Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20170213

Dossier : IMM-2365-16

Référence : 2017 CF 173

Ottawa (Ontario), le 13 février 2017

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

ROCHENEL LIBERAL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Nature de l’affaire

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], à l’égard d'une décision [la décision] rendue le 18 mai 2016 par M. Louis Dubé, Commissaire [Commissaire] de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et la Protection des réfugiés [SI].  Le Commissaire a conclu que le demandeur est interdit de territoire et a prononcé une mesure d’expulsion à son encontre, conformément à l’alinéa 36(1)b) de la LIPR. Le Commissaire a aussi conclu que la preuve déposée par le défendeur (1) était fiable; (2) avait une valeur probante et crédible; et (3) établissait qu’il existait des motifs raisonnables de croire que le demandeur était connu sous de multiples alias, dont celui de Predelus, et qu’il avait été condamné en Floride pour des infractions de grande criminalité commises en 1989 et mettant en cause l’article 36 de la LIPR.

[2]                La Cour estime que les conclusions du Commissaire en lien avec l’identité du demandeur sont raisonnables.  Cependant, la Cour estime que le Commissaire a erré lorsqu’il a traité de la question en matière d’équivalence.  Conséquemment, l’affaire sera renvoyée à la SI pour que cette dernière réévalue la question en matière d’équivalence seulement.

II.                Le contexte

[3]               Le demandeur, citoyen haïtien, est né le 11 juillet 1953.  Il habite au Canada depuis le 3 août 2005.  Le demandeur est arrivé au Canada en provenance des États-Unis.  Avant son arrivée au Canada, il a habité à Miami, en Floride, pendant deux ans.  À son arrivée au Canada, il a déposé une demande d’asile, laquelle a été refusée.  Il a ensuite déposé une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires.  Cette demande demeure à l'étude.

[4]               Le 15 septembre 2015, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [ministre] a déféré pour enquête un rapport d’interdiction de territoire à l’encontre du demandeur, préparé par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR.

[5]               Le rapport, émis le 29 juin 2015, conclut que le demandeur est interdit de territoire pour grande criminalité puisqu’il a été condamné le 16 février 1990 à Orlando, dans le comté d’Orange en Floride, pour des crimes liés à la possession et au trafic de cocaïne.  Considérant que le crime équivalent au Canada est passible d’une peine maximale d’au moins dix ans, le rapport fait état de l’existence de motifs raisonnables de croire que le demandeur soit inadmissible pour grande criminalité en vertu des alinéas 36(1)b) et 36(2)b) de la LIPR.

[6]               Le 27 avril 2016, le Commissaire a tenu une audience relativement à l’enquête référée par le ministre concernant le demandeur et a rendu sa décision le 18 mai 2016.  Cette dernière fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

[7]               Le Commissaire a conclu que le demandeur est interdit de territoire pour grande criminalité.  La décision du Commissaire repose principalement sur la conclusion que le demandeur est la même personne qu’un certain dénommé Predelus, identifié dans les rapports de police de la Floride et du Federal Bureau of Investigation [FBI].

[8]               En tirant cette conclusion, le Commissaire a tenu compte des éléments de preuve suivants, qu’il a jugés crédibles et probants: (a) les comparaisons d’empreintes digitales entre le demandeur et le dénommé Predelus (prises en 2007 ou 2008 et en 2013); (b) les rapports de police (du FBI, de la police en Floride et de la Gendarmerie Royale du Canada [GRC]); (c) la vérification par la GRC de la conclusion de correspondance d’empreintes digitales établie par les policiers américains; (d) les descriptions physiques de l’individu Predelus figurant dans les documents des autorités américaines; et (e) la concordance d’une date de naissance entre le demandeur et Predelus.  Or, le Commissaire n’a pas tenu compte de la photo de Predelus, un élément de preuve au dossier, en raison de sa piètre qualité.

