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Date : 20170425


Dossier : IMM-3407-16

Référence : 2017 CF 397

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 avril 2017

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

ABDUL RAUF KHAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada en date du 20 juillet 2016 dans laquelle la Section de l’immigration a conclu que le demandeur était interdit de territoire en application de l’alinéa 34(1)f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR).

[2]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les motifs qui suivent.

Résumé des faits

[3]  Le demandeur est un citoyen du Pakistan. Il est arrivé au Canada en février 2000 et a demandé l’asile au motif qu’il avait soutenu le Mohajir Quami Movement (MQM) au Pakistan et craignait d’être persécuté par le groupe Haqiqi. L’asile a été accordé au demandeur en février 2001. Il a demandé le statut de résident permanent en mai 2001, demande qui est toujours en instance, tout comme la demande de dispense ministérielle présentée en 2011.

[4]  Le 13 juin 2014, un rapport a été rédigé, en application du paragraphe 44(1) de la LIPR, qui a conclu que le demandeur était interdit de territoire pour des raisons de sécurité parce qu’il est membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte considéré comme terroriste au titre de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR. Plus précisément, il était membre du MQM et du MQM-Altaf (MQM-A). Le demandeur a ensuite été renvoyé à la Section de l’immigration aux fins d’enquête. Le 20 juillet 2016, la Section de l’immigration a conclu que le demandeur était interdit de territoire, décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire. En même temps, la Section de l’immigration a pris une mesure d’expulsion.

Décision faisant l’objet du contrôle

[5]  Comme point de départ, la Section de l’immigration a abordé la composante temporelle de l’alinéa 34(1)f), en comparant et en contrastant les décisions de notre Cour dans El Werfalli c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CF 612 [ El Werfalli]; Al Yamani c Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 1457; et Gebreab c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2009 CF 1213 [Gebreab]. La Section de l’immigration a cité les conclusions de notre Cour dans El Werfalli selon lesquelles lorsqu’un particulier est membre au moment où l’action terroriste a lieu, on peut considérer qu’il savait ou qu’il aurait dû savoir que l’organisation se livrait au terrorisme (au paragraphe 68).

[6]  Selon la Section de l’immigration, la question à trancher était celle de savoir si le demandeur était membre du MQM et du MQM-A et si ces organisations se livraient au terrorisme.

[7]  La Section de l’immigration a noté l’historique du MQM. Il a été fondé en 1984, en 1992, le MQM Haqiqi (MQM-H), une faction dissidente du MQM, dirigée par Afaq Ahmed et Aamir Khan, a été créée, et le MQM, dirigé par Altaf Hussain, est devenu le MQM-A (les organisations MQM et MQM-A seront ci-après collectivement appelées MQM dans les présents motifs puisque toute distinction entre les deux entités n’est pas pertinente en l’espèce). La Section de l’immigration a également examiné l’élément de preuve documentaire et conclu que de multiples documents provenant de sources fiables attribuent au MQM et au MQM-A des attentats à la bombe, des enlèvements, des actes de torture et des manifestations violentes, et elle a conclu que les activités du MQM correspondent à la définition de terrorisme établie par la Cour suprême du Canada dans Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1. En outre, le MQM a participé à ces activités terroristes à l’époque où le demandeur est devenu membre du parti et pendant laquelle il a continué d’y adhérer.

[8]  Quant à l’adhésion du demandeur, la Section de l’immigration a noté que son formulaire de renseignements personnels indiquait qu’il soutenait le MQM depuis 1990 et que les membres de sa famille étaient des partisans de longue date du parti. Il a écrit qu’il [traduction] « travaillait très fort et avec enthousiasme pour le MQM » et que c’est cette contribution qui a mené la faction Haqiqi à le prendre pour cible en 1998. En outre, sa demande de résidence permanente précisait qu’il a été un travailleur social pour le MQM entre juin 1990 et juin 1998. Enfin, à son entrevue à l’Agence des services frontaliers du Canada, il a expliqué qu’il travaillait comme bénévole pour le parti et qu’en tant que travailleur social, il était présent aux rassemblements politiques pour contrôler les foules et scander des slogans, il utilisait un mégaphone et encourageait les gens à écouter les propos du président, il distribuait aussi des tracts au collège et dans la rue. La Section de l’immigration fait remarquer le témoignage du demandeur selon lequel le MQM l’a aidé à obtenir un emploi chez Mandarin International Leather, mais cette entreprise n’est pas liée au MQM. En outre, selon le témoignage demandeur, il n’occupait pas de poste spécial au sein de la hiérarchie du parti et il n’était qu’un travailleur parmi des milliers d’autres; il n’avait pas de cotisation à payer et n’a pas versé d’argent au parti; et il assistait à des réunions une ou deux fois par mois aux bureaux du parti où il se voyait alors remettre des feuillets à distribuer ou recevait des instructions au sujet des rassemblements prévus.

