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Date : 20170330


Dossier : T-91-09

Référence : 2017 CF 330

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 30 mars 2017

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

MATTHEW G. YEAGER

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

ET

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le professeur Matthew G. Yeager est un criminologue public dont les recherches en politiques d’intérêt public nécessitent la formulation de demandes auprès d’organismes fédéraux pour pouvoir utiliser les documents demandés dans ses recherches et dans le cadre de ses recherches sur la façon dont ces demandes sont traitées et régies. À cet égard, il se décrit comme un plaideur agissant dans l’intérêt public ayant de nombreuses compétences et qui, comme il l’indique, est peut-être le seul criminologue au Canada à intenter des poursuites sous le régime de la Loi sur l’accès à l’information, LRC (1985), c A-1 (la LAI). Il démontre un intérêt pour la politique pénale depuis plus de 40 ans et il enseigne actuellement à l’University Western Ontario.

[2] Le professeur Yeager déclare qu’il dépose la présente demande de contrôle judiciaire afin d’établir une nouvelle règle de droit. Selon sa thèse centrale, lorsqu’un portefeuille du gouvernement fédéral est composé d’organismes et de comités d’examen qui relèvent tous du même ministre (portefeuille), la question de savoir de qui relèvent les documents de l’administration fédérale, entendue au sens de la LAI, devrait être tranchée au niveau du portefeuille. En l’espèce, il s’agissait du portefeuille de la Sécurité publique, qui était supervisé à l’époque par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre).

[3] Le professeur Yeager demande également une interprétation de l’article 8 de la LAI, qui porte sur la transmission d’une demande d’une institution fédérale à une autre. Comme l’article 8 n’a jamais été interprété par les tribunaux, il soutient que cela créera également une nouvelle règle de droit.

[4] Enfin, le professeur Yeager souhaite créer une nouvelle règle de droit sous le régime des dispositions sur les dépens prévues dans la LAI ou la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7. Même s’il se représente lui-même, il demande que des dépens et des dépens exemplaires de 100 000 $ soient adjugés en sa faveur en raison du traitement inadéquat que le ministre aurait réservé à sa demande d’accès à l’information.

[5] Le professeur Yeager a présenté ses arguments écrits et sa plaidoirie avec la précision et la passion d’un professeur pour son sujet. Il était fermement convaincu de ses arguments. Malheureusement, après avoir examiné attentivement le dossier, la loi, les observations orales et écrites ainsi que la jurisprudence, je ne peux cautionner l’invitation du professeur Yeager à établir une nouvelle règle de droit. J’ai conclu que le droit existant et la jurisprudence répondent suffisamment à ses arguments.

[6] La demande sera rejetée pour les motifs suivants. Les dispositions pertinentes des lois mentionnées dans les présents motifs figurent en annexe. Des parties limitées de certaines dispositions sont également indiquées dans le corps des présents motifs par souci de commodité.

II. Faits et historique de la procédure

A. La demande d’information et la plainte auprès du Commissariat à l’information

[7] Le 7 juin 2007, le professeur Yeager a envoyé par messager une demande d’accès à l’information adressée au coordonnateur de l’accès à l’information (coordonnateur de l’AIPRP) du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, un ministère fédéral constitué par la Loi sur le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, LC 2005, c 10, dont le ministre est responsable. Il a demandé à obtenir certains documents, comme le plan de travail, le budget ventilé ainsi que les documents de nomination des membres d’un comité d’examen indépendant (le Comité d’examen du SCC) dont la constitution avait été récemment annoncée. Le ministre avait confié au Comité d’examen du SCC le mandat d’évaluer les priorités, les stratégies et les plans d’activités opérationnels du Service correctionnel du Canada (SCC). Le SCC est un service maintenu sous le régime de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, c 20. Il est contrôlé et dirigé par le commissaire du Service correctionnel, sous la direction du ministre. L’événement déclencheur qui a amené le professeur Yeager à présenter sa demande de communication de document a été le refus du secrétariat du Comité d’examen de lui permettre de réaliser des entrevues avec les membres du comité avant la finalisation de leur rapport, qui devait être déposé à la fin octobre 2007.

[8] Le professeur Yeager a reçu une lettre datée du 15 juin 2007 de la coordonnatrice de l’AIPRP du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, dans laquelle il était mentionné que des recherches avaient été effectuées et qu’il n’y avait aucun document pertinent au sein du Ministère. Croyant que cette réponse était incorrecte, le professeur Yeager a déposé une plainte auprès du Commissariat à l’information du Canada (le CIC) le 26 juin 2007, date à laquelle il a fourni plusieurs exemples des raisons pour lesquelles il devrait y avoir des documents. Dans sa lettre, il demandait que le CIC prenne des mesures en application de l’article 41 de la LAI dans un délai de 15 jours pour lui permettre de s’adresser à la Cour.

[9] Il n’a reçu aucune réponse dans le délai imparti. Le 10 décembre 2008, soit huit mois plus tard, le professeur Yeager a reçu la réponse du CIC. Ce dernier a conclu que Sécurité publique avait procédé à une recherche complète et exhaustive des documents ministériels et qu’aucun document correspondant à sa demande n’avait été trouvé. La plainte du professeur Yeager était donc dénuée de fondement.

[10] D’autres renseignements contenus dans la lettre du CIC ont amené le professeur Yeager à déposer la présente demande. La lettre indiquait également qu’il était apparu au cours de l’enquête que le SCC aurait pu être en possession de documents visés par la demande, et que s’il était toujours intéressé à obtenir les documents demandés, il pouvait déposer une demande auprès du SCC. De plus, la lettre mentionnait que, même si Sécurité publique aurait dû envisager de transmettre la demande au SCC conformément à l’article 8 de la LAI, [traduction] « cela n’a malheureusement pas été fait ».

[11] C’est ainsi qu’a commencé ce qui allait devenir un périple de neuf ans à la fin duquel le professeur Yeager n’a toujours pas reçu les documents demandés. Il n’a non plus jamais déposé une demande auprès du SCC pour savoir si ce dernier était en possession des documents visés par sa demande initiale.

B. L’origine de la présente demande

[12] Le professeur Yeager dit qu’il a été intrigué lorsque le CIC l’a informé que le SCC pourrait être en possession de documents et que Sécurité publique avait omis de transmettre sa demande fondée sur l’article 8 de la LAI. Il affirme que, comme le SCC et Sécurité publique relèvent du même portefeuille, qui est également appelé Sécurité publique, les documents relèvent du ministre responsable du portefeuille, tel que cette expression a été définie par la jurisprudence se rapportant à la LAI. Le ministre est responsable de Sécurité publique et du SCC aux fins de la LAI; il peut donc obtenir des documents qui font partie de son portefeuille. J’appellerai cet argument l’argument du portefeuille.

[13] Le procureur général rejette l’argument du portefeuille pour le motif que la LAI précise clairement que toute demande doit être présentée à l’institution fédérale dont relève le document. Ce n’est pas le cas en l’espèce, puisque le professeur Yeager a simplement présenté sa demande à la mauvaise institution fédérale.

