Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20170424


Dossier : IMM-3150-16

Référence : 2017 CF 401

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 avril 2017

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

PRATHAM KETANKUMAR PATEL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  INTRODUCTION

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire déposée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (Loi), à l’encontre d’une décision par laquelle une agente d’immigration du consulat général du Canada situé à New York (agente des visas), en date du 6 juin 2016 (décision), qui a refusé la demande de visa de résident temporaire (VRT) du demandeur.

II.  RÉSUMÉ DES FAITS

[2]  Le demandeur est un citoyen de l’Inde âgé de 26 ans. Il avait résidé antérieurement au Canada aux termes d’un visa d’étudiant et d’un visa d’étudiant de cycle supérieur.

[3]  Le 17 août 2013, des chefs d’accusation de conduite d’un véhicule avec facultés affaiblies ont été portés contre le demandeur conformément à l’article 253 du Code criminel du Canada, LRC 1985, c C-46 (Code). Peu après, sa demande antérieure de visa de résident temporaire a été refusée le 15 janvier 2014 (refus du 15 janvier). Les chefs d’accusation ont ensuite été retirés le 29 mai 2014.

[4]  Le demandeur a ensuite présenté une nouvelle demande de visa de résident temporaire le 26 novembre 2015. Après examen de la deuxième demande, l’agent de réexamen avait des préoccupations quant à l’omission du demandeur de déclarer dans sa demande son arrestation et le refus du 15 janvier. En conséquence, une lettre relative à l’équité procédurale portant sur l’omission du demandeur de respecter les exigences du paragraphe 16(1) de la Loi et sur son interdiction de territoire possible pour avoir émis de fausses déclarations en application de l’article 40 de la Loi a été envoyée au demandeur le 5 janvier 2016. Dans la lettre, on demandait également au demandeur de fournir un certificat de police de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

[5]  L’avocat du demandeur a répondu au moyen d’une lettre en date du 2 mars 2016 et a demandé une prorogation de 60 jours. Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a accordé une prorogation de 30 jours et une nouvelle date limite a été établie au 6 avril 2016. Afin de donner une réponse exacte, le 31 mars 2016, l’avocat du demandeur a demandé une autre prorogation de 15 jours, ainsi que la communication de tous les documents sur lesquels la conclusion de l’interdiction de territoire possible du demandeur a été fondée. Une autre lettre en date du 4 avril 2016 a été envoyée après ces demandes en vue de confirmer la demande de prorogation du délai et de communication des documents. Le défendeur a accordé la prorogation de 15 jours et a établi une nouvelle date limite au 21 avril 2016.

[6]  Le 5 avril 2016, l’avocat du demandeur a envoyé une lettre pour indiquer que le demandeur n’avait pas fait de fausses déclarations dans sa demande ou que, subsidiairement, les fausses déclarations ont été faites par inadvertance. La lettre expliquant que les chefs d’accusation de conduites avec les facultés affaiblies, qui constituaient le fondement du refus du 15 janvier, ont ensuite été retirés. De plus, une copie du certificat de police de la GRC du demandeur daté du 11 juin 2015 a été jointe, ainsi qu’une explication selon laquelle il faudra au moins 120 jours supplémentaires pour obtenir un certificat de police plus récent, conformément à la politique de la GRC. Enfin, la lettre indiquait que l’explication de l’omission du demandeur de divulguer le refus antérieur d’un visa de résident temporaire serait acheminée dès la réception des documents demandés.

III.  DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[7]  Dans une décision datée du 6 juin 2016, l’agente des visas a conclu que le demandeur n’était pas admissible à un visa de résident temporaire en application des exigences de la Loi. La lettre indiquait que le demandeur appartenait à une catégorie de personnes interdites de territoire visée par l’alinéa 40(1)a) de la Loi pour avoir, directement ou indirectement, fait une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi.

[8]  Dans les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC), l’agent de réexamen a inscrit que le demandeur avait indiqué qu’il avait été arrêté pour conduite avec facultés affaiblies dans le cadre d’une demande de visa de résident temporaire antérieure qui avait été refusée. Toutefois, le demandeur avait répondu par la négative aux questions dans le formulaire de demande dont l’objet était de savoir si le demandeur avait été arrêté ou si un visa lui avait été refusé dans le passé. Les notes dans le SMGC indiquaient également qu’une lettre relative à l’équité procédurale avait été envoyée et que trois réponses avaient été reçues, dont deux demandaient une prorogation du délai pour répondre à la lettre relative à l’équité procédurale.

[9]  Une inscription datée du 6 juin 2016 dans les notes du SMGC indique que les réponses à la lettre relative à l’équité procédurale ne répondaient pas entièrement aux préoccupations de l’agent de réexamen, notamment l’omission de divulguer l’arrestation et le refus du 15 janvier dans la demande. De plus, le délai prorogé était échu sans aucune autre réponse et sans la présentation du certificat de police de la GRC. En conséquence, l’agent de réexamen a recommandé un refus de la demande en application de l’article 40 de la Loi.

[10]  Un examen de la fausse déclaration daté du 6 juin 2016 inscrit dans les notes du SMGC a confirmé le refus fondé sur une fausse déclaration. L’inscription indiquait la reconnaissance du fait que, même si le chef d’accusation de conduite avec facultés affaiblies avait été retiré, l’omission de déclarer l’arrestation et le refus du 15 janvier auraient pu entraîner ou auraient risqué d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi en donnant l’impression erronée qu’il n’existait aucun chef d’accusation qui devait faire l’objet d’une enquête approfondie afin de déterminer l’admissibilité au Canada. De plus, il était indiqué que les renseignements liés aux refus de visa antérieurs étaient directement pertinents à l’évaluation d’un agent de la bonne foi d’un demandeur. En conséquence, le demandeur a été jugé interdit de territoire au Canada pour une période de cinq ans à compter de la date de refus.

IV.  QUESTIONS EN LITIGE

[11]  Le demandeur fait valoir que les questions suivantes sont en litige dans la présente demande :

  • a) L’agente des visas a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que le demandeur s’était présenté sous un faux jour en omettant, entre autres, de tenir compte du contexte général factuel particulier des présentations erronées putatives sur un fait à la lumière de la procédure au criminel de la juxtaposition par rapport aux aspects temporels des demandes de visa de résident temporaire et lorsqu’elle n’a pas effectué une analyse complète de l’importance des présentations erronées sur un fait pour étayer les conclusions quant à l’interdiction de territoire?

  • b) L’agente des visas a-t-elle commis une erreur de droit et manqué aux principes de justice naturelle lorsqu’elle a omis de donner au demandeur une possibilité équitable de fournir une réponse à sa demande de renseignements et lorsqu’elle a omis de lui donner la possibilité de fournir ses observations finales?

[12]  Pour sa part, le défendeur soutient que la question à trancher dans la présente demande est la suivante :

  • a) L’agente des visas a-t-elle commis une erreur susceptible de révision pour l’un des motifs énumérés au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7?

V.  NORME DE CONTRÔLE

[13]  Par l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. Lorsque la jurisprudence est constante quant à la norme de contrôle applicable à une question en litige devant la Cour, la cour de révision peut l’adopter. C’est uniquement lorsque cette démarche se révèle infructueuse ou que la jurisprudence semble incompatible avec l’évolution récente des principes de common law en matière de contrôle judiciaire que la cour de révision doit soupeser les quatre facteurs de l’analyse de la norme de contrôle (Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48).

