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Date : 20170421


Dossier : IMM-4216-16

Référence : 2017 CF 388

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 avril 2017

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

XIU MEI LIANG

alias XIUMEI LIANG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Xiu Mei Liang sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR). La Section d’appel des réfugiés a rejeté l’appel interjeté par Mme Liang à l’encontre de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la CISR, et a confirmé que Mme Liang n’était ni une réfugiée au sens de la Convention, ni une personne à protéger, aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR).

[2]  Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que la Section d’appel des réfugiés avait de manière raisonnable tiré une conclusion défavorable du défaut de Mme Liang de répondre aux nouveaux éléments de preuve déposés par le ministre en appel. Les motifs sur lesquels s’est fondée la Section d’appel des réfugiés pour rejeter le compte rendu que Mme Liang a fait de son départ de la Chine n’étaient pas suffisamment différents pour nécessiter un avis officiel, et n’ont pas donné ouverture à un manquement à l’équité procédurale. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

II.  Résumé des faits

[3]  Mme Liang est citoyenne de la Chine. Elle a immigré au Pérou en 1999. Elle s’est par la suite mariée et a obtenu le statut de résidente permanente au Pérou. Le couple a eu deux enfants, qui sont tous deux citoyens péruviens. Mme Liang allègue que son mari a commencé à la maltraiter en janvier 2013, et qu’ils ont divorcé quelques mois plus tard. Elle affirme que son ancien mari a obtenu la garde des enfants et a refusé de l’autoriser à leur rendre visite.

[4]  Le 22 septembre 2014, Mme Liang est retournée en Chine. Elle prétend qu’elle souffrait d’une dépression, et a commencé à assister à des offices religieux dans une [traduction« maison-église ». Mme Liang affirme que le 21 novembre 2014, elle a été appréhendée par le Bureau de la sécurité publique de Chine alors qu’elle distribuait de la propagande religieuse dans un parc, et a été détenue pendant deux jours. Craignant d’être détenue de nouveau, elle a retenu les services d’un passeur pour qu’il l’aide à quitter la Chine.

[5]  Mme Liang est arrivée aux États-Unis le 14 décembre 2014. Elle a travaillé à Los Angeles comme gardienne d’enfants pendant six mois, environ, avant d’entrer au Canada illégalement le 21 juin 2015. Elle n’a présenté une demande d’asile que le 15 octobre 2015. Mme Liang affirme craindre d’être persécutée en Chine en raison de sa pratique religieuse, ainsi qu’au Pérou à cause de son ancien mari.

[6]  La demande d’asile de Mme Liang a été entendue par la Section de la protection des réfugiés les 9 décembre 2015 et 22 février 2016. Le 31 mai 2016, la Section de la protection des réfugiés a rejeté la demande d’asile.

[7]  Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) est intervenu à l’audience devant la Section de la protection des réfugiés, afin de faire valoir ce qui suit : a) Mme Liang pourrait retourner au Pérou, où elle a obtenu le statut de résidente permanente; b) les craintes subjectives de persécution alléguées n’étaient pas crédibles, en raison d’incohérences importantes dans son témoignage, y compris dans son formulaire Fondement de la demande d’asile (formulaire FDA), son entrevue de premier contact et son compte rendu de ses actions.

[8]  La Section de la protection des réfugiés a estimé que le témoignage de Mme Liang était [traduction] « vague et incohérent », en donnant les exemples suivants :

  • a) [traduction] l’explication qu’a fournie Mme Liang concernant le fait qu’elle a réussi à quitter la Chine sans être identifiée ni arrêtée par le Bureau de la sécurité publique était déraisonnable et contredisait les éléments de preuve objectifs des conditions dans le pays;

  • b) l’explication qu’a fournie Mme Liang concernant le fait qu’elle n’a pas présenté de demande d’asile aux États-Unis était déraisonnable;

  • c) en entrant illégalement au Canada et en omettant de revendiquer le statut de réfugié à l’aéroport de Vancouver, ayant plutôt attendu d’être arrivée à Toronto pour le faire, Mme Liang a sapé la crédibilité de sa crainte de persécution en Chine;

  • d) la décision de Mme Liang d’attendre que ses parents versent des fonds additionnels à son passeur, au lieu de présenter une demande d’asile, était déraisonnable;

  • e) plusieurs documents fournis par Mme Liang à l’appui de sa demande d’asile n’étaient pas authentiques.

