aucune disposition n’autorise le président d’élection à examiner les bulletins de vote avant qu’ils soient déposés dans l’urne. Cette partie de l’appel est rejetée.

13. Les appelants ont aussi allégué qu’on avait porté atteinte aux droits d’un électeur en application des alinéas 2(l)f) et g) de la Constitution. Cette allégation était fondée en partie sur l’âge d’un électeur en qualité d’ancien. Je souligne que les appelants ne sont pas eux-mêmes des anciens.

14. Le paragraphe 2(2) de la Constitution dispose que « lorsqu’une personne croit qu’elle a été traitée injustement, d’une manière discriminatoire ou non conforme aux normes reconnues en matière d’équité administrative [...] »

15. Dans ces circonstances, l’électeur qui est présumé avoir fait l’objet d’une atteinte à ses droits en raison de l’âge ou pour d’autres motifs n’a présenté aucune plainte ou aucun appel, mais les appelants l’ont fait. Je conclus que les appelants n’ont pas qualité pour présenter une plainte en application du paragraphe 2(2) de la Constitution, car leurs droits et libertés n’ont pas été touchés, mais ceux d’un autre électeur.

16. Ce moyen d’appel est rejeté.

17. Le troisième moyen d’appel porte également sur des plaintes fondées sur l’atteinte alléguée aux autres droits d’électeurs en application de l’article 2 de la Constitution.

18. De même, le troisième moyen d’appel des demandeurs est rejeté pour les mêmes motifs déjà énoncés au paragraphe 15.

19. Les appelants, dans leur quatrième moyen d’appel, allèguent la non-conformité des listes des électeurs. Il existe un processus, y compris des appels auprès du président d’élection et de la Commission des anciens, à la « Partie III, La liste électorale » de la Loi. Il est à la fois exhaustif et définitif. Cela est nécessaire afin de permettre au processus de mises en candidature et au processus de vote d’aller de l’avant.

20. Les échéanciers pour les appels visés par la partie III de la Loi ont expiré et sont conclus. Je conclus que les dispositions d’appel au paragraphe 11(2) de la Constitution en vertu desquelles le présent appel a été déposé ne permettent pas une deuxième possibilité de revoir des échéanciers expirés dans le cadre du processus de la liste électorale en vertu de la partie III de la Loi. Le droit établi à la partie III de la Loi a été respecté et conclu.

21. L’action est par la présente rejetée.

[Souligné dans l’original]

[76] Les motifs du DGE tels qu’ils sont exposés ci-dessus sont importants, car ils fournissent la justification pour les décisions qu’il a rendues dans la période avant l’élection faisant l’objet d’un contrôle et qui sont mentionnées par les parties dans leurs observations.

Questions relatives à l’appartenance

[77] Dans leurs observations écrites, les demandeurs affirment que le DGE a commis une erreur de droit – y compris en matière de compétence – en omettant ou en refusant de mener une enquête sur la composition de la liste des électeurs qui a été utilisée par le DGE pour administrer l’élection. Ils affirment que cette erreur a été exacerbée par l’iniquité procédurale du DGE et son mépris des règles de justice naturelle dans le traitement des appels.

[78] En ce qui concerne l’obligation d’assurer l’exhaustivité et l’intégrité de la liste des électeurs, les demandeurs s’appuient principalement sur le paragraphe 20(1) de la Loi sur les élections, qui est rédigé ainsi :

[traduction]

Correction des listes des électeurs

20. (1) Le président d’élection doit réviser les listes des électeurs lorsqu’il est démontré à sa satisfaction avant le début de l’assemblée de mise en candidature, le cas échéant que :

a) le nom d’un électeur a été omis de la liste des électeurs;

b) le nom ou la date de naissance d’un électeur est inscrit incorrectement dans la liste des électeurs;

c) le nom d’une personne qui n’a pas le droit de voter dans la liste des électeurs.

[...]

[79] Les demandeurs affirment que ces dispositions imposent la responsabilité au DGE d’aller au-delà de la liste des électeurs fournie par la PNS afin de vérifier les noms de toutes les personnes qui, selon les tribunaux, sont à juste titre des membres de la PNS, et non pas seulement les personnes que la PNS a décidé d’admettre parmi ses membres conformément à son propre Code d’appartenance. Ils affirment que la décision du DGE de laisser le statut de membre à la PNS ne fait qu’exacerber les manœuvres corruptrices et les procédures concernant l’appartenance qui, selon les tribunaux, prévalent au sein de la PNS. Autrement dit, l’argument est que l’appartenance aux fins de la liste des électeurs n’est pas simplement une question d’accepter la liste fournie par le greffier des membres de la PNS; il s’agit d’une question selon laquelle le DGE vérifie et réunit une liste complète des membres conformément aux directives de la Cour sur le droit à l’appartenance à la PNS.

[80] Même si je crois que les pratiques actuelles en matière d’appartenance à la PNS pourraient donner lieu à des manœuvres électorales corruptrices (que j’aborderai plus loin), je ne crois pas que l’on puisse blâmer le DGE d’avoir pris la position selon laquelle on ne peut attendre de lui qu’il règle des questions d’appartenance aussi vastes et complexes dans le cadre de son rôle électoral. Je crois aussi que la loi applicable appuie cette position.

[81] Aux termes de la Loi sur les élections, la [traduction] « liste des électeurs » est définie comme étant [traduction] « la liste des électeurs préparée en application de la présente Loi » et la préparation de la liste est régie par la partie III de la Loi sur les élections.

[82] Aux termes de la partie III, c’est le [traduction] « greffier des membres » qui doit [traduction] « fournir au président d’élection nommé par le conseil en application de la Constitution une liste alphabétique de tous les membres qui seront des électeurs le jour de l’élection [...] ». Ce que le DGE peut et devrait faire avec cette liste est énoncé pleinement dans d’autres dispositions de la partie III. Ces dispositions portent principalement sur des corrections et des ajouts à la liste des électeurs fournie par le greffier des membres et des éléments qui y ont été omis. En outre, tout cela doit être fait avant l’assemblée de mise en candidature, car l’article 18.3 de la Loi sur les élections indique clairement ce qui suit :

18.3 Après le début de l’assemblée de mise en candidature, les noms qui figurent dans la liste des électeurs ne peuvent pas être modifiés et les noms qui figurent dans une sous-liste ne peuvent pas être supprimés de cette sous-liste et être inscrits dans l’autre sous-liste.

[83] Qui plus est, l’article 19 de la Loi sur les élections dispose ce qui suit :

[traduction]

Aucun retard dans l’assemblée de mise en candidature ou l’élection

19. Malgré tout autre article de la présente Loi, aucune question en ce qui concerne les noms inscrits dans la liste des électeurs ou dans une sous-liste ne doit entraîner un retard dans la date fixée pour l’assemblée de mise en candidature ou de l’élection, ou pour la tenue de l’assemblée de mise en candidature ou de l’élection.

[84] L’article 20 de la Loi sur les élections, sur lequel les demandeurs se sont appuyés, permet au DGE de réviser la liste des électeurs fournie par le greffier des membres [traduction] « avant l’assemblée de mise en candidature », parce que toute demande de correction est régie par l’article 18 :

[traduction]

18.1(1) Si le président d’élection décide que les renseignements fournis dans la déclaration solennelle constituent une preuve suffisante, s’ils ne sont pas réfutés, que le nom de l’électeur devrait être transféré d’une liste à une autre, le président d’élection fera des efforts raisonnables afin d’informer tous les électeurs que, d’après les renseignements reçus, il envisage de modifier la liste sur laquelle le nom de l’électeur figure et donne à tous les électeurs la possibilité d’exposer les raisons pour lesquelles le nom de l’électeur ne devrait pas être transféré d’une liste à l’autre.

(2) Si un électeur souhaite présenter un motif pour lequel la modification ne devrait pas être apportée, il peut, en tout temps avant les 11 jours avant la date fixée pour l’assemblée de mise en candidature, présenter au président d’élection une déclaration réglementaire contenant des éléments de preuve; le président d’élection examinera alors ces éléments de preuve et rendra une décision quant à la liste où le nom de l’électeur sera inscrit et en informera tous les électeurs.

(3) Le président d’élection peut poser à la Commission des anciens toute question à l’égard d’un litige à savoir s’il convient d’apporter une correction aux listes des électeurs, d’y faire un ajout ou d’y soustraire un élément, et doit tenir compte du conseil, de l’opinion ou de la recommandation de la Commission des anciens avant de rendre une décision.