[14]  Le premier point litigieux soulevé par le demandeur concerne la conclusion d’interdiction de territoire au motif d’une fausse déclaration tirée par l’agente des visas. L’évaluation d’un agent des visas d’une demande dans le contexte d’une décision concernant la délivrance d’un visa de résident temporaire est susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable : Rahman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 793, au paragraphe 6.

[15]  Toutefois, le demandeur soutient que le premier point litigieux est assujetti à la norme de la décision correcte parce qu’il s’agit d’une question de droit et il invoque Pushpanathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 RCS 982. La Cour n’est pas de cet avis.

[16]  Le deuxième point litigieux est une question d’équité procédurale puisqu’il concerne l’omission de donner la possibilité de répondre et il est susceptible de révision selon la norme de la décision correcte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43 [Khosa].

[17]  Lorsqu’une décision est examinée selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse s’attache à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et l’arrêt Khosa, précité, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour doit intervenir uniquement si la décision contestée n’est pas raisonnable, c’est-à-dire si elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI.  DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[18]  Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables en l’espèce :

Obligation du demandeur

Obligation — answer truthfully

16 (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

16 (1) A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.

...

...

Permis de séjour temporaire

Temporary resident permit

24 (1) Devient résident temporaire l’étranger, dont l’agent estime qu’il est interdit de territoire ou ne se conforme pas à la présente loi, à qui il délivre, s’il estime que les circonstances le justifient, un permis de séjour temporaire — titre révocable en tout temps.

24 (1) A foreign national who, in the opinion of an officer, is inadmissible or does not meet the requirements of this Act becomes a temporary resident if an officer is of the opinion that it is justified in the circumstances and issues a temporary resident permit, which may be cancelled at any time.

Cas particulier

Exception

(2) L’étranger visé au paragraphe (1) à qui l’agent délivre hors du Canada un permis de séjour temporaire ne devient résident temporaire qu’après s’être soumis au contrôle à son arrivée au Canada.

(2) A foreign national referred to in subsection (1) to whom an officer issues a temporary resident permit outside Canada does not become a temporary resident until they have been examined upon arrival in Canada.

...

...

Grande criminalité

Serious criminality

36 (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

36 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

(b) having been convicted of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years; or

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years.

Criminalité

Criminality

(2) Emportent, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour criminalité les faits suivants :

(2) A foreign national is inadmissible on grounds of criminality for

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions à toute loi fédérale qui ne découlent pas des mêmes faits;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by way of indictment, or of two offences under any Act of Parliament not arising out of a single occurrence;

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions qui ne découlent pas des mêmes faits et qui, commises au Canada, constitueraient des infractions à des lois fédérales;

(b) having been convicted outside Canada of an offence that, if committed in Canada, would constitute an indictable offence under an Act of Parliament, or of two offences not arising out of a single occurrence that, if committed in Canada, would constitute offences under an Act of Parliament;

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation;

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an indictable offence under an Act of Parliament; or

d) commettre, à son entrée au Canada, une infraction qui constitue une infraction à une loi fédérale précisée par règlement.

(d) committing, on entering Canada, an offence under an Act of Parliament prescribed by regulations.

...

...

Fausses déclarations

Misrepresentation

40 (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

40 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

...

...

Application

Application

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent au paragraphe (1):

(2) The following provisions govern subsection (1):

a) l’interdiction de territoire court pour les cinq ans suivant la décision la constatant en dernier ressort, si le résident permanent ou l’étranger n’est pas au pays, ou suivant l’exécution de la mesure de renvoi;

(a) the permanent resident or the foreign national continues to be inadmissible for misrepresentation for a period of five years following, in the case of a determination outside Canada, a final determination of inadmissibility under subsection (1) or, in the case of a determination in Canada, the date the removal order is enforced; and

b) l’alinéa (1)b) ne s’applique que si le ministre est convaincu que les faits en cause justifient l’interdiction.

(b) paragraph (1)(b) does not apply unless the Minister is satisfied that the facts of the case justify the inadmissibility.

[19]  Les dispositions suivantes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (Règlement), sont applicables en l’espèce :

Délivrance

Issuance

179 L’agent délivre un visa de résident temporaire à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

179 An officer shall issue a temporary resident visa to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

a) l’étranger en a fait, conformément au présent règlement, la demande au titre de la catégorie des visiteurs, des travailleurs ou des étudiants;

(a) has applied in accordance with these Regulations for a temporary resident visa as a member of the visitor, worker or student class;

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée qui lui est applicable au titre de la section 2;

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2;

c) il est titulaire d’un passeport ou autre document qui lui permet d’entrer dans le pays qui l’a délivré ou dans un autre pays;

(c) holds a passport or other document that they may use to enter the country that issued it or another country;

d) il se conforme aux exigences applicables à cette catégorie;

(d) meets the requirements applicable to that class;

e) il n’est pas interdit de territoire;

(e) is not inadmissible;

f) s’il est tenu de se soumettre à une visite médicale en application du paragraphe 16(2) de la Loi, il satisfait aux exigences prévues aux paragraphes 30(2) et (3);

(f) meets the requirements of subsections 30(2) and (3), if they must submit to a medical examination under paragraph 16(2)(b) of the Act; and

g) il ne fait pas l’objet d’une déclaration visée au paragraphe 22.1(1) de la Loi.

(g) is not the subject of a declaration made under subsection 22.1(1) of the Act.

VII.  THÈSES DES PARTIES

A.  Demandeur

1)  Caractère substantiel des fausses déclarations

[20]  Le demandeur soutient que l’agente des visas a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il avait fait une présentation erronée importante sur un fait dans sa demande. Lorsqu’elle est parvenue à la conclusion de présentation erronée sur un fait, l’agente des visas a omis d’effectuer une analyse suffisante du fait important et de tenir compte des cas exceptionnels vu la séquence temporelle des événements. De plus, le demandeur fait valoir que les renseignements n’étaient pas importants parce qu’il n’a pas été reconnu coupable du chef d’accusation de conduite avec facultés affaiblies.

[21]  Le demandeur présente plusieurs observations sur le droit en matière de présentation erronée sur un fait.

[22]  En premier lieu, une conclusion d’interdiction de territoire en raison d’une présentation erronée sur un fait aux termes du paragraphe 40(1) doit être établie par le ministre selon la prépondérance des probabilités. Les présentations erronées sur un fait peuvent être effectuées au moyen d’une présentation orale ou écrite, ainsi qu’à titre d’omission. Le demandeur reconnaît que les demandeurs ont une obligation de franchise afin de s’assurer que tous les faits importants liés à leur demande de résidence sont divulgués dans la demande : He c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 33, au paragraphe 17; Cao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 450, au paragraphe 28.

