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Date : 20170426


Dossier : IMM-3447-16

Référence : 2017 CF 408

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 avril 2017

En présente de monsieur le juge Russell

ENTRE :

KYLE DANA MARSH

demandeur

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                    INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [LIPR] concernant la décision d’un agent d’immigration du Centre de traitement des demandes de Vegreville [agent des visas], en date du 30 juillet 2016 [décision], laquelle  rejetait la demande de permis de travail du demandeur.

II.                 FAITS

[2]               Le demandeur est un citoyen des États-Unis âgé de 23 ans qui a étudié à l’Université de Guelph entre septembre 2011 et juin 2016. Au cours de cette période, son statut d’étudiant a alterné entre étudiant à temps plein et à temps partiel.

[3]               Au cours des semestres d’automne 2011 à l’été 2013, le demandeur est demeuré au Canada en vertu du permis de travail de sa mère. Il a entamé des études à temps partiel à l’automne 2011, est devenu étudiant à temps plein à l’hiver 2012, et à repris les études à temps partiel à l’été 2013.

[4]               Après le retour de sa mère aux États-Unis, le demandeur a continué ses études avec un permis d’études valide du 29 juillet 2013 au 31 juillet 2015. À son échéance, il a reçu un second permis d’études valide du 29 juillet 2015 au 30 septembre 2016. Il a repris ses études à temps plein à l’automne 2013, a étudié à temps partiel pendant l’été 2014, et a repris ses études à temps plein à l’hiver 2016.

[5]               Le 17 juin 2016, le demandeur a présenté par voie électronique une demande de permis de travail postdiplôme [PTPD]. Sa demande comprenait les formulaires exigés ainsi que des copies de son passeport, de son diplôme universitaire et de son relevé de notes de cours à l’université.

III.               DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[6]               Une décision acheminée au demandeur par lettre d’un agent des visas datée du 30 juillet 2016 rejetait la demande de PTPD du demandeur. 

[7]               Dans la décision, l’agent des visas conclut que le demandeur n’était pas admissible car il ne répondait pas à l’exigence d’avoir été étudiant à temps plein pendant au moins 8 mois. L’agent des visas informait aussi le demandeur que son statut de résident temporaire arrivait à échéance le 30 septembre 2016.

[8]               Dans les notes du Système mondial de gestion des cas [SMGC], l’agent des visas relève que le demandeur ne répondait pas aux exigences du programme de PTPD puisque son relevé de notes universitaires indiquait qu’il avait été étudiant à temps partiel au cours des semestres d’automne 2014, d’hiver 2015, et d’automne 2015. 

IV.              QUESTIONS

[9]               Le demandeur soutient que la question qui est en jeu dans la présente procédure est la suivante :

1.      L’agent des visas a-t-il manqué à l’équité procédurale en omettant de donner au demandeur la possibilité de répondre aux préoccupations de l’agent des visas?

V.                 NORME DE CONTRÔLE

[10]           La Cour suprême du Canada, dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], a décidé que l’analyse de la norme de contrôle n’a pas à être menée dans toutes les situations. En effet, lorsque la norme de contrôle applicable à une question particulière entendue par une cour est réglée de manière satisfaisante par la jurisprudence, la cour saisie du contrôle peut adopter la même norme de contrôle. Seulement lorsque la recherche s’avère infructueuse, ou lorsque les précédents applicables semblent incompatibles avec l’évolution récente du droit en matière de contrôle judiciaire, la cour saisie du contrôle doit examiner les quatre facteurs constitutifs de la norme de contrôle : Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 au par. 48.

[11]           La question de savoir si un agent des visas a commis une erreur en omettant de porter ses préoccupations à l’attention d’un demandeur pour lui permettre d’y répondre est une question d’équité procédurale, assujettie au contrôle en vertu de la norme de la décision correcte : Dunsmuir, susmentionné, aux par. 79 et 87; Singh c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 266 au par. 8.