(4) Lorsqu’ils examinent une demande de transfert du nom d’un électeur d’une sous-liste à une autre sous-liste dans une situation où l’électeur a plus d’une résidence, le président d’élection et la Commission des anciens peuvent tenir compte de ce qui suit relativement à chaque résidence :

i. un électeur peut uniquement avoir une résidence principale à n’importe quel moment;

ii. l’emplacement autour duquel la vie de l’électeur est centrée;

iii. l’emplacement du lieu d’emploi ou d’études habituel de l’électeur;

iv. l’emplacement où l’électeur passe l’essentiel de son temps;

v. l’emplacement que l’électeur déclare comme sa résidence;

vi. si des personnes autres que des membres de la famille immédiate de l’électeur résident dans la résidence;

vii. si d’autres membres de la famille immédiate de l’électeur résident dans la résidence;

viii. si la résidence est détenue ou louée et, si elle est louée, la durée du bail (quotidien, hebdomadaire, mensuel ou annuel) et l’échéance du bail (s’il est fixe ou d’une durée indéterminée);

ix. les liens sociaux, religieux, commerciaux et financiers par rapport au lieu de résidence;

x. l’emplacement où la majorité des vêtements et des effets personnels de l’électeur se trouvent; xi. la régularité et la durée des séjours dans une résidence;

xii. le centre des intérêts vitaux des électeurs; (5) le président d’élection rendra une décision à l’égard de tout appel reçu au plus tard sept jours avant la date fixée pour l’assemblée de mise en candidature.

18.2 Si un électeur souhaite interjeter appel de la décision du président d’élection, l’affaire doit être renvoyée à la Commission des anciens au moins quatre jours avant la date fixée pour l’assemblée de mise en candidature, qui décidera si elle souhaite entendre l’appel et, dans la négative, la décision du président d’élection est définitive. Si la Commission des anciens décide d’entendre l’appel, elle doit entendre la preuve des électeurs qui ont produit des déclarations solennelles, l’électeur en question et le président d’élection quant aux motifs de sa décision et, après quoi, elle doit décider dans quelle liste le nom de l’électeur en question sera inscrit. La décision de la commission des anciens doit être fournie au président d’élection avant la date fixée pour l’assemblée de mise en candidature.

18.3 Après le début de l’assemblée de mise en candidature, les noms qui figurent dans la liste des électeurs ne peuvent pas être modifiés et les noms qui figurent dans une sous-liste ne peuvent pas être supprimés de cette sous-liste et être inscrits dans l’autre sous-liste.

[85] Il est pour le moins discutable que l’article 20 confère au DGE le pouvoir d’aller au-delà de l’article 18, mais, même si c’était le cas, il devrait s’agir d’une demande de modification [traduction] « avant le début de l’assemblée de mise en candidature », ce qui ne s’est pas passé en l’espèce.

[86] Il semble clair, d’après la partie III, que le DGE n’est ni habilité ni tenu d’apporter des modifications à la liste des électeurs, ou de rejeter ou de compléter la liste des électeurs fournie par le greffier des membres, sans une demande d’un membre à cet effet. Selon les faits dont je suis saisi, aucune demande en ce sens n’a été faite. Je ne vois aucune disposition dans la Loi sur les élections qui permettrait au DGE de rejeter la liste des électeurs fournie par le greffier des membres et, de sa propre initiative, compiler une autre liste des électeurs fondée sur ce que les tribunaux ont dit à propos du droit d’appartenance à la PNS. Il ne ferait aucun sens pour la PNS de mettre en place une Loi sur les élections qui ne tiendrait pas compte de sa propre position sur l’appartenance. Cela ne veut pas dire, bien entendu, que la position de la PNS sur l’appartenance est légale, ou qu’il ne s’agit pas simplement d’une opposition aux décisions des tribunaux sur la question de l’appartenance. Cependant, je ne crois pas que les décisions de ces tribunaux confèrent au DGE un pouvoir quelconque d’aller au-delà de l’actuelle Loi sur les élections. En outre, on n’a pas demandé à la Cour d’examiner la légalité de la Loi sur les élections dans la présente demande.

[87] Cela signifie que je dois rejeter l’argument des demandeurs concernant une erreur susceptible de contrôle commise par le DGE pour avoir omis ou refusé de mener une enquête sur la composition de la liste des électeurs qui lui a été fournie par le greffier des membres, après avoir conclu que les [traduction] « échéanciers pour les appels à l’intérieur de la partie III de la Loi ont expiré et sont conclus ». Le DGE n’est assujetti à aucune exigence de mettre en œuvre une forme quelconque d’enquête sur la création de la liste des électeurs.

[88] Il me semble que les demandeurs ont accepté cette position à l’audience devant moi, à Edmonton, et ont convenu, à tout le moins, qu’il serait [traduction] « peu pratique » de s’attendre à ce que le DGE traite des questions relatives à l’appartenance dans un sens aussi large.

Défaut des demandeurs d’établir et de confirmer que la liste des électeurs est adéquate et exhaustive

[89] Les demandeurs affirment que les défendeurs ont manqué à leur obligation fiduciaire d’établir et de confirmer qu’une liste d’électeurs adéquate et complète des électeurs a été préparée. Ils ajoutent que cela a été fait au mépris des exigences constitutionnelles, réglementaires et autres exigences juridiques, et que ce manquement a été exacerbé par des manœuvres corruptrices et des erreurs en matière de compétence.

[90] Dans leurs observations écrites, les demandeurs résument la situation comme suit :

[traduction]

81. Dans l’arrêt Holland c Saskatchewan, [2008] CSC 42, la CSC s’est penchée sur la situation où un tribunal délivre une ordonnance exécutoire qui n’est pas respectée. La Cour a jugé que, même si certains aspects de la négligence peuvent constituer une action viable, le recours traditionnellement reconnu est la demande de contrôle judiciaire pour invalidité [au paragraphe 9]. C’est précisément ce que les demandeurs demandent. Tant que la PNS continue de jeter le gant aux tribunaux en refusant de mettre en œuvre le libellé clair de la Cour dans l’arrêt L’Hirondelle, précité, elle continue de corrompre irrémédiablement le processus d’élection. Dans la mesure où des personnes ne sont pas ajoutées à la liste de la bande, malgré la détermination manifeste de leur appartenance, le concept d’une élection réellement juste est illusoire.

82. Cette situation est aggravée par le resquillage qui a fait en sorte que les proches de Roland ont été ajoutés à la liste, alors que d’autres doivent attendre qu’une personne applique la loi. Il est possible, comme la preuve l’indique, qu’une personne attende pendant des années, dans un processus de la PNS qui est drapé dans le plus grand secret. La PNS adopte une position et un processus qui sont totalement à l’opposé de l’objet d’émancipation de la Loi sur les Indiens et de tout processus électoral réellement juste et démocratique.

[Renvois omis].

[91] Les défendeurs adoptent la position voulant que ces questions ne relèvent pas de la portée de la présente demande. Ils affirment que la demande en l’espèce ne conteste aucune des décisions rendues par le chef et les conseillers dans leur application du Code d’appartenance de la PNS, et qu’elle ne conteste pas non plus la confidentialité de la liste des membres de la PNS en vertu de la loi de la Première Nation. Autrement dit, les défendeurs affirment que cette question est entièrement sans pertinence, car le DGE n’en a pas été saisi lorsqu’il a pris les décisions antérieures à l’élection qui font l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[92] Il me semble que les demandeurs tentent une fois de plus d’utiliser la présente demande de contrôle judiciaire des décisions rendues par le DGE dans le cadre de l’élection de 2015 pour s’attaquer au Code d’appartenance de la PNS et la façon dont l’appartenance est gérée au sein de la PNS.

[93] En gardant à l’esprit que la demande en l’espèce, comme l’a confirmé le juge Zinn, porte sur les décisions du DGE pendant l’élection de 2015, je crois que l’article 302 des Règles exclut ce type d’enquête générale prolongée sur les questions liées à l’appartenance à la PNS. Comme la Cour l’a indiqué clairement en de nombreuses occasions, lorsque l’examen de décisions multiples est demandé, l’article 302 des Règles exige le dépôt d’une demande pour chaque décision, sauf ordonnance contraire de la Cour, ou le demandeur peut montrer que les décisions en cause font partie d’une même série d’actes. Cependant, lorsque deux décisions ou plus sont rendues à des moments différents et qu’elles portent sur des questions différentes, on ne peut affirmer qu’elles font partie d’une même série d’actes. Voir, par exemple, la décision Servier Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2007 CF 196.

