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Date : 20170419


Dossier : T-1722-14

Référence : 2017 CF 380

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 19 avril 2017

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

GARY CURTIS

demandeur

et

LA BANQUE DE LA NOUVELLE-ÉCOSSE

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  INTRODUCTION

[1]  M. Gary Curtis (le « demandeur ») demande le contrôle judiciaire, aux termes de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, de la décision de M. George Monteith, en sa qualité d’arbitre (l’« arbitre ») nommé aux termes de la partie III du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L‑2 (le « Code »). Dans cette décision en date du 11 juillet 2014, l’arbitre a conclu qu’il n’avait pas compétence pour entendre la plainte de congédiement déguisé formulée par le demandeur contre son employeur, La Banque de Nouvelle‑Écosse (la défenderesse), et a refusé de rouvrir l’audition de la plainte.

II.  FAITS ET PROCÉDURES

[2]  Le demandeur a introduit la présente demande de contrôle judiciaire le 8 août 2014. Il a déposé à l’appui de sa demande son affidavit fait sous serment le 14 octobre 2014. MOsborne Barnwell a déposé la demande de contrôle judiciaire.

[3]  Le 10 novembre 2014, le demandeur a déposé un avis d’intention d’agir en son propre nom.

[4]  Par avis de requête déposé le 20 janvier 2015, la défenderesse a demandé le prononcé d’une ordonnance radiant complètement l’affidavit fait sous serment le 14 octobre 2014 au motif qu’il contenait des éléments de preuve non présentés à l’arbitre et, de façon subsidiaire, d’une ordonnance autorisant la défenderesse à interroger Me Andrew Pinto, l’avocat qui avait représenté le demandeur devant l’arbitre.

[5]  Le demandeur a répondu en déposant un avis de requête demandant le prononcé d’une ordonnance en vue de radier l’avis de requête de la défenderesse.

[6]  Le demandeur a déposé son premier dossier de requête le 21 janvier 2015.

[7]  Par ordonnance du 6 mars 2015, la protonotaire Milczynski a rejeté la requête, sans préjudice au droit de la défenderesse de saisir le juge des requêtes de la requête.

[8]  Le 12 mars 2015, le protonotaire Lafrenière a tenu une médiation aux termes des Règles sur les Cours fédérales, DORS/98-106 (les « Règles »). La médiation a échoué et, au terme de celle‑ci, le protonotaire Lafrenière a ordonné que la demande se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale.

[9]  La protonotaire Milczynski a rendu une ordonnance supplémentaire le 19 mars 2015 adjugeant des dépens de 600 $ à payer par la défenderesse au demandeur peu importe l’issue de la cause.

[10]  Par ordonnance du 8 avril 2015, le protonotaire Lafrenière a été nommé juge responsable de la gestion de l’instance. Le demandeur s’est opposé à cette nomination, sur le fondement d’un préjudice possible découlant de la participation du protonotaire Lafrenière dans la médiation, et a demandé la nomination d’un autre juge responsable de la gestion de l’instance. Par ordonnance du 22 avril 2015, la protonotaire Milczynski a été nommée juge responsable de la gestion de l’instance.

[11]  Par avis de requête déposé le 27 juillet 2015, Me Andrew Pinto, l’ancien avocat du demandeur, a demandé l’autorisation d’intervenir à la présente demande à titre de partie, avec l’autorisation de contre-interroger le demandeur et de faire des observations orales et écrites. Le juge Zinn a rendu une le 17 août 2015 rejetant cette requête, avec dépens adjugés en faveur du demandeur.

[12]  Le 26 août 2015, le demandeur a déposé un avis de requête sollicitant l’autorisation de contre-interroger Me Meighan Ferris-Miles, avocate de la défenderesse dans la procédure instruite devant l’arbitre, et Mme Shirley Roberts, gestionnaire des relations avec les employés du défendeur. Le protonotaire Aalto a rendu une ordonnance le 9 septembre 2015 rejetant cette requête.

[13]  Le 21 septembre 2015, la protonotaire Milczynski a émis une directive orale autorisant le demandeur à déposer un affidavit en réponse, dans son dossier de requête, relativement à l’affidavit de Me Pinto qui devait être déposé au nom de la défenderesse. La défenderesse a déposé l’affidavit de Me Pinto, inclus dans son dossier de requête, le 26 octobre 2015.

[14]  Le demandeur a déposé son second dossier de requête le 16 octobre 2015.

[15]  Le 17 novembre 2015, un avis de nomination d’un avocat a été déposé au nom du demandeur pour nommer Me Anser Farooq comme son avocat.

[16]  Le 7 décembre 2015, la protonotaire Milczynski a émis une directive orale enjoignant au demandeur de déposer son dossier de requête modifié au plus tard le 19 février 2016 et à la défenderesse de déposer son mémoire des faits et du droit au plus tard le 14 mars 2016. Le demandeur a déposé un troisième dossier de requête le 19 février 2016.

[17]  Le demandeur a déposé un autre avis d’intention d’agir en son propre nom le 15 février 2016 et argumenté la demande de contrôle judiciaire en son propre nom.

III.  ÉLÉMENTS DE PREUVE

[18]  Les renseignements ci-après sont tirés du dossier certifié du tribunal, des affidavits du demandeur, faits sous serment les 14 octobre 2014, 27 juillet 2015 et 31 août 2015, l’affidavit de Me Pinto, fait sous serment le 10 août 2015 et déposé au nom de la défenderesse, ainsi que des transcriptions des contre-interrogatoires du demandeur et de Me Pinto et de la décision de l’arbitre.

IV.  FAITS

[19]  Le demandeur a travaillé au service de la défenderesse du 19 août 1991 au 17 octobre 1997. Il a été réengagé par la défenderesse le 8 août 2000 à titre de gestionnaire en développement hypothécaire et a travaillé à ce titre jusqu’au 30 avril 2012. Au mois d’avril 2012, sa seule forme de rémunération consistait en des droits de courtage. Durant cette période, il a reçu des évaluations de rendement favorables et son taux de délinquance était très faible.

[20]  Au mois de février 2012, au cours d’une enquête sans lien avec le demandeur, le service de la sécurité et des enquêtes de la défenderesse a relevé un certain nombre de documents frauduleux ayant servi à étayer des prêts hypothécaires présentés par le demandeur. Cette découverte a déclenché une enquête qui a révélé la présence de documents frauduleux dans onze dossiers de prêts hypothécaires sur seize.

[21]  Le 3 avril 2012, le demandeur a reçu un message électronique du directeur national, M. Barry Ray, convoquant une réunion d’urgence. Cette réunion était prévue le 10 avril 2012.

[22]  Plus tard le 3 avril 2012, le demandeur a rencontré sa superviseure, Me Sue Pimento, pour discuter de deux de ses dossiers de clients. Lorsque le demandeur a demandé si tout écart avait été décelé dans l’un de ses dossiers, on lui a répondu qu’il n’y avait aucun problème. Il a demandé également si Mme Pimento savait pourquoi M. Ray voulait le rencontrer. Mme Pimento a dit au demandeur qu’il devait donner son avis sur les conditions du marché.

[23]  À la réunion du 10 avril 2012, M. Ray a dit au demandeur qu’il s’inquiétait du faible rendement de l’équipe de Mme Pimento, plus particulièrement de la baisse enregistrée dans l’exercice de 2012. Le demandeur a demandé s’il y avait son rendement présentait un problème quelconque, surtout relativement aux dossiers dont il avait discuté avec Mme Pimento le 3 avril 2012. M. Ray a dit qu’il n’y avait aucun problème et que le demandeur surpassait le niveau de ventes d’hypothèques attendu.

[24]  Le 24 avril 2012, M. Ray a appelé le demandeur et l’a convoqué à une réunion avec Mme Shirley Roberts, gestionnaire des relations avec les employés, le lendemain. M. Ray a affirmé qu’il ne connaissait pas la nature de cette réunion.

[25]  Le demandeur a assisté à la réunion le lendemain. Mme Roberts, M. Christopher Hucalak, des services de la sécurité de l’entreprise, et une autre femme, nommée plus tard Mme Jessica Feiereisen, une enquêteuse, étaient présents à la réunion. La réunion a été enregistrée avec le consentement du demandeur, à condition qu’il reçoive une copie de l’enregistrement à la conclusion de la réunion. Les notes de cette réunion sont incluses dans le dossier certifié du tribunal à l’onglet 25.

[26]  Pendant la réunion, Mme Feieresien a interrogé le demandeur au sujet de six ou sept de ses dossiers qu’elle alléguait contenir des incohérences.

[27]  Au terme de la réunion, Mme Roberts a donné au demandeur une lettre de suspension en date du 25 avril 2012, qu’elle avait signée au nom de M. Kevin Conroy, vice-président aux ventes d’hypothèques nationales. La lettre affirmait que le demandeur était immédiatement suspendu avec traitement dans l’attente de la conclusion de l’enquête en cours.

[28]  Mme Roberts a dit que l’affaire était confidentielle et qu’il ne fallait pas en discuter avec quiconque. Mme Roberts a également informé le demandeur qu’elle lui fournirait une mise à jour au plus tard au début de la semaine suivante.

[29]  Le lendemain, le demandeur a reçu des appels de plusieurs préposés s’informant du motif de sa suspension.

[30]  Le 27 avril 2012, l’accès du demandeur à son compte de courrier électronique du bureau a été interrompu. Le lendemain, le services de la sécurité des TI a téléchargé et copié les messages électroniques associés au téléphone du demandeur.

[31]  Le demandeur prétend qu’il a tenté en vain de communiquer avec Mme Roberts et M. Conroy le 30 avril 2012.