[9]  La Section de l’immigration a pris acte de la prétention du demandeur selon laquelle, d’après ce qu’il connaissait du parti, il s’agissait d’une organisation militant pour les droits des migrants venus de l’Inde et qu’il s’est joint au parti parce que la terre de la famille avait alors été confisquée par le gouvernement quand son père est mort. Sa mère et lui espéraient pouvoir la récupérer si le MQM prenait le pouvoir. La Section de l’immigration a pris acte du fait que le demandeur a fait valoir qu’il n’avait connaissance d’aucune violence perpétrée par le parti ou en son nom, en dehors d’une grève qui avait été déclenchée quand Altaf Hussein a été arrêté, qu’il avait apprise en regardant la télévision. La Section de l’immigration a également fait remarquer que selon le témoignage demandeur, lorsqu’il était membre du MQM, lui et ses collègues étaient persuadés qu’il s’agissait d’un groupe pacifique qui essayait de faire respecter les droits des migrants de l’Inde. Il a déclaré qu’on lui avait dit que le MQM était un bon groupe, alors qu’à sa connaissance, c’est le groupe Haqiqi qui commettait des actes inacceptables comme des vols qualifiés et des enlèvements, puis qui essayait ensuite d’en rejeter le blâme sur le MQM. La Section de l’immigration a aussi pris note de l’observation du demandeur selon laquelle les faits concernant son association avec le MQM indiquaient qu’il jouait un rôle très secondaire et négligeable et qu’il ne devrait pas être considéré comme membre de l’organisation pour l’application de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR.

[10]  Ensuite, la Section de l’immigration a examiné la jurisprudence concernant l’adhésion en application de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR et elle a conclu, selon les critères indiqués par la jurisprudence pour établir si une personne est membre d’une telle organisation, que la participation du demandeur au MQM n’était ni minime ni négligeable et qu’elle suffisait à permettre de conclure raisonnablement qu’il appartenait à l’organisation. Son adhésion a duré huit ans, ce qui est une très longue période, il a fait preuve d’un degré d’engagement élevé au sein de l’organisation, car il assistait à des réunions une ou deux fois par mois, il a travaillé comme bénévole aux rassemblements du MQM pour contrôler les foules et il a aussi distribué des tracts durant de nombreuses années. Il était également engagé dans la poursuite des objectifs du MQM, c’est-à-dire l’obtention de droits accrus au Pakistan pour les migrants de l’Inde, et il a profité personnellement de son appartenance au MQM, puisque ce dernier l’a aidé à se trouver un emploi.

[11]  La Section de l’immigration a conclu que l’association du demandeur avec le MQM était comparable aux faits de l’affaire Poshteh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 310, confirmée dans l’affaire Poshteh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 85 [Poshteh]; Ugbazghi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 694 [Ugbazghi]; et Motehaver c Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CF 141; et avec d’autres affaires du MQM (Memon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 610 [Memon]; Qureshi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 7 [Qureshi]; Omer c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 478 [Omer]; Mohiuddin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 51 [Mohiuddin]).

[12]  La Section de l’immigration a pris acte du fait que la question de la complicité n’entre pas en ligne de compte lorsqu’il s’agit de déterminer si une personne appartient à une organisation pour l’application de l’alinéa 34(1)f) et qu’aucune décision fournie n’indiquait qu’une connaissance personnelle d’actes de violence commis par cette organisation était nécessaire avant de conclure à l’interdiction de territoire en application de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR. En outre, compte tenu de l’élément de preuve, le demandeur savait que le MQM était accusé de commettre des enlèvements et des vols qualifiés en raison de discussions avec ses collègues et des déclarations faites par Altaf Hussein, qui avait affirmé que ces actes étaient imputables au groupe Haqiqi, lequel rejetait ensuite le blâme sur le MQM. La Section de l’immigration a conclu que le demandeur a choisi de croire les dires d’autres membres. Ce n’était pas déraisonnable, surtout s’il n’a pas lui-même été témoin de ces incidents, mais cela constituait une connaissance passive des actes de violence perpétrés par le MQM, qui ont été mentionnés par notre Cour dans Qureshi.

[13]  La Section de l’immigration a conclu que le seul point qui différencie le cas du demandeur des autres portant sur le MQM, c’est le fait qu’il n’a pas recueilli de fonds ni effectué de don au parti, mais la durée de son adhésion au parti et la fréquence des activités auxquelles il a participé témoignent d’un soutien important et d’un engagement sérieux envers l’organisation et qu’il existe des motifs raisonnables de croire, vu sa participation au sein du parti, qu’il était membre du parti aux termes de l’alinéa 34(1)f).

Questions en litige et norme de contrôle

[14]  À mon avis, même si le demandeur soulève plusieurs questions, qui concernent toutes son niveau de connaissance des activités terroristes du MQM, la présente demande ne soulève réellement qu’une seule question, soit celle de savoir si la Section de l’immigration a raisonnablement conclu que le demandeur était membre du MQM pour l’application de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR.

[15]  La question de savoir si une personne est membre d’une organisation aux termes de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR est une question mixte de fait et de droit à laquelle s’applique la norme de la décision raisonnable (Mirmahaleh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1085, au paragraphe 15 [Mirmahaleh]; Kanapathy c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 459, au paragraphe 29 [Kanapathy]; Gacho c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 794, au paragraphe 9 [Gacho]. Notre Cour a explicitement conclu que la question de savoir si une personne est membre du MQM au titre de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR doit être analysée selon la norme de la décision raisonnable (Begum c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 729, au paragraphe 11 [Begum]).

[16]  En examinant la décision selon la norme du caractère raisonnable, la Cour doit prendre en considération la justification de la décision, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi que l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59).

Observations des parties

Thèse du demandeur

[17]  L’essentiel de l’observation du demandeur est que la Section de l’immigration a commis une erreur lorsqu’elle a omis de tenir compte du fait que le demandeur n’était pas au courant des activités terroristes du MQM à titre de critère déterminant au moment d’évaluer son adhésion à cette organisation pour l’application de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR. Dans le même ordre d’idées, la conclusion de la Section de l’immigration selon laquelle le demandeur avait une connaissance passive des activités terroristes du MQM était déraisonnable étant donné l’élément de preuve.