[14] Le procureur général affirme également que l’article 8 confère à Sécurité publique le pouvoir discrétionnaire de déterminer s’il doit effectuer un renvoi, et il a choisi de ne pas le faire. Tout ce que le professeur Yeager devait faire était de demander les documents au SCC, si de tels documents existaient.

C. Un bref historique de la procédure

[15] En l’espèce, il est évident qu’une force irrésistible s’est heurtée à une décision inébranlable. Aucune partie n’a bougé. Il s’en est suivi un contentieux de sept ans devant notre Cour.

[16] Le professeur Yeager a déposé son avis de demande de contrôle judiciaire le 20 janvier 2009. Depuis, sept ordonnances ont été rendues par la Cour sur diverses questions, trois par des protonotaires, une par un juge suppléant et trois par des juges. La Cour d’appel fédérale a rendu deux ordonnances, dont la deuxième était un refus de réexaminer la première décision.

[17] Au début de l’audience, avec le consentement des défendeurs, j’ai autorisé le professeur Yeager à présenter un nouvel élément de preuve, désigné dans la présente décision comme la « note Firman ». Il s’agit d’une courte note manuscrite non datée. Chaque partie soutient que la note prouve le bien-fondé de sa cause. J’en dirai davantage au sujet de cette note plus tard.

[18] Chaque partie a produit des affidavits dans le cadre de sa demande. Le professeur Yeager n’a pas été contre-interrogé sur son affidavit. Il a contre-interrogé la déposante des défendeurs, Sylvie Séguin-Brant, l’ancienne coordonnatrice de l’AIPRP de Sécurité publique qui avait répondu à la demande initiale. Elle a souvent répondu ainsi : [traduction] « c’était il y a sept ans, je ne m’en souviens pas ».

[19] À la fin de l’audience, j’ai indiqué aux parties que je souhaitais recevoir d’autres observations écrites sur la question de savoir si le paragraphe 4(2.1) de la LAI s’applique, puisque le professeur Yeager l’a invoqué pour certains aspects de ses arguments, mais que ce paragraphe n’était pas en vigueur au moment où il a présenté sa demande initiale ou lorsque sa demande a été rejetée par Sécurité publique. La disposition est entrée en vigueur le 1er septembre 2007, avant le rapport du CIC. L’examen de ces observations a été intégré aux présents motifs du jugement.

III. Question préliminaire

[20] À titre préliminaire, le procureur général a soulevé la question de savoir si le ministre Stockwell Day, au moment des événements en litige, n’aurait pas dû être nommément désigné comme partie. Je suis du même avis. Entre autres raisons, comme Stockwell Day n’est plus ministre, il ne serait pas en mesure d’ordonner la communication des renseignements demandés par le professeur Yeager. Par conséquent, le nom de Stockwell Day a été retiré en tant que partie, et l’intitulé a été modifié.

IV. Questions en litige

[21] Le professeur Yeager sollicite une ordonnance enjoignant au ministre de lui communiquer les renseignements qu’il a demandés initialement. Il demande également à la Cour de lui accorder ses dépens et des dépens exemplaires pour les motifs suivants : 1) il soulève de nouveaux principes importants; 2) [traduction] « il y a eu retard excessif et obstruction » à sa demande d’accès à l’information.

[22] Les motifs invoqués par le professeur Yeager portent sur le fait que sa demande a été présentée de façon appropriée et que Sécurité publique a commis une erreur de droit en alléguant qu’il l’avait présentée au mauvais organisme. Il fait également valoir que le ministre n’a pas [traduction] « respecté les exigences de l’article 8 » de la LAI, parce que Sécurité publique aurait dû transmettre sa demande au SCC. Enfin, le professeur Yeager affirme que Sécurité publique n’a pas déployé tous les efforts raisonnables pour l’aider à présenter sa demande conformément au paragraphe 4(2.1).

[23] Comme je l’ai déjà mentionné, le professeur Yeager réclame à la fois des dépens et des dépens exemplaires de 100 000 $. Le procureur général demande l’adjudication des dépens en sa faveur suivant la colonne III du tableau du tarif B.

[24] Après avoir examiné les observations, y compris celles que j’ai demandées à la fin de l’audience et portant sur le paragraphe 4(2.1), je suis d’avis que les questions qui doivent être examinées sont les suivantes :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

  2. Sécurité publique a-t-elle commis une erreur en déclarant n’avoir aucun document pertinent en sa possession?

  3. Sécurité publique a-t-elle satisfait aux dispositions de l’article 8 de la LAI?

  4. Sécurité publique était-elle tenue de se conformer au paragraphe 4(2.1) de la LAI?

  5. L’une des parties a-t-elle droit aux dépens et, le cas échéant, de quelle nature et pour quel montant?

V. Norme de contrôle

[25] Les parties ne s’entendent pas sur la norme de contrôle applicable. Le professeur Yeager soutient que, lorsque la question concerne le refus de communiquer des documents, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte, comme l’a conclu la Cour suprême dans l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25 [Défense nationale]. Le procureur général invoque l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir] lorsqu’il fait valoir que la coordonnatrice de l’AIPRP a interprété une loi liée à son mandat et que l’absence de documents pertinents est une conclusion de fait, de sorte que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable à l’égard de l’ensemble des questions.

[26] J’estime que l’issue en l’espèce est la même, peu importe la norme de contrôle. Il ne s’agit pas d’un cas habituel du refus de communiquer un document en se fondant sur une exception prévue à la LAI. Lorsqu’une exception est invoquée comme motif pour ne pas donner accès aux documents, la jurisprudence de la Cour indique que la norme de contrôle est celle de la décision correcte lorsqu’il s’agit de déterminer qu’une exception s’applique, puis celle de la décision raisonnable lorsqu’il s’agit d’examiner la décision discrétionnaire rendue quant à la communication du document : Blank c Canada (Justice), 2016 CAF 189, au paragraphe 24; 3430901 Canada Inc. c Canada (Ministre de l’Industrie), 2001 CAF 254, au paragraphe 47.

[27] Aucune exception n’est invoquée en l’espèce. Il s’agit véritablement d’une affaire où [traduction] « il n’y a pas de document ». Suivant l’alinéa 10(1)a) de la LAI, lorsqu’un document n’existe pas, ce fait doit être mentionné comme motif de refus dans l’avis prévu à l’article 7. Conformément à ces exigences, la réponse donnée au professeur Yeager indiquait clairement qu’il n’y avait aucun document pertinent. Dans une certaine mesure, il s’agit d’une question binaire : les documents existent ou n’existent pas. Le problème est que, même s’il est possible que Sécurité publique ne soit pas en possession des documents matériels visés par la demande, si ces documents relèvent d’elle et se trouvent ailleurs, comme l’allègue le professeur Yeager, Sécurité publique a les documents visés par la demande.