[94] En l’espèce, je ne crois pas que l’on puisse dire que la mise en œuvre par les demandeurs d’un Code d’appartenance et du processus général pour accorder le statut de membre à la PNS font partie d’une même série d’actes qui comprend les décisions rendues par le DGE dans le cadre de l’élection de 2015, sauf peut-être à un égard. Il y a une allégation de resquillage dans les demandes d’appartenance qui, selon les demandeurs, ont été facilitées par le chef Roland Twinn pendant la période de six mois avant l’élection de 2015 pour veiller à ce que son propre fils se voit accorder le statut de membre, alors que d’autres ayant présenté une demande d’appartenance ont dû attendre pendant des années. L’inférence est que cela a été fait afin que le fils de Roland puisse voter pour son père dans l’élection de 2015. Au sein d’une Première Nation comme la PNS, dont le nombre total de votes s’élève à seulement 44, dont seulement 41 ont le droit de vote, je peux comprendre pourquoi cela peut constituer une préoccupation. Dans l’avis d’appel daté du 2 mars 2015, les demandeurs ont soulevé le motif suivant sous IV. Non-respect des règles concernant la création et la communication des listes des électeurs :

[traduction]

3. Le défaut de respecter les règles relatives à la création et à la communication des listes des électeurs a été exacerbé par un processus qui a injustement ajouté des personnes et qui en a exclu d’autres. Plus précisément, malgré les demandes d’inclusion qui avaient été en suspens pendant des années, seul le fils du candidat élu au poste de chef a été ajouté à la liste.

Cette question n’a pas été abordée par le DGE dans la décision d’appel. Cependant, le DGE a effectivement répondu, dans un courriel adressé au greffier des membres portant sur l’élection et son pouvoir [traduction] « [d’]ajouter les noms de personnes ayant un droit d’appartenance à la liste électorale, y compris ceux dont les demandes remplies avaient été en suspens pendant une période déraisonnable », qu’[traduction] « une question générale relative à l’appartenance serait tranchée par le greffe des membres ». Autrement dit, le DGE estimait qu’il ne pouvait pas trancher cette plainte, car, comme on l’a déjà mentionné, son pouvoir de trancher les questions relatives à l’appartenance est limité par les articles 18 et 20 de la Loi sur les élections. Il me semble que cette position n’est ni déraisonnable ni inexacte.

Les erreurs commises par le DGE

[95] L’accent de la demande en l’espèce doit porter sur les allégations voulant que le DGE, M. Callihoo, ait commis une erreur de droit (y compris en ce qui a trait à la compétence) en rejetant le bulletin de vote de Walter découlant de la mauvaise interprétation et de la mauvaise application des dispositions réglementaires applicables, et que cette erreur ait été exacerbée par un manquement aux règles de justice naturelle et d’équité procédurale.

[96] Il convient de souligner que l’erreur relevée est le rejet d’un [traduction] « bulletin de vote » et qu’elle semble renvoyer au bulletin de vote de Walter Felix Twinn.

[97] Les demandeurs expliquent les problèmes associés au rejet du bulletin de vote de Walter comme suit, et je crois qu’il serait utile de présenter de manière détaillée les arguments des deux parties à l’égard de ce point central :

[traduction]

16. Walter Felix Twinn (Walter) est un résident âgé membre de la PNS. Il a demandé à Sam en 2012 de se présenter au poste de chef, ce que Sam a décidé de faire en septembre 2014. Walter était âgé d’environ 80 ans, il éprouve des problèmes de santé et pourrait avoir de la difficulté à lire et à comprendre l’anglais, le cri étant sa langue maternelle. Le jour du scrutin, Sam était présent au bureau de scrutin avant 18 h, tout comme Walter et son épouse.

17. Les bulletins de vote postaux ont été envoyés par la poste aux électeurs. Avant l’ouverture du scrutin à 10 h, le DGE a montré au scrutateur de Sam, Ron Rault (le scrutateur), tous les bulletins de vote postaux, 15 au total, tous non ouverts. Les 15 bulletins de vote postaux indiquaient le nom de l’électeur sur l’enveloppe de retour et ces 15 noms étaient inscrits. L’un de ces noms était Walter, un électeur qui avait été résident pendant toute sa vie. Un électeur non-résident, Wesley Twinn, a rempli son bulletin de vote postal et a demandé au DGE s’il pouvait le déposer, mais sa demande a été refusée. Par conséquent, le 12 février 2015, il a envoyé son bulletin de vote postal par courrier exprès. Cependant, Wesley n’était pas l’un des 15 noms inscrits au bureau de scrutin. Wesley Twinn devait voter en personne. Certains électeurs sont arrivés avec des bulletins de vote postaux, mais sans déclarations de l’électeur comme il était requis; ils ont toutefois été autorisés à voter en personne.

18. Après 18 h, le DGE a ouvert les 15 bulletins de vote postaux, dont celui de Walter, qui était toujours présent au bureau de scrutin. Son bulletin de vote a été annulé, car la partie comportant les initiales du DGE avait été coupée pour que le document puisse entrer dans l’enveloppe de retour. Une discussion s’en est suivi entre le scrutateur, le DGE et son adjoint, en présence d’autres électeurs. Le scrutateur était d’avis que le bulletin de vote devait être comptabilisé, car il n’y avait aucun doute quant à l’intention ou l’identité de l’électeur, et rien ne laissait entendre que Walter avait voté plus d’une fois. Parmi les 41 électeurs, tous ont été comptabilisés, à l’exception de Georgina Ward. Néanmoins, le DGE a rejeté le bulletin de vote de Walter. Un autre bulletin de vote postal (Deana Morton) a été annulé, car le formulaire d’enregistrement du vote comportait la signature d’un témoin, mais aucune adresse du témoin en question, comme il était exigé. Le DGE a tranché que ce bulletin de vote était valide. Au total, le DGE a disqualifié trois bulletins de vote sur quatre (tous des bulletins de vote postaux). Il a annulé deux votes en faveur de Sam et un en faveur de Roland. Ensuite, Sam et son scrutateur ont demandé d’inspecter les bulletins de vote détériorés, et ces demandes ont été négligées ou rejetées.

19. Le scrutateur a suggéré que, puisque Walter était présent, il devait être autorisé à voter en personne. D’autres sont intervenus dans la discussion. Irene Twinn, la sœur de Roland, s’est opposée à ce que Walter vote en personne. Roland a déclaré que les bulletins de vote postaux posent un problème. Le DGE a rejeté la demande. Le résultat a été que Roland a gagné par une voix plutôt que par un vote à égalité, ce qui aurait nécessité un second scrutin. De toute façon, trois tours de scrutin ont été requis en raison du vote pour les membres du conseil et les anciens.

20. Les demandeurs ont interjeté appel le 2 mars 2015, exposant leurs moyens d’appel et indiquant expressément leur souhait de participer et leur intention de présenter le témoignage de personnes nommées et autres. Sans avis ou autre communication, le DGE a rejeté l’appel le 6 mars 2015. Dans sa décision écrite, le DGE ne fait aucune mention de la demande de participer ou de présenter une preuve. La décision a donc été rendue sans la tenue d’une audience ou la présentation d’observations. Le motif qu’il a énoncé pour rejeter l’appel était son interprétation qu’un bulletin de vote détérioré ne puisse pas être remplacé après 18 h, que l’électeur vote en personne ou par la poste. Le but des initiales du DGE était d’assurer l’identification des électeurs. Il a rejeté tout élément d’iniquité ou de discrimination, car Walter n’était pas l’appelant et les demandeurs n’étaient pas des anciens.

[...]

58. Dans la présente affaire, la pluralité séparant Roland Twinn et Sam Twinn était d’un vote. Le rejet du vote de Walter Twinn a eu une incidence directe sur le résultat.

59. Le DGE a la responsabilité directe de veiller à la tenue d’une élection juste et adéquate. Tout pouvoir discrétionnaire doit nécessairement être limité par la loi en ce qui concerne l’objet de la loi, et les règles relatives à l’équité procédurale. L’article 12 de la Loi sur les élections dispose :

[traduction]

12.(1) Le président d’élection est responsable de la tenue d’une élection juste, efficace et adéquate, conformément à la présente Loi et à ses règlements.

(2) Le président d’élection peut prendre toutes les mesures raisonnables afin d’encourager, avec impartialité, tous les électeurs à participer et à voter à une élection.

(3) À ce titre, le président d’élection peut prendre des décisions et des règles, qui ne sont pas incohérentes avec les dispositions de la Constitution, de la présente Loi ou de tout règlement pris en vertu de celle-ci, pour s’acquitter de ses responsabilités et trancher toute affaire requise dans les circonstances afin de protéger l’intégrité de l’élection selon les normes généralement reconnues pour la tenue d’élections.

60. La PNS a le pouvoir d’adopter des règlements concernant le processus de dépouillement des votes, les moyens pour assurer un dépouillement équitable, les processus pour veiller au dépouillement de tous les votes valides, lorsque les bulletins de vote doivent être rejetés, la vérification des votes, le dépouillement des bulletins de vote postaux, le processus de vérification des bulletins de vote, le processus de détermination de ce qui constitue un bulletin de vote postal adéquat et la façon dont ces bulletins de vote sont précisés. Le DGE n’a pas fait mention d’un tel règlement, ni dans sa décision originale ni dans la décision d’appel. La simple raison est que ces règlements n’existent pas et que le DGE a le loisir d’établir ses propres règles.