[9]  La Section de la protection des réfugiés a aussi mis en doute la crédibilité des allégations de Mme Liang selon lesquelles elle était une chrétienne pratiquante. Même si Mme Liang était chrétienne, la Section de la protection des réfugiés a conclu que la pratique de cette forme particulière de religion ne serait pas interdite en Chine.

[10]  La Section de la protection des réfugiés a conclu ce qui suit :

[traduction]
[76] Ayant examiné l’ensemble de la preuve, le tribunal conclut qu’il n’existe aucune possibilité sérieuse de persécution pour un motif prévu dans la Convention si la demanderesse retourne en Chine, ou que, selon la prépondérance des probabilités, elle ne serait pas personnellement exposée au risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités.

[77] Le tribunal conclut que la demanderesse n’est ni une réfugiée au sens de la Convention, ni une personne à protéger. Par conséquent, sa demande d’asile est rejetée.

III.  Décision faisant l’objet du contrôle

[11]  Mme Liang a interjeté appel de la décision de la Section de la protection des réfugiés auprès de la Section d’appel des réfugiés. La Section d’appel des réfugiés a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés et a rejeté l’appel le 13 septembre 2016.

[12]  Mme Liang n’a produit aucun nouvel élément de preuve en appel. Cependant, le ministre a déposé des documents additionnels dont la Section de la protection des réfugiés ne disposait pas, à savoir : un « rapport de niveau trois de la Conférence des cinq nations » (CCN) et des renseignements ayant trait à une demande de visa de voyage aux États-Unis que Mme Liang a présentée alors qu’elle vivait encore au Pérou. La Section d’appel des réfugiés a conclu que ces deux documents étaient crédibles, puisqu’ils provenaient du gouvernement des États-Unis. La Section d’appel des réfugiés a souligné que les documents étaient « très pertinents et substantiels ».

[13]  La Section d’appel des réfugiés a affirmé que les renseignements contenus dans la demande de visa de voyage aux États-Unis présentée par Mme Liang contredisaient son allégation selon laquelle elle était divorcée de son mari, un élément crucial de sa demande d’asile. La Section d’appel des réfugiés a tiré une conclusion défavorable du défaut de Mme Liang de répondre aux nouveaux éléments de preuve que le ministre a produits en appel : [traduction]

[21] Selon son témoignage et son formulaire FDA, elle a divorcé de son époux en mai 2013. Le problème survient lorsque j’examine la preuve du ministre qui montre clairement que la date de la demande de visa est le 20 janvier 2014, huit mois après le prétendu divorce de l’appelante (cause de la détresse qui l’a poussée à participer aux activités d’une maison-église illégale en Chine) et, dans cette demande, il est clairement indiqué que le 20 janvier 2014, l’appelante était encore mariée à Li, Da Rong et qu’elle vivait encore à la même adresse que lui. Il s’agit d’une contradiction importante qui touche au cœur même de la demande d’asile et de l’appel. Le 25 juillet, le ministre a avisé l’appelante, par l’intermédiaire de sa conseil, par télécopieur; toutefois, en date du 1er septembre 2016, longtemps après l’échéance pour répondre à l’intervention du ministre, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) n’a reçu aucune réponse. Comme aucune réponse à la preuve et aux observations du ministre n’a été transmise, je peux seulement supposer que l’appelante ne conteste pas et qu’elle n’explique pas l’importante contradiction susmentionnée.

[22] La preuve du ministre mine manifestement la crédibilité de l’appelante. […]

[14]  La Section d’appel des réfugiés s’est dite en désaccord avec une partie de l’analyse de la Section de la protection des réfugiés concernant les circonstances dans lesquelles Mme Liang a quitté la Chine, mais elle a aussi conclu que cet aspect du témoignage de Mme Liang manquait de crédibilité : [traduction]