[28] Pour déterminer sa propre norme de contrôle, la Cour suprême a indirectement reconnu, dans l’arrêt Défense nationale, que l’évaluation de la question de savoir si un document relève ou non d’une institution aux termes de la LAI correspond au type de question binaire qui ne convient pas à une analyse habituelle de la norme de contrôle. Habituellement, dans le cadre d’un appel d’une décision rendue sur une demande de contrôle judiciaire, la cour d’appel se met à la place de la cour de révision et applique elle-même la norme de contrôle appropriée : Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, aux paragraphes 45 à 47. Toutefois, dans l’arrêt Défense nationale, la Cour suprême ne s’est pas « mise à la place » de la Cour fédérale, mais elle a plutôt évalué la question de savoir si le juge saisi de la demande avait commis une erreur sur une question de droit isolable ou une erreur manifeste et dominante. Ce faisant, la Cour suprême a considéré que la Cour fédérale était le premier forum à se prononcer sur le fond, alors que traditionnellement, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, le tribunal administratif se prononce sur le fond, alors que la Cour évalue simplement la légalité de la décision du tribunal; voir, par exemple, l’analyse effectuée dans l’arrêt Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, aux paragraphes 14 à 19.

[29] À mon avis, qu’il s’agisse d’un contrôle selon la norme de la décision correcte ou d’une appréciation indépendante de la preuve par la Cour, cela mène au même résultat : la question est celle de savoir si les documents relèvent ou non de Sécurité publique. L’argument du portefeuille avancé par le professeur Yeager, qui a été indirectement soumis à la coordonnatrice de l’AIPRP ou au CIC, mais jamais directement, est simplement un prolongement de cette question. Le professeur Yeager soutient que sa demande aurait dû être examinée au niveau du portefeuille et non à celui du Ministère. En avançant cet argument, il soutient effectivement que tout document qui relève du SCC relève également de Sécurité publique, parce que le même ministre est responsable des deux organismes.

[30] La même norme de contrôle s’applique aux deux questions : 1) les documents demandés relevaient-ils de Sécurité publique parce que tous les documents qui relèvent du SCC relèvent également de Sécurité publique? 2) si la réponse à la première question est non, les documents demandés relevaient-ils néanmoins de Sécurité publique selon les éléments de preuve dont je suis saisie? Bien que je doive répondre à ces questions indépendamment du point de vue de la coordonnatrice de l’AIPRP, comme je l’ai dit, je ne crois pas que la norme de contrôle soit déterminante. Si la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, je conclurais alors que l’issue appartient aux issues possibles acceptables. En outre, comme le professeur Yeager n’a pas soulevé l’argument du portefeuille devant la coordonnatrice de l’AIPRP, je conclurais que mon analyse ci-après constitue une justification raisonnable qui aurait pu être présentée pour appuyer la décision de la coordonnatrice de l’AIPRP : Edmonton (Ville) c Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd., 2016 CSC 47, au paragraphe 40.

[31] Enfin, le professeur Yeager fait valoir que la question de savoir si Sécurité publique avait le pouvoir discrétionnaire de transmettre la demande à une autre institution fédérale aux termes de l’article 8 est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. À cet égard, les principes juridiques régissant la norme de contrôle applicable sont bien établis en ce que lorsqu’un décideur interprète sa loi constitutive, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable, sauf si la question relève de l’une des quatre catégories qui ont été considérées comme susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte : Dunsmuir, aux paragraphes 58 à 61; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 [Alberta Teachers’], aux paragraphes 39 et 43.

[32] L’interprétation de l’article 8 ne relève pas de l’une des quatre catégories qui réfutent la présomption de raisonnabilité établie dans l’arrêt Alberta Teachers. Elle ne soulève pas une question constitutionnelle, y compris celle touchant au partage des compétences entre le Parlement et les provinces; elle ne comporte pas une question d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, qui est étrangère au domaine d’expertise du décideur; il n’y a pas de question touchant véritablement à la compétence; et la réponse n’aurait pas pu être fournie par un tribunal concurrent. La norme de contrôle applicable à l’interprétation par Sécurité publique de l’article 8 est celle de la décision raisonnable. En outre, je reconnais que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, s’il s’applique, est susceptible de contrôle selon une telle norme : Dunsmuir, au paragraphe 51.

[33] Toutefois, la Cour d’appel fédérale a également fait remarquer qu’en matière d’interprétation des lois, la question de la norme de la raisonnabilité se pose uniquement lorsque la disposition législative en question est ambiguë. Si, au moment d’effectuer une analyse textuelle, contextuelle et téléologique de la loi, la cour de révision détermine qu’il n’y a qu’une seule « bonne » interprétation de la loi, il s’agit alors de l’unique interprétation que le tribunal peut validement appliquer : Qin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 263, aux paragraphes 32 et 33 [Qin]. Bien que dans l’arrêt Qin, on ait appelé cela le contrôle de la décision correcte, on peut également considérer qu’il s’agissait d’une affaire où les issues possibles et acceptables comprennent une seule interprétation raisonnable : Dumsmuir, au paragraphe 47. En l’espèce, j’ai conclu que la seule « bonne » interprétation de l’article 8 est qu’il exige, comme condition préalable à une transmission, que l’institution fédérale qui reçoit la demande soit en possession d’un document visé par la demande. Comme Sécurité publique n’avait aucun document visé par la demande, il était raisonnable de ne pas transmettre la demande au SCC.

VI. Sécurité publique a-t-elle commis une erreur en déclarant n’avoir aucun document pertinent en sa possession?

A. Exposé des faits

[34] Les documents que le professeur Yeager cherche à obtenir sont indiqués dans sa lettre initiale à Sécurité publique, dans les deux lettres de réponse de Sécurité publique et, sous forme de narration, dans sa lettre d’appel au CIC. Le professeur Yeager cherchait à obtenir de Sécurité publique, comme l’indique sa lettre du 7 juin 2007, les documents suivants concernant le Comité d’examen du SCC :

a) une copie du dernier plan de travail approuvé par le Comité et des copies de toutes les versions antérieures de ce plan;

b) une copie du budget ventilé du Comité indiquant les activités et les membres du personnel;

c) une copie des documents de nomination des membres du Comité par le ministre, y compris leur curriculum vitæ officiel;

d) l’ensemble des messages électroniques, des notes, des commentaires manuscrits et des messages sur BlackBerry ayant trait à une décision rendue le 4 mai 2007 ou aux alentours de cette date, refusant au criminologue Matthew G. Yeager de réaliser des entrevues avec des membres du Comité;

e) des copies de tous les commentaires envoyés par courriel à info@csrp-cescc.ca;

f) des copies de toutes les observations communiquées à ce jour par les parties intéressées, transmises par la poste, par messagerie, remises en mains propres ou autrement.

[35] Le 15 juin 2007, Sécurité publique a répondu ce qui suit dans une lettre adressée au professeur Yeager :

[traduction] Une recherche a été effectuée et il a été conclu qu’il n’existait aucun document pertinent au sein du Ministère.