VI.              DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[12]           Les dispositions ci-après de la LIPR s’appliquent à la présente procédure :

Objet en matière d’immigration

Objectives – immigration

3 (1) En matière d’immigration, la présente loi a pour objet :

3 (1) The objectives of this Act with respect to immigration are

a) de permettre au Canada de retirer de l’immigration le maximum d’avantages sociaux, culturels et économiques;

(a) to permit Canada to pursue the maximum social, cultural and economic benefits of immigration;

b) d’enrichir et de renforcer le tissu social et culturel du Canada dans le respect de son caractère fédéral, bilingue et multiculturel;

(b) to enrich et strengthen the social and cultural fabric of Canadian society, while respecting the federal, bilingual et multicultural character of Canada;

b.1) de favoriser le développement des collectivités de langues officielles minoritaires au Canada;

(b.1) to support and assist the development of minority official languages communities in Canada;

c) de favoriser le développement économique et la prospérité du Canada et de faire en sorte que toutes les régions puissent bénéficier des avantages économiques découlant de l’immigration;

(c) to support the development of a strong and prosperous Canadian economy, in which the benefits of immigration are shared across all regions of Canada;

d) de veiller à la réunification des familles au Canada;

(d) to see that families are reunited in Canada;

e) de promouvoir l’intégration des résidents permanents au Canada, compte tenu du fait que cette intégration suppose des obligations pour les nouveaux arrivants et pour la société canadienne;

(e) to promote the successful integration of permanent residents into Canada, while recognizing that integration involves mutual obligations for new immigrants and Canadian society;

f) d’atteindre, par la prise de normes uniformes et l’application d’un traitement efficace, les objectifs fixés pour l’immigration par le gouvernement fédéral après consultation des provinces;

(f) to support, by means of consistent standards and prompt processing, the attainment of immigration goals established by the Government of Canada in consultation with the provinces;

g) de faciliter l’entrée des visiteurs, étudiants et travailleurs temporaires qui viennent au Canada dans le cadre d’activités commerciales, touristiques, culturelles, éducatives, scientifiques ou autres, ou pour favoriser la bonne entente à l’échelle internationale;

(g) to facilitate the entry of visitors, students and temporary workers for purposes such as trade, commerce, tourism, international understanding and cultural, educational and scientific activities;

h) de protéger la santé et la sécurité publiques et de garantir la sécurité de la société canadienne;

(h) to protect public health and safety and to maintain the security of Canadian society;

i) de promouvoir, à l’échelle internationale, la justice et la sécurité par le respect des droits de la personne et l’interdiction de territoire aux personnes qui sont des criminels ou constituent un danger pour la sécurité;

(i) to promote international justice and security by fostering respect for human rights and by denying access to Canadian territory to persons who are criminals or security risks; and

j) de veiller, de concert avec les provinces, à aider les résidents permanents à mieux faire reconnaître leurs titres de compétence et à s’intégrer plus rapidement à la société.

(j) to work in cooperation with the provinces to secure better recognition of the foreign credentials of permanent residents and their more rapid integration into society.

[13]           Les dispositions ci-après du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [Règlement] s’appliquent à la présente procédure :

Demande après l’entrée au Canada

Application after entry

199 L’étranger peut faire une demande de permis de travail après son entrée au Canada dans les cas suivants :

199 A foreign national may apply for a work permit after entering Canada if they

[…]

[…]

c) il détient un permis d’études;

(c) hold a study permit;

[…]

[…]

Conditions — titulaire du permis d’études

Conditions — study permit holder

220.1 (1) Le titulaire d’un permis d’études au Canada est assujetti aux conditions suivantes :

220.1 (1) The holder of a study permit in Canada is subject to the following conditions:

a) il est inscrit dans un établissement d’enseignement désigné et demeure inscrit dans un tel établissement jusqu’à ce qu’il termine ses études;

(a) they shall enroll at a designated learning institution and remain enrolled at a designated learning institution until they complete their studies; and

b) il suit activement un cours ou son programme d’études.