[22] [...] Le témoignage de l’appelante, tant écrit que de vive voix, soulève une deuxième préoccupation grave en matière de crédibilité, à savoir qu’elle a eu besoin de l’aide d’un passeur pour sortir de la Chine, pour entrer aux États-Unis et finalement pour entrer au Canada. La preuve du ministre montre clairement que l’appelante avait l’intention de quitter la Chine et de transiter par les États-Unis lorsqu’elle a demandé un visa près d’un an avant d’avoir prétendument utilisé les services d’un passeur pour fuir la Chine. L’appelante a quitté la Chine en utilisant son propre passeport valide le 15 décembre 2014. Dans son mémoire d’appel, l’appelante m’explique que son départ de la Chine a eu lieu environ neuf jours avant qu’elle ne devienne une personne  « recherchée » par le Bureau de la sécurité publique. L’appelante a légalement quitté la Chine par la voie des airs munie de son visa des États-Unis, délivré plus de 11 mois auparavant; elle est entrée légalement aux États-Unis. Comme l’appelante n’était pas une « personne recherchée » en Chine selon ses propres observations et comme elle avait tous les documents légaux nécessaires pour se rendre aux États-Unis, il est insensé qu’elle paie un passeur pour voyager de la Chine au Canada alors qu’elle pouvait entrer légalement aux États-Unis sans l’aide d’un passeur. Je suis d’accord avec l’appelante lorsqu’elle affirme que la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur dans son évaluation du départ de la Chine de l’appelante; toutefois, je suis également d’accord avec l’observation du ministre selon laquelle le rapport de niveau trois du CCN montre que l’appelante a fait de fausses déclarations aux autorités canadiennes et qu’elle n’est donc pas crédible.

[15]  La Section d’appel des réfugiés a reconnu que le défaut de demander l’asile dans le premier pays capable de fournir une protection et disposé à le faire n’est pas un facteur déterminant, tout comme la présentation tardive de la demande d’asile. De l’avis de la Section d’appel des réfugiés, si Mme Liang était crédible, alors ses explications seraient probablement acceptables. Cependant, la Section d’appel des réfugiés a conclu que Mme Liang n’était pas crédible et a rejeté son appel.

IV.  Questions en litige

[16]  La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

  1. La Section d’appel des réfugiés a-t-elle raisonnablement tiré une conclusion défavorable du défaut de Mme Liang de répondre aux nouveaux éléments de preuve que le ministre a produits en appel?

  2. La Section d’appel des réfugiés a-t-elle privé Mme Liang de son droit à l’équité procédurale en estimant qu’elle n’était pas crédible pour des motifs autres que ceux sur lesquels s’était appuyée la Section de la protection des réfugiés, et sans présenter un avis adéquat?

  3. Est-ce qu’une question devrait être certifiée en vue d’un appel?

V.  Discussion

[17]  L’évaluation faite par la Section d’appel des réfugiés du dossier de preuve relève de questions de fait et de droit et est susceptible de contrôle par la Cour selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, au paragraphe 35 [Huruglica]). La Cour n’intervient que si la décision n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[18]  Les questions d’équité procédurale sont sujettes à une révision par la Cour selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43).

A.  La Section d’appel des réfugiés a-t-elle raisonnablement tiré une conclusion défavorable du défaut de Mme Liang de répondre aux nouveaux éléments de preuve que le ministre a produits en appel?

[19]  Mme Liang a affirmé devant la Section de la protection des réfugiés qu’elle avait divorcé de son mari en 2013 et s’était enfuie en Chine parce que celui-ci était violent. Cependant, en 2014 elle a indiqué dans sa demande de visa de voyage américain qu’elle était mariée et vivait avec son mari au Pérou. La demande de visa américain a été produite par le ministre en appel à titre de nouvel élément de preuve. Mme Liang a été avisée de l’intervention du ministre et s’est vu offrir la possibilité de répondre, mais elle a refusé de le faire, ce qui a amené la Section d’appel des réfugiés à déclarer ceci : « Comme aucune réponse à la preuve et aux observations du ministre n’a été transmise, je peux seulement supposer que [Mme Liang] ne conteste pas et qu’elle n’explique pas l’importante contradiction susmentionnée ».

[20]  Mme Liang reproche à la Section d’appel des réfugiés de ne pas avoir examiné adéquatement la décision de la Section de la protection des réfugiés, et de s’être plutôt fondée sur ses propres conclusions quant à la crédibilité. Plus précisément, Mme Liang affirme que la Section d’appel des réfugiés n’a pas examiné [traduction] « le nombre important de documents à l’appui dont la Section de la protection des réfugiés, à tort, n’a pas tenu compte », notamment son certificat de divorce. Elle affirme que la Section d’appel des réfugiés avait l’obligation de mener un examen complet, fondé sur les faits, de l’ensemble de la preuve (citant l’arrêt Huruglica), et qu’elle a accepté à tort les conclusions de la Section de la protection des réfugiés en matière de crédibilité en s’appuyant sur ses [traduction] « propres conclusions (douteuses) à l’égard d’autres aspects de la demande d’asile » (citant les décisions Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 311, aux paragraphes 20 et 21, et Ren c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1402, aux paragraphes 24 et 25).