[36] Le 26 juin 2007, le professeur Yeager a déposé une plainte auprès du CIC relativement à la réponse de Sécurité publique. Il a dit qu’il avait reçu une lettre de refus malgré la présence d’éléments de preuve indiquant l’existence de nombreux documents visés par sa demande. Pour appuyer son affirmation selon laquelle ces documents devraient exister, il a joint une copie de l’information provenant du site Web du Comité d’examen du SCC. On y mentionnait un budget d’environ 3 millions de dollars, une adresse de courriel au moyen de laquelle les personnes étaient invitées à présenter des observations et on indiquait que les membres du Comité étaient nommés par le ministre de la Sécurité publique. Le professeur Yeager a indiqué que le fait de nier l’existence d’un budget, de ne pas lui fournir des observations reçues ou des documents de nomination allait à l’encontre de la notion de documents publics. Il a également fait référence à une conversation téléphonique qu’il avait eue avec la directrice du secrétariat du Comité d’examen du SCC au début du mois de mai, au cours de laquelle elle a mentionné que le Comité établirait la version finale de son plan de travail. Il a donc conclu que le plan de travail qu’il cherchait devrait exister. De plus, le professeur Yeager a soumis au CIC une copie d’un courriel qu’il avait reçu du président du Comité d’examen pour établir qu’[traduction] « un organisme fédéral ne peut pas affirmer ne pas avoir de document pertinent “au sein du Ministère” alors que je viens de produire un tel document qui m’a été envoyé par le président du Comité d’examen du SCC! ».

B. Existait-il des documents visés par la demande au sein de Sécurité publique?

[37] Le CIC a étudié la réponse fournie par Sécurité publique. Il a conclu que la plainte du professeur Yeager était non fondée et il lui a confirmé qu’il n’existait aucun document visé par la demande au sein de Sécurité publique. Le CIC a ajouté qu’il était possible que les documents se trouvent au SCC. Il n’y a aucun élément de preuve dans le dossier dont je suis saisie qui indique qu’un document visé par la demande se trouve à Sécurité publique. Le CIC n’a présenté aucune demande à la Cour fondée sur l’article 42 visant le contrôle de la décision de refus de Sécurité publique au titre de l’alinéa 10(1)a).

[38] Le professeur Yeager soutient que la Cour devrait suivre la démarche énoncée dans l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Ministre de l’Environnement) (2000), 187 DLR (4th) 127 (CAF) [décision communément appelée Ethyl], dans laquelle la Cour d’appel fédérale a conclu qu’au moment d’examiner une décision de refus pour le motif que les documents n’existent pas, il est opportun pour le demandeur de recueillir d’autres éléments de preuve pouvant établir l’existence des documents demandés.

[39] Plusieurs faits invoqués par le professeur Yeager sont survenus après avoir reçu la lettre de réponse de Sécurité publique. J’évaluerai ces faits pour déterminer si les documents visés par la demande se trouvent à Sécurité publique.

[40] Tout d’abord, dans son affidavit, le professeur Yeager a déclaré qu’un enquêteur du CIC lui a dit, le 19 octobre 2007 que [traduction] « des fonctionnaires du Ministère ont déclaré que Sécurité publique n’avait rien à voir avec le Comité. Votre demande a été envoyée au mauvais ministère ». Il a aussi affirmé que l’enquêteur lui avait dit, le 29 août 2007, que la demande était [traduction] « retenue » par le Conseil privé. Dans aucun de ces deux cas, ces déclarations n’appuient la thèse voulant que Sécurité publique avait en sa possession des documents pertinents à un moment quelconque. Elles peuvent étayer l’exactitude des renseignements détaillés que le professeur Yeager a déposés au dossier en ce qui concerne la façon générale dont le gouvernement de l’époque traitait l’accès à l’information, mais la question ne se pose pas en l’espèce.

[41] Ensuite, dans sa lettre de plainte au CIC, le professeur Yeager a donné plusieurs exemples de documents auxquels il avait déjà accès et qui pourraient répondre à sa demande. Il a soutenu auprès du CIC que l’existence de ces documents établissait que Sécurité publique avait tort de déclarer qu’aucun document visé par la demande n’existait. Ces documents et d’autres documents m’ont également été présentés. Tous les exemples portaient sur des aspects de la création ou du fonctionnement du Comité d’examen du SCC lui-même. Ils étaient soit affichés sur le site Web du SCC, soit recueillis à partir des interactions personnelles du professeur Yeager avec le personnel ou le président du Comité d’examen du SCC. Le professeur Yeager a fait référence au budget du SCC, à son entretien avec la directrice du secrétariat du Comité d’examen, au fait que les membres du Comité étaient nommés par le ministre de la Sécurité publique, au courriel qu’il a reçu du président du Comité et au fait que les personnes étaient invitées à présenter des observations au Comité (ce qui indique que ces observations devraient exister).

[42] À l’audience, le professeur Yeager a dit que tout indiquait que les documents visés par la demande se trouvaient au SCC. De toute évidence, je ne crois pas que l’on puisse contester le fait que les documents visés par la demande existaient quelque part. Toutefois, cela ne revient pas à démontrer que les documents que le professeur Yeager a trouvés, ou d’autres documents semblables, se trouvaient au sein de Sécurité publique ou relevaient de cette dernière. Rien n’indique que des documents visés par la demande, qu’il s’agisse d’originaux ou de copies, se trouvaient à Sécurité publique ou relevaient de cette dernière plutôt que du SCC ou de toute autre institution fédérale. Dans la décision Société canadienne des postes c Canada (Ministre des Travaux publics), [1995] 2 RCF 110 (CA) [Société canadienne des postes], le juge Létourneau, s’exprimant pour la majorité, a conclu que le fait qu’une institution fédérale ait en sa possession des documents, au sens légal ou matériel du terme, suffit pour que ces documents soient assujettis à la LAI. La majorité de la Cour a également conclu que les documents recueillis par une institution fédérale dans le cadre de l’exécution de ses fonctions officielles étaient assujettis à la LAI. Le CIC, en sa qualité d’expert de la LAI, est censé connaître les diverses interprétations de l’expression « control » (dans la version anglaise; en français, l’expression « relevant de ») dans la jurisprudence. Après avoir enquêté sur la plainte du professeur Yeager, le CIC a conclu que Sécurité publique n’avait pas en sa possession de documents visés par la demande, mais que le SCC pourrait en avoir.

[43] Il reste donc la question de savoir si les documents que le professeur Yeager a déposés en preuve, et les autres documents visés par la demande, dont on peut présumer qu’ils se trouvent au SCC, relèvent d’une certaine façon de Sécurité publique, ce que le CIC n’a pas pris en compte. La réponse à cette question m’amène à aborder l’argument du portefeuille avancé par le professeur Yeager.

C. L’argument du portefeuille

[44] Le professeur Yeager s’est plaint au CIC que l’affirmation selon laquelle le Ministère ne possédait aucun document pertinent découlait clairement de [traduction] « lacunes » dans la recherche effectuée par le ministre. Cette allégation repose sur la prémisse selon laquelle le Ministère est soit le cabinet du ministre, soit l’ensemble du portefeuille des organismes qui relèvent du ministre. À l’audience, le professeur Yeager m’a fait part de ses inquiétudes et des motifs de sa demande de la manière suivante :

[traduction] [.. .] le fait est qu’au départ, il n’y avait pas de documents, le gouvernement n’a pas de documents. Il s’avère que cela était faux. Selon l’affidavit de [Sylvie Séguin-Brant], il y avait des documents. Ils savaient donc que des documents existaient et ils ont décidé de jouer à cache-cache. [.. .] Il s’agit d’une contravention à l’esprit de la Loi.