61. Cependant, la Loi sur les élections contient effectivement quelques règles particulières qui n’ont pas été mentionnées par le DGE dans ses décisions, à quelque niveau que ce soit. Les articles 47 et 61 de la Loi sur les élections disposent :

Paragraphe 47(7) : Un électeur qui se trouve à l’intérieur d’un bureau de vote au moment où le bureau de vote doit fermer a le droit de voter.

61(1) Si un électeur commet une erreur dans un bulletin de vote ou détériore par inadvertance son bulletin de vote avant de le déposer dans l’urne, l’électeur a alors droit à un autre bulletin de vote qui doit être délivré par le président d’élection au retour du bulletin de vote détérioré au président d’élection.

(2) Le président d’élection doit inscrire le mot « annulé » sur le bulletin détérioré et, sans l’examiner, l’entreposer séparément.

62. Le DGE n’a précisé aucun motif réglementaire pour rejeter le bulletin de Walter ou refuser de lui délivrer un autre bulletin de vote. Ce faisant, il a refusé de faire ce qu’on lui ordonnait de faire, commettant ainsi une erreur de droit relative à la compétence.

63. Tant sa décision initiale que sa décision d’appel affirment que, parce que ses initiales [du DGE] ne figuraient pas sur le bulletin de vote, celui-ci n’allait pas être comptabilisé, malgré le fait qu’il n’y avait aucun problème en ce qui concerne l’identité, le double vote ou le fait que Walter était présent avant et après la fermeture du scrutin à 18 h, ou qu’il y avait une intention clairement discernable de la part de l’électeur. Le formalisme l’a emporté sur le fond, ce qui n’est pas la bonne approche.

64. En revanche, le DGE a autorisé d’autres votes pour lesquels la déficience relevée était à tout le moins aussi grave. L’alinéa 66a) de la Loi sur les élections porte que tout bulletin de vote postal sera annulé s’il n’est pas accompagné d’un formulaire de déclaration de l’électeur si ce formulaire n’est pas signé ou attesté. L’article 70 dispose ensuite qu’un tel bulletin de vote est nul et ne doit pas être comptabilisé. Un bulletin de vote postal de Deana Morton ne comportait pas l’adresse du témoin, mais a néanmoins été comptabilisé. Aucune explication pour la norme de déférence n’a été présentée.

65. Dans sa décision d’appel, le DGE a déclaré que l’objet des initiales était d’assurer la détermination de la norme, qui était la norme qu’il a appliquée au vote en faveur de Roland. Il n’y avait aucun problème en ce qui concerne l’identification de Walter et, même si un tel problème était en quelque sorte concevable, Walter était présent pour confirmer. Cependant, le DGE était d’avis que le bulletin de vote ne pouvait pas être remplacé après 18 h. Cela pose deux problèmes : a) un remplacement n’était pas nécessaire et b) même s’il l’était, le libellé clair des articles 47 et 61 de la Loi sur les élections l’emporte. Sa décision peut uniquement être tirée par la lecture d’un autre passage qui irait à l’encontre de la norme correcte en matière d’interprétation réglementaire, comme il est établi dans la loi précitée.

66. Les erreurs dans sa décision ont été exacerbées par une autre erreur. D’abord, il a refusé d’examiner les circonstances entourant Walter, car ce dernier n’avait pas interjeté appel et aucun des appelants n’était un ancien. La loi habilitante ne comporte pas une telle exigence tout comme, dans le cadre d’un nouveau dépouillement, il n’est pas nécessaire pour le directeur du scrutin que la personne dont le vote est contesté ou a été rejeté soit le demandeur d’un nouveau dépouillement. Comme il a déjà été indiqué, une preuve directe n’est pas requise. Ce qui importe, c’est que l’organe d’appel soit informé d’une question déclenchant un droit et une obligation d’enquêter. En exigeant que le demandeur soit un ancien, il a effectivement rejeté l’appel pour un motif non pertinent et il a refusé à tort d’exercer sa compétence de mener une enquête.

67. Le deuxième problème, qui est au centre de l’équité procédurale, est que, dans le cadre du processus d’appel, le DGE doit être réputé avoir refusé d’entendre Walter. Dans l’avis d’appel, on demandait expressément un droit de participer et de présenter une preuve, et on présentait expressément une demande d’entendre Walter, qui serait présent. La décision d’appel a été rendue sans tenir compte de cette demande.

68. Comme il est indiqué dans la décision Meeches, non seulement un comité d’appel a le pouvoir d’enquêter sur les manquements allégués, mais il doit se pencher sur la question qui lui est soumise. Le processus d’appel, tel que mené par le DGE, est tout à l’opposé de ce que l’on observe dans la décision Gadwa c Kehewin Première Nation [2016] CF 597. La question en litige portait sur le dépouillement de certains votes contestés. Parce que Gadwa a omis de soulever ses préoccupations quant à la nécessité d’une audience auprès du président d’élection, il avait renoncé à ses droits en matière d’équité procédurale. En outre, la présidente d’élection avait reçu des renseignements informels et avait indiqué qu’elle prendrait des mesures, à la condition que des affidavits fussent souscrits. Cette suggestion a été refusée. Dans ces circonstances, la Cour était convaincue que Gadwa avait eu « une réelle occasion de faire valoir sa position et de produire des éléments de preuve pour la soutenir ». C’est l’opposé de ce qui s’est produit dans la présente affaire.

69. Les demandeurs, et effectivement toute personne ayant le droit de voter dans le cadre d’une élection de la PNS, ont une attente légitime et primordiale que le processus de vote – la pierre angulaire fondamentale de la démocratie – soit mené conformément aux normes les plus élevées en matière de décision correcte et d’équité procédurale. Le défaut continu du DGE de satisfaire à ces normes suffit à justifier l’annulation du résultat de l’élection. Non seulement les décisions du DGE étaient déraisonnables, mais constituent une grave erreur de droit ainsi qu’une atteinte à l’équité procédurale.

[Renvois omis].

[98] La position des défendeurs est que le DGE n’avait d’autre choix que de rejeter le bulletin de vote de Walter, car il était tenu de le faire en vertu des dispositions applicables de la Loi sur les élections :

[traduction]

58. Un électeur qui vote au moyen d’un bulletin de vote postal reçoit, en application de l’alinéa 40(l)b), un bulletin de vote par la poste portant la « marque distinctive » du président d’élection. Cet électeur doit soit choisir d’inscrire son vote sur le bulletin de vote postal et l’envoyer par la poste, soit le livrer au président d’élection « avant la fermeture du scrutin au jour du scrutin » en application de l’alinéa 45(1)f). Ou, cet électeur peut, en application du paragraphe 45(4) et de l’alinéa 55(3)a), choisir « d’échanger son bulletin de vote postal non marqué auprès du président d’élection pour un bulletin de vote qui sera marqué et déposé dans une urne au bureau de vote » ou l’électeur peut, en application du paragraphe 45(5) et de l’alinéa 55(3)b), « obtenir un bulletin de vote et voter en personne à un bureau de vote » en jurant qu’il « n’a pas voté dans l’élection par la poste ou en personne ». Tous les bulletins de vote postaux reçus par le président d’élection avant la fermeture du scrutin demeurent, aux termes de l’article 66, non ouverts jusqu’à la fermeture du scrutin. Selon le paragraphe 47(6), la fermeture du scrutin est à 18 h.

59. Un électeur qui choisit de voter en personne se rend au bureau de vote entre 10 h et 18 h et reçoit un bulletin de vote portant la « marque distinctive » du président d’élection s’il n’a pas déjà voté dans l’élection, par la poste ou en personne : voir les alinéas 55(1)b), c) et e). L’électeur inscrit son vote sur le bulletin de vote en personne, le plie et le dépose plié dans l’urne; alinéas 55(l)d) et g).

60. Ce n’est qu’après la fermeture des bureaux de vote à 18 h que le président d’élection ouvre les enveloppes contenant les bulletins de vote postaux qu’il a reçus. Il vérifie si l’électeur a joint son formulaire de déclaration de l’électeur « signé et attesté » et, si ce formulaire est présent, le président d’élection doit :

« [...] sans le déplier, déposer le bulletin de vote dans l’urne [...] »

61. Ce n’est qu’après le dépôt de tous les bulletins de vote postaux accompagnés d’un formulaire de déclaration de l’électeur « signé et attesté » dans l’urne que celle-ci est ouverte. Une fois que l’urne est ouverte, le paragraphe 69(1) dispose que le président d’élection

« doit examiner chaque bulletin de vote et rejeter les bulletins de vote qui, selon le cas :

a) n’ont pas été délivrés, envoyés par la poste ou remis en main propre par le président d’élection;

b) ne comportent pas la marque distinctive du président d’élection;

c) sont marqués “détérioré”, “annulé” ou “refusé”;

d) contiennent une marque qui identifie ou peut identifier un électeur. »

L’article 69 ne confère aucun pouvoir discrétionnaire au président d’élection; il doit rejeter ces bulletins de vote.