[32]  Selon la transcription de son contre-interrogatoire, le demandeur a communiqué avec Me Paulette Hayes, une avocate en droit de l’emploi, le 27 avril 2012 pour discuter de la situation. Un message électronique échangé entre Me Hayes et le demandeur le 30 avril 2012 indique que le demandeur lui a parlé au téléphone et l’a rencontrée le 27 avril 2012. Selon le message électronique, Me Hayes a discuté avec le demandeur des conséquences de rendre sa démission et examiné l’ébauche d’une lettre de démission.

[33]  Le 30 avril 2012, le demandeur a présenté une lettre de démission. La lettre se lisait ainsi :

[Traduction]

Le 30 avril 2012

À l’attention de Monsieur Conroy

Monsieur,

La présente est pour vous informer de ma démission immédiate de mon poste actuel de gestionnaire du développement des hypothèques à la Banque Scotia.

Je suis reconnaissant d’avoir pu travailler au service de la Banque Scotia et vous transmets, de même qu’à la Banque Scotia, mes meilleurs vœux.

Si vous avez besoin d’un meilleur préavis, n’hésitez pas à en discuter avec moi.

Veuillez agréer, Monsieur, mes sentiments distingués.

M. Gary Curtis

[34]  Dans une lettre du 2 mai 2012, la défenderesse a accepté la démission du défendeur à compter du 30 avril 2012. La défenderesse a attribué au demandeur le code [traduction« ne peut être réengagé ».

V.  PLAINTE

[35]  Le 11 juin 2012, le demandeur a déposé une plainte aux termes de l’article 240 du Code. Il a allégué avoir fait l’objet d’un congédiement déguisé de la part de la défenderesse. Il a demandé la somme estimative de 25 000 $ en droits de courtage non versés.

[36]  La défenderesse s’est opposée à la plainte de congédiement injuste au mois d’août 2012, en soutenant que le demandeur avait démissionné et que l’arbitre n’avait donc pas compétence aux termes de l’article 240 du Code. À ce moment, la défenderesse a proposé que l’arbitre décide, de façon préliminaire, si le demandeur avait démissionné ou s’il avait été victime d’un congédiement déguisé.

[37]  Le 12 octobre 2012, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDSC) a conclu que la défenderesse avait contrevenu à la partie III du Code en omettant de verser au demandeur le salaire de 37 028,70 $. Cette conclusion préliminaire a été réexaminée, et la somme exigible de la défenderesse a été réduite et fixée à 12 876,50 $ le 16 novembre 2012.

[38]  Le demandeur était initialement représenté par Me Osborne Barnwell, l’avocat ayant signé la demande de contrôle judiciaire.

[39]  Au mois d’avril 2013, le demandeur a déposé une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission). Il alléguait avoir été victime de discrimination fondée sur la race.

[40]  Le premier jour prévu pour l’audience de la plainte du demandeur fondée sur le Code était le 10 juillet 2013. L’instance a été ajournée en attendant que la Commission rende une décision aux termes du paragraphe 41(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6, concernant la plainte déposée par le demandeur à la Commission.

[41]  Le 29 juillet 2013, le demandeur a retenu les services de Me Andrew Pinto pour le représenter dans le cadre de l’arbitrage de sa plainte fondée sur le Code.

[42]  Le 9 octobre 2013, la Commission a décidé de ne pas statuer sur la plainte relative aux droits de la personne parce que l’arbitre était mieux placé pour la trancher.

[43]  Dans une lettre en date du 29 octobre 2013, l’avocat du demandeur a soutenu qu’il y avait lieu que l’arbitre refuse que les questions soient traitées séparément et qu’il ordonne à la défenderesse de présenter sa cause en premier.

[44]  La défenderesse, dans une lettre en date du 6 novembre 2013, a demandé que l’arbitre tranche les questions de la disjonction de l’audience et de l’ordre du déroulement de l’instance. La défenderesse a proposé que l’audience soit scindée en deux étapes et que la question préliminaire de la compétence soit entendue en premier. Elle a également soutenu qu’il y avait lieu que le demandeur présente sa cause en premier. La défenderesse a demandé que les parties abordent la disjonction lors d’une téléconférence avec l’arbitre prévue le 8 novembre 2013.

[45]  Dans une lettre du 7 novembre 2013 en réponse, l’avocat du demandeur s’est opposé à ce que des observations sur la disjonction soient faites lors de cette téléconférence. La lettre indique également que la disjonction et l’ordre du déroulement de l’instance sont critiques pour le demandeur et qu’il insistait pour être présent lors des débats portant sur ces questions.

[46]  Le 8 novembre 2013, les avocats des parties et l’arbitre ont participé à la téléconférence pour aborder ces questions d’ordre procédural. Les avocats des deux parties ont informé l’arbitre que les parties avaient conclu un accord relatif à l’instance. Elles avaient convenu que l’instance soit scindée en deux étapes. Durant la première étape, les parties aborderaient la compétence de l’arbitre, plus précisément à l’égard de la question de savoir si le demandeur avait fait été victime d’un congédiement déguisé. La seconde étape porterait sur la question de savoir si le congédiement du demandeur était justifié, y compris celle de savoir si la défenderesse avait violé les droits de la personne du demandeur.

[47]  L’audience devant l’arbitre s’est déroulée les 13 et 14 novembre 2013. Au début de l’audience le 13 novembre, les parties, par l’entremise de leurs avocats, ont confirmé qu’elles étaient parvenues à un accord sur la disjonction de l’audience.

[48]  Le premier jour de l’audience a été consacré aux témoignages du demandeur et de Mme Roberts. Durant le contre-interrogatoire du demandeur, on a fait jouer des extraits de l’enregistrement sonore de la séance d’enquête du 25 avril 2012. Une ébauche de la transcription, préparée par une assistante juridique de Me Pinto, a été admise en preuve.

[49]  Le 14 novembre 2013, avant le début du second jour d’audience, le demandeur a remis à Me Pinto une note le remerciant de ses services. Selon le demandeur, Me Pinto lui a dit qu’il ne pouvait pas le révoquer au milieu d’une audience. Me Pinto a ensuite pris la note et est allé parler à l’arbitre. À son retour, il a dit au demandeur que l’arbitre avait déclaré que l’audience se poursuivrait.

[50]  Le demandeur était mécontent du fait que sa cause avait été instruite. Le 15 novembre 2013, le demandeur a demandé à Me Pinto dans un message électronique de communiquer avec l’arbitre pour que l’audience soit  rouverte. L’arbitre avait été mis en copie de ce message électronique.

[51]  Me Pinto n’a pas accédé à cette demande. Le 19 novembre 2013, le demandeur a mis un terme à son mandat de représentation en justice avec Me Pinto.

[52]  Dans une lettre du 22 novembre 2013, le demandeur, agissant en son propre nom, a demandé à l’arbitre de rouvrir l’audience pour permettre l’examen des questions liées aux droits de la personne. Il a poursuivi en soutenant que la lettre de démission constituait une [traduction] « démission justifiée ». Il a soutenu que la conduite insouciante de la défenderesse l’avait empêché de s’adonner à ses activités.

[53]  La défenderesse a déposé des observations le 25 novembre 2013. Elle s’est opposée à la réouverture de l’audience pour deux motifs : d’une part, le demandeur avait bénéficié d’une représentation juridique et, d’autre part, il avait eu amplement l’occasion de présenter ses éléments de preuve à l’audience des 13 et 14 novembre. Elle a soutenu que, lorsque la réouverture de l’audience est demandée, il incombe au demandeur de prouver que le défaut de rouvrir l’instruction de la question entraînerait probablement une erreur judiciaire.

[54]  La défenderesse a fait valoir que le demandeur, par l’entremise de son avocat, avait consenti à ce que la cause soit scindée en deux étapes. De plus, elle a soutenu que l’avocat du demandeur, au moment de conclure ses observations devant l’arbitre, avait fait valoir que la suspension sans traitement équivalait à un congédiement déguisé.

[55]  La défenderesse a également soutenu que les observations du demandeur débordaient de la question étroite de savoir si sa suspension sans traitement constituait un congédiement déguisé. À son avis, le demandeur alléguait alors son congédiement déguisé en raison d’autres circonstances.

[56]  Le demandeur a présenté des observations en réponse le 4 décembre 2013.

[57]  Le 15 janvier 2014, les avocats de la défenderesse ont présenté une copie du jugement rendu dans l’affaire Fazal Choudhry c. La Banque de la Nouvelle‑Écosse, [2014] C.L.A.D. No. 10, qui, selon lui, était pertinent quant à la compétence de l’arbitre.

[58]  Le 21 janvier 2014, le demandeur a demandé la prorogation du délai pour fournir des observations en réponse sur l’affaire Choudhry, précitée. Le délai a été prorogé au 29 janvier 2014.

[59]  Le demandeur a engagé Me Osborne Barnwell comme avocat pour qu’il complète ses observations portant sur la réouverture du dossier.

[60]  Dans les observations en date du 29 janvier 2014, le demandeur a sollicité l’autorisation de faire des observations supplémentaires concernant sa demande de réouverture de l’audience. Ces observations étaient jointes à la demande.

[61]  Le demandeur a fait valoir qu’il convenait que l’audience soit rouverte au motif qu’il n’avait pas été adéquatement représenté. Il a fait valoir que le consentement de Me Pinto à la disjonction contrevenait à ses directives. Il a également soutenu qu’il n’était pas possible de statuer sur la question du congédiement déguisé en l’absence d’une évaluation de l’allégation de discrimination.

[62]  Le 10 février 2014, la défenderesse s’est opposée à la demande d’autorisation de déposer des observations supplémentaires et a présenté des observations en réponse concernant la pertinence de l’affaire Choudhry, précitée.

[63]  Dans des observations présentées en réponse le 13 février 2014, le demandeur a soutenu que Me Pinto avait été inefficace, contrairement à la thèse de la défenderesse.