(transcription, à la page 11, aux lignes 17 à 22) (non souligné dans l’original.)

[45] Le professeur Yeager soutient que la question de savoir si des documents existent au niveau ministériel n’est pas pertinente. Les documents contenus dans le portefeuille du ministre relève de lui, et cela signifie que Sécurité publique aurait dû lui fournir les documents, même s’ils se trouvaient au SCC.

[46] Le professeur Yeager poursuit en affirmant que le fait d’être un organisme de portefeuille public est différent de celui d’être une institution fédérale distincte à l’extérieur d’un ministère. Il affirme que le gouvernement confond les deux. Pour appuyer sa thèse, le professeur Yeager invoque la notion véhiculée par l’expression « relevant de ». Selon lui, même si le SCC figure à l’annexe I de la LAI en tant qu’institution fédérale distincte de Sécurité publique, il reste que le ministre a un contrôle effectif sur toute institution faisant partie de son portefeuille. Une fois que le ministre a le contrôle, le SCC n’est plus une institution fédérale distincte. Le professeur Yeager indique que le fait d’interpréter autrement l’annexe I constitue une erreur d’interprétation parce que dans un ministère de portefeuille, le ministre peut s’adresser à tout organisme faisant partie du portefeuille et retirer des documents. En d’autres termes, le professeur Yeager soutient que le contrôle, par le ministre, d’un document compris dans un organisme de portefeuille l’emporte sur la liste des institutions fédérales de l’annexe I de la LAI.

[47] Le professeur Yeager soutient que le danger que présente un organisme de portefeuille est qu’il est facile d’y dissimuler un document et de prétendre qu’il n’existe pas. Il demande à ce que cette [traduction] « partie de cache-cache » ne soit pas permise puisqu’elle permet au ministre de cacher des documents et qu’elle va à l’encontre de l’objectif de la LAI. Il cite l’arrêt de la Cour suprême du Canada Dagg c Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 RCS 403, selon lequel il existe un droit d’accès général aux « documents des institutions fédérales » et, au moment de déterminer s’il y a lieu d’accorder une exception à ce droit général d’accès, il importe de tenir compte de l’objet général de la LAI.

[48] Le procureur général soutient que l’article 6 de la LAI exige qu’une demande de communication d’un document soit faite par écrit auprès de l’institution fédérale dont relève le document, et que le professeur Yeager a présenté sa demande à la mauvaise institution fédérale. Aux termes de l’annexe I de la LAI, le SCC est une institution fédérale distincte de Sécurité publique : chacune est énumérée séparément à l’annexe I. C’est justement ce problème que le professeur Yeager cherche à contourner avec son argument du portefeuille. Le procureur général fait valoir que, pour souscrire à l’argument du professeur Yeager, il faudrait écarter l’annexe I. Comme autre justification à cette proposition, le procureur général soulève le fait que chaque ministère et organisme est tenu d’avoir son propre personnel responsable de l’accès à l’information, ce qui indique que les employés traitent des questions relatives à la communication de document séparément des autres ministères.

D. Discussion

[49] L’utilisation de l’argument « relevant de » au niveau du portefeuille ne tient pas compte du régime de la LAI. L’annexe I renvoie précisément à diverses institutions fédérales individuelles. Le ministère de la Sécurité publique et le Service correctionnel du Canada figurent comme étant des institutions fédérales distinctes. Le portefeuille de la Sécurité publique ne figure pas comme institution fédérale; il en va de même pour le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.

1) Délégation de pouvoir – Article 95 de la LAI

[50] Le professeur Yeager affirme que la déclaration de Sécurité publique selon laquelle il n’existait aucun document pertinent était une [traduction] « interprétation complètement erronée ». Ce faisant, il n’aborde pas le fait que la réponse de Sécurité publique ne se voulait pas un refus général à l’échelle du portefeuille; on ne faisait que nier que des documents pertinents existaient au sein de Sécurité publique. Selon l’article 7 de la LAI, le responsable de l’institution fédérale (responsable) à qui est présentée une demande de communication de document est tenu de fournir une réponse écrite au demandeur dans les 30 jours. Aux termes du paragraphe 95(1) de la LAI, le responsable a le pouvoir de déléguer certaines de ses attributions à des cadres ou employés de cette institution. À Sécurité publique, le ministre a délégué ce pouvoir à la coordonnatrice de l’AIPRP. Par conséquent, elle avait le pouvoir légal de fournir une réponse au nom de Sécurité publique, mais non à celui du SCC ou de toute autre institution fédérale distincte. En effet, si le ministre avait tenté de déléguer son pouvoir en tant qu’institution responsable du SCC à un employé de Sécurité publique, une telle délégation aurait été illégale.

2) Le régime de la Loi – Institution fédérale

[51] La définition d’ « institution fédérale » de l’article 3 de la LAI est claire et explicite : elle désigne tout ministère ou département d’État relevant du gouvernement du Canada, ou tout organisme, figurant à l’annexe I. Le paragraphe 4(1) donne un droit d’accès aux documents relevant d’une institution fédérale, sous réserve de certaines exceptions prévues ailleurs dans la LAI.

[52] L’article 6 exige que la demande de communication d’un document soit faite par écrit « auprès de l’institution fédérale dont relève le document ». La notion véhiculée par l’expression « relevant de » et la définition d’ « institution fédérale » sont étroitement liées dans la loi. Le professeur Yeager met l’accent sur la notion véhiculée par l’expression « relevant de » – tous les documents du portefeuille du ministre relèvent du ministre. Le procureur général, lui, se concentre sur l’institution fédérale – le professeur Yeager a fait sa demande à la mauvaise institution.

[53] Je suis d’avis que, si le législateur avait voulu que la question de savoir de qui relève un document soit le seul facteur à prendre en considération au moment d’accorder l’accès à ce document, l’article 6 aurait précisé qu’une demande de communication d’un document peut être présentée à toute institution fédérale. Il précise plutôt que la demande se fait auprès de l’institution fédérale dont relève le document. Les deux conditions doivent être réunies pour que la demande de communication de document soit recevable.

[54] Dans l’arrêt Défense nationale, l’une des questions dont était saisie la Cour était de savoir si le cabinet du ministre responsable de chacune de ces institutions fédérales fait lui aussi partie de cette institution fédérale. La Cour a répondu par la négative; le législateur ne voulait pas que la LAI s’applique implicitement aux cabinets des ministres : Défense nationale, aux paragraphes 26 et 43. De même, je ne peux pas conclure qu’un groupe d’institutions fédérales distinctes, désignées individuellement à l’annexe I, peuvent être traitées comme une institution fédérale fusionnée uniquement parce qu’elles relèvent du même ministère dans le cadre d’un portefeuille. Alors que le législateur aurait pu constituer un portefeuille d’organismes en une institution fédérale, il a choisi de ne pas le faire, et je ne dispose d’aucun élément de preuve indiquant qu’il avait l’intention implicite de le faire. Le fait que la LAI oblige le responsable de bon nombre d’institutions à déléguer ses pouvoirs à des employés distincts dans chaque institution indique plutôt le contraire : chaque institution doit être traitée comme une entité distincte lorsqu’il s’agit de déterminer les documents qui relèvent d’elle.