62. Comme le scrutateur de Sam Twinn l’a souligné dans son rapport récrit, après la fermeture des bureaux de vote le 17 février 2015 :

« Chaque bulletin de vote – postal ou en personne – devait comporter les initiales du président d’élection ou du président d’élection adjoint, clairement marquées et visibles au verso du bulletin de vote, avant de pouvoir être déposé dans l’urne. Les deux bulletins de vote [postaux de Walter Felix Twinn], un pour le chef, l’autre pour le conseil résident et l’ancien résident, avaient été coupés, retirant les initiales du président d’élection. Après avoir attentivement examiné le bulletin de vote pour le chef, le directeur général des élections l’a annulé; une discussion s’en est suivi entre nous, en présence d’électeurs. Plus tard, le directeur général des élections a déclaré que le bulletin de vote était détérioré. »

De plus, comme il est expliqué dans la décision du président d’élection du 2 mars 2015 :

« 4. [...] Le bulletin de vote a été jugé détérioré au sens du paragraphe 69(1) de la Loi, car le bulletin de vote ne comportait pas la marque distinctive du président d’élection au verso. »

63. Il était clair, tant le 17 février 2015 que le 2 mars 2015, que le président d’élection a rejeté les bulletins de vote de Walter Felix Twinn en application de l’alinéa 69(1)b), car la Consolidated Elections Act prévoit expressément qu’ils doivent être rejetés. Ils ne peuvent pas être comptabilisés. Ce raisonnement était connu et compris par le scrutateur de Sam Twinn en date du 17 février 2015. En outre, comme il s’agit d’un fait incontesté que ces bulletins de vote ne comportaient pas la « marque distinctive du président d’élection », compte tenu dépourvu d’ambiguïté du libellé obligatoire de l’alinéa 69(1)b), la décision du président d’élection était raisonnable, appartenait aux issus possibles acceptables, et était effectivement correcte.

64. Même si les bulletins de vote postaux auraient dû être déposés dans les urnes sans avoir été d’abord examinés pour voir s’ils comportaient la « marque distinctive du président d’élection au verso », la décision du président d’élection de ne pas le faire n’a pas eu d’incidence sur l’élection, car aussi tôt que les urnes ont été ouvertes le 17 février 2015, le président d’élection aurait eu à le rejeter de façon sommaire en application de l’alinéa 69(1)b). Il n’avait aucun pouvoir discrétionnaire. Il ne l’a pas comptabilisé. Effectivement, comme tout le monde avait déjà appris de Walter Felix Twinn avant l’ouverture de l’urne qu’il avait découpé « la marque distinctive du président d’élection » de ses bulletins de vote, si son bulletin de vote pour le chef avait été déposé dans l’urne avant l’ouverture de celle-ci, le président d’élection aurait également dû le rejeter en application de l’alinéa 69(1)d). La décision du président d’élection de ne pas comptabiliser le bulletin de vote de Walter Felix Twinn était raisonnable, effectivement correcte, et la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

La décision du président d’élection de ne pas remettre à Walter Felix Twinn un nouveau bulletin de vote en personne après la fermeture du scrutin n’est ni injuste, ni discriminatoire, ni antidémocratique. Il s’agit d’une interprétation et d’une application raisonnables, effectivement correctes de la Consolidated Elections Act.

65. Comme le président d’élection l’a expliqué aux paragraphes 5 à 8 de sa décision du 2 mars 2015, même si le paragraphe 61(1) de la Consolidated Elections Act permet à un électeur en personne qui commet une erreur dans l’isoloir de retourner son bulletin de vote et d’en obtenir un nouveau avant de voter, ce paragraphe ne s’applique pas aux électeurs qui ont déjà choisi de voter par la poste. Ces électeurs peuvent uniquement voter en personne avant la fermeture du scrutin en application des paragraphes 45(4) ou 45(5); c’est-à-dire, uniquement s’ils échangent leurs bulletins de vote postaux non marqués pour des bulletins de vote en personne ou s’ils convainquent le président d’élection qu’ils n’ont pas déjà voté dans l’élection, en personne ou par la poste.

66. Au moment où il a été découvert que Walter Felix Twinn avait détérioré son bulletin de vote en découpant « la marque distinctive du président d’élection », il était trop tard pour qu’il obtienne un bulletin de vote en personne en application des paragraphes 45(4) ou 45(5). Il avait déjà inscrit son vote dans son bulletin de vote postal, il l’avait déjà envoyé par la poste ou livré au président d’élection, qui l’avait reçu avant la fermeture du scrutin et ne l’avait ouvert qu’après celle-ci. La décision du président d’élection était raisonnable. Elle était transparente, intelligible et appartenait aux issues possibles acceptables, compte tenu du régime d’élection établi par la Consolidated Elections Act. La présente demande de contrôle judiciaire de la décision du président d’élection devrait être rejetée.

67. La suggestion non fondée des demandeurs voulant que l’interprétation et l’application raisonnables et correctes de la Consolidated Elections Act fussent incohérentes, injustes, discriminatoires et antidémocratiques doit être rejetée. La suggestion non fondée des demandeurs voulant que le président d’élection ait eu le loisir d’établir « ses propres règles » doit également être rejetée. Il n’y a absolument aucun élément de preuve pour appuyer l’une ou l’autre de ces suggestions.

68. Au contraire, la preuve est claire que le président d’élection n’a pas appliqué ses « propres règles ». Il a appliqué de manière uniforme les règles établies par la Consolidated Elections Act, plus particulièrement :

a) il a appliqué les dispositions obligatoires du paragraphe 69(1) afin de rejeter non seulement les bulletins de vote postaux de Walter Felix Twinn, mais aussi les bulletins de vote en personne de deux électeurs qui, à l’ouverture de l’une, ont été jugés comporter « une marque qui identifie ou peut identifier un électeur », en violation de l’alinéa 69(1)d);

b) il a accepté le formulaire de déclaration de l’électeur reçu avec les bulletins de vote postaux de Deana Morton, car il était effectivement « signé et attesté », comme l’exige le sous-alinéa 66a)(i), permettant ainsi d’assurer l’identification de l’électrice Morton.

69. Contrairement à la suggestion des demandeurs, Walter Felix Twinn ne s’est pas vu refuser son droit de vote. Il a voté. Il a inscrit son vote dans son bulletin de vote postal, et il l’a envoyé par la poste ou l’a livré au président d’élection avant la fermeture du scrutin. Il a voté « par la poste ». Cependant, comme il l’a mal fait, tout comme les électeurs Morton et Potskin, son vote n’a pas été comptabilisé, car il devait être rejeté en application du paragraphe 69(1) de la Consolidated Elections Act. Le paragraphe 69(1) a été appliqué de manière uniforme par le président d’élection à l’ensemble des bulletins de vote qu’il a reçus. Ni la Consolidated Elections Act ni son interprétation et son application par le président d’élection ne sont « injustes », « discriminatoires » ou « antidémocratiques ».

[caractères gras dans l’original, notes de bas de page omises]

[99] Comme les défendeurs le signalent, le paragraphe 69(1) de la Loi sur les élections est obligatoire ([traduction] « doit examiner chaque bulletin de vote et rejeter les bulletins de vote qui [...] b) ne comportent pas la marque distinctive du président d’élection »). Les défendeurs signalent également le fait que le bulletin de vote de Walter aurait pu et aurait dû être rejeté en application de l’alinéa 69(1)d), car toutes les personnes concernées avaient déjà appris de Walter lui-même, avant l’ouverture de l’urne, qu’il avait découpé la marque distinctive du DGE de son bulletin de vote.

[100] Les demandeurs tentent de contourner les répercussions obligatoires du paragraphe 69(1) de plusieurs façons. Dans un premier temps, ils renvoient la Cour à l’article 12 de la Loi sur les élections :

[traduction]

12. (1) Le président d’élection est responsable de la tenue d’une élection juste, efficace et adéquate, conformément à la présente Loi et à ses règlements.

(2) Le président d’élection peut prendre toutes les mesures raisonnables afin d’encourager, avec impartialité, tous les électeurs à participer et à voter à une élection.

(3) À ce titre, le président d’élection peut prendre des décisions et des règles, qui ne sont pas incohérentes avec les dispositions de la Constitution, de la présente Loi ou de tout règlement pris en vertu de celle-ci, pour s’acquitter de ses responsabilités et trancher toute affaire requise dans les circonstances afin de protéger l’intégrité de l’élection selon les normes généralement reconnues pour la tenue d’élections.