[23]  En deuxième lieu, les agents des visas doivent effectuer une analyse de la notion de fait important; c’est-à-dire ils doivent évaluer les renseignements faux et donner une justification quelconque de la conclusion selon laquelle les renseignements sont importants. Une présentation erronée sur un fait est importante si elle a une incidence sur le processus. En d’autres termes, la présentation erronée sur un fait doit être pertinente à une question qui fait activement l’objet d’un examen par l’agente des visas lorsqu’elle examine le dossier. Si la présentation erronée sur un fait a trait à une question qui n’aurait eu aucune incidence sur le résultat de l’examen de l’agent, elle n’est donc pas importante. Par exemple, dans Ali c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 166 [Ali], la Cour a annulé une décision selon laquelle la demande avait été rejetée en raison du fait qu’un faux dossier scolaire joint à la demande aurait pu entraîner ou risqué d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi. L’agent des visas dans Ali n’avait pas douté l’admissibilité, l’âge, l’identité et les relations familiales du demandeur avant la découverte des fausses déclarations, mais il a invoqué le faux dossier scolaire comme la raison de la conclusion d’interdiction de territoire. Au paragraphe 3 de la décision Ali, la Cour a indiqué : « Les notes du STIDI ne rendent compte d’aucune analyse qui aurait été effectuée par l’agent des visas au sujet de l’importance des fausses déclarations en cause. »

[24]  En troisième lieu, il existe une exception restreinte à la règle selon laquelle une connaissance subjective de la présentation erronée sur un fait n’est pas nécessaire aux fins d’une conclusion en application de l’article 40 de la Loi lorsqu’une personne croit honnêtement et raisonnablement qu’elle ne faisait pas une présentation erronée sur un fait important. L’exception a été appliquée dans Osisanwo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1126 [Osisanwo], lorsqu’un demandeur a omis de déclarer qu’il n’était pas lié biologiquement à un de ses enfants, dont le véritable père a été révélé après qu’un agent d’immigration à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) avait ordonné des tests génétiques. La Cour a conclu qu’il était déraisonnable de conclure que les demandeurs étaient interdits de territoire puisqu’ils n’avaient aucun motif de croire qu’ils faisaient une présentation erronée sur un fait important. Le demandeur interprète Osisanwo de façon à étayer l’argument selon lequel si la preuve établit que le demandeur n’était pas au courant d’un fait particulier au moment où la présentation a été faite, il n’aurait pas dû raisonnablement savoir et on ne peut dire qu’il a fait une présentation erronée sur un fait.

[25]  Toutefois, la jurisprudence enseigne que cette exception est véritablement exceptionnelle et ne peut pas être appliquée dans la plupart des circonstances : Goudarzi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 425, au paragraphe 33 [Goudarzi]. Au paragraphe 37, la Cour a distingué Goudarzi d’une décision antérieure dans laquelle l’exception avait été appliquée :

Par ailleurs, je souligne qu’il y avait, dans Medel, un facteur déterminant : la demanderesse avait eu des motifs raisonnables de croire qu’elle ne cachait pas de renseignements aux autorités canadiennes. Par contraste, en l’espèce, les demandeurs n’ont pas agi de manière raisonnable – la demanderesse principale n’a pas examiné sa demande pour s’assurer de son exactitude.

[26]  En quatrième lieu, ce ne sont pas toutes les préoccupations quant à la crédibilité qui atteignent le niveau de présentation erronée sur un fait. Les lignes directrices ministérielles indiquent que l’interdiction de territoire ne doit pas être déterminée dans les « [...] cas où une personne répond fidèlement à une entrevue, sans hésitation, et qu’on peut croire raisonnablement qu’elle n’a pas compris la question sur le formulaire de demande ou avait oublié les renseignements pertinents à ce moment ». Ce principe est illustré dans Koo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 931, au paragraphe 35 [Koo], où le demandeur avait commis une erreur dans la description quant à ses diplômes d’études comme étant équivalent à un apprentissage, mais a répondu honnêtement aux questions subséquentes.

[27]  À la lumière du droit en matière de présentation erronée sur un fait et de son application aux faits en l’espèce, le demandeur soutient que le refus du 15 janvier était fondé sur une erreur qui avait vicié la décision, y compris la conclusion d’interdiction de territoire.

[28]  Le refus du 15 janvier était fondé sur l’omission du demandeur de convaincre un agent d’immigration qu’il n’était pas interdit de territoire au Canada pour criminalité puisqu’il n’avait fourni aucune preuve de la décision de la Cour quant aux accusations criminelles pour conduite avec facultés affaiblies. Toutefois, puisque les chefs d’accusation avaient été retirés à une date ultérieure, le demandeur fait valoir que le refus du 15 janvier a été fait par erreur parce qu’il confond le chef d’accusation avec une déclaration de culpabilité entraînant une interdiction de territoire putative pour grande criminalité en application de l’article 36 de la Loi.

[29]  En conséquence, le demandeur fait valoir que la présentation erronée sur un fait n’est pas importante parce qu’il n’a aucun casier judiciaire ou condamnation au Canada. L’agente des visas n’a pas tenu compte de la preuve dont elle était saisie et a supposé que le demandeur eût été reconnu coupable aux termes du paragraphe 253(1) du Code plutôt que de tenir compte de l’erreur commise par le décideur dans le cadre du refus du 15 janvier.

[30]  Le demandeur s’attaque ensuite à l’omission de l’agent des visas d’effectuer une analyse de la notion de fait important. Dans les notes du SMGC, l’agente des visas indique :

[traduction]

Même si le représentant a déclaré que le chef d’accusation a été retiré et que l’omission de déclarer les renseignements n’était pas intentionnelle, je souligne que l’omission de déclarer le refus antérieur, ainsi que l’accusation criminelle, aurait pu entraîner ou risqué d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi en créant l’impression erronée qu’il n’existait aucun chef d’accusation qui devait faire l’objet d’une enquête approfondie afin de déterminer l’admissibilité au Canada. Les renseignements liés aux refus de visa antérieur étaient directement importants à l’évaluation d’un agent de la bonne foi d’un demandeur.

[Non souligné dans l’original.]

[31]  Le demandeur soutient que cette décision est dénuée de toute analyse quant à la raison pour laquelle les renseignements ayant trait à un refus de visa antérieur sont directement pertinents à l’évaluation d’un agent de la bonne foi du demandeur lorsque celui-ci n’était pas interdit de territoire pour criminalité au moment de la décision antérieure. Le demandeur fait également valoir que la décision n’est pas claire quant aux inférences et aux faits qui ont été utilisés pour conclure que l’omission du demandeur d’informer CIC du refus du 15 janvier, qui était fondé sur la présumée criminalité, qui n’ont pas ensuite été prouvés. De plus, la décision n’est pas claire quant à la façon dont l’omission d’informer que des chefs d’accusation avaient été portés contre le demandeur pour une infraction qui a ensuite été retirée mènerait à l’impression erronée selon laquelle une enquête approfondie était requise, surtout puisque le demandeur avait déposé une preuve qui établissait que les chefs d’accusation avaient été retirés.

[32]  Le demandeur soutient que l’agente des visas a omis de tenir compte des antécédents généraux du demandeur en matière d’immigration et en ce qui concerne son casier judiciaire à la lumière de la conclusion définitive de la question criminelle. Cette omission a contrecarré tout examen de cas exceptionnels dans l’évaluation de l’intention subjective et de l’inadvertance technique du demandeur, ce qui entraîne une erreur de droit semblable à celles décernées dans Koo et Osisanwo, précités.

2)  Équité procédurale

[33]  Le demandeur invoque plusieurs affaires qui portent sur le principe des droits de participation en tant que principe de justice naturelle.

[34]  Dans le contexte de l’immigration, une participation éclairée et active est obligatoire et inclut le droit de connaître les arguments à réfuter et le droit d’avoir une occasion adéquate d’y répondre et de réfuter les allégations formulées par le ministre et de commenter les documents sur lesquels le décideur peut se fonder : Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 30; Bhagwandass c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 49, au paragraphe 22.