3) Un document qui n’est pas en la possession de Sécurité publique peut-il relever de Sécurité publique?

[55] Le professeur Yeager affirme que la question de connaître l’identité de l’institution fédérale qui reçoit sa demande de communication de document importe peu puisque Sécurité publique et le SCC font partie du portefeuille du ministre. Pour ce qui est de la question des documents qui relèvent du ministre, la question devient la suivante : Un document relève-t-il de Sécurité publique s’il se trouve dans le cabinet du ministre ou dans une autre institution fédérale qui relève du ministre? On doit répondre par la négative à cette question. Décider autrement reviendrait à écarter le libellé de la LAI et l’arrêt Défense nationale.

[56] Dans cet arrêt, la Cour suprême a examiné la question de savoir si les documents qui se trouvent dans les cabinets ministériels pouvaient relever de l’institution fédérale concernée. En admettant que l’expression « relevant de » ne soit pas définie dans la LAI et qu’elle doit être interprétée de la manière la plus large possible, la Cour suprême a déclaré que la notion véhiculée par l’expression « relevant de » ne saurait être étendue plus que de raison. La Commissaire à l’information (commissaire) a demandé à la Cour suprême de déclarer qu’un document est assujetti à la LAI indépendamment de son aspect physique ou du lieu où il se trouve. La Commissaire était d’avis qu’une approche fonctionnelle de manière à tracer une ligne de démarcation entre, d’une part, les fonctions ministérielles du ministre et, d’autre part, ses fonctions non ministérielles, devrait régir l’interprétation de la LAI. Sinon, le cabinet du ministre pourrait devenir un « puits sans fond » permettant de mettre à l’abri des documents délicats qui seraient autrement assujettis à la LAI. Il s’agit essentiellement du même argument de [traduction] « jeu de cache-cache » avancé par le professeur Yeager.

[57] En ne retenant pas l’approche fonctionnelle, la Cour suprême a fait remarquer que le critère que proposait la Commissaire au sujet de la notion véhiculée par l’expression relevant de avait pour effet d’écarter la nécessité de tenir compte de la définition d’institution fédérale figurant dans la LAI, et qu’il vidait à toutes fins utiles de son sens la liste des institutions énumérées à l’annexe I. La Cour a conclu que l’approche de la Commissaire confondait la question de la définition d’institution fédérale avec celle de savoir comment on s’y prend pour déterminer de quelle entité relève un document précis.

[58] L’arrêt Défense nationale a confirmé que, bien que la possession matérielle d’un document joue un rôle important, elle ne constitue pas un facteur déterminant pour répondre à la question de savoir de quel ministère ce document relève. Aux paragraphes 55 et 56, la Cour suprême a déclaré qu’une analyse en deux étapes doit être suivie lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, l’institution fédérale n’a pas la possession matérielle des documents demandés :

[55] Première étape [.. .] On se demande si le document se rapporte à une affaire ministérielle. Si tel n’est pas le cas, on ne pousse pas l’analyse plus loin. [.. .] Si le document demandé se rapporte à une affaire ministérielle, l’analyse se poursuit pour déterminer s’il relève ou non de l’institution fédérale.

[56] À la seconde étape, il faut tenir compte de tous les facteurs pertinents pour déterminer si l’institution fédérale pourrait raisonnablement s’attendre à obtenir une copie du document sur demande. [.. .] Si, compte tenu de tous les facteurs pertinents, le cadre supérieur de l’institution fédérale devrait raisonnablement être en mesure d’obtenir une copie du document, le critère est satisfait et le document doit être communiqué, à moins qu’il ne soit assujetti à une exemption spécifique prévue par la loi.

(Les italiques se trouvaient déjà dans l’original, mais non le soulignement.)

[59] Tandis que l’arrêt Défense nationale portait sur la question de savoir si un document qui se trouve au cabinet d’un ministre relève d’une institution fédérale, la même logique s’applique lorsqu’il s’agit de déterminer si un document relève d’une institution fédérale lorsqu’il se trouve dans une autre institution fédérale. En fait, les commissaires à l’information et à la protection de la vie privée de plusieurs provinces ont appliqué le critère à deux volets de l’arrêt Défense nationale aux demandes d’information concernant des institutions assujetties aux lois provinciales sur l’accès lorsque les documents ne se trouvent pas dans les bureaux gouvernementaux : Vaughan (City), 2016 CanLII 7472 (CIPVP Ont.); Dufferin-Peel Catholic District School Board (Re), 2014 CanLII 79896 (CIPVP Ont.); Vancouver (City) (Re), 2015 BCIPC 71; Eastern Health (Re), 2014 CanLII 76059 (NL IPC); Prince Edward Island (Health) (Re), 2016 CanLII 48837 (PEI IPC).

[60] L’application de la première étape de l’arrêt Défense nationale à la question de savoir si un document qui pourrait se trouver dans le cabinet d’un ministre, au SCC ou dans toute autre institution fédérale relève de Sécurité publique, en tant qu’institution fédérale, se pose uniquement si le document demandé se rapporte à une affaire ministérielle au sein de Sécurité publique.

[61] Le Comité d’examen du SCC faisait partie du portefeuille de la Sécurité publique, mais il n’était pas sous la supervision administrative de Sécurité publique, le ministère. Il s’agissait d’un comité d’examen indépendant hébergé au SCC. Aucun des éléments de preuve produits par le professeur Yeager, y compris des coupures de presse, un reportage vidéo et son échange de courriels avec le président du Comité d’examen du SCC, n’établissait un lien entre le Comité d’examen du SCC et Sécurité publique.

[62] Le professeur Yeager n’a pas été en mesure de démontrer que les documents qu’il demande se rapportent à une affaire ministérielle au sein de Sécurité publique. Par conséquent, sa demande échoue à la première étape – celle du « mécanisme de tamisage ». La seconde étape, celle de savoir si un cadre supérieur de Sécurité publique pourrait obtenir une copie du document, ne se présente pas. Même si la seconde étape se présentait, rien n’indique qu’un cadre supérieur de Sécurité publique pourrait raisonnablement obtenir un document, où qu’il se trouve dans le portefeuille, qui concerne le Comité d’examen indépendant du SCC. Rien dans le dossier n’étaye cette idée.