[9]               Le Commissaire a aussi conclu que le témoignage du demandeur affichait certains problèmes de crédibilité, minant ainsi sa valeur probante, dont (i) l’explication du demandeur quant à l’obtention et le contenu des actes de naissance de ses cinq enfants allégués, et (ii) certaines incohérences et invraisemblances entre le témoignage du demandeur et la preuve, y compris: l’allégation qu’il aurait fait une année d’école primaire à l’âge de 19 ans; l’incohérence entre le moment où il aurait quitté la ferme familiale et obtenu son permis de conduire; l’allégation d’être analphabète (car il pouvait lire les actes de naissance).  De plus, le Commissaire a estimé que les certificats de naissance des enfants ne faisaient pas état de la présence du demandeur en Haïti au moment de la perpétration des crimes commis par Predelus en Floride.

[10]           Finalement, le Commissaire a conclu que le ministre a démontré qu’il existait des motifs raisonnables de croire que le demandeur avait été condamné en Floride pour une infraction qui, si commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins 10 ans.  Le Commissaire a affirmé le constat d’interdiction de territoire en vertu de l’alinéa 36(1)b) de la LIPR et a donc émis une mesure d’expulsion à l’encontre du demandeur.

III.             Analyse

[11]           Le demandeur affirme que la conclusion tirée quant à son identité est déraisonnable parce que le Commissaire a appliqué la mauvaise norme de preuve et n’a pas raisonnablement apprécié la preuve au dossier.  La norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique à ces deux dernières questions, la première étant une question mixte de faits et de droit, et la deuxième étant une question de faits: Nguesso c Canada (ministre de la Citoyenneté de et l’Immigration), 2015 CF 879 au para 61.

[12]           Le demandeur fait aussi valoir que la SI a commis une erreur quant à son analyse en matière d’équivalence.  Cette question en est également une mixte de fait et de droit, assujettie à la norme de la décision raisonnable (Nshogoza c Canada Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1211 au para 21).

A.                Le Commissaire a-t-il déraisonnablement (a) appliqué la norme de preuve « des motifs raisonnables de croire » à la question en matière d’identité, ou (b) apprécié la preuve au dossier ?

[13]           L’article 33 de la LIPR prévoit que les faits survenus dans le cadre d’infractions prévues aux articles 34 à 37 doivent être appréciés selon la norme des « motifs raisonnables de croire ». La juge Gagné, dans l’affaire Athie c Canada (ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2016 CF 425 au para 46, a bien expliqué la portée de cette norme:

Pour conclure qu'il existe des « motifs raisonnables de croire » que les faits reprochés au demandeur sont survenus, qu'ils surviennent ou qu'ils peuvent survenir, au sens de l'article 33 de la LIPR, il faut plus qu'un simple soupçon, mais moins qu'une preuve selon la prépondérance des probabilités. Il doit y avoir un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi (Mugesera c. Canada (ministre de la Citoyenneté & de l'Immigration), [2005] 2 S.C.R. 100 (S.C.C.) au para 114; Talavera, ci-dessus au para 11).

[14]           Dans l’affaire Edmond c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 FC 674 au para 22, la juge Tremblay-Lamer a écrit que la portée de l’article 33 est de nature non restrictive et « permet au ministre de tenir en compte de la survenance d'une large gamme d'événements et de faits sans restriction temporelle ».

[15]           Par ailleurs, il convient aussi de noter que l’objectif premier de l’article 36 a pour but de protéger le public canadien (Casimiro Santos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 FC 425 au para 35).  Pour atteindre cet objectif, la norme de preuve applicable aux articles 34 à 37 de la LIPR (dont l’interdiction de territoire pour grande criminalité) n’est pas forcément équivalente à celle qui serait autrement appliquée dans le contexte civil (prépondérance des probabilités) ou criminel (hors de tout doute raisonnable).

[16]           Dans l’affaire Victor c Canada (ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CF 979 [Victor], le demandeur avait été accusé d’avoir possédé des armes à feu au New Jersey, aux États-Unis.  Ce dernier soutenait devant la SI et la SPR qu’il y avait une erreur sur la personne, c’est-à-dire qu’il n’était pas la même personne qui avait été arrêtée au New Jersey.  À l’évaluation de l’identité, la SI a appliqué la norme de preuve des « motifs raisonnables de croire » prévue à l’article 33 de la LIRP et, de là, a conclu que le demandeur et l’homme au New Jersey étaient raisonnablement la même personne (X (Re), 2012 CanLII 100214 (CA IRB) au para 16).