[18]  Le demandeur soutient que l’adhésion ne peut être établie simplement en fonction du degré d’association ou de participation, le critère essentiel est la connaissance. Dans Krishnamoorthy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1342 [Krishnamoorthy], le juge Mosley a cité le juge O’Reilly dans Sinnaiah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1576 [Sinnaiah] pour la proposition selon laquelle pour établir l’appartenance à une organisation, « il faut à tout le moins qu’il y ait des éléments de preuve tendant à établir l’existence de “liens institutionnels” ou d’une “participation consciente” aux activités du groupe » (Krishnamoorthy, au paragraphe 24). Le demandeur fait valoir qu’en l’espèce il n’y avait pas de preuve pour étayer le fait qu’il savait que le MQM était un groupe terroriste. Un examen des facteurs à appliquer pour établir si la participation du demandeur aux activités associées à une organisation terroriste constitue une adhésion à cette organisation, selon les faits de l’espèce, n’atteste pas non plus une conclusion d’adhésion de demandeur au MQM (PS c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 168).

[19]  De même, le demandeur ne souscrit pas à l’interprétation par la Section de l’immigration de Qureshi et Mohiuddin et affirme qu’aucune des décisions ne peut être utilisée pour établir que la connaissance par le demandeur des activités terroristes du MQM en l’espèce suffisait pour faire en sorte qu’il soit interdit de territoire. Le demandeur s’en prend plus précisément à la conclusion de la Section de l’immigration selon laquelle il avait au moins une connaissance passive des activités violentes du MQM, comme il est indiqué dans Qureshi. À cet égard, selon le demandeur, dans Qureshi le demandeur connaissait peu l’organisation, mais en l’espèce il n’en avait aucune, et faire en sorte que ces deux niveaux s’équivalent est une erreur. En outre, dans cette décision, la prétention d’absence de connaissance a été jugée non crédible, mais si la connaissance n’était pas pertinente, alors la crédibilité de la prétention quant à la connaissance n’avait pas à être abordée. De plus, le demandeur soutient que la connaissance d’une allégation n’est pas une connaissance, même une connaissance passive, des faits.

Observations du défendeur

[20]  Le défendeur fait valoir que bien que l’adhésion ne soit pas définie, on a conclu qu’on doit en faire une interprétation large et libérale, étant donné son contexte dans la loi portant sur l’immigration (Poshteh, aux paragraphes 26 à 32). En l’espèce, la conclusion de la Section de l’immigration selon laquelle le demandeur était membre du MQM était compatible avec une interprétation libérale de l’adhésion qui est requise par la jurisprudence. La Section de l’immigration a examiné les facteurs établis dans la jurisprudence (TK c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CF 327 [TK]) et a appliqué les faits à ces facteurs pour parvenir à sa conclusion (voir également Mirmahaleh, aux paragraphes 29 et 30).

[21]  Le défendeur fait valoir que l’argument du demandeur selon lequel la décision de la Section de l’immigration n’était pas raisonnable parce qu’il n’avait pas connaissance des actes violents du MQM et qu’il n’était donc pas un membre conformément à l’alinéa 34(1)f) est erroné puisqu’il est bien établi que la connaissance n’est pas requise pour qu’une conclusion soit établie aux termes de l’alinéa 34(1)f). Le critère de l’adhésion en application de l’alinéa 34(1)f) n’exige pas « que la personne ait été complice de la perpétration d’un acte terroriste ou qu’elle y ait pris part sciemment » (Mirmahaleh, au paragraphe 30). En outre, la complicité n’est pas un problème aux termes de l’alinéa 34(1)f) (Omer, au paragraphe 11; Jilani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 758, au paragraphe 20). Comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale dans Kanagendren c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 86 [Kanagendren], bien que l’alinéa 34(1)c) vise la participation concrète à des actes de terrorisme, l’alinéa 34(1)f) ne concerne que l’appartenance à une organisation terroriste.

[22]  La conclusion de la Section de l’immigration selon laquelle le demandeur avait une connaissance passive des activités terroristes du MQM était raisonnable à la lumière de la jurisprudence (Poshteh; Ismeal c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 198, aux paragraphes 21 à 23 [Ismeal]; Kanendra c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 923, aux paragraphes 21 à 23 [Kanendra]) et des éléments de preuve. Le demandeur a admis qu’il était membre du parti de 1990 à 1998, période pendant laquelle le MQM se livrait à des activités terroristes. Comme il était membre du parti au moment où l’action terroriste a lieu, on peut considérer qu’il savait ou qu’il aurait dû savoir que l’organisation se livrait au terrorisme (El Werfalli, au paragraphe 68). La Section de l’immigration a également examiné plusieurs cas et aucun d’entre eux ne nécessitait une connaissance directe des activités du MQM [Memon; Qureshi; Omer; Mohiuddin]. La Section de l’immigration a conclu que le demandeur savait que le MQM était accusé de commettre des enlèvements et des vols qualifiés en raison de discussions avec des collègues et des déclarations faites par Altaf Hussein. Le défendeur fait valoir que les faits indiquent également que le demandeur était membre du MQM depuis longtemps à l’apogée de ses activités violentes, sa participation n’était pas minime et il vivait à Karachi où une grande partie de la violence s’est produite.