VII. Sécurité publique a-t-elle satisfait aux dispositions de l’article 8 de la LAI?

[63] Le principal argument du professeur Yeager était que les documents qu’il demandait relevaient de Sécurité publique. Selon son argument subsidiaire, le ministre a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire de transmettre sa demande à l’institution fédérale concernée, comme le prévoit l’article 8 de la LAI. Le professeur Yeager ajoute qu’un tel refus faisait preuve d’un comportement grave, puisque l’autre institution fédérale, le SCC, fait partie du même portefeuille et relève aussi du ministre.

A. Le sens de la note Firman

[64] Le lien factuel avec le paragraphe 8(1) figure dans la note Firman. Elle indique qu’à une date inconnue, une discussion a eu lieu entre Sécurité publique et un consultant, Terry Firman. Le professeur Yeager et le procureur général font valoir que la brève note de cette rencontre établit le bien-fondé de leur cause en ce qui concerne la question de savoir si Sécurité publique a commis une erreur suivant l’article 8 dans son traitement de la demande de communication de document.

[65] La note Firman est une brève note manuscrite, dont l’auteur est inconnu. Elle n’est pas datée ni signée. La note est mentionnée pour la première fois dans une note au dossier préparée par l’analyste de l’AIPRP, Amanda Harrington de Sécurité publique, le 11 septembre 2008, bien après la réponse de Sécurité publique reçue par le professeur Yeager, mais avant la publication du rapport d’enquête du CIC. Sa note au dossier résume également la note Firman, que le professeur Yeager a fini par obtenir au moyen d’une demande d’accès à l’information. La note Firman est ainsi libellée :

[TRADUCTION]

Sylvie et Terry ont rencontré des responsables du SCC relativement à l’identité de la personne dont relève le comité. [...] on a déterminé qu’il a été créé au sein du SCC et qu’il fonctionne au sein de Sécurité publique. [. ..] Sécurité publique n’a rien à voir avec lui. Elle a la même demande.

financement par le SCC

(certaines abréviations mises au long par souci de clarté, puces dans l’original, aucun mot omis)

[66] Le professeur Yeager soutient que les derniers mots de la première puce – [traduction] « [elle] a la même demande » – constituent, comme il le dit, une preuve irréfutable. Il affirme que ces mots signifient que Sécurité publique doit avoir transmis sa demande au SCC, puisqu’il indique ne jamais avoir présenté sa demande au SCC. Selon le procureur général, dans ce cas, cela signifie que les dispositions de l’article 8 ont été respectées par Sécurité publique : la demande a été transmise.

[67] Aucun élément de preuve n’appuie l’interprétation ou la position de l’une des parties. De plus, le rapport du CIC affirme le contraire : en indiquant que la demande aurait dû être transmise, le CIC entend sans doute qu’elle ne l’a pas été.

[68] La note au dossier rédigée par Amanda Harrington indique ce qui suit sur la note Firman :

[traduction] Reçu un appel de l’enquêteur du CIC. [. ..] [n]ous avons discuté de la note au dossier selon laquelle il y a eu une rencontre entre le SCC, Terry Firman et Sylvie Séguin-Brant relativement à l’identité de l’organisme de qui relevait le comité, et nous avons convenu qu’il relevait du SCC […] On ne sait pas pourquoi le dossier n’a pas été transmis à ce moment-là […] Il est possible que la réunion ait eu lieu après la fermeture du dossier, mais rien n’indique à quel moment […] L’enquêteur a demandé si nous accepterions de transmettre le dossier au SCC pour montrer notre bonne foi […] parlé avec Tony qui a dit que si l’on recevait une recommandation écrite pour ce faire, nous nous y conformerions, mais nous ne sommes pas certains que le SCC accepterait de leur transmettre un dossier fermé. Laissé le même message à l’enquêteur.

[69] Comme l’indiquent la position contradictoire des parties et la note au dossier, le sens de la note Firman n’est pas du tout évident. Il est possible d’interpréter la note de diverses façons. À partir du peu de faits au dossier, au moins quatre interprétations viennent rapidement à l’esprit : 1) la demande a été transmise au SCC qui a failli à la tâche; 2) la demande n’a pas été transmise parce que Sécurité publique savait que le SCC l’avait déjà reçue; 3) aucune demande n’a été transmise parce que le dossier était fermé; et 4) Sécurité publique attendait une demande écrite de la part du CIC pour transmettre la demande, mais comme il n’en a reçu aucune, elle n’a jamais été transmise.

[70] Compte tenu du manque de clarté de ces éléments de preuve et en l’absence de détails importants, comme l’identité de l’auteur de cette note, je ne peux accorder l’importance proposée par les parties à la note Firman. Il n’est pas utile de répondre à la question de savoir si Sécurité publique s’est déchargée de ses obligations découlant de l’article 8.

B. Sécurité publique a-t-elle satisfait aux dispositions de l’article 8 de la LAI?

[71] Peu importe la réelle portée de la note Firman, il faut savoir si, suivant l’article 8 de la LAI, Sécurité publique était légalement tenue d’envisager la transmission de la demande au SCC.

[72] À mon avis, comme le document ne relevait pas de Sécurité publique, ce qui, selon la jurisprudence, s’entend du contrôle physique ou juridique, l’article 8 de la LAI ne s’est jamais appliqué. Par conséquent, la question de savoir si Sécurité publique aurait dû transmettre la demande du professeur Yeager au SCC ne s’applique pas en l’espèce.

1) Contexte législatif – Accès aux documents de l’administration fédérale

[73] Selon le professeur Yeager, l’article 8 doit être interprété conjointement avec l’article 2 (Objet de la loi) et le paragraphe 4(2.1) (Responsable de l’institution fédérale) pour que Sécurité publique transmette sa demande au SCC. Il invoque également son argument du portefeuille selon lequel les documents de Sécurité publique et du SCC relèvent du ministre, de sorte que l’omission de transmettre le document constituait un comportement grave.

[74] L’article 8 doit être interprété conjointement avec l’article 4 (Droit d’accès), l’article 5 (Répertoire des institutions fédérales), l’article 6 (Demandes de communication) et l’article 7 (Notification). Ils se trouvent tous dans la partie de la LAI intitulée Accès aux documents de l’administration fédérale. La question de savoir de qui les documents relèvent est une exigence législative récurrente pour avoir accès à un document de l’administration fédérale.

[75] L’article 4 dispose que le droit d’accès vise un document « relevant d’une institution fédérale ». L’article 6 exige ensuite qu’une demande de communication d’un document se fasse auprès de l’institution fédérale « dont relève le document ».

[76] L’institution fédérale qui doit recevoir une demande d’accès peut faire l’objet d’une vérification en consultant le répertoire publié annuellement que doit produire le ministre responsable de la LAI suivant l’article 5. Il donne des indications sur les responsabilités de chaque institution fédérale, y compris son organigramme et ses attributions, ainsi que les programmes et fonctions de ses différents services.

[77] L’article 7, qui est expressément assujetti aux dispositions des articles 8, 9 et 11, oblige l’institution fédérale qui a reçu la demande de communication de document à répondre par écrit dans les 30 jours, en indiquant s’« il sera donné ou non communication totale ou partielle du document ». Le cas échéant, l’article 7 exige alors que l’on donne communication du document à la personne qui en fait la demande.