VI.  DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[64]  La décision de l’arbitre du 11 juillet 2014 commence par un exposé de l’historique de la procédure. L’arbitre a dit que, durant la téléconférence du 8 novembre 2013, les avocats avaient mentionné la conclusion d’un accord sur la disjonction de l’instance. La première étape porterait sur la compétence et la seconde étape, sur le fond de la plainte. Il a indiqué qu’il avait demandé comment la discrimination serait abordée et qu’on lui avait dit qu’elle le serait à la seconde étape. Il a fait remarquer que l’existence de cet accord avait été confirmée à l’audience le 13 novembre 2013, en présence du demandeur.

[65]  L’arbitre a poursuivi en exposant la demande du demandeur visant la réouverture de l’instance et les observations présentées pour étayer cette demande.

[66]  La première question examinée par l’arbitre était celle de savoir s’il y avait lieu d’accueillir la demande du demandeur, présentée le 29 janvier 2014, visant la présentation d’observations supplémentaires. L’arbitre a décidé d’exercer son pouvoir discrétionnaire de permettre le dépôt d’observations supplémentaires étant donné que le fait d’accorder cette autorisation n’entraînerait pas de préjudice indu pour la défenderesse.

[67]  L’arbitre a ensuite résumé la thèse du demandeur relative à la réouverture de l’instance. Il a dit que le demandeur avait allégué un manquement à son droit à l’équité procédurale du fait que son ancien avocat avait fourni une aide inefficace et manqué à son obligation à l’égard du demandeur en omettant de suivre des directives raisonnables et judicieuses.

[68]  L’arbitre a résumé la thèse de la défenderesse, en mentionnant qu’elle fait valoir que la demande du demandeur ne satisfait pas aux critères établis par les tribunaux pour la réouverture d’une instance et qu’elle équivaut à un abus de procédures.

[69]  L’arbitre a conclu qu’il ne devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de rouvrir une audience que dans les cas où le demandeur démontre qu’il se produira probablement une erreur judiciaire, à moins que l’audience ne soit rouverte Vance c. Vance (1981), 34 B.C.L.R. 209 (B.C.S.C.). Il a dit que le demandeur devait satisfaire aux critères énoncés dans l’affaire R. c. B. (W.E.) (2012), 366 D.L.R. (4th) 690 (C.A. Ont.) pour établir l’incompétence de l’avocat. Il a constaté qu’il y avait une forte présomption contre une conclusion d’incompétence de la part d’un avocat.

[70]  L’arbitre n’était pas convaincu que le demandeur avait établi le fondement factuel nécessaire à sa plainte, ou que son avocat avait été inefficace ou encore qu’il se produirait une erreur judiciaire si l’audience n’était pas rouverte. Il n’a accordé aucune valeur aux allégations sans serment et non vérifiées du demandeur contre son ancien avocat. Il a dit que le demandeur ne pouvait pas se plaindre maintenant, puisqu’il avait consenti à la disjonction par l’entremise de son avocat et qu’il avait participé activement à l’audience.

[71]  L’arbitre a conclu que l’allégation de représentation inefficace était sans fondement, puisque l’accord sur la disjonction appartenait bien aux décisions raisonnables concernant la conduite de l’audience. Il s’est demandé si, de façon objective, la conduite de Me Pinto [traduction« n’atteign[ait] pas la gamme de représentation attendue d’un avocat raisonnable? » L’arbitre a conclu que [traduction] « la réponse [était], de toute évidence, “non” ».

[72]  Enfin, de l’avis de l’arbitre, le demandeur n’avait pas réfuté la forte présomption de compétence. Il a jugé sans aucun fondement et tout à fait inappropriée la suggestion faite par l’avocat actuel du demandeur, Me Barnwell, selon laquelle Me Pinto avait [traduction« manqué de façon flagrante » à son obligation. L’arbitre a affirmé qu’il aurait pris la même décision s’il avait entendu des éléments de preuve relatifs à la prétendue conduite discriminatoire de la défenderesse.

[73]  L’arbitre a rejeté la demande du demandeur visant la réouverture de l’audience de la plainte.

[74]  L’arbitre a ensuite décrit les éléments de preuve et les observations des parties relativement au congédiement déguisé.

[75]  L’arbitre a dit que la question à trancher était celle de savoir si le demandeur avait démissionné volontairement ou s’il avait été victime d’un congédiement déguisé, c’est-à-dire, si la démission du demandeur était justifiée parce que sa suspension constituait en fait une suspension sans traitement et une violation fondamentale de ses conditions d’emploi. Il a constaté que, aux termes de l’article 240 du Code, toute personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une plainte.

[76]  L’arbitre a adopté la définition de « congédiement » énoncée par la Cour d’appel fédérale dans le jugement Eskasoni School Bd. c. MacIsaac (1986), 69 N.R. 315 (C.A.F.). Il a constaté qu’il incombe au demandeur d’établir son congédiement selon la prépondérance des probabilités.

[77]  Après examen des éléments de preuve, l’arbitre n’était pas convaincu que le demandeur avait été victime d’un congédiement déguisé. En se fondant sur l’arrêt Cabiakman c. Industrielle‑Alliance Cie d’Assurance sur la Vie, [2004] 3 R.C.S. 195 (C.S.C.), il a conclu que le demandeur s’était vu imposer une suspension administrative avec traitement.

[78]  L’arbitre a conclu que le demandeur savait, selon la lettre qui lui avait été remise le 25 avril 2012, qu’il était suspendu avec traitement et qu’aucune décision n’avait été prise à l’égard de sa situation d’emploi.

[79]  L’arbitre n’a pas retenu les éléments de preuve du demandeur selon lesquels il s’était opposé à la suspension à la fin de la réunion du 25 avril parce que la transcription de cette réunion ne faisait pas foi d’une telle opposition.

[80]  L’arbitre a dit que le fait que le demandeur croyait sa démission justifiée était fondé sur ses propres perceptions, et non pas sur la conduite de la défenderesse. Le demandeur n’avait aucun motif de conclure qu’il ne toucherait pas de traitement. La défenderesse n’a pas traité le poste du demandeur comme vacant. Le transfert de ses dossiers à un autre employé était conforme au droit d’un employeur de mettre un employé en congé administratif.

[81]  L’arbitre a également conclu que le défaut du demandeur de préciser dans sa lettre de démission que sa démission était justifiée laisse entendre que sa démission n’était pas motivée par sa croyance qu’il ne toucherait pas de traitement.

[82]  L’arbitre a jugé qu’il n’y avait rien d’ambigu dans la lettre de suspension et que, si le demandeur avait communiqué avec Mme Roberts, elle l’aurait informé de la politique sur la rémunération des employés suspendus. Il a conclu que l’existence du régime de rémunération de substitution étayait la conclusion selon laquelle la défenderesse avait l’intention de verser un traitement au demandeur durant sa suspension.

[83]  En reconnaissant que les éléments de preuve postérieurs à la démission étaient pertinents quant à la question du caractère volontaire de la démission du demandeur, l’arbitre a exprimé un doute quant à savoir si ces éléments de preuve pouvaient servir à étayer la perception du demandeur qu’il devait rendre sa démission le 30 avril 2012. Il a ajouté que le défaut du demandeur de s’opposer aux conclusions de Mme Roberts selon lesquelles il avait contrevenu à une politique laissait entendre que le demandeur avait l’intention de démissionner volontairement.

[84]  De même, l’arbitre a conclu que la question du versement des droits de courtage n’ayant été soulevée qu’après la démission du demandeur, il ne pouvait s’agir d’un motif de sa démission. L’arbitre a conclu de la plainte du demandeur alléguant qu’il n’avait pas touché de traitement pour la période de sa suspension qu’il savait, au moment de démissionner, qu’il était suspendu avec traitement.

[85]  Enfin, l’arbitre a conclu que la défenderesse ne s’était livrée à aucune conduite qui avait eu pour effet de mettre fin au contrat d’emploi et que le demandeur n’avait donc pas été victime d’un congédiement déguisé. Étant donné que l’arbitre a jugé que le demandeur avait démissionné volontairement, il a conclu qu’il n’avait pas compétence pour entendre et trancher la plainte aux termes de l’article 240 du Code en raison de l’absence de congédiement sur lequel statuer. La plainte a été rejetée.

VII.  QUESTIONS EN LITIGE

[86]  Les parties ont abordé les questions ci-après dans le cadre de la présente demande :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

  2. Les affidavits supplémentaires du demandeur devraient-ils être radiés?

  3. La Cour devrait-elle exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas entendre la présente demande?

  4. L’arbitre a‑t‑il commis une erreur en décidant en faveur de la disjonction de l’audience?

  5. La décision de ne pas rouvrir l’audience était-elle raisonnable?

  6. Était-il raisonnable pour l’arbitre de conclure que la démission du demandeur était volontaire?

  7. Existait-il une crainte raisonnable de partialité de la part de l’arbitre?

  8. L’arbitre a‑t‑il manqué à l’équité procédurale en prenant huit mois pour rendre sa décision?

VIII.  OBSERVATIONS

A.  Observations du demandeur

[87]  Bien que le demandeur n’ait pas présenté d’observations écrites concernant la norme de contrôle, il a abordé cette question à l’audience et soutenu que deux normes de contrôle sont applicables : la norme de la décision correcte et celle du caractère raisonnable.

[88]  Le demandeur n’avait pas présenté d’observations écrites en réponse à la requête de la défenderesse en radiation de ses affidavits. Il a soutenu, à l’audience, qu’il y avait lieu que ses affidavits demeurent au dossier afin qu’il lui soit permis d’aborder l’équité de l’instruction par l’arbitre.

[89]  Le demandeur soutient que l’arbitre avait l’obligation légale d’entendre la plainte entière parce qu’il était évident que la disjonction nuirait sérieusement à sa thèse. Il a également soutenu que l’arbitre ne pouvait disjoindre l’audience qu’avec le consentement des deux parties et qu’il était évident qu’il n’avait pas donné son consentement.