[23]  En tout état de cause, la question de savoir si le demandeur avait une connaissance passive ou non n’était pas nécessaire dans le contexte d’une conclusion formulée aux termes de l’alinéa 34(1)f) et même si la Section de l’immigration avait commis une erreur lorsqu’elle l’a examinée, il ne s’agit pas d’une erreur susceptible de révision. Le défendeur fait remarquer que dans Omer, la Cour a conclu que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a examiné la question de la complicité au lieu de se contenter de vérifier si le demandeur était membre de l’organisation, mais il ne s’agit pas là d’une erreur susceptible de révision, car elle n’a pas d’incidence sur décision (au paragraphe 15). De plus, la conclusion d’une connaissance passive n’enlève rien à la conclusion de la Section de l’immigration selon laquelle le demandeur était membre du MQM, auquel cas aucune connaissance n’était requise.

Discussion

[24]  Les dispositions pertinentes de la LIPR sont les suivantes :

33 Les faits — actes ou omissions — mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir.

33 The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.

34 (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

34 (1)  A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

a) être l’auteur de tout acte d’espionnage dirigé contre le Canada ou contraire aux intérêts du Canada;

(a) engaging in an act of espionage that is against Canada or that is contrary to Canada’s interests;

b) être l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force;

(b) engaging in or instigating the subversion by force of any government;

b.1) se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada;

(b.1) engaging in an act of subversion against a democratic government, institution or process as they are understood in Canada;

c) se livrer au terrorisme;

(c) engaging in terrorism;

d) constituer un danger pour la sécurité du Canada;

(d) being a danger to the security of Canada;

e) être l’auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui au Canada;

(e) engaging in acts of violence that would or might endanger the lives or safety of persons in Canada; or

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b), b.1) ou c).

(f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b), (b.1) or (c).

42.1 (1) Le ministre peut, sur demande d’un étranger, déclarer que les faits visés à l’article 34, aux alinéas 35(1)b) ou c) ou au paragraphe 37(1) n’emportent pas interdiction de territoire à l’égard de l’étranger si celui-ci le convainc que cela ne serait pas contraire à l’intérêt national.

42.1 (1) The Minister may, on application by a foreign national, declare that the matters referred to in section 34, paragraphs 35(1)(b) and (c) and subsection 37(1) do not constitute inadmissibility in respect of the foreign national if they satisfy the Minister that it is not contrary to the national interest.

[25]  À mon avis, la Section de l’immigration a correctement indiqué qu’elle devait établir si le MQM était une organisation qui se livrait au terrorisme et, le cas échéant, si le demandeur faisait partie de cette organisation.

[26]  Lorsqu’il a comparu devant moi, le demandeur a soutenu qu’il ne reconnaissait pas que le MQM était une organisation terroriste pendant la période pertinente, mais il ne le contestait pas. À mon avis, dans la mesure où ce point est contesté, la conclusion de la Section de l’immigration selon laquelle le MQM se livrait à des activités terroristes pendant la période au cours de laquelle le demandeur faisait partie de cette organisation était raisonnable en fonction des éléments de preuve documentaire résumés, en partie, par la Section de l’immigration dans ses motifs et qui figurent au dossier. Je tiens également à souligner que cette Cour a déjà confirmé des décisions dans lesquelles il a été conclu que le MQM était une organisation se livrant à des actes de terrorisme aux termes de l’alinéa 34(1)f) (Begum; Jalil c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 568; Memon; Qureshi; Omer; Mohiuddin).

[27]  Ainsi, l’élément déterminant de la présente demande est celui de savoir si le demandeur était membre du MQM. À cet égard, le demandeur soutient principalement que peu importe son adhésion admise, il n’était pas membre du MQM pour l’application de l’alinéa 34(1)f) parce qu’il n’avait aucune connaissance réelle directe de ses activités terroristes. Selon le demandeur, une connaissance réelle directe des activités terroristes d’une organisation est une condition nécessaire ou préalable pour conclure qu’il y a adhésion. Toutefois, le demandeur n’a soulevé aucune décision de jurisprudence pour appuyer ce point de vue et la jurisprudence qui porte sur l’interprétation législative de l’alinéa 34(1)f) et les critères qui devraient guider une évaluation d’adhésion n’appuient pas la position du demandeur.

[28]  Comme point de départ, le terme « membre » n’est pas défini dans la LIPR; toutefois, la jurisprudence enseigne de manière constante qu’il devrait être interprété dans son sens large étant donné que le contexte en jeu concerne la sécurité nationale et la sécurité publique. La Cour d’appel fédérale dans Poshteh a déclaré que :

[27]  La Loi ne définit pas le mot « membre ». Les tribunaux n’ont pas établi une définition précise et complète de ce terme. En interprétant le terme « membre » dans l’ancienne Loi sur l’immigration, LRC 1985, c I-2, la Section de première instance (sa désignation à l’époque) a dit que ce mot devait recevoir une interprétation large et libérale. La justification d’une telle approche est exposée dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Singh (1998), 151 FTR 101 (Fed. TD), au paragraphe 52 :

[52]  Les dispositions en cause traitent de la subversion et du terrorisme. Le contexte, en ce qui concerne la législation en matière d’immigration, est la sécurité publique et la sécurité nationale, soit les principales préoccupations du gouvernement. Il va sans dire que les organisations terroristes ne donnent pas de cartes de membres. Il n’existe aucun critère formel pour avoir qualité de membre et les membres ne sont donc pas facilement identifiables. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration peut, si cela n’est pas préjudiciable à l’intérêt national, exclure un individu de l’application de la division 19(1)f)(iii)(B). Je crois qu’il est évident que le législateur voulait que le mot « membre » soit interprété d’une façon libérale, sans restriction aucune.