[35]  Dans Gargano c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] ACF no 1385, au paragraphe 16, la Cour a reconnu que des garanties maximales s’appliquaient lorsque les conséquences étaient très graves, comme dans le cas d’un appel d’une mesure de renvoi. Le juge Cullen a annulé une décision dans laquelle le décideur avait rejeté une demande d’ajournement afin de retenir les services d’un avocat et avait tenu l’audience qui avait entraîné le rejet de l’appel.

[36]  La décision Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (CA), [1994] 1 CF 589, au paragraphe 10, a confirmé que l’élément fondamental du droit d’être entendu inclut l’avis de la preuve réunie contre une personne afin de lui permettre de préparer une réponse adéquate à cette preuve.

[37]  Le demandeur soutient qu’il n’avait pas eu l’occasion supplémentaire de fournir des documents et des arguments supplémentaires en réponse aux préoccupations de l’agente des visas. Le 3 juin 2016, l’avocat du demandeur avait envoyé une lettre à CIC concernant le refus du 15 janvier :

[traduction]

Je vous remercie de l’avis de rejet en date du 15 janvier 2014 qui semble avoir été fondé sur son omission putative de fournir des documents ayant trait à sa procédure en instance devant la cour criminelle qui a été réglée sans casier judiciaire le 29 mai 2014 lorsque les chefs d’accusation ont été retirés par la Couronne. Au 15 janvier 2014, les affaires de M. Patel étaient en instance, ce qui signifie qu’aucune décision quant à son innocence ou à sa culpabilité n'avait été prise puisque l’affaire avait été fixée pour le procès.

Je suppose qu’aucun autre avis n’a été donné à M. Patel. Pourriez‑vous confirmer ce fait?

Je fournirai mes observations finales en temps utile puisque je dois faire un suivi d’une (1) demande de renseignements; et j’ai été informé par M. Patel qu’il n’avait pas encore reçu le certificat de police demandé par vos bureaux dans une lettre antérieure. Je ferai un suivi auprès de vos bureaux afin de donner une mise à jour concernant ce document, dès que possible.

[38]  La demande était une de plusieurs demandes présentées par l’avocat du demandeur en vue d’obtenir des documents supplémentaires et une prorogation du délai. Toutefois, l’agente des visas n’a pas tenu compte de la demande du demandeur et a rendu la décision sans répondre aux demandes de renseignements quant aux avis en souffrance, ainsi qu’à l’observation selon laquelle d’autres documents seront fournis. La lettre indiquait clairement que le temps de traitement du certificat de police demandé auprès de la GRC pourrait être jusqu’à 120 jours.

[39]  De plus, le demandeur soutient qu’aucune conclusion défavorable ne peut être tirée contre lui fondée sur les dossiers officiels de la cour puisque les chefs d’accusation portés contre lui ont été retirés. Le demandeur indique également qu’une preuve du retrait des chefs d’accusation avait été fournie à l’agente des visas.

[40]  Bref, le demandeur soutient que l’équité procédurale était élevée dans sa situation en raison des intérêts en jeu. Il a maintenant été déclaré interdit de territoire au Canada pendant une période de cinq ans.

B.  Défendeur

1)  Visa de résident temporaire par rapport à un permis de séjour temporaire

[41]  En tant que question préliminaire, le défendeur soutient que même si le demandeur indique que sa demande de permis de séjour temporaire (PST) a été refusée, il avait demandé un visa de résident temporaire. La distinction est importante parce qu’ils sont régis par différentes dispositions législatives et délivrés dans de différentes circonstances.

[42]  Les permis de séjour temporaire sont délivrés en application de l’article 24 de la Loi lorsqu’un étranger est interdit de territoire et qu’un agent estime que les circonstances justifient la délivrance d’un permis de séjour temporaire. Au contraire, un visa de résident temporaire est délivré lorsqu’un étranger a fait l’objet d’un examen et a convaincu l’agent qu’il a demandé, conformément au Règlement, un visa de résident temporaire au titre de la catégorie des visiteurs, des travailleurs ou des étudiants.

[43]  Selon le dossier, le défendeur suppose que le demandeur attaque la décision du 6 juin 2016 dans laquelle sa demande d’un visa de résident temporaire et non d’un permis de séjour temporaire est refusée.

2)  Fausses déclarations

[44]  Le défendeur cite des dispositions législatives et la jurisprudence ayant trait à la présentation erronée sur un fait.

[45]  En premier lieu, conformément au paragraphe 16(1) de la Loi, il incombe au demandeur de répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées dans sa demande.

[46]  En deuxième lieu, il existe une obligation de franchise reconnue imposée aux personnes qui présentent des demandes en application de la Loi. Cette obligation exige la divulgation de faits importants. Dans Bodine c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 848, aux paragraphes 41 et 42, la Cour déclare qu’il existe une obligation de déclarer les renseignements ou de produire les éléments de preuve pertinents dans certaines circonstances et qu’il faut tenir compte des circonstances pertinentes de chaque affaire afin de déterminer si la non-déclaration de renseignements constitue une fausse déclaration. De même, la Cour a conclu dans Baro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1299, au paragraphe 15 [Baro], qu’une omission de fournir des renseignements importants, même s’il s’agit d’une omission innocente, peut mener à une conclusion d’interdiction de territoire, à moins qu’une exception puisse être appliquée fondée sur une croyance honnête et raisonnable que des renseignements importants n’ont pas été dissimulés.

[47]  En outre, cette obligation n’est pas réduite dans les situations où la présentation erronée sur un fait est constatée par les agents d’immigration avant que la décision finale ne soit rendue, puisque cela serait contraire à l’intention, aux objectifs et aux dispositions de la Loi : Goburdhun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 971, aux paragraphes 19, 20 et 43 [Goburdhun].

[48]  Dans l’application du droit en l’espèce, le défendeur fait valoir que le demandeur a manqué à son obligation de franchise et a fait une présentation erronée sur un fait lorsqu’il a répondu « Non » aux questions visant à savoir si un visa lui avait déjà été refusé ou s’il avait été arrêté pour une infraction pénale. Le demandeur a été rappelé de l’obligation législative de répondre véridiquement aux questions dans la lettre relative à l’équité procédurale du 5 janvier 2016. Son argument selon laquelle la présentation erronée sur un fait a été effectuée par inadvertance ou ne constitue pas une présentation erronée sur un fait ne doit pas être retenu parce qu’on ne peut soutenir que le demandeur ne savait pas que des chefs d’accusation pour une infraction pénale avaient été portés contre lui ou qu’il avait été arrêté. La lettre en date du 5 avril 2016 de l’avocat du demandeur indique qu’il était au courant des chefs d’accusation portés contre le demandeur et il les a divulgués franchement. Vu que le demandeur n’avait pas signé un affidavit assermenté concernant cette question, il n’existe aucun élément de preuve pour établir que l’omission d’être franc était attribuable à autre chose qu’à son choix de ne pas l’être.

[49]  De plus, l’argument du demandeur selon lequel il ne savait pas que sa demande de visa antérieure avait été refusée ne devrait pas être retenu parce qu’il avait joint à sa demande une copie du refus du 15 janvier. Vu que le demandeur n’avait pas signé un affidavit assermenté concernant cette question, il n’existe aucun élément de preuve pour réfuter la conclusion de l’agente des visas selon laquelle le demandeur avait fait une présentation erronée sur un fait, contrairement à l’alinéa 40(1)a) de la Loi.