[90]  Le demandeur soutient également que l’arbitre l’a privé d’une audience équitable parce qu’il n’a pas pu présenter sa plainte relative à la discrimination. Il soutient que l’arbitre avait compétence pour entendre la plainte relative aux droits de la personne et qu’il avait ordonné à l’arbitre de statuer sur cette question dans ses observations du 10 juillet 2013, du 4 décembre 2013 et du 29 janvier 2014.

[91]  L’arbitre soutient que l’arbitre avait le pouvoir discrétionnaire de rouvrir l’audience dans le cas où le défaut de le faire causerait un préjudice à une partie. Il allègue avoir subi un préjudice parce qu’on l’a empêché de présenter pleinement sa cause sur le fond.

[92]  Le demandeur soutient que l’arbitre n’a pas tenu compte de l’ensemble des éléments de preuve relatifs à l’incompétence de Me Pinto. Il allègue que Me Pinto a fait preuve d’incompétence parce qu’il n’a pas suivi les directives du demandeur concernant la disjonction; il n’était pas préparé à plaider la requête le 8 novembre 2013 ni le fondement de la cause le 13 novembre 2013; il a produit une transcription de l’enregistrement sonore contrairement aux directives du demandeur et fourni la transcription à la défenderesse; et il ne s’est pas conformé aux articles 31.1, 5.1 ou 5.2 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C., ch. C‑5.

[93]  Le demandeur soutient que l’arbitre a commis une erreur en concluant qu’il avait été suspendu avec traitement. Il dit que la défenderesse n’avait aucune preuve de l’existence d’une politique écrite visant la rémunération des employés suspendus dont le versement de droits de courtage était la rémunération.

[94]  Le demandeur allègue qu’il lui était impossible de savoir quelle était la pratique suivie pour rémunérer les employés suspendus. De plus, il soutient que l’arbitre n’a pas tenu compte des politiques de la défenderesse entourant la suspension, tel qu’il a été discuté dans l’affaire Choudhry, précitée.

[95]  Le demandeur allègue également que l’arbitre a commis une erreur en concluant qu’il avait démissionné, plutôt que de conclure au congédiement déguisé. Il juge que le refus de lui donner accès à son système informatique et la suspension de ses avantages sociaux à court terme équivalaient à un congédiement déguisé. Il se fonde sur l’arrêt Cabiakman, précité, au paragraphe 51, pour avancer que ces deux facteurs démontrent qu’il a été victime d’un congédiement déguisé.

[96]  Le demandeur soutient que, dès sa mise en suspension sans solde pour une période indéfinie, il a été victime d’un congédiement déguisé et avait le droit de rendre sa démission motivée Faber c. Cie Trust Royal, [1997] 1 R.C.S. 846 (C.S.C.), au paragraphe 34.

[97]  Le demandeur fait valoir que l’arbitre s’est fondé à tort sur l’enquête et sur les allégations formulées durant celle‑ci pour décider s’il avait été victime d’un congédiement déguisé. Il soutient que l’arbitre n’a pas tenu compte du défaut de la défenderesse de lui dire que le code « ne peut être réengagé » lui serait attribué.

[98]  Le demandeur soutient que l’arbitre s’est fondé à tort sur l’enregistrement sonore non vérifié ni admis en preuve et à une transcription illégale.

[99]  Le demandeur fait valoir que l’arbitre a fait preuve de partialité en n’entendant pas ses éléments de preuve et en donnant raison à la défenderesse. Il fait valoir que la déclaration de l’arbitre selon laquelle la défenderesse disposait d’une politique claire visant la rémunération des employés suspendus est fausse et biaisée.

[100]  Le demandeur soutient également que l’arbitre a défendu à tort les actes de Me Pinto et que cela démontrait un parti pris.

[101]  Enfin, le demandeur fait valoir que l’arbitre a délibérément attendu de rendre sa décision après l’expiration du délai de prescription pour que le demandeur ne puisse pas abandonner cette instance et intenter une poursuite civile.

B.  Observations de la défenderesse

[102]  La défenderesse fait valoir que deux normes de contrôles sont applicables dans le cadre de la présente instance.

[103]  S’agissant des questions d’équité procédurale, la défenderesse fonde son argument selon lequel la norme du caractère raisonnable est applicable sur l’affaire Maritime Broadcasting System Ltd. c. La guilde canadienne des médias, 2014 CAF 59, (2014), 373 D.L.R. (4th) 167 (C.A.F.), aux paragraphes 47 et 48.

[104]  La défenderesse fait valoir que la décision de rouvrir l’audience est de nature discrétionnaire et qu’il y a lieu que la décision soit contrôlée selon la norme du caractère raisonnable; voir l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190 (C.S.C.), au paragraphe 53.

[105]  La défenderesse soutient que la décision de savoir s’il y eut un congédiement qui donnerait lieu à l’exercice par l’arbitre de sa compétence aux termes du Code nécessite l’interprétation du Code et est fondée sur une conclusion de fait. Il y a lieu que cette décision soit également contrôlée selon la norme du caractère raisonnable; voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 54.

[106]  La défenderesse fait valoir que la cour qui est saisie d’un contrôle judiciaire devrait limiter son examen aux éléments de preuve qui étaient à la disposition du décideur administratif; voir l’affaire Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, (2012), 428 N.R. 297 (C.A.F.), aux paragraphes 17 à 19.

[107]  La défenderesse soutient que les exceptions limitées à la règle générale, notamment le fait de fournir une mise en contexte générale nécessaire, les éléments de preuve qui établissent des vices de procédures, et les éléments de preuve qui font ressortir le fait que le décideur administratif ne disposait d’aucun élément de preuve, ne s’appliquent pas en l’espèce, en se fondant sur l’affaire International Relief Fund for the Afflicted and Needy (Canada) c. Canada (Revenu national), 2013 CAF 178, (2013), 449 N.R. 95 (C.A.F.), au paragraphe 10.

[108]  La défenderesse fait valoir que les affidavits du demandeur, faits sous serment le 27 juillet 2015 et le 31 août 2015 respectivement, présentent de nouveaux éléments de preuve concernant l’incompétence alléguée de Me Pinto et n’étaient pas à la disposition de l’arbitre.

[109]  La défenderesse fait valoir que les éléments de preuve contenus dans les affidavits supplémentaires consistent en la preuve même dont l’arbitre a constaté l’absence en examinant la demande de réouverture de l’audience.

[110]  La défenderesse soutient également que, si notre Cour juge inopportun d’admettre des éléments de preuve relatifs à la conduite de Me Pinto qui n’étaient pas à la disposition de l’arbitre, soit ceux exposés dans les affidavits du demandeur du 27 juillet 2015 et du 31 août 2015, les éléments de preuve exposés dans l’affidavit de Me Pinto devraient également être radiés ou écartés.

[111]  La défenderesse soutient que le contrôle judiciaire est un recours discrétionnaire et que la cour de révision dispose du pouvoir discrétionnaire de refuser d’accorder la réparation recherchée, même si le demandeur établit sa demande de contrôle judiciaire; voir l’arrêt  Strickland c. Canada (Procureur général), [2015] 2 R.C.S. 713 (C.S.C.), aux paragraphes 37 et 38.

[112]  La défenderesse fait valoir que le demandeur a demandé la réouverture de l’audience parce qu’il n’avait pas compris les conséquences de sa décision de démissionner. Elle soutient que le demandeur n’a fourni à l’arbitre aucun élément de preuve important concernant la question de savoir s’il avait été mal informé des conséquences possibles d’une démission, plus précisément le fait qu’il avait reçu des conseils juridiques avant sa démission.

[113]  La défenderesse demande que notre Cour refuse de contrôler la décision de l’arbitre compte tenu du défaut du demandeur de divulguer tous les faits importants à l’arbitre quant à savoir s’il avait été mal informé, y compris le fait qu’il avait demandé des conseils juridiques avant de présenter sa lettre de démission.

[114]  La défenderesse soutient que les deux seules questions à trancher dans le cadre de l’instance sont celles de savoir si l’arbitre a commis une erreur en décidant que le demandeur avait démissionné volontairement et qu’il n’avait donc pas compétence, et si l’arbitre a commis une erreur en refusant de rouvrir l’audience.

[115]  La défenderesse soutient que l’arbitre n’a commis aucune erreur en concluant à l’insuffisance d’éléments de preuve pour établir que l’ancien avocat du demandeur avait fait preuve d’incompétence et qu’une erreur judiciaire se produirait.

[116]  La défenderesse fait valoir que l’arbitre a conclu que le demandeur n’avait pas établi le fondement factuel de l’incompétence de l’avocat ni que le résultat eût été différent si l’audience avait été rouverte. Elle fait également valoir que l’arbitre a conclu que le demandeur devait avoir souscrit à la décision de disjoindre l’audience parce qu’il a admis, par l’entremise de son avocat, la conclusion d’un accord visant la disjonction et participé à l’audience pendant deux jours, sans formuler d’objection.

[117]  La défenderesse soutient que la décision de l’arbitre de ne pas rouvrir l’audience était raisonnable eu égard au manque d’éléments de preuve au dossier concernant toute incompétence de l’avocat.

[118]  La défenderesse fait également valoir qu’il était raisonnable pour l’arbitre de conclure que le demandeur n’avait pas été victime d’un congédiement déguisé.

[119]  La défenderesse affirme que l’arbitre a conclu à l’absence de tout motif de la prétendue croyance du demandeur selon laquelle il était suspendu sans traitement. De plus, elle constate également que l’arbitre a conclu que rien dans la lettre de démission du demandeur n’indiquait qu’il démissionnait parce qu’il croyait qu’il ne toucherait aucun traitement.