(b) they shall actively pursue their course or program of study.

VII.            ARGUMENTS

A.                 Demandeur

[14]           Le demandeur soutient que l’agent des visas a commis une erreur en omettant de permettre au demandeur de répondre à ses préoccupations.

[15]           Dans les notes inscrites au SMGC, l’agent des visas souligne que le refus était fondé sur les études à temps partiel du demandeur pendant les semestres d’automne 2014, d’hiver 2015, et d’automne 2015. Le demandeur explique que, après avoir changé trois fois de programme d’études, il devait à chaque changement étudier à temps partiel pour prendre des cours de rattrapage. En outre, le demandeur a subi une dépression qui l’a obligé à étudier à temps partiel. Le demandeur avance qu’il aurait dû avoir la possibilité de présenter des justificatifs des motifs de ses études à temps partiel pour les semestres susmentionnés. Le demandeur affirme aussi que, s’il avait su que des explications devaient être présentées concernant son statut d’étudiant à temps partiel, il aurait présenté des justificatifs tels que des lettres de son thérapeute ou encore des documents associés aux changements de programme d’études. 

[16]           Pour appuyer ses arguments, le demandeur renvoie au Guide opérationnel sur le Traitement des demandes au Canada de Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC], [directives], qui prescrit aux agents de convoquer un demandeur à un entretien lorsqu’ils entendent rejeter une demande et demander la présentation de renseignements plus approfondis. Dans le présent dossier, l’agent des visas aurait eu l’intention de rejeter la demande car des renseignements sur le statut d’étudiant à temps partiel du demandeur devaient être présentés. Par conséquent, l’agent des visas aurait violé les directives en omettant de proposer un entretien au Demandeur ou de lui acheminer une lettre au titre de l’équité procédurale.

[17]           Le demandeur évoque aussi la jurisprudence autorisant la présentation de nouveaux éléments de preuve lorsqu’ils appuient une allégation d’iniquité procédurale : Nchelem c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1162 aux par. 13-14. Dans le cadre de ce contrôle judiciaire, le demandeur a produit des documents médicaux et des détails sur ses changements de programmes d’études qui n’avaient pas été présentés à l’agent des visas pour démontrer qu’il aurait pu apporter des renseignements à IRCC s’il avait eu la possibilité de répondre aux préoccupations. Le demandeur soutient que le devoir d’équité obligeait l’agent des visas à informer le demandeur de ses préoccupations concernant les périodes d’études à temps partiel. Pour ce motif, le manquement à donner cette possibilité était inéquitable, surtout en considérant que le demandeur n’était pas représenté par un avocat et ne savait pas que d’autres pièces devaient être présentées, puisqu’elles n’étaient pas identifiées sur la liste de documents à présenter selon IRCC dans son aide-mémoire sur les demandes de PTPD.

[18]           Le demandeur s’appuie aussi sur Sandhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 759 au par. 33, qui conclut que les agents des visas doivent chercher à obtenir des clarifications pour prouver ou éliminer les soupçons dans les cas de doute sans fondement factuel après le dépôt d’une demande complète par un demandeur. Le demandeur avance qu’il a fait un effort appliqué pour présenter une demande complète incluant tous les documents identifiés sur la liste de documents exigés pour une demande de PTPD.

[19]           En outre, la décision dans Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 au par. 32 conclut que, lorsque des intérêts significatifs sont affectés de manière fondamentale par une décision, divers justificatifs applicables à un dossier doivent pouvoir être présentés de manière significative et faire l’objet d’une considération attentive et équitable. Le demandeur soutient qu’après avoir obtenu son diplôme d’une université canadienne, il s’attendait légitimement à recevoir un PTPD pour acquérir une expérience de travail reconnue au Canada et que, par conséquent, il aurait dû pouvoir présenter d’autres justificatifs à l’appui de sa demande.