[50]  L’exception invoquée dans Osisanwo, précité, ne s’applique pas en l’espèce. Dans cette affaire, la Cour a conclu que les demandeurs n’avaient pas la mens rea d’induire en erreur les autorités de l’immigration. En l’espèce, le demandeur n’a pas expliqué comment il croyait honnêtement et raisonnablement que des chefs d’accusation pour infraction pénale n’avaient pas été portés contre lui avant sa deuxième demande de visa de résident temporaire et qu’il n’avait pas présenté une demande de visa de résident temporaire antérieure. En outre, le demandeur avait un délai intégral de six mois pour répondre aux préoccupations soulevées dans la lettre relative à l’équité procédurale, mais il a choisi de présenter une réponse préliminaire en date du 5 avril 2016 qui indiquait qu’il n’avait fait aucune présentation erronée sur un fait ou, subsidiairement, que la présentation erronée sur un fait avait été effectuée par inadvertance. Il n’a pas été établi que les circonstances du demandeur correspondent à celles énoncées dans Osisanwo, précité, et dans Baro, précité, au paragraphe 15.

[51]  Lorsqu’il a invoqué Ali, précité, le demandeur a soutenu que la présentation erronée sur un fait n’était pas importante puisqu’il n’existe aucun casier judiciaire ni aucune condamnation et que les renseignements figurant à la demande antérieure n’étaient pas pertinents à la demande actuelle puisqu’il n’était pas interdit de territoire pour criminalité au moment du refus du 15 janvier. Toutefois, le défendeur soutient qu’il revenait à l’agente des visas d’examiner les facteurs qui touchaient l’interdiction de territoire au Canada du demandeur. Les renseignements accessibles au moment du refus du 15 janvier indiquaient que les chefs d’accusation portés contre le demandeur étaient en instance et le règlement de l’instance criminelle du demandeur n’invalide pas le refus du 15 janvier. En outre, le refus du 15 janvier n’a été ni annulé dans le cadre d’un contrôle judiciaire ni remplacé par une décision favorable en application d’une demande de réexamen. Le refus du 15 janvier demeure en vigueur et le demandeur était donc tenu de la divulguer dans sa deuxième demande.

[52]  L’agente des visas a conclu que les renseignements ayant trait à la demande antérieure étaient directement importants à l’évaluation de la bonne foi du demandeur et elle n’a commis aucune erreur lorsqu’elle a déclaré que l’omission de divulguer les instances criminelles antérieures pourrait avoir donné la mauvaise impression qu’aucun chef d’accusation n’avait été porté qui exigeait une enquête approfondie afin de déterminer l’interdiction de territoire au Canada. L’agente des visas aurait pu être empêchée d’entreprendre un processus d’enquête et de contrôle approprié et aurait pu déterminer par erreur que le demandeur répondait à tous les critères de la Loi si elle ne s’était pas fondée sur le refus du 15 janvier à l’égard du demandeur.

[53]  En outre, l’agente des visas a effectué une analyse de la notion de fait important avant de prendre la décision de refuser la demande. Les notes du SMGC indiquent que l’agente des visas a souligné que l’omission du demandeur de déclarer le refus et le chef d’accusation au criminel antérieur aurait pu entraîner une erreur dans l’application de la Loi et du Règlement. Semblable à Brar c Canada (Citoyenneté et Immigration), aux paragraphes 13 à 16, le manquement à l’obligation de franchise aurait pu avoir donné une fausse impression qu’il n’y avait aucune raison d’effectuer une enquête approfondie pour évaluer et déterminer l’interdiction de territoire au Canada du demandeur.

3)  Équité procédurale

[54]  Dans le contexte d’une demande de visa temporaire de travailleur, le juge Rothstein a déclaré ce qui suit aux paragraphes 5 et 7 de Qin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 815 :

Rien n’indique que le fait de travailler au Canada a vraiment de l’importance pour le demandeur, en ce sens par exemple que la chose accroîtra ses perspectives de carrière lorsqu’il retournera en Chine. [...] rien ne montre que le fait de refuser à ce dernier la possibilité d’acquérir de l’expérience professionnelle au Canada lui causera des difficultés. De plus, dans le cas d’un visa temporaire de travailleur, il est loisible au demandeur de présenter une nouvelle demande et de fournir à l’agent des visas des renseignements additionnels qui aideront à démontrer que le demandeur a de fait l’intention de ne travailler que temporairement... En pareil cas, les exigences liées à l’équité procédurale seront relativement minimes.

Je ne crois pas non plus qu’il incombait à l’agente des visas de convoquer le demandeur à une entrevue en vue d’éclaircir les questions qu’elle se posait au sujet des intentions de celui-ci... La charge incombe au demandeur... il n’incombe pas à l’agente des visas de convoquer le demandeur à une entrevue ou de prendre d’autres mesures afin de répondre aux questions qu’elle se posait à la suite des documents que le demandeur lui avait remis.

[55]  De plus, la décision Sepehri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1217, au paragraphe 3, appuie la teneur de l’obligation d’équité dont bénéficie un demandeur de visa de visiteur qui se situe vers l’extrémité inférieure du registre.

[56]  En ce qui concerne l’espèce, le défendeur fait valoir que le même raisonnement devrait s’appliquer. Le demandeur a demandé un visa de résident temporaire et rien dans la preuve n’indique que le demandeur a subi des conséquences graves en raison de la décision. En fait, le demandeur n’a présenté aucune preuve pour indiquer que sa visite au Canada lui est de quelque importance que ce soit.

[57]  L’agente des visas n’était pas tenue d’interroger le demandeur. Elle avait informé le demandeur de ses préoccupations sous forme de lettre relative à l’équité procédurale; cela ne transfère pas le fardeau à l’agente des visas de prendre des mesures supplémentaires, au-delà de la lettre relative à l’équité procédurale afin de répondre aux préoccupations découlant des documents qui ont été fournis.

[58]  En outre, le défendeur a accordé une autre demande de prorogation du délai nécessaire pour répondre aux préoccupations d’une période de six semaines.

[59]  En conséquence, le défendeur soutient que le demandeur n’a pas établi qu’il avait été porté atteinte à son droit à l’équité procédurale.

4)  Valeur probante des éléments de preuve

[60]  Le rôle de la Cour ne consiste pas à substituer sa décision à celle de l’agente des visas, ce qui a été déclaré à maintes reprises : par exemple, voir Siddiqui c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 606, au paragraphe 9.

[61]  Même si le demandeur a soutenu que le refus du 15 janvier constituait une erreur, le défendeur rejette cet argument. Au moment du refus du 15 janvier, les accusations criminelles portées contre le demandeur n’avaient pas été retirées. Le refus du 15 janvier indique que le refus n’était pas fondé sur une conclusion selon laquelle le demandeur était interdit de territoire pour criminalité au Canada; au contraire, il était fondé sur l’incapacité de l’agent d’immigration de décider si le demandeur était interdit de territoire au Canada en raison d’instances criminelles qui n’étaient pas réglées. L’agent d’immigration n’était pas en mesure de décider si l’article 36 de la Loi s’appliquait.

[62]  Le demandeur soutient également qu’il n’était pas tenu de divulguer l’arrestation et les accusations criminelles antérieures dans la deuxième demande de visa de résident temporaire puisqu’il n’avait jamais été déclaré coupable aux termes de l’article 253 du Code. Le défendeur rejette cet argument au motif que le retrait des chefs d’accusation ne vicie pas l’exigence qu’il soit honnête dans sa demande. L’article 16 de la Loi exige que le demandeur réponde véridiquement aux questions et l’article 40 de la Loi porte sur les situations où un demandeur aurait invoqué une présentation erronée sur un fait qui risque d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi. La distinction entre un chef d’accusation criminel et une condamnation n’a aucune pertinence à la question de savoir si le demandeur a fait une présentation erronée sur un fait lorsqu’il a répondu aux questions dans sa dernière demande de visa de résident temporaire. L’absence d’une condamnation n’est donc pas pertinente au fardeau imposé par l’article 16 de la Loi.