[120]  La défenderesse soutient que l’arbitre a exposé correctement les principes juridiques applicables au présent dossier. L’arbitre a dit qu’il incombait au demandeur d’établir qu’il avait été congédié au sens du Code. L’arbitre a poursuivi en exposant les facteurs servant à décider si un congédiement déguisé s’est produit dans le contexte d’une suspension administrative.

[121]  La défenderesse fait valoir que l’arbitre a appliqué les principes juridiques à ses conclusions de fait de manière transparente, intelligible et justifiable.

[122]  La défenderesse soutient que le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve pour étayer les allégations de partialité. Elle soutient que le fait que l’arbitre n’a pas retenu l’argumentation du demandeur ne démontre pas la partialité ni une erreur dans le processus suivi par l’arbitre.

[123]  Enfin, la défenderesse fait valoir que le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve pour étayer l’allégation selon laquelle l’arbitre avait délibérément tardé à prendre une décision concernant sa requête visant la réouverture de l’audience.

IX.  DISCUSSION

[124]  J’ai exposé ci-dessus les questions que les parties ont soulevées et abordées dans le cadre de la présente demande. À mon avis, les véritables questions en litige peuvent toutefois être reformulées ainsi :

  1. Questions préliminaires

    1. Y a-t-il lieu que les affidavits du demandeur, ou l’un d’eux, soient radiés comme l’a fait valoir la défenderesse?

    2. Selon la disposition de cette question, y a-t-il lieu que l’affidavit de Me Pinto soit radié ou écarté?

    3. Y a-t-il lieu que la Cour entende la présente demande de contrôle judiciaire?

    4. L’incompétence alléguée de Me Pinto équivalait-elle à un manquement à l’équité procédurale?

    5. La décision de l’arbitre de séparer la question de la compétence de l’instruction de la plainte du demandeur sur le fond constituait-elle un manquement à l’équité procédurale?

    6. Le refus par l’arbitre de rouvrir l’audience constituait-il un manquement à l’équité procédurale à laquelle le demandeur avait droit?

    7. Le demandeur a-t-il établi la partialité de la part de l’arbitre?

  2. Quelles sont les normes de contrôle applicables?

  3. Le demandeur a-t-il été victime d’un manquement à l’équité procédurale?

    1. L’ultime décision de l’arbitre de rejeter la plainte était-elle raisonnable?

    A.  Questions préliminaires

      i.  Y a-t-il lieu que les affidavits du demandeur, ou l’un d’eux, soient radiés comme l’a fait valoir la défenderesse?

    [125]  La défenderesse a présenté un avis de requête le 20 janvier 2015 pour demander la radiation de l’affidavit original du demandeur – fait sous serment le 14 octobre 2014 – inclus dans le premier dossier de requête déposé par le demandeur le 21 janvier 2015.

    [126]  Par ordonnance du 6 mars 2015, la protonotaire Milczynski a rejeté la requête sans préjudice au droit de la défenderesse de soulever la requête de nouveau devant le juge des requêtes.

    [127]  À l’audience de la présente demande, qui a débuté le 30 mars 2016, les avocats de la défenderesse ont eu l’occasion d’aborder la requête portant sur l’affidavit du demandeur, de façon préliminaire, peu après que le demandeur eût commencé son plaidoyer.

    [128]  La défenderesse, dans son mémoire des faits et du droit modifié déposé le 4 mars, a présenté des arguments visant la radiation de tous les affidavits du demandeur, y compris les deux affidavits faits sous serment le 27 juillet 2015 et le 31 août 2015, inclus dans les dossiers de requête supplémentaires déposés par le demandeur.

    [129]  La défenderesse, par l’entremise de ses avocats, a présenté des observations le 30 mars 2016. Le demandeur a répondu le jour même et de nouveau au mois d’octobre, lors de la poursuite de l’instance.

    [130]  Le demandeur a fait valoir que ses affidavits étaient nécessaires afin qu’il puisse avoir une audience complète et équitable de sa demande de contrôle judiciaire.

    [131]  Au cours de l’audience, j’ai décrit les possibilités que j’avais dans le cadre de la requête de la défenderesse : accueillir la requête et radier les affidavits; rejeter la requête et permettre que les affidavits demeurent au dossier et comptent parmi les éléments de preuve du demandeur; ou rejeter la requête, en n’accordant aucune valeur aux parties contestables des affidavits.

    [132]  La protonotaire Milczynski, dans les motifs de son ordonnance, a examiné les différents moyens invoqués par la défenderesse en demandant l’ordonnance radiant l’affidavit original du demandeur.

    [133]  Elle a écrit ce qui suit dans ces motifs :

    [Traduction]

    [8]  Les demandes de contrôle judiciaire sont des procédures sommaires. En l’absence de circonstances exceptionnelles (dans lesquelles les éléments de preuve sont manifestement inadmissibles, argumentatifs, abusifs ou préjudiciables), et si la Cour est convaincue que la résolution précoce du problème concernant la preuve est indiquée (par exemple, de façon à libérer une partie du préjudice occasionné par les frais et le temps nécessaires pour répondre aux éléments de preuve contestés ou à assurer une gestion plus méthodique et expéditive de l’audience), la pertinence ou l’admissibilité des éléments de preuve ne devraient pas être contestées par voie de requête interlocutoire (affaires Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 et Canadian Tire Corp. c. PS Partsource Inc., 2001 CAF 8). La question à trancher dans le cadre de la présente requête consiste donc à décider si le demandeur a établi des motifs suffisants pour justifier une intervention précoce. Pour les motifs exposés ci-dessus, je ne suis pas convaincue que le demandeur a établi l’existence de ces motifs.

    [9]  Premièrement, il semble que la plupart, sinon la totalité, des documents contestés par la défenderesse constituent le fondement des observations présentées par le demandeur à l’arbitre relativement à sa demande de réouverture de l’audience. L’arbitre en a peut-être reçu une partie (observations faites à l’arbitre). La plus grande partie n’était pas « en preuve » et, selon les renseignements fournis à la Cour dans le cadre de la présente requête, ces documents ne font pas partie du dossier du tribunal. L’arbitre a fourni la description ci-après des documents qu’il avait effectivement reçus :

    [Traduction]

    « La demande du demandeur visant la réouverture de l’audience est fondée sur des allégations sans serment, non prouvées et non fondées [...] les allégations sans serment et non vérifiées ne prouvent rien, et on ne peut s’y fier ni y accorder quelque valeur lorsqu’il s’agit de résoudre la question de la réouverture » (paragraphe 18 de la décision).

    [10]  Il ressort de l’avis de requête que le demandeur considère qu’elles constituent une erreur susceptible de contrôle et qu’elles font partie des moyens invoqués pour demander le contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre. Bien que la défenderesse insiste pour dire qu’il y a lieu que l’admissibilité de ces documents soit décidée maintenant parce qu’ils tendent essentiellement à compléter le dossier dont disposait l’arbitre, la détermination de l’admissibilité de ces documents peut comporter une certaine analyse du bien-fondé de la requête telle qu’elle rédigée dans l’avis de requête, à savoir notamment si la conclusion de l’arbitre selon laquelle l’avocat du demandeur n’avait pas été inefficace ou incompétent était entachée d’un vice fondamental et constituait une erreur susceptible de contrôle.

    [11]  Deuxièmement, étant donné que la défenderesse ne s’oppose pas à l’affidavit du demandeur dans son intégralité, il ne convient pas d’accorder le recours recherché dans l’avis de requête consistant à radier l’affidavit au complet. [...]

    [Soulignement ajouté]

    [134]  Au paragraphe 13, la protonotaire Milczynski a conclu que la défenderesse ne subirait aucun [traduction« préjudice important » en soulevant la requête en radiation à l’audience de la demande.

    [135]  Au paragraphe 15, la protonotaire a fait les observations suivantes :

    [Traduction]

    [15]  Par conséquent, et eu égard à ce qui précède,  je ne suis pas convaincue qu’il existe quelque motif d’exercer mon pouvoir discrétionnaire de trancher sur le fond de la requête de la défenderesse visant la radiation de l’affidavit du demandeur ou d’accorder l’autorisation d’interroger l’ancien avocat du demandeur avant l’audience.

    [136]  À mon avis, les tentatives de la défenderesse de faire radier les affidavits supplémentaires du demandeur ont le même fondement que la contestation originale, c’est-à-dire que le demandeur tente à tort d’introduire au dossier des éléments de preuve concernant l’incompétence alléguée de Me Pinto qui n’étaient pas à la disposition de l’arbitre.

    [137]  Le deuxième affidavit du demandeur a été fait sous serment le 27 juillet 2015. Le troisième affidavit a été fait sous serment le 31 août 2015 en réponse à l’affidavit de Me Pinto, l’affidavit déposé de la part de la défenderesse.

    [138]  L’affidavit supplémentaire, examiné dans son ensemble, tente d’élargir les allégations formulées par le demandeur dans son premier affidavit. À mon avis, le point de vue exprimé par la protonotaire Milczynski, au paragraphe 6 de ses motifs, demeure ainsi applicable :

    [Traduction]

    [6] À peu près au même moment, la présente requête a été déposée en vue de la radiation intégrale de l’affidavit du demandeur et affirmait que l’affidavit contient des faits et des documents pour étayer les allégations du demandeur selon lesquelles son avocat à l’audience fait preuve d’incompétence et n’avait pas suivi les directives et qu’il y avait lieu que l’arbitre rouvre l’audience. La défenderesse affirme dans son avis de requête que [traduction] « presque aucun des faits et des documents dont l’affidavit fait état n’avait pas été déposé en preuve devant l’arbitre » lorsqu’il a pris sa décision de ne pas rouvrir l’audience. À l’audience de la requête, les avocats de la défenderesse a reconnu que certaines parties de l’affidavit du demandeur étaient convenables et pouvaient être conservées, mais l’objection formulée contre la majorité de l’affidavit et des pièces documentaires a été maintenue. Il a donc été proposé à l’audience de la requête que toute partie jugée inacceptable par la Cour soit retranchée et qu’il soit permis que le reste soit conservé ou que le demandeur signifie un nouvel affidavit.