[20]           En outre, le demandeur avance que l’intention qui sous-tend l’exigence d’étudier à temps plein est d’empêcher les titulaires de permis d’études de travailler à temps plein tout en étudiant à temps partiel dans une institution canadienne. Le demandeur a étudié à temps partiel par nécessité, et non par choix. Il n’a pas travaillé à temps plein pendant ses études. La décision contrevient à l’objet de la LIPR. Pour ce motif, le demandeur avance qu’il ne devrait pas être pénalisé par la loi et aurait dû pouvoir répondre aux préoccupations de l’agent des visas.

B.                 Défendeur

[21]           À titre de question préliminaire, le défendeur prétend que les preuves qui n’ont pas été présentées à l’agent des visas devraient être radiées. Les éléments probants qui n’ont pas été présentés à un décisionnaire lorsque la décision est prise ne peuvent être présentés avec une demande de contrôle judiciaire : Zolotareva c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1274, par. 36. Bien que le demandeur ait contesté l’équité procédurale de la décision, cette contestation n’exige pas la production de nouveaux éléments de preuve.

[22]           Le défendeur soutient que la décision était raisonnable. Le demandeur ne répond pas aux critères pour recevoir un PTPD, qui exige la poursuite d’études à temps plein au Canada et la réussite à un programme d’études d’au moins 8 mois. Les relevés de notes universitaires du demandeur démontrent qu’il étudiait à partiel pendant les semestres d’automne 2014, d’hiver 2015, et d’automne 2015. Le demandeur n’avait étudié à temps plein que pendant quatre mois consécutifs au moment de recevoir son diplôme. Par conséquent, il ne répondait pas aux critères, et l’agent des visas n’a pas commis d’erreur en refusant de lui accorder un PTPD.

[23]           Le défendeur s’oppose aussi à l’allégation d’infraction à l’équité procédurale. D’emblée, il revenait au demandeur de présenter la meilleure demande possible. Il aurait dû savoir qu’il ne répondait pas au critère des études à temps plein, mais a choisi de ne pas présenter de justificatifs ni d’explications qui auraient pu être pris en considération. De surcroît, les explications du demandeur sur les circonstances qui l’ont empêché d’étudier à temps plein études ne rendent pas la décision déraisonnable. Sa demande n’est pas une demande pour des considérations humanitaires, à l’appui de laquelle un demandeur peut produire des preuves pour demander la levée de motifs d’inadmissibilité. En outre, l’agent des visas n’a pas le pouvoir discrétionnaire de modifier, de lever ou d’ignorer les exigences d’admissibilité : Nookala c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1019, par. 12 [Nookala]; Rehman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1021 au par. 19. Pour ce motif, l’agent des visas n’a pas exigé d’autres renseignements pour prendre sa décision et aucun entretien n’était requis dans les circonstances.

[24]           De plus, le défendeur remarque aussi que le demandeur a reçu un nouveau permis d’études, valide du 20 septembre 2016 au 27 avril 2018. Après avoir achevé son nouveau programme d’études, le demandeur pourra présenter une nouvelle demande de PTPD, pourvu qu’il réponde aux critères.

[25]           Le défendeur constate qu’aucune erreur n’a été prise dans la décision et que cette demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

C.                 Réponse du demandeur

[26]           Le demandeur soutient que les faits au présent dossier contiennent des motifs exceptionnels de présenter des éléments probants sur l’équité procédurale. La Cour pourrait accepter des documents qui n’existaient pas au moment de la demande de contrôle judiciaire lorsque les questions d’équité procédurale ou de compétence sont en jeu : McFadyen c Canada (Procureur général du Canada), 2005 CAF 360, par. 14 et 15. Ainsi, le demandeur a cherché à clarifier les problèmes de santé mentale qui l’ont forcé à étudier à temps partiel, et à décrire comment l’information aurait dû être échangée avec l’agent des visas si on n’avait pas manqué à l’équité procédurale.