[63]  Le défendeur soutient que la décision de l’agente des visas ne devrait pas être modifiée puisqu’elle correspond aux issues possibles acceptables et justifiables au regard des faits et du droit, défendables au moyen des faits et du droit.

VIII.  DISCUSSION

[64]  La Cour a énoncé les principes applicables aux cas de présentation erronée sur un fait à maintes reprises. Par exemple, dans Goburdhun, précité, la Cour a donné le résumé suivant :

[28]  Dans le jugement Oloumi, précité, la juge Tremblay-Lamar énonce les principes généraux découlant du traitement par la Cour fédérale de l’article 40 de la LIPR; les voici résumés ci‑après ainsi que d’autres principes semblables tirés de la jurisprudence :

  il convient d’interpréter l’alinéa 40(1)a) de manière large afin de faire ressortir l’objet qui le sous-tend : Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 512, au paragraphe 25 [Khan]);

  l’article 40 est libellé de manière large en vue d’englober les fausses déclarations, même si elles ont été faites par une tierce partie, à l’insu du demandeur (Jiang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 942, au paragraphe 35 [Jiang]; Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1059, aux paragraphes 55 et 56 [Wang]);

  l’exception à cette règle est assez étroite et ne s’applique qu’aux circonstances véritablement exceptionnelles où le demandeur croyait honnêtement et raisonnablement qu’il ne faisait pas une fausse déclaration sur un fait important et où il ne s’agissait pas d’un renseignement dont la connaissance échappait à sa volonté (Medel, précité);

  l’article 40 a pour objectif de dissuader un demandeur de faire une fausse déclaration et de préserver l’intégrité du processus d’immigration. Pour atteindre cet objectif, le fardeau de vérifier l’intégralité et l’exactitude de la demande incombe au demandeur (Jiang, précité, au paragraphe 35; Wang, précité, aux paragraphes 55 et 56);

  les demandeurs ont une obligation de franchise et doivent fournir des renseignements complets, fidèles et véridiques en tout point lorsqu’ils présentent une demande d’entrée au Canada (Bodine c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 848, au paragraphe 41; Baro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1299, au paragraphe 15);

  le demandeur étant tenu responsable du contenu de la demande qu’il signe, on ne peut considérer qu’il croyait raisonnablement ne pas avoir présenté faussement un fait d’importance s’il a omis de revoir sa demande et de vérifier qu’elle était complète et exacte avant de la signer (Haque, précité, au paragraphe 16; Cao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 450, au paragraphe 31 [Cao]);

  pour décider si une fausse déclaration est importante, il est nécessaire de tenir compte du libellé de la disposition ainsi que de l’objet qui la sous‑tend (Oloumi, précité, au paragraphe 22);

  une fausse déclaration n’a pas à être décisive ou déterminante; il suffit qu’elle ait une incidence sur le processus amorcé (Oloumi, précité, au paragraphe 25);

  un demandeur ne peut tirer parti du fait que la fausse déclaration a été mise au jour par les autorités d’immigration avant l’examen final de la demande. L’analyse de la notion de fait important ne se limite pas à un moment particulier dans le traitement de la demande (Haque, précité, aux paragraphes 12 et 17; Khan, précité, aux paragraphes 25, 27 et 29; Shahin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 423, au paragraphe 29 [Shahin]);

[65]  En l’espèce, le dossier montre clairement qu’une présentation erronée sur un fait a eu lieu parce que le demandeur a répondu par la négative à deux questions dans sa demande de visa de résident temporaire :

Vous a-t-on déjà refusé un visa ou un permis, interdit l’entrée ou demandé de quitter le Canada ou tout autre pays?

[...]

Avez-vous déjà commis, été arrêté, accusé, ou reconnu coupable d’une infraction pénale quelconque dans un pays?

[66]  Le demandeur a répondu « Non » à ces questions même si un visa de résident temporaire lui avait été refusé le 15 janvier 2014 et même s’il avait été arrêté et que des chefs d’accusation avaient été portés contre lui pour avoir conduit un véhicule avec des facultés affaiblies en application de l’article 253 du Code.

[67]  La Cour ne dispose d’aucun élément de preuve indiquant que le demandeur n’était pas au courant de ces présentations erronées sur un fait ou qu’il avait fait une faute innocente. En fait, le demandeur n’a fourni aucun affidavit personnel aux fins de cette demande. La Cour n’est donc saisie d’aucun élément de preuve acceptable qui indique que le manquement du demandeur à son obligation de franchise n’est autre que d’un choix délibéré. Au contraire, le demandeur a fait en sorte que son avocat doit présenter d’autres arguments juridiques plus techniques.

A.  Notion de fait important

[68]  Le demandeur soutient d’abord que la présentation erronée sur un fait quant aux accusations criminelles portées contre lui n’est pas importante parce qu’il n’a jamais été reconnu coupable de l’infraction visée par les chefs d’accusation portés contre lui. Il indique que si la présentation erronée sur un fait ne pouvait avoir aucune incidence sur le résultat de l’examen de l’agente des visas, la présentation erronée sur un fait n’est donc pas importante. Il indique également que l’agente des visas n’a pas entrepris une analyse de la notion de fait important ou qu’elle n’a fourni aucun fondement de ses conclusions.

[69]  En ce qui concerne son refus du 15 janvier, le demandeur fait valoir qu’il n’est pas pertinent aux fins de sa deuxième demande de visa de résident temporaire parce qu’il n’était pas interdit de territoire pour criminalité au moment de la décision antérieure.

[70]  Le fait que le demandeur n’a pas, en fin de compte, été déclaré coupable de l’infraction pénale n’a aucune incidence sur la validité de son refus antérieur du 15 janvier 2014 parce que le refus était fondé, au moment de la décision, sur le fait que le demandeur ne pouvait convaincre l’agent concerné qu’il n’était pas interdit de territoire pour criminalité au Canada. Les accusations criminelles ont été retirées le 29 mai 2014, soit quatre mois après la décision du 15 janvier 2014. Par conséquent, le refus n’a pas été fait par erreur et la décision n’est pas devenue non importante simplement parce qu’une condamnation n’a pas eu lieu parce que les chefs d’accusation ont été retirés. Comme la décision l’indique clairement, l’agente des visas aurait peut-être voulu enquêter les chefs d’accusation et l’arrestation elle-même. Aucun élément de preuve n’indique la raison pour laquelle les chefs d’accusation ont été retirés et il faudrait que l’agente des visas enquête cette question avant de rendre une décision quant à l’interdiction de territoire. Dans le contexte des demandes de permis de séjour temporaire et de résidence permanente, la Cour a souvent confirmé des décisions défavorables lorsque des chefs d’accusation avaient été retirés et je ne vois aucune raison pourquoi le retrait de chefs d’accusation ne devrait pas non plus demeurer important lorsqu’un agent des visas traite une demande de visa de résident temporaire.

[71]  Par exemple, dans Gordashevskiy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1349 [Gordashevskiy], le demandeur a été considéré comme étant interdit de territoire pour avoir fait une fausse déclaration lorsqu’il a omis de déclarer des accusations criminelles contre lui en Russie en 2012, lesquelles ont été retirées en 2014. Le demandeur était au courant des chefs d’accusation contre lui, mais il ne les a pas déclarés puisqu’il s’est efforcé à ce qu’ils soient retirés. La décision de l’agent des visas a été confirmée.