    [139]  Étant conscient de la jurisprudence applicable, je souscris aux observations de la défenderesse selon lesquelles, de façon générale, seuls les éléments de preuve qui étaient à la disposition du décideur devraient être présentés à la Cour dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire; voir l’arrêt Association des universités et collèges du Canada, précité, aux paragraphes 17 à 19.

    [140]  Je constate que la protonotaire Milczynski, lorsqu’elle a tranché la requête originale contre l’admissibilité du premier affidavit du demandeur, a observé qu’il y avait une certaine interaction entre les questions de procédure et le bien-fondé de la demande du demandeur. Elle a constaté l’absence d’un [traduction] « préjudice important » pour la défenderesse s’il était permis que l’affidavit demeure au dossier. Elle a constaté que la défenderesse avait reconnu que l’affidavit n’était pas contestable au complet et que certaines [traduction] « parties » de celui‑ci [traduction] « pouvaient être conservées ».

    [141]  Dans l’exercice de ma discrétion, je souscris au raisonnement de la protonotaire Milczynski.

    [142]  Je refuse de radier les deuxième et troisième affidavits déposés par le demandeur. Les observations que Me Barnwell a faites à l’arbitre, lors de la demande de réouverture de l’audience, ne constituent pas, à proprement parler, des [traduction« éléments de preuve ». Elles ne font pas partie du dossier certifié du tribunal, mais l’arbitre en disposait et la défenderesse ne subira aucun préjudice du fait qu’elles demeurent au dossier. Elles sont jointes comme pièce à l’affidavit du 27 juillet 2015.

    [143]  Par conséquent, je refuse de radier les affidavits du demandeur et n’examinerai que les paragraphes qui ne sont pas manifestement inadmissibles et contestables.

      ii.  Y a-t-il lieu que l’affidavit de Me Pinto soit radié ou écarté?

    [144]  Les [traduction« nouveaux éléments de preuve » relatifs à la conduite de Me Pinto proviennent de son affidavit et de son contre-interrogatoire. La défenderesse a déposé l’affidavit de Me Pinto en réponse aux affidavits du demandeur du 14 octobre 2014 et du 27 juillet 2015. Étant donné que l’affidavit de Me Pinto a été introduit par la défenderesse, comme son élément de preuve, on ne peut s’en prendre à ce fait.

    [145]  Étant donné que j’ai refusé de radier les affidavits du demandeur, je ne vois aucun motif de radier l’affidavit de Me Pinto ni la transcription de son contre-interrogatoire.

      iii.  Y a-t-il lieu que la Cour entende la présente demande de contrôle judiciaire?

    [146]  La défenderesse soutient qu’il y a lieu que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas entendre la présente demande de contrôle judiciaire parce que le demandeur n’a pas divulgué à l’arbitre le fait qu’il avait reçu des conseils juridiques avant de rédiger sa lettre de démission du 30 avril 2012.

    [147]  À mon avis, cet argument est sans fondement.

    [148]  D’abord, les avocats de la défenderesse n’ont pris connaissance de ce renseignement que durant le contre-interrogatoire du demandeur. Le demandeur n’avait aucune représentation durant ce contre-interrogatoire. Un avocat agissant pour le demandeur se serait probablement opposé aux questions. Le demandeur n’a pas formulé d’objection, peut-être parce qu’il ignorait qu’il pouvait le faire.

    [149]  Je ne suis pas convaincue que le demandeur devait divulguer ses conversations avec Me Hayes à l’arbitre. Je suis loin d’être convaincu que cette non-divulgation constitue de la mauvaise foi ou une inconduite. Je rejette les observations de la défenderesse à ce sujet et décline d’exercer mon pouvoir discrétionnaire de ne pas entendre le présent contrôle judiciaire.

    B.  Contrôle judiciaire

    [150]  Je me penche maintenant sur la norme de contrôle applicable.

    [151]  Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle sur la norme de la décision correcte; voir l’arrêt Établissement de Mission c. Khela, [2014] 1 R.C.S. 502 (C.S.C.), au paragraphe 79.

    [152]  L’allégation de partialité est un aspect de l’équité procédurale à l’égard duquel aucune déférence n’est requise; voir l’affaire Dang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1195, (2014), 470 F.T.R. 117 (C.F.), au paragraphe 32.

    [153]  Le choix procédural que fait l’arbitre dans l’exercice de son pouvoir procédural est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable; voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 51.

    [154]  Selon l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, la norme du caractère raisonnable nécessite que la décision soit justifiable, transparente et intelligible et qu’elle appartienne issues possibles acceptables.

    [155]  La décision relative à l’incompétence d’un avocat est susceptible de contrôle selon la norme du caractère raisonnable, puisqu’elle nécessite l’évaluation des éléments de preuve de la conduite de l’avocat en question. À cet égard, je renvoie à l’arrêt R. c. G.D.B., [2000] 1 R.C.S. 520 (C.S.C.), au paragraphe 27.

    [156]  Les répercussions de l’incompétence sur la conduite d’une audience constituent une question d’équité procédurale qui est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte, comme il en a été discuté ci-dessus.

    C.  Le demandeur a-t-il été victime d’un manquement à l’équité procédurale?

      i.  L’incompétence alléguée de Me Pinto équivalait-elle à un manquement à l’équité procédurale?

    [157]  Le critère à respecter lorsqu’une partie allègue que l’incompétence de l’avocat constitue un manquement à l’équité procédurale est commenté par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt G.D.B., précité, où la Cour a conclu, au paragraphe 26, ce qui suit :

    [...] Pour qu’un appel soit accueilli, il faut démontrer, dans un premier temps, que les actes ou les omissions de l’avocat relevaient de l’incompétence, et, dans un deuxième temps, qu’une erreur judiciaire en a résulté.

    [158]  Le demandeur fait valoir que Me Pinto n’a pas suivi ses directives qu’il s’oppose à la demande de bifurcation de la défenderesse. Il s’oppose au fait que Me Pinto n’a pas non plus suivi ses directives qu’il demande à l’arbitre de rouvrir l’audience. En conséquence, il a congédié Me Pinto et retenu les services de Me Barnwell pour qu’il agisse pour lui relativement à cette demande.

    [159]  Me Pinto déclare dans son affidavit avoir expliqué la bifurcation proposée au demandeur. Il a informé le demandeur que l’arbitre pour décider en faveur de la défenderesse et n’examiner que la lettre du 30 avril 2012. Il a exposé au demandeur une stratégie reposant sur la tenue de deux [traduction] « mini‑audiences » en deux étapes. À la première étape, le demandeur présenterait d’abord ses éléments de preuve pour aborder la question de savoir s’il avait démissionné ou s’il avait été victime d’un congédiement déguisé.

    [160]  À la seconde étape, la défenderesse présenterait d’abord ses éléments de preuve et aborderait la plainte de discrimination et la question de savoir si elle avait un motif de congédier le demandeur.

    [161]  Selon l’affidavit et le contre-interrogatoire de Me Pinto, il a décidé sur le plan stratégique, en se fondant sur son opinion professionnelle, que cette façon de procéder la mieux indiquée pour servir les intérêts supérieurs du demandeur et éviterait le risque que l’arbitre ne limite sa délibération à la lettre du 30 avril 2012, plutôt que d’examiner le contexte élargi de la plainte de discrimination du demandeur à la Commission.

    [162]  Je renvoie aux paragraphes 22 et 23 de l’affidavit de Me Pinto :

    [Traduction]

    J’ai informé le demandeur qu’il existait un risque important que l’arbitre donne raison à la banque et ordonne la bifurcation, en n’examinant que la lettre de démission. La question de savoir s’il y avait eu congédiement consistait en une question préliminaire relative à la compétence et pouvait donc convenablement être soulevée sous la forme d’une objection préliminaire à l’instruction du reste de la cause. Nous avons eu de nombreuses discussions avec le demandeur à ce sujet.

    Pour mitiger les risques, avec le consentement verbal et écrit du demandeur, j’ai proposé de procéder avec la tenue de « mini-audiences » (procédure qui différait de la bifurcation proposée par la banque) qui seraient structurées ainsi : (i) le premier stade consisterait en la présentation des éléments de preuve et des observations concernant la question de savoir si le demandeur avait établi sa décision « motivée » de son emploi, y compris un élargissement de la portée proposée des éléments de preuve, en tenant compte des événements survenus avant et après la lettre de démission du demandeur dans le but d’établir que le demandeur était victime de congédiement déguisé, ce qui rendait la démission non pertinente, et le demandeur procéderait en premier; et (ii) le second stade porterait sur la présentation des éléments de preuve et des observations sur le bien-fondé de la plainte de discrimination du demandeur et sur la question de savoir si la banque avait un motif de congédier le demandeur, et la banque procéderait en premier.

    [163]  À mon avis, les éléments de preuve du demandeur relatifs à la disjonction ne révèlent pas de défaut de la part de Me Pinto de suivre des directives. Je conclus que le demandeur n’a pas établi l’incompétence professionnelle de Me Pinto à cet égard.

    [164]  La considération primordiale concerne l’autorité de l’arbitre de maîtriser la procédure. Bien que Me Pinto et les avocats de la défenderesse n’aient pu prédire avec certitude la façon dont l’arbitre statuerait sur la demande de la défenderesse qu’il aborde d’abord la question de la compétence, il demeure qu’une telle décision faisait manifestement partie du rôle de l’arbitre.

    [165]  Sur la foi des éléments de preuve contenus dans le dossier certifié du tribunal et l’affidavit de Me Pinto, je ne suis pas persuadée que Me Pinto a fait preuve d’incompétence dans sa réponse aux directives du demandeur rechercher la réouverture de l’audience.