[27]           Bien que certains éléments probants n’aient pas été présentés à l’agent des visas, le demandeur les a produits pour démontrer un manquement à l’équité procédurale. Si l’agent des visas avait donné la possibilité au demandeur de présenter ces éléments, qui étaient à sa disposition au moment de sa demande, l’agent des visas aurait reconnu les circonstances exceptionnelles qui empêchaient momentanément le demandeur d’étudier à temps plein, ce qui aurait mené à une décision plus pleinement éclairée.

[28]           De plus, le demandeur s’oppose à la présentation par le défendeur de son nouveau permis d’études, délivré après la décision. Tel que précédemment énoncé, les nouveaux éléments de preuve ne peuvent être admis qu’en circonstances exceptionnelles à l’appui d’une allégation de manquement à l’équité procédurale. L’argumentation du défendeur n’est ni exceptionnelle ni liée à l’équité procédurale. Par conséquent, les nouvelles preuves devraient être radiées.

[29]           Pour ce qui est de l’équité procédurale, le demandeur avance que le fait de demander des documents complémentaires n’équivaut pas à méconnaître des exigences d’un programme. La procédure était incorrecte et la question devrait être reconsidérée. L’agent des visas entendait refuser la demande du demandeur au motif que d’autres renseignements devaient être présentés sur son statut d’étudiant à temps partiel. Des renseignements complémentaires étaient rendus nécessaires par une préoccupation majeure devant être abordée : Yue c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2002 CFPI 1004. Pourtant, l’agent des visas a omis les directives et n’a pas offert d’entretien ni de lettre sur l’équité procédurale pour obtenir les renseignements, ce qui a mené au rejet de la demande.

[30]           Le demandeur fait respectueusement valoir que le défendeur ne cite aucune jurisprudence réfutant les arguments du demandeur, mais recourt au rejet des revendications énoncées dans la note du demandeur et la présentation, de mauvaise foi, de nouveaux éléments.

[31]           Le demandeur maintient que les actions de l’agent des visas constituent une infraction à l’équité procédurale et une erreur devant faire l’objet d’un contrôle et d’un examen. 

VIII.         DISCUSSION

[32]           De l’aveu du demandeur, la présente demande concerne avant tout l’équité procédurale.

[33]           Pour l’essentiel, l’argumentation du demandeur est la suivante :

[Traduction]

Devant ses propres préoccupations concernant les études à temps partiel du demandeur, l’agent aurait dû répondre à son obligation d’équité à l’égard du demandeur et lui permettre de répondre à ces préoccupations, tel que l’exige les propres écrits de l’IRCC et les principes de droit commun, a fortiori devant un motif principal de refus.

[34]           Or, dans les faits, l’agent des visas n’avait aucune « préoccupation » sur la demande de PTPD présentée par le demandeur. Il était clair, dans la demande présentée par le demandeur, que ce dernier ne répondait pas aux critères du PTPD.

[35]           La véritable suggestion du demandeur est que, si un agent conclut, en se fondant sur le contenu de sa demande, qu’un demandeur ne répond pas aux critères et que sa demande doit être refusée, cet agent devrait laisser ledit demandeur tenter de le persuader et le convaincre malgré tout de lui accorder le permis demandé. Cela ne correspond pas à la loi. Accepter cette suggestion serait d’accepter le fait que toute décision défavorable devrait être assortie d’une telle possibilité de réponse, de sorte que les demandeurs n’auraient plus besoin de présenter des demandes complètes. La jurisprudence est sans équivoque : dans de telles situations, il revient au demandeur de présenter une demande conforme et complète. Il n’appartient pas aux agents de contacter les demandeurs pour les aider à présenter des demandes qui seraient assurément acceptées. Voir Singh c Canada (Cioyenneté et Immigration), 2016 CF 509 au par. 26. 

[36]           Dans le cas présent, les critères que devait respecter le demandeur pour obtenir le PTPD étaient clairs avant qu’il ne présente sa demande. Il savait, ou aurait dû savoir, exactement ce qu’il devait présenter pour répondre à ces exigences. Sa demande ne répondait pas à ces exigences. Le document intitulé Guide 5580 - Demande de permis de travail - Guide des étudiants indique clairement, à la page 5, les critères de qualification.