[72]  Dans Kazzi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 153 [Kazzi], le demandeur a été considéré comme interdit de territoire pour avoir fait une fausse déclaration lorsqu’il a omis de déclarer qu’il avait été arrêté et détenu au Liban en 1989; les chefs d’accusation connexes ont été retirés en 2002 et il lui a été accordé une amnistie. Le demandeur était au courant des chefs d’accusation portés contre lui, mais il ne les a pas déclarés parce qu’il croyait à tort que l’amnistie signifiait que les chefs d’accusation et l’arrestation n’avaient jamais eu lieu. L’agent des visas n’était pas du même avis et la décision a été confirmée.

[73]  Dans Bundhel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1147, le demandeur avait été considéré comme interdit de territoire pour avoir effectué une fausse déclaration lorsqu’il a omis de déclarer qu’il avait été arrêté et des chefs d’accusation avaient été portés contre lui en Inde; il avait été reconnu coupable, mais a été acquitté en appel. Le demandeur était au courant des chefs d’accusation portés contre lui, mais il ne les avait pas déclarés parce qu’il avait été acquitté. La décision de l’agent des visas a été confirmée.

[74]  Lorsqu’un agent évalue la notion du fait important, il doit décider si la fausse déclaration aurait risqué d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi, mais le fait important ne se limite pas à un moment particulier. Comme je l’indique dans Gordashevskiy, au paragraphe 49, « Autrement dit, l’analyse de la notion de fait important ne se limite pas à un moment particulier dans le traitement de la demande : voir Haque c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 315, aux paragraphes 12 et 17; Faisal Khan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 512, aux paragraphes 25, 27 et 29; et Shahin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 423, au paragraphe 29. » En réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, la réponse du 5 avril 2016 de l’avocat du demandeur comprenait l’explication suivante :

[traduction]

Je souhaite fournir les observations préliminaires suivantes à votre bureau que j’avais prévu présenter pour étayer la thèse du demandeur concernant la présentation erronée sur un fait important en lien avec les questions répertoriées, qui a suscité votre renvoi au paragraphe 16(1), soit les paragraphes 40(1) et (2), qui sont décrits dans votre lettre du 5 janvier 2016. Afin d’éviter tout doute, M. Patel soutiendra qu’aucune présentation erronée sur un fait n’a été commise ou, subsidiairement, qu’elle a été faite par inadvertance.

[75]  L’avocat du demandeur a également expliqué que les chefs d’accusation avaient été retirés :

[traduction]

Entre-temps, je souhaite vous fournir les renseignements préliminaires suivants qui ont trait, dans mes observations, à la question 3. Comme vous le savez, des chefs d’accusation de conduite avec facultés affaiblies, communément appelé « supérieure à 80 », ont été portés contre M. Patel en application des alinéas 253(1)a) et b) du Code criminel du Canada. L’affaire a été fixée pour le procès par mon bureau et, à titre de son avocat, j’ai défendu ce demandeur contre ses chefs d’accusation. Tous les chefs d’accusation portés contre M. Patel ont été retirés le 29 mai 2014. J’ai joint les renseignements et les approbations de la Cour à l’appui desdits arguments. Toute interdiction de territoire éventuel en application de l’article 36 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés est évitée en raison de la décision des procureurs de la Couronne de retirer tous les chefs d’accusation portés contre M. Patel.

[76]  Par conséquent, avant que la décision ne soit prise, l’agente des visas savait que les chefs d’accusation portés contre le demandeur avaient été retirés le 29 mai 2014. Le demandeur n’avait pas signé la demande de visa de résident temporaire, mais elle est datée du 26 novembre 2015. Par conséquent, au moment où il a présenté la demande, le demandeur savait que les chefs d’accusation avaient été retirés, mais cela n’a pas été expliqué à l’agente des visas avant la réponse à la lettre relative à l’équité procédurale. Cependant, au moment où elle a pris la décision, l’agente des visas savait que les chefs d’accusation avaient été retirés.

[77]  Comme la jurisprudence précitée l’indique clairement, l’analyse de la notion de fait important ne se limite pas à un moment particulier du processus de demande. Un agent des visas peut examiner des renseignements au moment de la présentation erronée sur un fait; effectivement, la jurisprudence enseigne que si une présentation erronée sur un fait est effectuée avant une lettre relative à l’équité procédurale et ensuite clarifiée ou corrigée après l’envoi d’une lettre relative à l’équité procédurale, elle constitue encore une présentation erronée sur un fait et l’agent des visas a le droit de refuser la demande.

[78]  Dans Haque c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 315, la Cour a indiqué ce qui suit :

[12]  Le demandeur n’a jamais « corrigé » ou « rectifié » les déclarations erronées, contrairement à ce qu’il prétend. Elles n’ont été révélées que par une comparaison entre des demandes de VRT antérieures et sa demande de résidence permanente. Quoi qu’il en soit, la Cour n’a pas retenu l’argument selon lequel l’alinéa 40(1)a) ne s’applique pas lorsque la fausse déclaration est corrigée : Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 512, par. 25, 27 et 29.

[...]

[17]  L’argument de M. Haque qu’il a corrigé les fausses déclarations ne saurait tenir. En dépit de sa formulation large, il ne faut pas considérer que l’alinéa 40(1)a) s’applique à toutes les situations où une fausse déclaration a été clarifiée avant qu’une décision soit rendue : Khan, précité, par. 25; Cabrera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 709, 372 F.T.R. 211, par. 40. Par conséquent, les clarifications qu’on a tenté d’apporter en l’espèce n’influent pas sur la raisonnabilité de la conclusion de l’agent.

[79]  Dans Faisal Khan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 512, la Cour a indiqué ce qui suit :

[25]  L’alinéa 40(1)a) est libellé de manière très large, en ce sens qu’il s’applique à n’importe quelle fausse déclaration, directe ou indirecte, quant à un objet pertinent, laquelle entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi. Je suis d’avis que la Cour se doit de respecter le libellé de la Loi et de lui donner l’interprétation large que sa formulation impose. Rien dans le libellé de cette disposition ne dénote qu’elle ne devrait pas s’appliquer à une situation dans laquelle on adopte une fausse déclaration pour ensuite la clarifier avant qu’une décision soit rendue.

[...]

[27]  Je reconnais que la présente affaire présente une situation particulière du fait que la fausse déclaration a été clarifiée avant que la décision soit rendue. Cependant, le fait de retenir l’interprétation du demandeur donnerait lieu à une situation dans laquelle un individu pourrait faire sciemment une fausse déclaration, mais ne pas être interdit de territoire au sens de l’alinéa 40(1)a) du moment qu’il clarifie cette déclaration juste avant qu’une décision soit rendue. Je suis d’accord avec le défendeur qu’une telle interprétation pourrait mener à une situation dans laquelle seules les fausses déclarations [traduction] « faites dans un flagrant délit » devant l’agent des visas lors d’une entrevue seraient clarifiées; cela créerait donc un risque élevé d’abus dans l’application de la Loi.

[...]

[29]  Par ailleurs, si l’on retenait l’interprétation du demandeur, on ferait abstraction de l’obligation que prescrit la Loi de fournir des renseignements véridiques. Compte tenu de ces conclusions, je suis d’avis que l’agente des visas a interprété correctement l’article 40.