[101] Il est vrai que le paragraphe 12(2) impose une obligation positive au DGE d’encourager les électeurs à participer à l’élection, mais cela ne signifie pas qu’ils peuvent voter d’une façon qui n’est pas autorisée par la Loi sur les élections, de sorte que le paragraphe 12(2) ne peut l’emporter sur le paragraphe 69(1). En outre, le pouvoir discrétionnaire conféré au DGE en application du paragraphe 69(2) peut uniquement exercer d’une manière [traduction] « qui ne soit pas incompatible avec les dispositions de la Constitution, de la présente Loi ou de tout règlement pris en vertu de celle-ci [...] ». Le paragraphe 69(1) est une disposition de la Loi sur les élections et elle porte que les bulletins de vote postaux ne peuvent être acceptés s’ils ne comportent pas la marque distinctive du DGE ou s’ils contiennent une marque qui identifie ou qui peut identifier un électeur.

[102] Les demandeurs mentionnent aussi les paragraphes 47(7), 61(1) et (2) de la Loi sur les élections :

[traduction]

Bureaux de vote

47. (6) Les bureaux de vote seront ouverts à compter de 10 h, heure locale, et le demeureront jusqu’à 18 h, heure locale, le jour des élections, sauf si le règlement établit des variations dans ces heures.

[...]

Bulletins de vote annulés

61. (1) Si un électeur commet une erreur dans un bulletin de vote ou détériore par inadvertance son bulletin de vote avant de le déposer dans l’urne, l’électeur a alors droit à un autre bulletin de vote qui doit être délivré par le président d’élection au retour du bulletin de vote détérioré au président d’élection.

(2) Le président d’élection doit inscrire le mot « annulé » sur le bulletin détérioré et, sans l’examiner, l’entreposer séparément.

[...]

[103] Il me semble que les défendeurs ont raison de signaler que ces dispositions n’aident pas les demandeurs. Walter a choisi de voter, et il a effectivement voté, au moyen d’un bulletin de vote postal. Il aurait pu choisir de voter en personne avant la fermeture du scrutin en application des paragraphes 45(4) et 45(5) de la Loi sur les élections. Cependant, cela aurait uniquement pu se produire s’il avait échangé son bulletin de vote postal non marqué pour un bulletin de vote en personne, ou s’il avait convaincu le DGE qu’il n’avait pas déjà voté dans l’élection, en personne ou par la poste. Walter ne l’a pas fait. Il a inscrit son vote dans son bulletin de vote postal et il l’a livré au DGE avant la fermeture du scrutin. Il a été ouvert après la fermeture du scrutin. Cela signifie, selon mon interprétation de la Loi sur les élections, que Walter a voté au moyen d’un bulletin de vote postal qui a été détérioré pour les motifs présentés ultérieurement par le DGE dans sa décision du 2 mars 2015, à savoir :

[traduction]

Le bulletin de vote a été jugé détérioré au sens du paragraphe 69(1) de la Loi, car le bulletin de vote ne comportait pas la marque distinctive du président d’élection au verso.

[104] L’argument final des demandeurs est fondé sur le bon sens et le franc-jeu. Essentiellement, cet argument est que Walter s’est présenté pour voter avant la fermeture du scrutin, il avait uniquement découpé la marque distinctive du DGE pour que son bulletin de vote postal entre dans l’enveloppe, tout le monde le connaissait, on aurait facilement pu lui donner un bulletin de vote en personne et l’autoriser à voter d’une façon qui ne permettrait pas de l’identifier. Cela n’aurait pas porté atteinte au processus électoral dans un contexte (41 électeurs) où chaque vote a une grande importance. Les demandeurs affirment que le DGE a accordé une plus grande importance à la forme qu’au fond.

[105] Cela me semble être un argument invoquant l’exercice déraisonnable d’un pouvoir discrétionnaire. Cependant, le DGE ne disposait que des pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur les élections. Les arguments des demandeurs me semblent logiques, mais ne peuvent être conciliés avec le processus choisi par la PNS en vertu de la Loi sur les élections. Mon rôle n’est pas d’examiner la Loi sur les élections. Si une plus grande importance a été accordée à la forme qu’au fond, c’est l’œuvre de la PNS, pas du DGE. La façon de traiter ce type de problème consiste à demander une modification de la Loi sur les élections qui conférerait au DGE le pouvoir de trancher le type de problèmes qui ont découlé en l’espèce à l’égard du vote de Walter. Compte tenu du libellé actuel de la Loi sur les élections, je ne peux pas dire que la décision du DGE de rejeter le bulletin de vote de Walter était incorrecte ou déraisonnable.

Le resquillage

[106] Les demandeurs se plaignent que le processus d’élection est corrompu à la PNS par la façon dont le comité des membres attribue le statut de membre aux demandeurs et contrôle le greffe des membres et, par conséquent, la liste des électeurs.

[107] En l’espèce, la Cour n’est saisie d’aucune décision en vertu du Code d’appartenance, mais la plainte précise des demandeurs semble être que le fils du chef Roland Twinn s’est vu accorder le statut de membre dans la période de six mois avant l’élection – assurant effectivement un vote pour son père – alors que d’autres demandes d’appartenance ont été tenues en suspens pendant des années. Les demandes signalent que le processus d’appartenance dans son intégralité est entouré de secret et que cela porte atteinte au processus démocratique, ce qui a été le cas en l’espèce, car le fils du chef Roland Twinn s’est vu accorder le statut de membre d’une façon qui n’était pas transparente. On ne conteste pas que le chef Roland Twinn présidait le comité des membres de la PNS, qui contrôle les demandes et qui fournit des recommandations sur les membres au chef et au conseil. Il semble évident, alors, que le chef Roland Twinn pourrait se trouver dans un conflit d’intérêts lorsqu’il est question de trancher une demande d’appartenance et, notamment, lorsque ses propres enfants sont concernés. Même s’il s’abstient, cela ne veut pas dire que son influence et ses souhaits sont passés sous silence.

[108] Étant donné que je ne suis saisi d’aucune demande d’examiner la décision d’accorder le statut de membre au fils du chef Roland Twinn, la Cour n’est pas dans une situation lui permettant d’apprécier si la décision était erronée ou illégale, soit en ce qui a trait à la propre constitution de la PNS soit en ce qui concerne l’importante jurisprudence qui s’est penchée sur la question controversée de l’appartenance à la PNS. Les demandeurs demandent simplement à la Cour de tirer une conclusion selon laquelle le chef Roland Twinn, et ceux qu’il est en mesure d’influencer, ont, dans cette situation, fait usage de leur contrôle sur les membres pour s’assurer d’un avantage dans l’élection. D’après le dossier dont je suis saisi, je ne crois pas que l’on puisse tirer une conclusion concernant une telle influence. De toute façon, cependant, la Cour examine la décision du DGE pendant l’élection et l’appel des demandeurs à l’égard des résultats de l’élection.

[109] Les motifs invoqués à l’appui de l’appel étaient les suivants :

APPEL DE L’ÉLECTION DE LA PREMIÈRE NATION SAWRIDGE

LE 17 FÉVRIER 2015

Nous fournissons un avis en application de la Constitution de cette Nation de notre intention d’interjeter appel des résultats de l’élection générale de la Première Nation pour le poste de chef, le poste de conseiller et le poste pour la Commission des anciens. J’ai des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu violation de la Constitution et des contraventions aux lois de la Première Nation qui ont eu une incidence sur les résultats de l’élection. Au final, les résultats annoncés ne tiennent pas compte du vote populaire et la Nation est mieux servie par la réparation demandée et la convocation d’une nouvelle élection afin de refléter adéquatement le vote populaire.

LES MOYENS D’APPELS

I. Le rejet inadéquat des bulletins de vote, en violation de l’article 61 de la Loi sur les élections de Sawridge et de la Constitution de Sawridge, qui garantit le droit de ne pas être discriminé, le droit à la protection, au traitement et aux avantages égaux en vertu des lois de la Première Nation

Pendant l’ouverture des bulletins de vote et le processus de dépouillement dans le cadre de l’élection du 17 février 2015 :

1. Le directeur général des élections (DGE) n’a pas tenu compte de l’intention claire de l’électeur aîné, Walter Felix Twinn, qui a découpé ses bulletins de vote postaux pour les plier et les insérer dans l’enveloppe. Le DGE, en cherchant ses propres initiales, a examiné soigneusement les bulletins de vote qui se trouvaient dans l’enveloppe scellée. À ce moment, le DGE a adopté l’approche procédurale maintenant discréditée et a jugé qu’il y avait une irrégularité. Un bulletin de vote en tout point complet, à l’exception des initiales identifiant le président d’élection, a été jugé être une expression invalide de l’intention de l’électeur. Le DGE a jugé que le bulletin de vote déposé par Walter Felix Twinn était « détérioré » ou autrement rejeté.