[21]  Mme Liang fait aussi valoir que la Section d’appel des réfugiés ne peut tirer des conclusions défavorables déterminantes contre des demandeurs d’asile parce qu’ils font de fausses déclarations dans leurs tentatives pour échapper à la persécution (citant les décisions Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, au paragraphe 11 [Lubana], et Bagire c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 816, aux paragraphes 20 et 21 [Bagire]).

[22]  Le ministre rétorque qu’il était loisible à la Section d’appel des réfugiés de conclure que la contradiction dans la preuve concernant l’état matrimonial de Mme Liang a miné sa crédibilité, et a été fatale à sa demande d’asile. Selon le ministre, si Mme Liang avait répondu à la demande d’observations de la Section d’appel des réfugiés concernant la contradiction, elle aurait pu parvenir à convaincre celle-ci de son honnêteté (citant la décision Poudel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 978, au paragraphe 8 [Poudel]). Mme Liang a eu plus d’un mois pour répondre aux nouveaux éléments de preuve déposés par le ministre, mais ne l’a pas fait. Le ministre souligne que Mme Liang était représentée par un avocat et ajoute que son silence devrait par conséquent être considéré comme un choix stratégique.

[23]  En soi, une conclusion défavorable quant à la crédibilité peut être suffisante pour rejeter une demande d’asile (Hussain c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1186, aux paragraphes 10 et 11; Amiryar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1023, aux paragraphes 19 et 20). En l’espèce, Mme Liang a été avisée des préoccupations du ministre concernant les déclarations contradictoires qu’elle a faites au sujet de son état matrimonial. Elle a refusé de fournir une explication. Dans les circonstances, je conclus qu’il était loisible à la Section d’appel des réfugiés de conclure qu’elle n’avait aucune explication à offrir, et de tirer une conclusion défavorable.

[24]  Certaines formes de fausses déclarations qui ne sont pas essentielles à une demande d’asile, comme l’usage de documents frauduleux dans la décision Lubana, peuvent être insuffisantes pour miner la crédibilité d’un demandeur d’asile. Cependant, en l’espèce, la déclaration trompeuse concernait les problèmes matrimoniaux allégués de Mme Liang, qui étaient au cœur de sa demande d’asile. Ils étaient prétendument la cause de sa crainte subjective d’être persécutée au Pérou, et la raison pour laquelle elle s’est tournée vers la religion en Chine. Ses pratiques religieuses étaient supposément la cause de sa crainte subjective de persécution en Chine.

[25]  Même si la Section d’appel des réfugiés a peut-être pris un « raccourci » en se passant d’un examen détaillé de la preuve documentaire, une seule conclusion défavorable quant à la crédibilité concernant un élément essentiel d’une demande d’asile peut suffire pour trancher. Le rejet par la Section d’appel des réfugiés de la demande d’asile de Mme Liang pour ce motif était donc raisonnable.

B.  La Section d’appel des réfugiés a-t-elle privé Mme Liang de son droit à l’équité procédurale en estimant qu’elle n’était pas crédible pour des motifs autres que ceux sur lesquels s’était appuyée la Section de la protection des réfugiés, et sans présenter un avis adéquat?

[26]  La Section d’appel des réfugiés a conclu que les allégations de Mme Liang, selon lesquelles elle aurait eu recours aux services d’un passeur pour quitter la Chine, contredisaient sa déclaration selon laquelle elle n’était pas encore [traduction] « recherchée » par le Bureau de la sécurité publique au moment de son départ. Mme Liang affirme qu’il était [traduction] « tout à fait raisonnable pour elle d’embaucher un passeur pour quitter la Chine, puisqu’à l’époque où elle s’y trouvait encore, elle ne pouvait pas savoir avec certitude si elle serait interceptée par les autorités frontalières en tentant de quitter ». Elle soutient que la Section d’appel des réfugiés avait l’obligation de s’assurer que les questions qui pouvaient avoir des répercussions déterminantes sur son appel seraient soulevées lors d’une audience. La Section de la protection des réfugiés n’a pas mis l’accent sur l’affirmation de Mme Liang selon laquelle elle avait utilisé les services d’un passeur pour quitter la Chine, même si elle n’était pas « recherchée » par le Bureau de la sécurité publique. Par conséquent, elle maintient que le défaut de la Section d’appel des réfugiés de lui fournir un avis et de lui offrir la possibilité de se pencher sur cette question a entraîné un manquement à l’équité procédurale (citant les décisions Sarker c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1168, au paragraphe 19, et Ching c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 725, au paragraphe 71).