[...]

[29]  Eu égard au raisonnement suivi dans la décision Singh et, plus particulièrement, à l’existence, dans les cas qui la justifient, d’une dispense d’application de l’alinéa 34(1)f), je suis d’avis que le mot « membre » dans la Loi devrait continuer d’être interprété d’une manière libérale.

(Voir également Kanapathy, aux paragraphes 33 et 34; Krishnamoorthy, au paragraphe 21; Qureshi, aux paragraphes 21 à 23; Kanendra, aux paragraphes 21 à 23.)

[29]  Je ferais également remarquer que le libellé de l’alinéa 34(1)f), contrairement à celui de l’alinéa 35(1)a), n’introduit pas un élément de connaissance requis. À première vue, l’alinéa 34(1)f) n’exige pas non plus une connaissance réelle directe comme condition préalable à la qualité de membre ou à l’application de la disposition dans son ensemble. L’alinéa 34(1)f) déclenche plutôt l’interdiction de territoire uniquement si une personne est membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’actes de terrorisme.

[30]  La Cour d’appel fédérale a jugé que le fait d’être membre signifie simplement « appartenir » à une organisation (Chiau c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 297 (CAF) [Chiau], aux paragraphes 55 à 62; Ismeal, au paragraphe 20). De plus, conformément à l’interprétation large du terme « membre », il n’est pas requis qu’une personne appartienne réellement ou officiellement à une organisation et une participation officieuse ou un appui en faveur d’un groupe peut suffire (Kanapathy, aux paragraphes 33 et 34; Kanendra, aux paragraphes 21 à 23).

[31]  Bien que l’intimé n’ait pas abordé cette question, je souligne également qu’il existe une jurisprudence qui a conclu que si l’adhésion est admise, elle l’est à toutes fins, y compris l’alinéa 34(1)f) (Saleh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 303, au paragraphe 19); Gebreab, au paragraphe 32; Haqi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1167, au paragraphe 38 [Haqi]; Nassereddine c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 85, au paragraphe 59). En l’espèce, le demandeur a admis être membre du MQM et le dossier indique qu’il a participé aux activités de cette organisation et l’a appuyée. Conformément à la décision de la Section de l’immigration, selon le témoignage du demandeur, il a été membre entre 1990 et 1998, travaillant très fort et avec enthousiasme pour cette organisation. Ainsi, comme on le verra ci-dessous, selon les faits uniquement, même en ne tenant pas compte de la connaissance réelle ou passive, la Section de l’immigration a raisonnablement conclu que le demandeur était membre aux termes de l’alinéa 34(1)f).

[32]  À l’appui de son argument selon lequel la connaissance effective est une condition préalable à l’adhésion en application de l’alinéa 34(1)f), le demandeur s’appuie sur la déclaration du juge O’Reilly dans Sinnaiah, faisant référence à Chiau et à Thanaratnam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 349 (annulée par la Cour d’appel fédérale sur une question différente, voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Thanaratnam, 2005 CAF 122), que pour établir l’appartenance à une organisation, il doit y avoir « au moins la preuve d’un “lien institutionnel” avec les activités du groupe ou d’une “participation consciente” à celles-ci », ce qui a été cité plus tard par le juge Mosley dans Krishnamoorthy (au paragraphe 24).

[33]  À mon avis, cela n’appuie pas la prétention du demandeur. Dans la décision Sinnaiah, rendue en 2004, la préoccupation était que l’appartenance était imputée alors que le demandeur niait tout lien avec les Tigres de Libération de l’Eelam tamoul (« LTTE ») ou appartenance à ces derniers. Le juge O’ Reilly a conclu que l’agent qui a conclu à l’interdiction de territoire ne disposait d’« absolument aucun » élément de preuve qui aurait pu le convaincre, de façon minimale, qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur faisait effectivement partie des LTTE (au paragraphe 17). Dans la décision Krishnamoorthy, également rendue en 2004, le juge Mosley a conclu que l’appartenance à un groupe terroriste ne découlera pas nécessairement de toute manifestation de soutien pour un groupe dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’il est engagé dans des activités terroristes pour l’application de l’alinéa 34(1)f). Il a conclu que dans cette affaire, l’agent aurait dû tenir compte des critères pertinents de l’appartenance qui sont exposés dans la jurisprudence et qui comprennent les activités du demandeur, la période pendant laquelle il a été actif, le degré d’engagement envers l’organisation et ses objectifs (Tharmavarathan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 985, au paragraphe 28). Le juge Mosley a conclu que les éléments de preuve au dossier n’appuyaient pas la conclusion de l’agent selon laquelle il y avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur avait été membre des TLET. Les faits de ces affaires ne sont pas semblables à ceux dont je suis saisie.

[34]  En outre, ni Sinnaiah ni Krishnamoorthy ne portaient sur la nécessité d’un lien institutionnel ou d’une participation consciente ni sur le sens de ces expressions et n’ont fait aucun lien à une exigence selon laquelle un demandeur devait avoir une connaissance réelle des activités terroristes d’une organisation. À mon avis, sur cette question, toute nécessité d’un lien institutionnel est établie par le fait que le demandeur a admis être membre du MQM et qu’il a volontairement participé à diverses activités qui sont écrites par la jurisprudence comme respectant les exigences d’appartenance de l’alinéa 34(1)f).