[37]           Le demandeur avance maintenant qu’il aurait pu répondre à ces exigences en présentant des justificatifs complémentaires. Cela est discutable, mais ne constitue pas une question d’examen. La demande de PTPD du demandeur ne répondait pas aux exigences obligatoires. Aucune loi ne stipule que le demandeur aurait dû pouvoir, dans les faits, renforcer ou représenter une demande refusée. Rien n’empêche le demandeur de présenter une nouvelle demande à tout moment s’il répond aux critères définis.

[38]           Si l’agent des visas souhaitait clarifier tout fait indiqué dans la demande de PTPD, ou s’il doutait de la crédibilité des justificatifs présentés par le demandeur, l’équité procédurale aurait pu nécessiter l’octroi au demandeur d’une possibilité de répondre à ces préoccupations. Mais ce n’est pas le cas ici. Dans ce dossier, le demandeur a simplement présenté une demande de PTPD qui ne répondait pas aux critères de délivrance du permis. L’unique devoir de l’agent des visas était de rendre une décision fondée sur les faits présentés devant lui.

[39]           Le demandeur a aussi mal compris les directives. Les directives ne stipulent pas la tenue d’un entretien si un agent [traduction] « entend refuser une demande ». Elles stipulent qu’un entretien est nécessaire lorsque [traduction] « l’agent entend refuser une demande et requiert des renseignements plus détaillés » (italiques ajoutées). Autrement dit, si un agent entend rejeter une demande au motif de renseignements insuffisants pour rendre une bonne décision, l’agent devrait chercher à obtenir les autres renseignements requis pour prendre une bonne décision plutôt que de simplement rejeter une demande parce qu’elle est incomplète.

[40]           Dans le présent dossier, l’agent des visas avait en main tous les renseignements nécessaires pour prendre une décision adéquate. Les pièces produites par le demandeur démontraient clairement qu’il ne répondait pas aux critères de délivrance d’un PTPD à la lumière des faits présentés. L’agent des visas n’avait pas l’obligation de contacter le demandeur pour l’aider ou l’informer afin qu’il puisse se qualifier. Il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale dans ce dossier.

[41]           Dans sa demande, le demandeur a aussi tenté de produire de nouveaux éléments probants qui n’ont pas été présentés à l’agent des visas, et qu’il estimait capables de donner lieu à une décision favorable.

[42]           Tout d’abord, une allégation au titre de l’équité procédurale n’autorise pas l’examen d’éléments probants à l’appui de la demande de PTPD du demandeur. Les seuls éléments admissibles sont ceux qui démontrent qu’un demandeur n’a pu se défendre dans un contexte où une telle possibilité doit obligatoirement lui avoir été donnée. Autrement dit, la Cour n’exige et n’admet pas la présentation d’éléments définitoires du dossier ou de ce qu’il aurait pu être. Voir Bekker c Canada, 2004 CAF 186 au par. 11.

[43]           Ensuite, le demandeur a eu toutes les possibilités de présenter à l’agent des visas les nouvelles pièces qu’il cherche aujourd’hui à produire devant la Cour. Les critères de délivrance d’un PTPD sont clairs. Ainsi, dans sa demande, rien n’empêchait le demandeur de présenter des justificatifs pour expliquer pourquoi il ne répondait pas aux critères et d’en demander la considération et la prise en compte. Ayant manqué à se prémunir de cette possibilité, le demandeur ne peut maintenant affirmer qu’elle n’a pas été mise à sa disposition.

[44]           Enfin, le demandeur ne déclare pas qu’il répond à l’exigence d’avoir suivi des études « sans interruption ». Il déclare que l’agent des visas aurait dû prendre en considération des facteurs humanitaires et exercer son pouvoir discrétionnaire pour lui octroyer un permis, même s’il ne répondait pas aux critères.