2. En revanche, les lignes directrices électorales modernes adoptent une approche fondamentale soulignant l’importance du droit de l’électeur d’exprimer son opinion politique libre. Il ne fait aucun doute que toutes les mesures de protection habituelles étaient en place, protégeant le caractère sacré des bulletins de vote. À l’exception des initiales du DGE, toutes les autres mesures de protection étaient en place et la volonté inébranlable de l’électeur a été clairement exprimée. Même si d’autres électeurs ont par la suite bénéficié de mesures correctives, cet électeur particulier ayant voté par la poste et qui était présent le 17 février 2015 n’a reçu aucune aide et, par conséquent, il a été privé de son droit de participer.

3. Cette erreur commise au vu du dossier a effectivement ajouté un vote en faveur du titulaire et a réduit par un le nombre de votes pour l’aspirant au poste de chef, ce qui a entraîné un renversement du représentant élu. Au mieux, l’erreur a entraîné une égalité, ce qui donne lieu à une nouvelle élection. Sous réserve de la preuve du directeur général des élections et du scrutateur, les élections pour le poste de conseiller et l’élection pour le poste de l’ancien résident à la Commission des anciens ont été touchées de manière similaire.

II. Le non-respect des règles de l’élection – article 44, paragraphes 45(4), (7), article 61 et alinéa 2(1)f) de la Constitution de Sawridge qui garantit le droit de vote à tous les électeurs

1. Le DGE a fermé le scrutin et a commencé à ouvrir les bulletins de vote postaux, privant ainsi tout électeur présent, notamment l’électeur âgé de 80 ans, Walter Felix Twinn, de la possibilité de corriger leur bulletin de vote postal ou leur bulletin de vote en personne, comme le prévoit la Loi sur les élections, dans sa version modifiée. Notre coutume témoigne d’un grand respect pour l’âge, la vie, l’expérience, l’éducation, la santé, la capacité d’interpréter et de comprendre les mots écrits, et nous mettons tout en œuvre afin d’intégrer ces questions. L’approche procédurale stricte par le DGE va à l’encontre de notre coutume, de notre culture et du droit applicable.

2. Le DGE a refusé à l’électeur âgé de 80 ans, Walter Felix Twinn, présent, de déposer un nouveau bulletin de vote, malgré la demande du scrutateur, Ron Rault. L’interprétation incorrecte des règles de procédure, jumelée à la petite taille de l’enveloppe de retour ainsi qu’à la difficulté d’interpréter les directives écrites on fait en sorte que l’électeur a été tenu de découper le bulletin de vote pour qu’il puisse l’insérer dans l’enveloppe, avec un résultat prévisible. Découper le bulletin de vote fait partie de la liste des réponses disponibles, certaines étant plus raisonnables que d’autres. Avec toutes les autres mesures de protection en place pour protéger le caractère sacré du bulletin de vote lui-même, cette réponse de l’électeur n’était pas si déraisonnable qu’elle justifiait de lui refuser la possibilité de participer à l’élection. Au contraire, la participation doit être encouragée et saluée.

3. Subsidiairement, si les règles ne prévoient pas une possibilité de remplacer un bulletin de vote, de telles dispositions discriminent indûment les différents types d’électeurs.

4. En revanche, le DGE a annulé, puis autorisé, un bulletin de vote postal en faveur de Roland Twinn malgré les irrégularités dans le formulaire de déclaration de l’électeur, qui n’indiquait pas l’adresse du témoin de la déclaration de l’électeur. Le formulaire indique de manière précise, directive et claire que l’adresse du témoin doit être indiquée.

5. Le DGE a omis de montrer au scrutateur les deux bulletins de vote qui identifiaient prétendument l’électeur. Il a ensuite jugé que ces bulletins de vote étaient « détériorés ». Le DGE et son adjoint ont omis de vérifier les bulletins de vote avant de les déposer dans l’urne et de permettre une correction, pour que chaque vote puisse être comptabilisé. Le DGE, à la demande de Sam Twinn, a confirmé que l’un des bulletins de vote était en faveur de Sam Twinn au poste de chef.

III. La décision administrative incohérente ayant une incidence sur le vote populaire

1. Le DGE a adopté une approche différentielle suivant l’identité de la personne en faveur de qui étaient les votes, à tout le moins dans un cas. En fait, le DGE a confirmé qu’il savait pour qui l’électeur avait voté au poste de chef.

2. Malgré le fait que le DGE était au courant de la présence de Walter Felix Twinn, aucune mesure n’a été prise pour relever des difficultés quelconques par rapport aux bulletins de vote et permettre à Walter Felix Twinn d’exercer pleinement son droit de vote en vertu de la Loi sur les élections, dans sa version modifiée, et de considérer que son bulletin de vote était détérioré et lui donner la possibilité de voter, comme il en avait le droit. L’équité administrative, comme le prévoit la Dispute Resolution Act de Sawridge, prévoit un avis et une possibilité de formuler des préoccupations, à la condition que cela n’entraîne aucun retard déraisonnable. Walter Felix Twinn était présent et cela n’aurait causé aucun retard.

IV. Le non-respect des règles concernant la création de l’avis et des listes des électeurs

1. La Loi sur les élections, dans sa version modifiée, exige que des sous-listes des électeurs soient envoyées par la poste à chaque électeur au moins 75 jours avant l’élection. Cette exigence n’a pas été respectée.

2. Le défaut de respecter cette exigence prive les personnes qui n’avaient pas été inscrites dans la liste de la possibilité de présenter des renseignements au DGE pour veiller dûment à leur inclusion, comme le prévoit la Loi sur les élections, dans sa version modifiée.

3. Le défaut de respecter les règles relatives à la création et à la communication des listes des électeurs a été exacerbé par un processus qui a injustement ajouté des personnes et qui en a exclu d’autres. Plus particulièrement, malgré les demandes d’inclusion qui avaient été en suspens pendant des années, seul le fils du candidat élu au poste de chef a été ajouté à la liste.

LA PREUVE

I. Nous avons l’intention de présenter le témoignage de Samuel Twinn, d’Isaac Twinn, de Felix Twinn et d’autres, au fur et à mesure que nous en prenons connaissance, ainsi que le témoignage du scrutateur, Ron Rault. Le rapport du scrutateur est annexé aux fins d’information et d’examen.

[110] La décision du DGE de rejeter l’appel en l’espèce est présentée au paragraphe 75, ci-dessus.

[111] Comme on peut le constater dans ce qui précède, ce moyen d’appel a été rejeté au motif de l’[traduction] « opportunité » et du non-respect de la partie III de la Loi sur les élections.

[112] Les demandeurs n’ont pas abordé cet aspect de la décision devant moi.

L’équité procédurale

[113] Les demandeurs soulèvent les questions suivantes en matière d’équité procédurale :

66. Les erreurs dans sa décision ont été exacerbées par une autre erreur. D’abord, il a refusé d’examiner les circonstances entourant Walter, car ce dernier n’avait pas interjeté appel et aucun des appelants n’était un ancien. La loi habilitante ne comporte pas une telle exigence tout comme, dans le cadre d’un nouveau dépouillement, il n’est pas nécessaire pour le directeur du scrutin que la personne dont le vote est contesté ou a été rejeté soit le demandeur d’un nouveau dépouillement. Comme il a déjà été indiqué, une preuve directe n’est pas requise. Ce qui importe, c’est que l’organe d’appel soit informé d’une question déclenchant un droit et une obligation d’enquêter. En exigeant que le demandeur soit un ancien, il a effectivement rejeté l’appel pour un motif non pertinent et il a refusé à tort d’exercer sa compétence de mener une enquête.

67. Le deuxième problème, qui est au centre de l’équité procédurale, est que, dans le cadre du processus d’appel, le DGE doit être réputé avoir refusé d’entendre Walter. Dans l’avis d’appel, on demandait expressément un droit de participer et de présenter une preuve, et on présentait expressément une demande d’entendre Walter, qui serait présent. La décision d’appel a été rendue sans tenir compte de cette demande.

[114] Dans leurs motifs d’appel, les demandeurs ont allégué, entre autres, le non-respect de l’alinéa 2(1)f) de la Constitution, qui protège les droits et libertés des membres contre la [traduction] « perquisition ou la saisie déraisonnables ».

[115] Dans sa décision, le DGE affirme que [traduction] « les appelants allèguent également qu’on a porté atteinte aux droits des électeurs aux termes des alinéas 2(1)f) et j) de la Constitution ».

[116] Le DGE semble avoir lui-même mentionné l’alinéa 2(1)j) en raison de la mention de l’âge de Walter dans l’appel. L’alinéa 2(1)f) comprend le droit de ne pas être discriminé en raison de [traduction] « l’âge ».

[117] La Cour ne comprend pas la pertinence de l’alinéa 2(1)f) aux faits et aux questions en cause en l’espèce, qui n’ont rien à voir avec une perquisition et une saisie déraisonnables. En outre, comme les demandeurs n’ont pas soulevé l’alinéa 2(1)j), il est difficile de voir en quoi ils peuvent désormais affirmer que l’appel a été traité injustement ou rejeté pour ce motif.