[35]  De plus, la jurisprudence subséquente indique clairement que le fait d’être complice de la perpétration d’un acte terroriste ou d’y prendre part sciemment n’est pas une exigence pour l’appartenance aux termes de l’alinéa 34(1)f) (Kanapathy, au paragraphe 35). La juge Mactavish dans Kanapathy a conclu que les exigences relatives à la détermination d’une interdiction de territoire pour raisons de sécurité sont moins strictes que celles qui s’appliquent à une exclusion pour cause de violation des droits de la personne internationaux. L’exclusion exige que la personne ait été complice de la perpétration d’un crime international précis ou qu’elle y ait pris part sciemment, tandis que l’interdiction de territoire n’exige pas que la personne ait été complice de la perpétration d’un acte terroriste ou qu’elle y ait pris part sciemment (Kanapathy, au paragraphe 35; Mirmahaleh, au paragraphe 30).

[36]  La Cour d’appel fédérale a confirmé dans Kanagendren que la complicité n’est pas pertinente lorsqu’il s’agit d’un membre. Elle a fait remarquer que dans Ezokola, la Cour suprême du Canada a conclu que la complicité découle de la contribution et que la section F de l’article premier de la Convention relative au Statut des Réfugiés des Nations Unies, R.T. Can. 1969 no 6; 189 UNTS 150 exige qu’il existe des raisons sérieuses de penser que l’intéressé a volontairement et consciemment contribué de manière significative à la perpétration d’un crime par un groupe ou à la réalisation du dessein criminel de ce groupe. Lorsqu’elle a comparé les paragraphes 34(1) et 35(1), la Cour d’appel fédéral a déclaré que :

[22]  Par contraste, rien dans l’alinéa 34(1)f) n’exige ou n’envisage une analyse relative à la complicité lorsqu’il est question d’appartenance à une organisation. De plus, rien dans le texte de la disposition ne suppose que le « membre » est un « véritable » membre de l’organisation, qui a contribué de façon significative aux actions répréhensibles du groupe. Le texte utilisé par le législateur ne fait pas entrer en jeu ces notions.

[37]  Dans le contexte de son analyse textuelle de l’alinéa 34(1)f), la Cour d’appel fédérale a également pris acte du fait qu’en raison de la gamme très étendue des comportements emportant interdiction de territoire aux termes de l’alinéa 34(1)f), et contrairement à l’alinéa 35(1)a), le ministre a le pouvoir discrétionnaire de lever cette mesure. De plus, que le paragraphe 34(1) et l’alinéa 35(1)a) ont des objets très différents. L’alinéa 34(1)f) est animé par des considérations de sécurité, pour réaliser cet objet, l’appartenance à une organisation est définie de façon large (au paragraphe 27).

[38]  Il est également significatif de constater que les personnes qui sont interdites de territoire en application de l’alinéa 34(1)f) ont une voie de recours au moyen de la dispense ministérielle prévue à l’article 42.1 de la LIPR (anciennement le paragraphe 34(2) de la LIPR). Dans Ugbazghi, la juge Dawson a noté que c’est en raison de la très large gamme de comportements qui emportent interdiction de territoire que le ministre a le pouvoir discrétionnaire, au paragraphe 34(1) de la Loi, d’accorder une dispense relativement à l’interdiction de territoire (au paragraphe 47, renvoyant au paragraphe 34(2) de la LIPR). Plus récemment, dans Haqi, la juge Gagné a conclu que le terme « membre » doit recevoir une interprétation large compte tenu de l’intérêt que le gouvernement porte à la sécurité publique et nationale et de la possibilité d’obtenir une dispense ministérielle (au paragraphe 48).

[39]  Dans plusieurs décisions antérieures de notre Cour portant sur la dispense ministérielle dans le contexte de l’appartenance au MQM (qui visaient toutes le paragraphe 34(2) de la LIPR), les demandeurs ont soulevé des objections quant à la conclusion d’invraisemblance et aux conclusions tirées par le ministre relativement à la connaissance réelle du recours à la violence par le MQM (Siddique c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 192, aux paragraphes 58 à 64; 2016 CF Naeem c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 1285, au paragraphe 49; Afridi c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 1299, au paragraphe 33). Ainsi, il semblerait que la connaissance réelle des activités terroristes du MQM dans la situation du demandeur peut constituer une considération plus pertinente aux fins de l’octroi de la dispense ministérielle.

[40]  Le demandeur soutient également que la Section de l’immigration a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il avait une connaissance passive des activités du MQM au motif qu’il savait que des accusations étaient portées contre le MQM. Dans ses motifs, la Section de l’immigration a déclaré que la Cour a confirmé dans Qureshi que l’alinéa 34(1)f) n’exige pas plus qu’une connaissance passive des activités du MQM. Elle a également conclu que dans Mohiuddin il était implicite que le demandeur ne croyait pas et ne savait pas que le MQM s’adonnait à des actes terroristes; cependant, que notre Cour a confirmé la décision de la Section de l’immigration suivant laquelle les rapports émanant de tierces parties au sujet de la violence commise par le MQM étaient plus convaincants que les déclarations publiques du parti, où celui-ci affirme ne pas tolérer la violence. En l’espèce, la Section de l’immigration a conclu que le demandeur savait que le MQM était accusé de commettre des enlèvements et des vols qualifiés, mais qu’il a choisi de croire les dires d’autres membres du parti, soit que ces actes étaient imputables au MQM-H, lequel rejetait ensuite blâme sur le MQM. La Section de l’immigration a conclu que ce comportement n’était pas déjà déraisonnable, surtout si le demandeur n’a jamais lui-même été témoin de ces activités, mais qu’il avait au moins une connaissance passive des activités violentes, comme celle mentionnée dans Qureshi.