[45]           Même si des motifs d’ordre humanitaire auraient pu être pris en considération, le demandeur n’en a présenté aucun à l’agent des visas, et ne lui a demandé d’en prendre aucun en considération. Le demandeur tente de faire valoir qu’il revenait à l’agent des visas de rechercher des motifs d’ordre humanitaire qui auraient pu aider le demandeur. À ma connaissance, aucune jurisprudence n’appuie ce postulat, et aucune n’est citée par le demandeur.

[46]           Un parallèle peut être tracé avec Lingan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 706 qui abordait la non-pertinence des motifs d’ordre humanitaire dans le contexte d’une mesure de renvoi :

[TRADUCTION]

[8]        L’avocat du demandeur tente habilement de faire de cette question ce qu’elle ne saurait être. Il ne s’agit pas d’une demande pour des motifs d’ordre humanitaire, et il ne revient pas à la Division de l’immigration de prendre en considération des éléments probants qui seraient pertinents dans une telle demande (Wajaras c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 200). Plus concrètement, lorsque les conditions de l’alinéa 41a) sont remplies, la division de l’Immigration n’a d’autre choix que celui d’initier la mesure de renvoi.

[47]           Même si des nouveaux éléments de preuve avaient été présentés devant l’agent des visas, le demandeur aurait tout de même manqué à satisfaire aux critères obligatoires. Rien dans les dispositions régissant le PTPD ne confère aux agents le pouvoir discrétionnaire de modifier ou de lever les exigences d’admissibilité pour des motifs d’ordre humanitaire. L’agent des visas ne peut simplement méconnaître les conditions obligatoires pour la délivrance d’un PTPD.

[48]           Dans Nookala, susmentionné, le juge Mactavish se prononce sur un programme de PTPD établi en vertu de l’article 205 du Règlememt :

[10]      La norme de révision qui doit être appliquée à la décision de l’agent de l’immigration en l’espèce est la norme de la décision raisonnable : Rehman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1021, au paragraphe 13, [2015] A.C.F. no 1015.

[11]      Il y a entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire lorsque le décideur traite des directives comme des dispositions impératives : voir, par exemple, Canadian Reformed Church of Cloverdale B.C. c. Canada (Emploi et Développement social), 2015 CF 1075, 2015 A.C.F. no 1089. Toutefois, la partie clé du document qui établit le permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme n’est pas une « directive », au sens donné à ce terme dans la jurisprudence: voir, par exemple, Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, au paragraphe 32, 3 R.C.S. 909.

[12]       Le document relatif au programme en cause en l’espèce établit les critères qu’un candidat doit satisfaire pour obtenir un permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme. Même si ce document contient également de l’information et des directives sur la manière d’administrer le programme, rien dans ce document ne confère aux agents de l’immigration le pouvoir de modifier les critères d’admissibilité du programme. En conséquence, l’agent de l’immigration n’a nullement entravé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a déterminé que M. Nookala devait détenir un permis d’études valide pour obtenir un permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme.

[13]      M. Nookala reconnaît qu’il était loisible au ministre de créer le permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme en vertu de l’article 205 du Règlement. Cette disposition habilite le ministre à créer des programmes qui permettent aux étrangers d’obtenir des permis de travail lorsque le ministre le juge nécessaire, entre autres, pour des raisons d’intérêt public en rapport avec la compétitivité des établissements universitaires ou de l’économie du Canada.

(soulignement dans le document original)

[49]           Je ne vois aucun motif de distinguer ce qui précède du cas présenté devant moi.

Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier, avec la Cour est d’accord.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      la demande est rejetée.

2.      Il n’y a pas de  question à certifier.

« James Russell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3447-16

 

INTITULÉ :

KYLE DANA MARSH c LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DES LA CITOYENNETÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 mars 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 avril 2017

 

COMPARUTIONS :

Me Sonia Akilov

 

Pour le Demandeur

 

Me Prathima Prashad

 

Pour le Défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le Demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le Défendeur

 

 

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