Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20170324


Dossier : IMM-4064-16

Référence : 2017 CF 309

Ottawa (Ontario), le 24 mars 2017

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

MARIA HONORINA MABONZE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demanderesse, une ressortissante angolaise, conteste les résultats de son évaluation de risque avant renvoi [ERAR] effectuée aux termes de l’article 112 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [la Loi]. Elle soutient, pour l’essentiel, que l’agente d’immigration qui a procédé à cette évaluation [l’Agente] a fait défaut de consulter et d’analyser la preuve documentaire sur la situation prévalant en Angola à laquelle elle a référé en annexe à ses soumissions écrites sous la forme de références à des sites internet et qu’elle a ainsi manqué à ses obligations en matière d’équité procédurale.

[2]               Les faits pertinents à la présente demande de contrôle judiciaire peuvent se résumer comme suit. La demanderesse est arrivée au Canada, via les États-Unis, en mai 2013. Elle a alors demandé l’asile, ce qui lui a été refusé en novembre 2013. La demanderesse alléguait craindre retourner en Angola en raison des sévices que lui auraient fait subir les forces policières alors qu’elle se trouvait en détention pour avoir participé à une manifestation tenue en marge d’élections qui devaient se tenir dans le pays. La Section de la protection des réfugiés [SPR] n’a pas cru son histoire. Plus particulièrement, elle n’a cru ni sa participation à cette manifestation, ni qu’elle ait été arrêtée et détenue par les autorités du pays ou encore qu’elle soit une personne d’intérêt pour ces dernières. La demanderesse, que la SPR a décrite comme une commerçante apolitique, a tenté de se pourvoir contre la décision de cette dernière, mais elle n’a pu franchir l’étape de l’autorisation, la Cour la lui refusant en mars 2014.

[3]               Le 10 mars 2016, la demanderesse produisait sa demande d’ERAR, fondée sur le même récit que celui jugé non-crédible par la SPR. Elle invoquait que l’absence d’examen, par la SPR, de la protection de l’État offerte en Angola aux citoyens aux prises avec des difficultés similaires aux siennes, constituait une erreur susceptible d’un examen de risque avant renvoi. Elle soutenait aussi avoir le profil d’une personne persécutée du fait de son appartenance à un groupe social à risque reconnu, celui des femmes angolaises, en lien avec le fait qu’elle serait perçue par les autorités policières angolaises comme une militante active ou une opposante au régime. Enfin,  elle alléguait qu’advenant son retour en Angola, elle risquait aussi d’être détenue arbitrairement, harcelée ou encore extorquée en raison de son statut de demandeur d’asile débouté et déporté.

[4]               Le 9 août 2016, l’Agente rejetait la demande d’ERAR de la demanderesse, notant qu’outre le formulaire d’usage et les soumissions écrites, ladite demande n’était accompagnée d’aucun autre élément de preuve alors qu’elle reposait, en substance, sur les mêmes risques que ceux invoqués devant la SPR. L’Agente a rappelé à cet égard qu’il incombait à la demanderesse de fournir des éléments de preuve sur tous les éléments constitutifs de sa demande d’ERAR et qu’il ne lui suffisait pas,  pour satisfaire à ce fardeau, de simplement fournir, sans plus, une liste de liens internet sur la situation générale du pays. Procédant ensuite à l’analyse de la documentation objective portant sur la situation des femmes et le respect des droits humains en Angola, l’Agente a conclu que bien que la situation dans ce pays ne soit pas parfaite, il n’y était pas survenu de changements significatifs depuis le rejet, par la SPR, de la demande d’asile de la demanderesse, justifiant que le Canada lui accorde sa protection.

[5]               Tel que je l’ai déjà indiqué, la demanderesse plaide, pour l’essentiel, que la Cour doit intervenir en l’instance au seul motif que l’Agente a jugé qu’il ne lui était pas nécessaire de consulter les sites internet énumérés en annexe à ses soumissions écrites. Elle y voit là un vice d’équité procédurale fatal.

[6]               En d’autres contextes, l’argument aurait du poids, mais je ne saurais y souscrire en l’espèce puisque la demanderesse n’a pas démontré, ni devant l’Agente ni devant la Cour, comment et en quoi l’information contenue à ces sites aurait pu influer sur le fond du litige (Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration) c Patel, 2002 CAF 55 au para 5). Notamment, on ne retrouve dans les soumissions écrites produites au soutien de la demande d’ERAR aucune référence précise à des éléments de cette information qui appuieraient les prétentions de la demanderesse. Devant la Cour, la demanderesse n’a pas davantage tenté de démontrer que cette information contredisait les conclusions de fait tirées par l’Agente sur la situation prévalant en Angola.

[7]               Il ne suffit pas, à mon avis, de soumettre au décideur administratif de l’information en vrac dans l’espoir que celui-ci puisse y trouver matière à donner raison à celui ou celle qui lui soumet cette information. Je rappelle qu’en matière d’ERAR, comme en bien d’autres matières régies par la Loi, le fardeau repose sur les épaules de celui ou celle qui soumet la demande (Mbaraga c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 580 au para 31; Bayavuge c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 65 au para 43). Il appartenait donc à la demanderesse de démontrer l’utilité de cette information et d’attirer l’attention de l’Agente sur les passages susceptibles d’influer sur ce qu’elle avait à décider, notamment en spécifiant les passages pouvant s’appliquer à sa situation. Elle ne l’a pas fait, que ce soit devant l’Agente ou devant la Cour.

[8]               L’issue aurait été différente si l’Agente avait fait défaut de considérer cette information après avoir été confrontée à des passages venant contredire ou même nuancer sa lecture des faits (Vargas Bustos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 114 au para 39 ; Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] FCJ No 1425, 157 FTR 35). Toutefois, telle n’est pas la situation à laquelle la Cour est confrontée en l’espèce.

[9]               Je note aussi que la demanderesse n’a pas souscrit d’affidavit au soutien du présent recours, ce qui, en soit, lui est aussi, théoriquement, fatal (Dhillon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 614 aux para 7, 9).

[10]           La demande de contrôle judiciaire de la demanderesse sera donc rejetée. Ni l’une ni l’autre des parties n’a sollicité la certification d’une question pour la Cour d’appel fédérale. Je ne vois pas non plus matière à certification dans les circonstances particulières de la présente affaire.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.         Aucune question n’est certifiée.

« René LeBlanc »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4064-16

INTITULÉ :

MARIA HONORINA MABONZE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 mars 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LEBLANC

DATE DES MOTIFS :

LE 24 mars 2017

COMPARUTIONS :

Meryem Haddad

Pour la demanderesse

Edith Savard

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Handfield et Associés

Avocats

Montréal (Québec)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.