[41]  Dans Qureshi le demandeur a soutenu ne pas être au courant d’activités violentes ou terroristes. La Section de l’immigration dans cette affaire a conclu que cela n’était pas crédible étant donné qu’il avait été un membre actif du MQM pendant sept ans, qu’il était bien instruit et que la violence, les meurtres et la torture commis par le MQM étaient bien établis et largement connus. Cependant, je ferai remarquer que dans Qureshi, la Section de l’immigration, lorsqu’elle a conclu à l’interdiction de territoire, a abordé les alinéas 34(1)f) et 35(1)a). Au moment d’aborder la question de savoir si la Section de la protection des réfugiés (SPR) avait correctement appliqué les critères de la complicité prévue à l’alinéa 35(1)a), notre Cour a conclu qu’elle n’avait pas lié le poste occupé par le demandeur au sein du MQM à la perpétration de crimes de poursuite par les membres du MQM ni fondé son affirmation selon laquelle la connaissance par le demandeur des atrocités commises par le MQM allait au-delà d’un niveau passif et qu’il en était davantage conscient, au point où cela sous-entendait une approbation et une intention commune dans ces crimes (aux paragraphes 41 et 42). Par conséquent, notre Cour a conclu que la décision était déraisonnable en ce qui touche la conclusion de complicité de l’alinéa 35(1)a). Toutefois, elle a rejeté la demande puisqu’elle a conclu que la décision selon laquelle le demandeur était interdit de territoire du fait qu’il était membre d’une organisation terroriste était raisonnable, en application de l’alinéa 34(1)f). La Cour n’a pas abordé la question de la connaissance passive dans le contexte de l’alinéa 34(1)f).

[42]  Ainsi, la Section de l’immigration en l’espèce a commis une erreur dans la mesure où elle a déclaré que notre Cour, dans Qureshi, a confirmé que l’alinéa 34(1)f) n’exige pas plus qu’une connaissance passive des activités de l’organisation terroriste. Cela étant dit, je ne suis pas convaincue que l’erreur soit fatale ou que la Section de l’immigration ait commis une erreur dans sa conclusion fondée sur le dossier qui, comme dans Qureshi, confirmait le signalement généralisé d’actes violents imputés au MQM, et le fait que le demandeur avait le même type de connaissance passive (voir également Mirmahaleh, aux paragraphes 27 à 31). En tout état de cause, cela n’est pas déterminant.

[43]  Cela s’explique parce que la Section de l’immigration en l’espèce a reconnu et appliqué les critères qui avaient été créés auparavant par la jurisprudence afin d’établir l’appartenance en application de l’alinéa 34(1)f), ce qui ne comprend pas une connaissance directe des activités terroristes d’une organisation et a raisonnablement conclu que le demandeur était membre du MQM.

[44]  Ces critères ont été récemment résumés par le juge LeBlanc dans Gacho :

[23]  À cet égard, notre Cour a conclu à maintes reprises que le terme « membre » n’exige pas une adhésion effective ou formelle, avec participation active. Être « membre » signifie simplement « appartenir » à un groupe (Chiau, au paragraphe 57; voir aussi Denton-James c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1548, au paragraphe 13; Ismeal c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 198, aux paragraphes 19 et 20).

[24]  En règle générale, les facteurs pertinents à prendre en compte pour décider si un demandeur est membre d’une organisation aux fins de l’article 34 de la Loi sont les intentions du demandeur, son niveau de participation et son engagement (Krishnamoorthy, au paragraphe 23). Dans l’arrêt Sinnaiah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1576, le juge O’Reilly a indiqué que « [p]our démontrer que l’intéressé “fait partie” d’une organisation, il faut à tout le moins qu’il y ait des éléments de preuve tendant à établir l’existence de “liens institutionnels” ou d’une “participation consciente” aux activités du groupe » (au paragraphe 6).

[25]  L’« appartenance » d’un étranger à une organisation qui a renversé un gouvernement est appréciée sur la base de « motifs raisonnables de croire » que les actes sont survenus, conformément à l’article 33 de la Loi. Cette norme « exigeait davantage qu’un simple soupçon, mais restait moins stricte que la prépondérance des probabilités applicable en matière civile » (Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 RCS 100, au paragraphe 114).

[26]  En outre, puisque l’article 33 de la Loi prévoit que les faits qui donnent lieu à l’interdiction de territoire comprennent les faits qui « sont survenus, surviennent ou peuvent survenir », notre Cour a estimé que cela voulait dire qu’aucune contrainte temporelle ne s’applique à l’« appartenance ». Cela signifie qu’un agent doit seulement « savoir si l’intéressé est ou a été membre de l’organisation » (Al Yamani c Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 1457, au paragraphe 12, 304 FTR 222 [Yamani]). Les agents n’ont pas besoin d’établir une correspondance entre la participation active comme membre de l’intéressé et la période pendant laquelle l’organisation se livrait à des actes visant au renversement d’un gouvernement (Yamani, au paragraphe 12).

[45]  Dans TK, a été appliqué par la section en l’espèce, le juge Russell a formulé les critères suivants :

[105]  Sur cette question, je conviens avec le demandeur que la jurisprudence a établi un critère permettant de déterminer si une personne est membre d’une organisation. Les facteurs suivants devraient être pris en compte : la nature et la durée des activités de l’intéressé, ainsi que le niveau de son engagement dans l’organisation et dans la poursuite de ses objectifs. Voir Krishnamoorthy, précité, au paragraphe 23 et Villegas, précité, au paragraphe 44.