[118] Cependant, les moyens d’appel font effectivement mention de l’âge :

II. Le non-respect des règles de l’élection – article 44, paragraphes 45(4), (7), article 61 et alinéa 2(1)f) de la Constitution de Sawridge qui garantit le droit de vote à tous les électeurs

1. Le DGE a fermé le scrutin et a commencé à ouvrir les bulletins de vote postaux, privant ainsi tout électeur présent, notamment l’électeur âgé de 80 ans, Walter Felix Twinn, de la possibilité de corriger leur bulletin de vote postal ou leur bulletin de vote en personne, comme le prévoit la Loi sur les élections, dans sa version modifiée. Notre coutume témoigne d’un grand respect pour l’âge, la vie, l’expérience, l’éducation, la santé, la capacité d’interpréter et de comprendre les mots écrits, et nous mettons tout en œuvre afin d’intégrer ces questions. L’approche procédurale stricte par le DGE va à l’encontre de notre coutume, de notre culture et du droit applicable.

2. Le DGE a refusé à l’électeur âgé de 80 ans, Walter Felix Twinn, présent, de déposer un nouveau bulletin de vote, malgré la demande du scrutateur, Ron Rault. L’interprétation incorrecte des règles de procédure, jumelée à la petite taille de l’enveloppe de retour ainsi qu’à la difficulté d’interpréter les directives écrites on fait en sorte que l’électeur a été tenu de découper le bulletin de vote pour qu’il puisse l’insérer dans l’enveloppe, avec un résultat prévisible. Découper le bulletin de vote fait partie de la liste des réponses disponibles, certaines étant plus raisonnables que d’autres. Avec toutes les autres mesures de protection en place pour protéger le caractère sacré du bulletin de vote lui-même, cette réponse de l’électeur n’était pas si déraisonnable qu’elle justifiait de lui refuser la possibilité de participer à l’élection. Au contraire, la participation doit être encouragée et saluée.

[119] Il me semble que même si l’on fait mention ici de l’âge de Walter, tout comme la coutume du respect pour l’âge, on n’explique pas réellement en quoi l’âge de Walter et son statut en tant qu’ancien ont eu une incidence sur sa capacité à voter ou exigeaient une modification des règles de vote normales dans son cas.

[120] Je crois que c’est ce que veut dire le DGE en citant les droits constitutionnels de Walter prévus à l’article 2 de la Constitution et en signalant que les demandeurs ne sont pas eux-mêmes des anciens. Le point est que les demandeurs n’ont pas établi qu’ils avaient subi eux-mêmes une violation de leurs droits en application de l’article 2.

[121] Je conviens avec les demandeurs qu’ils n’étaient pas tenus d’avoir qualité en vertu de l’article 2 pour déposer un appel en application de l’article II de la Constitution, qui dispose que [traduction] « peut présenter un appel écrit [...] si [...] l’électeur avait un motif raisonnable de croire qu’il y avait, selon le cas » :

a) des manœuvres frauduleuses à l’égard de cette élection;

b) une violation de la présente Constitution, ou de toute loi de la Première Nation qui pourrait avoir eu une incidence sur le résultat de l’élection.

[122] Les moyens d’appel sont axés sur la façon dont le bulletin de vote de Walter a été traité et sur le refus du DGE de l’autoriser à voter en personne. Le DGE a présenté ses motifs pour cet aspect de l’appel et je ne peux pas dire que, compte tenu des dispositions applicables de la Loi sur les élections, sa décision était incorrecte ou erronée. Il est effectivement malheureux que Walter, un ancien, n’ait pas été en mesure de voter, mais je ne vois aucune disposition dans la Loi sur les élections ou la Constitution qui indique qu’un ancien n’est pas lié par les mêmes règles d’élection que quiconque au sein de la PNS, ou qu’une dispense spéciale doit être prise par le DGE lorsqu’il a affaire à un ancien. La Constitution et la Loi sur les élections, dans leur intégralité, ne laissent pas entendre que le vote d’un ancien a plus d’importance que le vote d’autres membres qui sont admissibles en qualité d’électeurs.

[123] Les autres moyens d’appel mentionnent le non-respect des règles régissant l’envoi par la poste des sous-listes des électeurs [traduction] « au moins 75 jours avant l’élection », ce qui a été exacerbé par les questions relatives au resquillage que j’ai déjà mentionnées.

[124] Ces questions relatives aux listes des électeurs sont traitées aux paragraphes 19 et 20 de la décision et je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans les décisions du DGE.

[125] L’appel n’a pas été rejeté pour le motif non pertinent selon lequel les demandeurs devaient être des anciens. Le fondement de l’appel a été rejeté au motif que le bulletin de vote de Walter devait être traité conformément à la partie III de la Loi sur les élections, qui est [traduction] « exhaustive et définitive ». Je ne constate aucune erreur en l’espèce.

[126] Je ne vois rien dans [traduction] « l’avis d’appel » ou dans le dossier dont je suis saisi qui montre que les demandeurs ont [traduction] « expressément présenté une demande d’entendre Walter, qui serait présent ».

[127] De toute façon, l’article II de la Constitution exige que tous les appels soient présentés par écrit et que le [traduction] « président d’élection rende une décision à l’égard de tout appel dans les sept jours suivant sa réception ». Les appels doivent être présentés dans les 14 jours suivant l’élection.

[128] Pour des raisons évidentes, la PNS a décidé que tous les appels doivent être tranchés rapidement et par écrit. Les longs appels qui s’étirent peuvent entraîner une incertitude importante ainsi que des problèmes difficiles relatifs à la légitimité dont peut souffrir la Première Nation dans son intégralité.

[129] On n’a pas demandé à la Cour de se pencher sur le processus d’appel visé à l’article II d’une façon générale et, selon les faits de l’espèce, il n’a pas été établi que les demandeurs ont fait l’objet d’une quelconque iniquité procédurale pour avoir dû présenter leur appel en application de l’article II. Compte tenu des questions soulevées, l’article II a fourni un processus raisonnable par lequel, en appliquant la Loi sur les élections aux faits contestés, les demandeurs ont été en mesure de présenter leur preuve. Il est vrai que les demandeurs voulaient que le DGE tire quelques conclusions générales à propos de l’appartenance à la PNS, mais cela ne relevait pas de sa compétence. Les principales questions que le DGE pouvait trancher – celles liées au traitement du bulletin de vote de Walter et à la liste des électeurs – ont été tranchées raisonnablement et équitablement sur la base d’arguments écrits.

Conclusions

[130] Les demandeurs ne m’ont pas convaincu qu’une erreur susceptible de contrôle a eu lieu dans la présente demande.

Dépens

[131] Les dépendeurs ont demandé leurs dépens en l’espèce, mais j’estime qu’il s’agit d’une affaire appropriée pour exiger que chaque partie assume ses propres dépens. Comme le montre la jurisprudence, il y a une préoccupation et une confusion importantes en ce qui concerne l’appartenance et, donc, le droit de vote à la PNS. Comme le juge Zinn l’a fait observer, la demande en l’espèce soulève [traduction] « de graves questions qui auront une incidence sur le processus électoral entrepris en 2015 et les élections futures ». Il s’agit de questions publiques graves qui touchent tous les membres de la PNS et je ne crois pas que les membres individuels devraient être découragés de se présenter devant la Cour en ces occasions lorsque leurs préoccupations trouvent une certaine justification. La PNS est unique en ceci qu’il s’agit d’une si petite Première Nation autonome. Elle a aussi été confrontée à de nombreux litiges portant sur la question de l’appartenance. L’appartenance est une exigence qui est étroitement contrôlée et le processus pour l’octroi et la conservation du statut de membre est opaque et secret. Par conséquent, il y a des possibilités d’abus et le manque de transparence ne manquera pas de donner lieu à des litiges futurs. La demande en l’espèce est une fonction du système en place à la PNS. Même si je ne peux pas tirer une conclusion en faveur des demandeurs d’après les faits de l’espèce, il me semble que la présente demande constitue, à tout le moins dans une certaine mesure, une réponse à un besoin public au sein de la PNS qui subsistera jusqu’à ce que les questions relatives à l’appartenance soient réglées.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Chaque partie assumera ses propres dépens.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 24e jour d’août 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1073-15

 

INTITULÉ :

SAM TWINN ET AL c PREMIÈRE NATION SAWRIDGE ET AL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 mars 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 26 avril 2017

 

COMPARUTIONS :

Cameron D. McCoy

Pour les demandeurs

 

Edward Molstad

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Goodtrack Law

Regina (Saskatchewan)

 

Pour les demandeurs

 

McCoy

St. Albert (Alberta)

 

Pour les demandeurs

 

Parlee McLaws LLP

Edmonton (Alberta)

 

Pour les défendeurs

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.