[80]  De même, dans Shahin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 423, la Cour a indiqué ce qui suit au paragraphe 29 :

Le fait que la fausse déclaration a été mise au jour avant l’examen final de la demande n’est d’aucun secours au demandeur. L’analyse de la notion de fait important ne se limite pas à un moment particulier dans le traitement de la demande — le fait que le demandeur principal ait présenté un plus récent rapport d’évaluation de la compétence linguistique ne rend pas la fausse déclaration antérieure sans importance. Un tel résultat équivaudrait à appliquer une interprétation restrictive de la notion de fait important qui serait contraire au libellé et à l’objectif de l’alinéa 40(1)a) de la Loi. Le faux document a été présenté et il portait sur un fait important.

[81]  À mon avis, la jurisprudence enseigne donc qu’un agent des visas peut quand même évaluer l’interdiction de territoire en fonction de chefs d’accusation, même s’il n’y a aucune condamnation finale; peu importe s’il est grâce à un retrait, à une amnistie ou à un acquittement.

[82]  Comme le juge Gascon l’a indiqué clairement dans Kazzi, précité, au paragraphe 26, les chefs d’accusation retirés ne peuvent pas être utilisés contre un demandeur si l’interdiction de territoire est fondée sur la criminalité, mais ils peuvent être utilisés si l’interdiction de territoire est fondée sur une fausse déclaration :

Je suis disposé à reconnaître que les événements ou les arrestations ultérieurement assujettis à une amnistie ne peuvent être retenus contre un demandeur si l’interdiction de territoire se fondait sur la criminalité. En effet, l’alinéa 36(3)(b) de la LIPR est énoncé afin que les « déclarations de culpabilité n’entrent pas en ligne de compte en cas de réhabilitation ou en cas d’acquittement » (Cha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 126 [Cha] au paragraphe 30). Toutefois, la situation du présent dossier est différente, puisque l’interdiction de territoire de M. Kazzi relevait d’une fausse déclaration. Aucune disposition de la LIPR n’empêche de déclarer une interdiction de territoire pour fausses déclarations contre toute personne qui omet de divulguer une arrestation antérieure, même si une amnistie ou une réhabilitation lui a été accordée. Le fait qu’une amnistie ait été délivrée n’exempte pas M. Kazzi de son obligation, explicitement définie dans le paragraphe 16(1) de la LIPR, de donner des réponses véridiques dans ses demandes aux autorités canadiennes de l’immigration.

[Souligné dans l’original.]

[83]  Puisque l’interdiction de territoire du demandeur a été fondée sur une fausse déclaration, les chefs d’accusation retirés peuvent être pris en considération.

[84]  L’agente des visas fournit également une explication complète de la raison pour laquelle l’omission de divulguer les chefs d’accusation et l’arrestation était importante :

[traduction]

Même si le représentant a déclaré que le chef d’accusation a été retiré et que l’omission de déclarer les renseignements n’était pas intentionnelle, je souligne que l’omission de déclarer le refus antérieur, ainsi que l’accusation criminelle, aurait pu entraîner ou risqué d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi en créant l’impression erronée qu’il n’existait aucun chef d’accusation qui devait faire l’objet d’une enquête approfondie afin de déterminer l’admissibilité au Canada. Les renseignements liés aux refus de visa antérieur étaient directement importants à l’évaluation d’un agent de la bonne foi d’un demandeur.

[Non souligné dans l’original.]

[85]  La question ne pourrait être plus claire. Le demandeur semble être d’avis que, puisqu’il n’a pas été reconnu coupable de l’infraction, ce fait règle la question concernant l’interdiction de territoire, mais ce n’est pas le cas. Un agent peut enquêter les faits liés au chef d’accusation et à l’arrestation et conclure qu’un demandeur est interdit de territoire. L’agente des visas indique clairement que c’est l’omission de divulguer le « chef d’accusation » qui est importante.

B.  Présentation erronée sur un fait effectuée de bonne foi

[86]  Même si le demandeur n’a présenté aucun affidavit personnel, son avocat a quand même tenté de soulever l’exception de la présentation erronée sur un fait effectuée de bonne foi. Rien dans la preuve n’étaye cet argument et il serait peu crédible de dire que le demandeur ne savait pas qu’il avait été arrêté et que des accusations criminelles avaient été portées contre lui. Même si le demandeur croyait que l’absence d’une condamnation rendait le refus antérieur non pertinent, cela ne fait pas en sorte que la présentation erronée sur un fait a été effectuée de bonne foi. Il revient à l’agente des visas de décider la bonne foi et le fait important et non au demandeur. Cette présentation erronée sur un fait n’a pas été effectuée de bonne foi parce que le demandeur a choisi délibérément de ne pas divulguer le chef d’accusation et son refus antérieur en sachant très bien qu’ils avaient eu lieu. Son motif pour ce faire, selon son avocat (et non le demandeur), est que vu qu’il n’avait pas été reconnu coupable, il ne croyait pas qu’ils étaient importants. Le motif ne correspond pas à l’innocence. Le demandeur décide simplement pour lui-même les renseignements à divulguer et à ne pas divulguer. C’est précisément ce que les règles relatives aux présentations erronées sur un fait visent à empêcher.

C.  Équité procédurale

[87]  Le demandeur indique également que l’agente des visas a manqué aux principes de justice naturelle et d’équité lorsqu’elle a omis de lui donner une autre possibilité de fournir d’autres documents et arguments en réponse aux [traduction] « allégations putatives de CIC ».

[88]  L’agent des visas a communiqué ses préoccupations au demandeur sous forme d’une lettre relative à l’équité procédurale et a accordé plusieurs prorogations au demandeur afin de lui permettre d’y répondre. Le représentant du demandeur a présenté une réponse préliminaire. Au final, le demandeur a obtenu un délai d’environ six mois pour présenter toute observation qu’il souhaitait faire, mais il a choisi de ne présenter que la réponse préliminaire du 5 avril 2016. Des prorogations ne pouvaient pas être accordées sans cesse et il n’y avait aucune indication quant à la date à laquelle le demandeur présenterait ses observations finales. De plus, vu les omissions de divulguer, une explication complète aurait pu avoir été fournie à tout moment. Dans ces circonstances, il n’était pas injuste pour l’agente des visas d’établir une date limite et de la respecter.

[89]  Rien n’indique que le demandeur n’a pas eu toutes les possibilités de répondre aux préoccupations de l’agente des visas. Il soutient maintenant que les règles de justice naturelles ont élevé l’espèce en raison des intérêts en jeu et de l’interdiction de cinq ans. Toutefois, il n’a déposé aucun élément de preuve selon lequel il subira des conséquences graves en raison de l’interdiction de cinq ans. Je ne dispose d’aucun élément de preuve qui me permet d’élever le niveau d’équité procédurale requise et l’agente des visas ne disposait d’aucun élément de preuve non plus, ce qui constitue la véritable question. Le demandeur a obtenu une prorogation pour répondre aux préoccupations de l’agente des visas et il n’a simplement pas convaincu l’agente.

[90]  Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale en l’espèce.

[91]  Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour est d’accord.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 8e jour de juin 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3150-16

 

INTITULÉ :

PRATHAM KETANKUMAR PATEL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 janvier 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 24 avril 2017

 

COMPARUTIONS :

Jeinis S. Patel

Pour le demandeur

 

Camille Audain

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kay Patel Mahoney

Cabinet d’avocats

Calgary (Alberta)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.