[27]  Les deux parties se sont efforcées de comprendre la déclaration de la Section d’appel des réfugiés selon laquelle « la SPR a commis une erreur dans son évaluation du départ de la Chine de l’appelante ». La Section d’appel des réfugiés a conclu que « l’appelante avait l’intention de quitter la Chine et de transiter par les États-Unis lorsqu’elle a demandé un visa près d’un an avant d’avoir prétendument utilisé les services d’un passeur pour fuir la Chine ». En réalité, Mme Liang a demandé un visa américain pour rentrer en Chine à son départ du Pérou, ce qui supposait de transiter par les États-Unis. Le visa était encore valide lorsqu’elle a quitté la Chine.

[28]  Nous ne voyons donc pas clairement pourquoi la Section d’appel des réfugiés a conclu que la Section de la protection des réfugiés avait mal compris les circonstances entourant le départ de la Chine de Mme Liang. La Section de la protection des réfugiés semble avoir compris que les sommations présumées n’ont été délivrées qu’après son départ. Elle a néanmoins conclu que si Mme Liang avait vraiment été recherchée par le Bureau de la sécurité publique, elle aurait alors été inscrite dans le « Bouclier d’or », la base de données de contrôle frontalier de la Chine – peut-être en raison de sa détention antérieure.

[29]  Le ministre maintient néanmoins que la Section d’appel des réfugiés a raisonnablement conclu à l’absence de crédibilité du compte rendu du départ de la Chine de Mme Liang, et ce, pour les raisons suivantes : a) le Bureau de la sécurité publique n’avait pas encore émis de mandat d’arrestation contre Mme Liang; b) elle était en possession d’un visa de voyage américain valide; c) elle est entrée aux États-Unis légalement, avec tous les documents requis.

[30]  La façon dont Mme Liang a quitté la Chine et est entrée aux États-Unis était l’une des questions essentielles dont la Section de la protection des réfugiés était saisie. L’approche de la Section d’appel des réfugiés à l’égard de cette question différait sur des aspects mineurs de celle adoptée par la Section de la protection des réfugiés, mais les deux tribunaux en sont arrivés à la même conclusion : le compte rendu qu’a présenté Mme Liang de son départ de la Chine n’était pas crédible. Je ne suis pas convaincu que les motifs sur lesquels s’est appuyée la Section d’appel des réfugiés pour rejeter le compte rendu de Mme Liang étaient si différents, au point de nécessiter un avis officiel. Par conséquent, l’analyse de la Section d’appel des réfugiés n’a pas donné ouverture à un manquement à l’équité procédurale.

C.  Est-ce qu’une question devrait être certifiée en vue d’un appel?

[31]  Aucune des parties n’a demandé la certification d’une question aux fins d’appel. Cependant, pendant la plaidoirie, les parties ont adopté des positions sensiblement différentes sur la question de savoir s’il était loisible à la Section d’appel des réfugiés de tirer une conclusion défavorable du défaut d’un demandeur d’asile de répondre à un avis d’intervention du ministre, en application de l’article 4 des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257. Les Règles sont muettes sur les conséquences du défaut de répondre à un pareil avis.

[32]  À mon avis, les circonstances dans lesquelles la Section d’appel des réfugiés peut tirer une conclusion défavorable du défaut d’une partie de contester la preuve d’une autre partie ont été suffisamment examinées dans la jurisprudence existante (voir, par exemple, les décisions Poudel et Bagire). Je conclus donc qu’aucune question d’importance générale sérieuse ne se pose en l’espèce.

VI.  Conclusion

[33]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.


JUGEMENT

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 29e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4216-16

 

INTITULÉ :

XIU MEI LIANG alias XIUMEI LIANG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 avril 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 21 avril 2017

 

COMPARUTIONS :

Phillip Trotter

 

Pour la demanderesse

 

Christopher Crighton

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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