[46]  Dans ce cas, la Section de l’immigration a reconnu dans sa décision qu’un certain nombre de facteurs doivent être pris en compte, que dans chaque cas, certains facteurs peuvent détourner l’attention de l’adhésion et d’autres la soutenir (Poshteh; Ismeal, au paragraphe 22; Toronto Coalition to Stop the War c Canada (Sécurité publique et protection civile), 2010 CF 957), et que tout acte de soutien à un groupe dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’il est impliqué dans des activités terroristes ne constitue pas une adhésion (Krishnamoorthy). Elle a ensuite appliqué les critères à la preuve fournie par le demandeur et a comparé sa participation aux conclusions d’appartenance formulées dans d’autres affaires, y compris le fait que son adhésion a duré très longtemps, soit huit ans; qu’il a fait preuve d’un degré d’engagement élevé au sein du MQM puisqu’il assistait à des réunions une ou deux fois par mois, qu’il travaillait comme bénévole aux rassemblements et qu’il distribuait des tracts au cours des années; qu’il était engagé dans la poursuite des objectifs du MQM d’améliorer les droits Pakistan migrants de l’Inde au Pakistan; et qu’il a profité personnellement de son appartenance au parti puisque ce dernier l’a aidé à se trouver un emploi.

[47]  La norme de preuve applicable à la détermination de la question de savoir si le demandeur est membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle a été l’auteur d’actes de terrorisme aux termes de l’alinéa 34(1)f) est faible (Kanapathy, au paragraphe 32). De façon générale, la preuve doit établir davantage qu’un simple soupçon, mais être moins stricte que la prépondérance des probabilités. La croyance doit essentiellement posséder un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi (Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, au paragraphe 114; B074, au paragraphe 30; Memon, au paragraphe 13). À mon avis, la norme de preuve est satisfaite. Selon la preuve de la jurisprudence, la Section de l’immigration disposait d’un fondement suffisant pour conclure raisonnablement selon les faits et le droit que le demandeur était membre du MQM pour l’application de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR, avec ou sans connaissance réelle directe des activités terroristes du MQM.

[48]  Par conséquent, la décision de la Section de l’immigration appartient aux issues possibles et acceptables, pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La décision repose sur la jurisprudence pertinente et elle est justifiée, transparente et intelligible. À mon avis, il n’y a aucun fondement qui permet à la Cour d’intervenir.

Question certifiée

[49]  Le demandeur a présenté la question à certifier suivante :

[TRADUCTION]

L’exigence selon laquelle une personne participe sciemment à une organisation terroriste pour être considérée comme un membre de cette organisation aux termes de l’alinéa 34(1)f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés nécessite-t-elle la connaissance des méthodes terroristes de l’organisation?

[50]  Le défendeur s’oppose à la certification de la question au motif que la connaissance n’est pas une exigence et qu’il s’agit d’un droit bien établi.

[51]  Conformément à l’alinéa 74(d) de la LIPR, un appel ne peut être lancé auprès de la Cour d’appel fédérale que si le juge, en rendant sa décision, certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci. Le critère à appliquer au moment de déterminer si une question sied à une certification est énoncé dans Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 168 :

[9]  Il est de droit constant que, pour être certifiée, une question doit i) être déterminante quant à l’issue de l’appel, ii) transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale. En corollaire, la question doit avoir été soulevée et examinée dans la décision de la cour d’instance inférieure, et elle doit découler de l’affaire, et non des motifs du juge ((Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Liyanagamage, [1994] ACF no 1637 (QL) (CAF), au paragraphe 4; Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c Zazai, 2004 CAF 89, aux paragraphes 11 et 12; Varela c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145, [2010] 1 RCF 129, aux paragraphes 28, 29 et 32).

(Voir aussi Varela c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 145, aux paragraphes 28 à 30; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Zazai, 2004 CAF 89, au paragraphe 11).

[52]  Dans Liyanagamage c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] ACF no 1637 (CAF), aux paragraphes 4 à 6, la Cour d’appel fédérale a aussi affirmé que le processus de certification ne saurait être utilisé comme un moyen d’obtenir, de la Cour d’appel, des jugements déclaratoires à l’égard de questions qu’il n’est pas nécessaire de trancher pour régler l’affaire, et il ne doit pas être assimilé au processus de renvoi établi par la Loi sur les cours fédérales, LRC, 1985, c F-7.

[53]  À mon avis, la question telle qu’elle est formulée ne peut être certifiée puisque le paragraphe 34(1) et l’alinéa 34(1)f) ne contiennent pas une exigence selon laquelle une personne doit participer sciemment à une organisation terroriste pour être considérée comme un membre de cette organisation. La question de la connaissance réelle des activités terroristes d’une organisation n’est pas déterminante puisque les critères existants établis par la jurisprudence ont été examinés et appliqués de façon raisonnable par la Section de l’immigration.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne seront adjugés.

  3. La question proposée par le demandeur n’est pas certifiée.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 4e jour de mai 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3407-16

 

INTITULÉ :

ABDUL RAUF KHAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 avril 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 25 avril 2017

 

COMPARUTIONS :

David Matas

 

Pour le demandeur

 

Aliyah Rahaman

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Matas

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour le défendeur

 

 

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