[17]           Devant notre Cour, M. Victor a concédé qu’un examen de contrôle judiciaire fondé sur la norme de la décision raisonnable ne pourrait engendrer un résultat favorable à son égard.  Il n’a toutefois pas admis qu’il était la personne au New Jersey.  Cela étant, malgré le déni soutenu de M. Victor, le juge Roy a noté que les conclusions tirées par la SI quant à son identité étaient raisonnables (Victor au para 20).  Bien que les circonstances en l’espèce ne soient pas identiques au cas de M. Victor – car ce dernier ne contestait pas en soi la norme de preuve applicable aux questions liées à l’identité – la Cour est d’avis que les observations générales du juge Roy sont pertinentes et utiles à la présente affaire.

[18]           Ainsi, à la lumière de la jurisprudence citée, la Cour est d’avis que l’identité dans le contexte de l’article 36 est une question factuelle assujettie à la norme de preuve prévue à l’article 33, c’est-à-dire la norme de preuve des « motifs raisonnables de croire ».

[19]           Pour terminer mon analyse quant à la norme de preuve applicable, la Cour tient à préciser que l’idée de décortiquer les multiples faits d’une infraction prévue à l’article 36, pour ensuite y appliquer des normes de preuve différentes, me paraît peu logique.  À mon avis, si le législateur avait voulu imposer une telle exception, c’est-à-dire une norme de preuve propre aux questions liées à l’identité, il l’aurait fait.

[20]           Quant à la deuxième question, celle liée à l’examen de la preuve, la Cour estime que les conclusions du Commissaire se fondent sur l’ensemble de la preuve au dossier, y compris les rapports portant sur les empreintes digitales, le témoignage du demandeur et les autres éléments de preuve énoncés dans la section II des présents motifs (Contexte).  Au vu de l’ensemble de la preuve, aux conclusions quant à la crédibilité du demandeur et à la jurisprudence citée ci-dessus, la Cour n’est pas d’accord avec le demandeur que la SI a erré en concluant qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le demandeur est la même personne que le dénommé Predelus.

[21]           Dans le cas qui nous occupe, la SI a appliqué la norme de preuve des « motifs raisonnables de croire » à la question portant sur l’identité.  Tel qu’abordé ci-dessus, le Commissaire a fondé son analyse sur certains éléments de preuve, à la fois oraux et écrits, pour tirer la conclusion que le demandeur avait été condamné en Floride.

[22]           Bien que l’avocat du demandeur ait plaidé devant la Cour, tout comme devant la SI, que les résultats découlant des comparaisons d’empreintes digitales n’étaient pas fiables, la Cour est d’avis qu’au vu de l’ensemble de la preuve au dossier, y compris les rapports de la GRC et de l’Agence canadienne des services frontaliers, ainsi que les nombreuses invraisemblances identifiées par le Commissaire, les conclusions tirées par le tribunal administratif sont raisonnables.

B.                 Le Commissaire a-t-il commis une erreur en omettant de faire l’étude comparative des éléments constitutifs de l’infraction commise aux États-Unis pour établir l’équivalence en droit canadien ?

[23]           Pour déterminer si une infraction commise à l'étranger constitue, si elle avait été commise au Canada, une infraction à une loi fédérale canadienne, il faut établir que les éléments essentiels des deux infractions sont équivalents.  La Cour d’appel fédérale a établi les balises de cette analyse dans l’affaire Hill c Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1987] ACF nº 47 (QL) au para 4 [Hill]:

Cette Cour, dans l'arrêt Brannson, n'a pas restreint l'appréciation de la soi-disant "équivalence" du paragraphe de notre Code, contestée dans cette espèce, aux éléments essentiels de quelque infraction expressément définie dans la loi qui lui était comparée. Une telle démarche n'est pas non plus nécessaire en l'espèce. Il me semble que étant donné la présence des termes "qui constitue . . . une infraction . . . au Canada", l'équivalence peut être établie de trois manières: tout d'abord, en comparant le libellé précis des dispositions de chacune des lois par un examen documentaire et, s'il s'en trouve de disponible, par le témoignage d'un expert ou d'experts du droit étranger pour dégager, à partir de cette preuve, les éléments essentiels des infractions respectives; en second lieu, par l'examen de la preuve présentée devant l'arbitre, aussi bien orale que documentaire, afin d'établir si elle démontrait de façon suffisante que les éléments essentiels de l'infraction au Canada avaient été établis dans le cadre des procédures étrangères, que les mêmes termes soient ou non utilisés pour énoncer ces éléments dans les actes introductifs d'instance ou dans les dispositions légales; en troisième lieu, au moyen d'une combinaison de cette première et de cette seconde démarches.