    [166]  À mon avis, le demandeur n’a pas satisfait au premier volet du critère énoncé dans l’arrêt G.D.B., précité, et il n’est pas nécessaire que j’analyse le second volet de ce critère.

      ii.  La décision de l’arbitre de séparer la question de la compétence de l’instruction de la plainte du demandeur sur le fond constituait-elle un manquement à l’équité procédurale?

    [167]  Le demandeur a déposé sa plainte aux termes de l’article 240 du Code qui dispose notamment ainsi :

    240 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et 242(3.1), toute personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une plainte écrite auprès d’un inspecteur si :

    a) d’une part, elle travaille sans interruption depuis au moins douze mois pour le même employeur;

    b) d’autre part, elle ne fait pas partie d’un groupe d’employés régis par une convention collective.

    [...]

    [168]  Le choix procédural fait par l’arbitre comporte un certain pouvoir discrétionnaire, qui provient de l’alinéa 242(2)b) du Code, qui dispose notamment ainsi :

    Pour l’examen du cas dont il est saisi, l’arbitre :

    [...]

    b) fixe lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie toute possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d’une part, et de tenir compte de l’information contenue dans le dossier, d’autre part;

    [...]

    [169]  Il existe une présomption selon laquelle l’arbitre a agi convenablement en s’acquittant de ses fonctions. Cette présomption se résume par la maxime latine omnia praesumuntur rite et solemniter esse donec probetur in contrarium. En l’absence d’une preuve du contraire, les actions d’un fonctionnaire sont présumées être correctes; voir la décision dans l’arrêt J.R. Moodie Co. c. le ministre du Revenu national, [1950] 2 D.L.R. 145, à la page 158 (C.S.C.).

    [170]  Il était libre de soulever la question de la compétence. Il n’y avait rien de répréhensible à le faire.

    [171]  Il semble que le demandeur était mécontent de la possibilité, mais je ne dispose d’aucun élément de preuve qui contredit la conclusion de l’arbitre selon laquelle le demandeur avait consenti à l’approche procédurale, par l’entremise de son avocat, et qu’il était présent lorsque cet argument a été présenté à l’argument.

    [172]  De toute façon, l’arbitre était le maître de la procédure. Il avait le droit d’aborder d’abord la question de la compétence s’il le voulait.

    [173]  Selon l’aspect critique de la procédure choisie, une partie avait l’occasion de présenter sa cause; voir la décision dans l’affaire Ontario (Provincial Police) c. Mosher (2015), 340 O.A.C. 311 (C.A. Ont.), aux paragraphes 61 à 63 :

    [Traduction]

    Le principe comporte deux éléments. Chacun consiste en un droit accordé à une partie dans le cadre d’une instance.

    En premier lieu, le droit à une audience. Autrement dit, le droit d’être entendu par le décideur. Ce droit oblige le décideur à permettre à la partie  de se faire entendre pour présenter son point de vue : Supermarchés Jean Labrecque Inc. c. Québec (Tribunal du travail), [1987] 2 R.C.S. 219 (C.S.C.), aux pages 234 et 35.

    En second lieu, et cela découle du droit d’être entendu, un préavis suffisant de l’audience contenant suffisamment de renseignements pour permettre à la partie de présenter sa cause à l’égard des questions à trancher : Telecommunications Workers Union c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications), [1995] 2 R.C.S. 781 (C.S.C.), au paragraphe 29; arrêt Supermarchés Jean Labrecque, à la page 235.

    [174]  Bien que cette décision ait été prise dans le contexte du droit criminel, le principe général s’applique en l’espèce. La question est celle de savoir si le demandeur a reçu une audience équitable.

    [175]  Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale de la part de l’arbitre du fait qu’il a décidé d’aborder la question de la compétence en premier lieu.

    [176]  Compte tenu de l’absence de manquement à l’équité procédurale, le choix procédural de l’arbitre doit être contrôlé selon la norme du caractère raisonnable.

    [177]  L’arbitre a abordé la disjonction aux paragraphes 5 et 6 des motifs de sa décision. Ses motifs satisfont à la norme du caractère raisonnable : ils sont transparents, justifiables et intelligibles.

      iii.  Le refus par l’arbitre de rouvrir l’audience constituait-il un manquement à l’équité procédurale à laquelle le demandeur avait droit?

    [178]  Le demandeur soutient que le refus par l’arbitre de rouvrir l’audience pour lui permettre de présenter pleinement le bien-fondé de sa cause était préjudiciable. Il fait valoir que le refus de réouverture démontre que l’arbitre n’a pas examiné tous les éléments de preuve relatifs à l’incompétence de Me Pinto.

    [179]  À mon avis, le demandeur a mal qualifié la question. Une décision de rouvrir une audience relève de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du décideur. Comme il a été mentionné ci-dessus, l’incompétence professionnelle peut entraîner un manquement à l’équité procédurale, mais la conclusion d’incompétence professionnelle est susceptible de contrôle selon la norme du caractère raisonnable.

    [180]  Les éléments de preuve de Me Pinto et la décision de l’arbitre démontrent que le demandeur a participé tant à la préparation à l’audience qu’à l’audience elle-même. À mon avis, le demandeur était au courant de la disjonction de l’audience et avait donné à Me Pinto la directive de procéder ainsi.

    [181]  L’arbitre a conclu que le demandeur savait que l’audience se déroulerait en fonction de la séparation des questions. L’arbitre a constaté que le demandeur était présent à l’audience. Dans sa décision, il a clairement dit qu’il était convaincu qu’il n’y avait aucun fondement aux allégations d’incompétence contre Me Pinto relativement à cette question.

    [182]  L’arbitre a conclu qu’il n’y avait aucun motif de rouvrir l’audience et renvoyé à la jurisprudence pertinente quant à une demande de réouverture d’une audience, y compris l’affaire Vance, précitée, et l’affaire Sykes c. Sykes (1995), 6 B.C.L.R. (3d) 296 (C.A. C.-B.).

    [183]  Bien que la demande soulève cette question comme question d’équité procédurale susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte, la question véritable vise la façon dont l’arbitre a exercé son pouvoir discrétionnaire en statuant sur la demande de réouverture.

    [184]  Dans la mesure où une question d’équité procédurale survient, je suis convaincue que le refus d’accueillir la demande de réouverture n’équivalait pas à un manquement à l’équité procédurale à laquelle le demandeur avait droit.

    [185]  Il ressort de la décision de l’arbitre qu’il jugeait que la demande était une demande qui sous-tend l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. Une décision discrétionnaire est susceptible de contrôle selon la norme du caractère raisonnable. Je suis convaincue que la décision de l’arbitre portant sur cette question satisfait à cette norme.

    [186]  Je suis également convaincue que l’arbitre a raisonnablement évalué les allégations d’incompétence et examiné la jurisprudence pertinente, y compris l’affaire B. (W.E.) précitée.

      iv.  Le demandeur a-t-il établi la partialité de la part de l’arbitre?

    [187]  Le demandeur allègue que l’arbitre a fait preuve de partialité en refusant d’entendre sa plainte sur le fond, en défendant la conduite de Me Pinto et en tardant à rendre sa décision, ce qui a nui à son droit d’entamer une poursuite civile.

    [188]  Le critère du parti pris a fait l’objet d’une discussion dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (C.S.C.), où la Cour suprême du Canada a écrit ce qui suit, au paragraphe 46 :

    . . . la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. [...] [C]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

    [189]  La défenderesse fait valoir qu’il n’existe aucun élément de preuve pour étayer les allégations du demandeur.

    [190]  Je suis d’accord.

    [191]  La décision de l’arbitre de statuer sur la plainte du demandeur en se fondant sur la compétence, plutôt qu’après la tenue d’une audience complète sur le fond, n’établit pas, à elle seule, la partialité.

    [192]  Le fait que l’arbitre n’a pas jugé la conduite de Me Pinto équivalente à de l’incompétence ne mène pas inévitablement à conclure qu’il a fait preuve de partialité. Le mécontentement du demandeur à l’égard de la conclusion de l’arbitre n’établit pas la partialité.

    [193]  Il est vrai que beaucoup de temps s’est écoulé entre la tenue de l’audience et le prononcé de la décision de l’arbitre. Rien ne prouve toutefois que ce délai découlait d’un motif répréhensible.

    [194]  Encore une fois, je suis d’accord avec la défenderesse pour dire qu’il n’existe aucun élément de preuve pour étayer l’allégation selon laquelle l’arbitre a tardé à prendre sa décision en vue de restreindre la capacité du demandeur à rechercher un recours devant d’autres tribunaux.

    [195]  Je ne vois aucun motif de conclure que l’arbitre a fait preuve de partialité pour tout motif invoqué par le demandeur.

    D.  Était-il raisonnable pour l’arbitre de conclure au caractère volontaire de la démission du demandeur?

    [196]  L’arbitre, dans sa décision, a exposé les faits entourant la plainte du demandeur, puis a abordé la demande de réouverture et l’objection préliminaire de la défenderesse quant à la compétence. Ces questions sont reliées étant donné que le demandeur avait demandé la réouverture parce qu’il croyait que la séparation des questions, afin que la compétence soit abordée, avait compromis son droit à une audience équitable.

    [197]  L’arbitre a refusé d’accueillir la demande de réouverture et fourni les motifs de sa décision.

    [198]  Il a constaté plus précisément les allégations du demandeur concernant l’incompétence de Me Pinto et le prétendu défaut de Me Pinto de suivre les directives. L’arbitre a rejeté ces observations en raison d’un manque d’éléments de preuve. Il est évident qu’il a évalué la conduite de Me Pinto à l’audience qu’il avait tenue et qu’il n’a constaté aucun manquement.