[24]           Dans l’affaire Brannson c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1981] 2 FC 141 (WL) à laquelle Hill renvoie, la Cour d’appel fédérale avait écrit ce qui suit au paragraphe 8 de ses motifs :

[….] la nécessité qu'il y a pour l'arbitre de déterminer si l'infraction, dont le requérant a été déclaré coupable, constituerait une infraction punissable au Canada, requiert, au moins dans le cas où elle est définie au Canada dans des limites plus étroites qu'à l'étranger, l'appréciation des détails de l'infraction dont cette personne a été déclarée coupable. Il n'est ni possible ni souhaitable de définir de manière générale les impératifs applicables dans tous les cas. Il suffit de dire que la validité ou le bien-fondé de la sentence ne sont pas en cause et que l'arbitre était fondée à rejeter toute argumentation à ce sujet. Cependant, elle avait l'obligation de s'assurer que la condamnation en cause portait sur des agissements visés par l'article 19(2)a), ce qu'elle n'a pas fait.

[25]           Les exigences du tribunal administratif quant à l’analyse en matière d’équivalence établies par la Cour d’appel fédérale n’ont pas été respectées dans le présent cas.  En l’espèce, le Commissaire a conclu dans un seul paragraphe que le libellé et les éléments constitutifs de l’infraction américaine 893.13 du Florida Statutes étaient analogues à l’infraction du trafic de drogues prévue par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, ch 19, sans explication, description ou comparaison raisonnable.  Ici, le Commissaire a écrit :

[27] Le libellé de l’infraction américaine 893.13 du Florida Statutes [la pièce C-8] et de l’infraction à la loi canadienne, est similaire et les principaux éléments constitutifs y sont très semblables. L’équivalence entre les deux infractions a donc été établie.

[26]           La pièce C-8 constitue une copie de l'article 893 du Florida Statutes de 2015.

[27]           Je note qu’une version de 1997 de ladite législation se trouve à la pièce C-11 dans le dossier certifié du tribunal.  Toutefois, le Commissaire n’a pas fait renvoi à cette version.  Par ailleurs, ce n’est pas clair si la version de 1997 était celle en vigueur lorsque le dénommé Predelus a commis les crimes en 1989.  En outre, il ressort clairement de la jurisprudence que la SI n’a pas raisonnablement évalué en quoi l’équivalence entre les deux infractions serait établie.

[28]           Dans l’affaire Nshogoza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1211 au para 31 [Nshogoza], le juge Gascon a écrit qu’alors que l’analyse d’équivalence puisse être brève, les éléments constitutifs des infractions étrangère et canadienne doivent du moins être décrits et les renvois aux dispositions applicables doivent être précis.

[29]           De même, la juge Heneghan a statué que, sans preuve au dossier et sans motifs expliquant les conclusions du décideur administratif en matière d’équivalence, les critères de transparence et d’intelligibilité ne peuvent être satisfaits (Kathirgamathamby c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 811 au para 24 [Kathirgamathamby]).

[30]           De plus, comme l’explique bien la juge McVeigh dans l’affaire Moscicki c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 740 au para 28:

Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il n'est pas nécessaire que la Commission détermine si la preuve était suffisante pour justifier une déclaration de culpabilité au Canada. Elle doit se demander si elle a des motifs raisonnables de croire que le demandeur serait déclaré coupable s'il avait commis les mêmes actes au Canada. Donc, l'équivalence doit être faite entre les dispositions et non en comparant les possibilités de déclaration de culpabilité. De plus, il faut s'attendre à des différences de langage lorsqu'on réalise l'analyse de l'équivalence (Brannson, précitée).

[31]           Au paragraphe 27 de ses motifs reproduits ci-haut, le Commissaire a conclu que les principaux éléments constitutifs étaient très semblables.  Il a donc conclu que l’équivalence avait été établie, semble-t-il, en appliquant le premier critère de Hill.  Cette conclusion est déraisonnable pour deux raisons.  D’abord, le Commissaire a cité la loi de 2015 sans avoir analysé celle applicable à l’époque de la condamnation criminelle en Floride.  Ensuite, le Commissaire devait expliquer en quoi les principaux éléments constitutifs se ressemblent.