    [199]  L’arbitre s’est ensuite penché sur la substance de la [traduction] « question préliminaire » dont il était saisi, à savoir si le demandeur avait été victime d’un congédiement déguisé ou s’il avait démissionné de son emploi auprès de la défenderesse.

    [200]  L’arbitre a examiné les éléments de preuve présentés par la défenderesse concernant l’emploi du demandeur et les dossiers qui avaient donné lieu à l’enquête, ayant mené par la suite à la lettre du 25 avril 2012. L’arbitre a qualifié la conduite de la défenderesse comme constituant une [traduction] « suspension administrative » et non un congédiement. Il a rejeté la qualification du demandeur voulant qu’il ait été suspendu sans traitement et conclu également que rien dans la lettre du 30 avril 2012 ne démontrait que sa démission était motivée par sa croyance qu’il ne serait pas rémunéré.

    [201]  L’arbitre a examiné les observations présentées par le demandeur pour étayer son argument portant sur le congédiement déguisé. L’arbitre a rejeté ces observations et conclu que le demandeur avait démission de son emploi après une période de réflexion, soit pendant le week-end entre la réception de la lettre du 25 avril 2012 et la remise de sa lettre du 30 avril 2012. L’arbitre a examiné la jurisprudence applicable relative à la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Eskasoni School Board , précitée, et à la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l’affaire Osachoff c. Interpac Packaging Systems Inc. (1992) 44 C.C.E.L. 156 (C.S. C.-B.).

    [202]  L’arbitre, au paragraphe 48 de ses motifs, a décrit les facteurs à prendre en compte lorsqu’il s’agit de décider s’il y a eu congédiement déguisé, en ces termes :

    [Traduction]

    L’employeur doit apporter une modification unilatérale et fondamentale à l’une ou à plusieurs des conditions d’un contrat d’emploi.

    1.  L’employé doit traiter la modification unilatérale comme une répudiation du contrat d’emploi de la part de l’employeur et rendre sa démission.

    2.  L’employé doit réagir rapidement à l’acte unilatéral de l’employeur. S’il continue comme employé aux termes des conditions modifiées d’emploi, il court le risque d’être réputé avoir accepté les conditions modifiées.

    3.  Le critère servant à décider si l’employeur a modifié de façon importante les conditions essentielles du contrat d’emploi d’un employé est un critère objectif. Une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que l’employé aurait-elle jugé que l’employeur modifiait les conditions essentielles de son emploi de façon importante? La décision est fondée sur les faits qui sont connus au moment de l’annonce par l’employeur de la modification proposée.

    [203]  L’arbitre a écrit ce qui suit au paragraphe 50 de ses motifs :

    [Traduction]

    De plus, dans les cas où un employé allègue le congédiement déguisé, le juge Finlayson, dans l’affaire Smith, précitée, au paragraphe 8, a exprimé l’opinion selon laquelle le congédiement déguisé [traduction] « doit être fondé sur la conduite de l’employeur et non seulement sur la perception qu’a l’employé de cette conduite. L’employeur doit être responsable d’une certaine conduite objective qui constitue une modification fondamentale de l’emploi ou la modification unilatérale d’une condition importante de cet emploi ». Le juge Jenkins dans l’affaire McKay, précitée, au paragraphe 26, a affirmé que la question de savoir si une modification aux conditions équivaut à une violation fondamentale du contrat dépend des facteurs suivants :

    (i)  la violation et sa sévérité,

    (ii)  l’intention des parties,

    (iii)  les circonstances qui prévalent.

    [204]  Au paragraphe 53, l’arbitre a mentionné que la jurisprudence exige la preuve de l’intention tant subjective qu’objective lorsqu’il s’agit de vérifier si un employé a démissionné volontairement de son poste.

    [205]  Au paragraphe 54, l’arbitre a dit qu’il était saisi de la question de savoir si les éléments de preuve démontraient que le demandeur avait fait l’objet d’un congédiement déguisé de la part de la défenderesse le 25 avril 2012, ce qui [traduction] «annulait sa démission du 30 avril 2012 et la rendait non pertinente ».

    [206]  Au paragraphe 55, l’arbitre a énoncé sa conclusion en ces termes :

    [traduction]

    Après examen des éléments de preuve, je ne suis pas convaincu qu’ils étayent la conclusion selon laquelle le plaignant a été victime d’un congédiement déguisé de la part de la défenderesse. Les éléments de preuve étayent plutôt la conclusion selon laquelle le plaignant a été mis en suspension administrative avec traitement conformément aux conditions relatives au droit de la défenderesse d’agir ainsi, telles qu’elles ont été énoncées dans l’arrêt Cabiakman, précité, lorsqu’il a démissionné volontairement le 30 avril 2012. [...]

    [207]  Dans les paragraphes suivants, l’arbitre a décrit en détail les éléments de preuve à sa disposition et tiré la conclusion supplémentaire selon laquelle le demandeur avait démissionné volontairement, afin de protéger ses [traduction] « futures perspectives de carrière ».

    [208]  Après un examen des éléments de preuve et des principes juridiques applicables, l’arbitre a énoncé son ultime conclusion en ces termes :

    [Traduction] 

    Par conséquence, sur la foi des faits dont je dispose et pour les motifs ci-dessus, je dois conclure que le plaignant n’a pas été victime d’un congédiement déguisé, mais qu’il a plutôt démissionné volontairement de son poste. L’objection préliminaire de la défenderesse est accueillie, et je n’ai donc pas compétence pour entendre et trancher la plainte parce qu’il n’y aucun congédiement sur lequel statuer. La plainte est donc rejetée.

    [209]  Je suis saisie de la question de savoir si la conclusion de l’arbitre est raisonnable, au sens du « caractère raisonnable » décrit dans l’arrêt Dunsmuir, précité, mentionné ci-dessus.

    [210]  Il ne revient pas à la cour qui procède à un contrôle judiciaire de réévaluer les éléments de preuve; voir la décision dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339 (C.S.C.).

    [211]  En évaluant le caractère raisonnable de la décision de l’arbitre, je peux toutefois examiner les éléments de preuve dont il disposait. Les éléments de preuve dont disposait l’arbitre concernaient les événements antérieurs et postérieurs à la démission du demandeur.

    [212]  Après examen de ces éléments de preuve, ainsi que des parties pertinentes des affidavits et des contre-interrogatoires déposés dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire et les observations des parties, je suis convaincue que la décision de l’arbitre est raisonnable.

    [213]  L’arbitre a exposé les principes juridiques pertinents. Il a énoncé le fardeau juridique qui incombait au demandeur de prouver son congédiement, au sens du Code. Il a énoncé les facteurs à prendre en compte pour décider s’il y a eu congédiement déguisé dans le contexte d’une suspension administrative.

    [214]  L’arbitre a appliqué les principes juridiques pertinents à ses conclusions factuelles de façon transparente, intelligible et justifiable.

    [215]  La conclusion de l’arbitre selon laquelle la défenderesse n’avait pas modifié fondamentalement les conditions de l’emploi du demandeur de façon à entraîner un congédiement déguisé était raisonnable.

    [216]  L’examen que l’arbitre a fait de la lettre de démission et de la conduite du demandeur après la remise de cette lettre était raisonnable. L’arbitre a remarqué que le demandeur n’a pas remis en question la mention de sa démission sur son relevé d’emploi. Il a constaté que le demandeur n’a pas tenté de retirer sa lettre de démission ni d’affirmer que sa démission était motivée. Il a rejeté l’argument du demandeur voulant qu’il ait été suspendu sans solde et constaté que le demandeur n’avait pas immédiatement contesté le non-versement de sa commission, mais avait attendu au moment de déposer sa plainte aux termes du Code, au mois de juin.

    [217]  À mon avis, compte tenu des éléments de preuve dont disposait l’arbitre, l’arbitre a examiné raisonnablement la conduite du demandeur après la remise de sa lettre du 30 avril 2012. L’arbitre était tenu d’examiner les éléments de preuve dont il disposait. Il était tenu d’évaluer ces éléments de preuve à la lumière des principes juridiques pertinents. La norme du caractère raisonnable signifie qu’un décideur peut choisir parmi des issues possibles pour prendre une décision.

    [218]  Compte tenu des éléments de preuve et des observations dont disposait l’arbitre, et compte tenu de la norme de contrôle que je dois appliquer, je ne suis pas convaincue que la décision de l’arbitre était déraisonnable.

    X.  CONCLUSION

    [219]  Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. La défenderesse a demandé dans son mémoire des faits et du droit que des dépens lui soient adjugés en cas de gain de cause. Aux termes du paragraphe 400(1) des Règles, la Cour jouit de l’entière discrétion sur la question des dépens. Dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, je n’adjugerai aucuns dépens.


    JUGEMENT

    LA COUR ORDONNE le rejet de la présente demande. Dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire dont je dispose aux termes des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, il n’y a pas d’ordonnance quant aux dépens dépens.

    « E. Heneghan »

    Juge


    COUR FÉDÉRALE

    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


    DOSSIER :

    T‑1722‑14

     

    INTITULÉ :

    GARY CURTIS c. LA BANQUE DE LA NOUVELLE‑ÉCOSSE

    LIEU DE L’AUDIENCE :

    TORONTO

    DATE DE L’AUDIENCE :

    LE 30 MARS 2016 ET LES 11 ET 12 OCTOBRE 2016.

    JUGEMENT ET MOTIFS :

    LA JUGE HENEGHAN

     

    DATE DES MOTIFS :

    LE 19 AVRIL 2017

     

    COMPARUTIONS :

    M. Gary Curtis

    Mme Glenyss Curtis

    POUR LE DEMANDEUR

    (EN SON PROPRE NOM)

     

    Me Ian Dick

    Me Jennifer Maurer

    POUR LA DÉFENDERESSE

     

    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

    Me William F. Pentney, c.r.

    Sous‑procureur général du Canada

     

    POUR LA DÉFENDERESSE

     

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