[32]           Un simple renvoi aux dispositions pertinentes, suivi d’une courte déclaration quant à leur équivalence, ne constitue pas une analyse raisonnable.  À l’appui de cette conclusion, la Cour réitère les propos du juge Gascon, qui, dans l’affaire Nshogoza au para 27, résume bien l’état du droit en la matière :

La Cour doit de plus déterminer si les définitions des deux infractions comparées sont similaires et examiner les critères applicables pour établir les infractions (Li c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] ACF no 1060 (CAF) [Li], au paragraphe 18). Comme l'a expliqué le juge Strayer, « [l]a comparaison des "éléments essentiels" de l'une et l'autre infractions requiert la comparaison de leurs définitions respectives, y compris les moyens de défense propres à ces infractions ou aux catégories dont elles relèvent » (Li, au paragraphe 19). Dans l'arrêt Brannson [], la Cour d'appel fédérale a de plus déclaré que les éléments essentiels des infractions en question doivent être comparés, peu importe les termes employés pour désigner ces infractions ou pour les définir.

[33]           Le fait que le Commissaire a versé peu d’encre à la rédaction de cette partie de ses motifs se rapporte peut-être au manque d’attention portée à la question d’équivalence par l’avocat du demandeur devant la SI.  En effet, le Commissaire avait écrit au paragraphe 16 de ses motifs:

En conclusion de ses arguments oraux, Me Kasenda Kabemba n’admet pas l’équivalence entre les infractions américaines et canadiennes, sans expliquer pourquoi. Il juge ne pas avoir besoin de développer sur ce sujet parce que son client et Predelus sont deux personnes différentes.

[34]           En dépit du fait que l’avocat du demandeur n’ait guère voulu traiter de la question en matière d’équivalence devant la SI, cette dernière est tout de même tenue de rendre des motifs transparents et justifiables (Kathirgamathamby au para 24).  La Cour estime que la SI a erré à cet égard et que cette erreur est déterminante.

IV.             Conclusions

[35]           La demande est accueillie.  L’affaire sera renvoyée à la SI pour réévaluation de l’examen en matière d’équivalence, lequel doit être conforme aux exigences établies par la jurisprudence.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que:

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire sera renvoyée à la SI pour qu’elle réévalue la question en matière d’équivalence ;

2.                  Aucune question pour certification n’a été proposée par les parties et aucune n’en découle de la présente demande ;

3.                   Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

 


ANNEXE

Interprétation

Rules of interpretation

33 Les faits — actes ou omissions — mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir.

33 The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.

Grande criminalité

Serious criminality

36(1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants:

36(1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for:

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

(b) having been convicted of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years; or

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years.

Criminalité

Criminality

(2) Emportent, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour criminalité les faits suivants:

(2) A foreign national is inadmissible on grounds of criminality for:

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions à toute loi fédérale qui ne découlent pas des mêmes faits;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by way of indictment, or of two offences under any Act of Parliament not arising out of a single occurrence;

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions qui ne découlent pas des mêmes faits et qui, commises au Canada, constitueraient des infractions à des lois fédérales;

(b) having been convicted outside Canada of an offence that, if committed in Canada, would constitute an indictable offence under an Act of Parliament, or of two offences not arising out of a single occurrence that, if committed in Canada, would constitute offences under an Act of Parliament;

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation;

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an indictable offence under an Act of Parliament; or

d) commettre, à son entrée au Canada, une infraction qui constitue une infraction à une loi fédérale précisée par règlement.

(d) committing, on entering Canada, an offence under an Act of Parliament prescribed by regulations.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2365-16

INTITULÉ :

ROCHENEL LIBERAL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 janvier 2017

JUGEMENT ET motifs :

LE JUGE DINER

DATE DES MOTIFS :

LE 13 février 2017

COMPARUTIONS :

Me François Kasenda Kabemba

Pour le demandeur

Me Sarah Churchill-Joly

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

François K. Law Office

Avocat

Ottawa (Ontario)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.