[78] Enfin, selon le régime législatif prévu au paragraphe 8(1) du Règlement sur l’accès à l’information, DORS/83-507 (le Règlement), le responsable de l’institution qui envisage de donner accès à un document peut donner la possibilité au demandeur de consulter le document plutôt que de lui en délivrer une copie. Les premiers mots du paragraphe 8(1) du Règlement établissent la présomption selon laquelle le document relève de l’institution qui examine la demande de communication :

Accès aux documents

8 (1) Lorsqu’une personne se voit donner accès à la totalité ou à une partie d’un document relevant d’une institution fédérale, . . .

Access

8 (1) Where a person is given access to a record or part thereof under the control of a government institution, . . .

[79] Selon ce qui précède, on peut constater qu’au moment où le responsable d’une institution prend une décision fondée sur l’article 8 de transmettre ou non une demande de communication de document, il faut présumer que le document relève de cette institution. Cela ne s’arrête toutefois pas là. Si un document auquel l’accès devrait être accordé relève de l’institution qui reçoit la demande, il s’agit alors de savoir si une autre institution fédérale peut mieux répondre à la demande parce que le document la concerne davantage. Cette question est abordée aux paragraphes 8(1) et (3) de la LAI.

[80] La décision de transmettre ou non une demande peut exercer une pression opérationnelle sur l’institution qui reçoit la demande. Cette dernière doit prendre la décision de la transmettre ou non dans les 15 jours suivant sa réception, et la demande ne peut être transmise que si le responsable de l’autre institution fédérale consent à y donner suite : Règlement, au paragraphe 6(1). Conformément au paragraphe 8(2) de la LAI, lors de la transmission d’une demande, l’institution fédérale qui la reçoit est présumée l’avoir reçue à la date à laquelle elle a été reçue par l’institution saisie de la demande. Ce délai est expressément prévu pour l’application de l’article 7 qui exige d’aviser par écrit la personne qui a fait la demande de ce qu’il sera donné ou non communication du document dans les 30 jours suivant la réception de la demande. L’institution qui la reçoit pourrait donc ne disposer que de 15 jours pour répondre au demandeur, plutôt que du délai habituel de 30 jours.

2) Paragraphes 8(1) et (3) de la LAI

[81] Peut-être dans le but d’empêcher que les institutions se renvoient un dossier embarrassant concernant une demande de communication de document, le paragraphe 6(2) du Règlement dispose qu’une demande qui a été transmise ne peut être transmise de nouveau à une troisième institution fédérale. De plus, le paragraphe 8(1) de la LAI permet au responsable d’une institution de transmettre une demande de communication de document si certaines conditions sont réunies :

Transmission de la demande

8 (1) S’il juge que le document objet de la demande dont a été saisie son institution concerne davantage une autre institution fédérale, le responsable de l’institution saisie peut, aux conditions réglementaires éventuellement applicables, transmettre la demande, et, au besoin, le document, au responsable de l’autre institution. Le cas échéant, il effectue la transmission dans les quinze jours suivant la réception de la demande et en avise par écrit la personne qui l’a faite.

Transfer of Request

8 (1) Where a government institution receives a request for access to a record under this Act and the head of the institution considers that another government institution has a greater interest in the record, the head of the institution may, subject to such conditions as may be pre-scribed by regulation, within fifteen days after the request is received, transfer the request and, if necessary, the record to the other government institution, in which case the head of the institution transferring the request shall give written notice of the transfer to the person who made the request.

 

[82] En application du paragraphe 8(1) de la LAI, la question de savoir si Sécurité publique aurait dû transmettre la demande du professeur Yeager est soumise à deux conditions : 1) le document visé relève de Sécurité publique, comme l’exigent les articles 4 et 6; 2) le document concerne davantage une autre institution fédérale, au sens attribué à cette expression dans la définition figurant au paragraphe 8(3).

[83] Les alinéas 8(3)a) et b) de la LAI prévoient le mécanisme qui permet de déterminer lesquelles parmi deux ou plusieurs institutions fédérales ont davantage intérêt dans un document.

Justification de la transmission

(3) La transmission visée au paragraphe (1) se justifie si l’autre institution :

a) est à l’origine du document, soit qu’elle l’ait préparé elle-même ou qu’il ait été d’abord préparé à son intention;

b) est la première institution fédérale à avoir reçu le document ou une copie de celui-ci, dans les cas où ce n’est pas une institution fédérale qui est à l’origine du document

Meaning of greater interest

(3) For the purpose of subsection (1), a government institution has a greater interest in a record if

(a) the record was originally produced in or for the institution; or

(b) in the case of a record not originally produced in or for a government institution, the institution was the first government institution to receive the record or a copy thereof.

[84] Aucun élément de preuve n’indique que les documents demandés par le professeur Yeager relèvent ou ont déjà relevé, juridiquement ou physiquement, de Sécurité publique. Le CIC a conclu que Sécurité publique ne détenait aucun document visé par la demande portant sur la création du Comité d’examen du SCC, son financement ou la nomination de ses membres. Le CIC a conclu que le SCC pourrait détenir des documents se rapportant à la demande, mais le professeur Yeager n’a pas exploré davantage cette possibilité.

[85] À part le SCC, la seule autre source des documents que le professeur Yeager cherchait ou tout autre endroit où ces documents pouvaient se trouver était le cabinet du ministre. L’arrêt Défense nationale a établi que, si les documents se trouvaient au cabinet du ministre, ils ne relevaient pas de Sécurité publique puisqu’ils ne se rapportaient pas à une affaire ministérielle, et que les recherches s’arrêtaient à la première étape du critère en deux étapes établi dans cet arrêt.

[86] Le paragraphe 8(3) de la LAI est clair lorsqu’il est interprété dans le contexte de la loi dans son ensemble. Le document demandé doit relever du responsable de l’institution qui reçoit une demande de communication, et, avant de transmettre la demande, il doit décider si le document concerne davantage une autre institution fédérale. Si c’est le cas, le responsable examine également la question de savoir s’il est nécessaire de transmettre le document qu’il détient ou simplement la demande. Ce serait le cas, par exemple, si le document détenu par l’institution qui le transmet est un original, et non une photocopie, et si la transmission à une institution qui est davantage concernée était nécessaire pour fournir une réponse complète au demandeur.

[87] Bref, l’article 8 de la LAI a pour objet de veiller à ce que l’institution fédérale davantage concernée par le document ait la possibilité d’avoir le contrôle sur la demande, donc d’avoir le choix d’appliquer ou non les dispositions discrétionnaires encadrant le refus avant que l’institution qui a reçu la demande décide de communiquer ou non les documents. À titre d’exemple, supposons que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a reçu une demande visant certains documents d’enquête qu’elle a obtenus d’un service de police municipal et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Bien que le service de police municipal ait le contrôle sur la communication du document par application de l’article 13 de la LAI, il reviendrait à l’ASFC de décider si elle doit recourir à l’exception discrétionnaire relative à l’application de la loi prévue au paragraphe 16(1). Pour empêcher l’éventualité non souhaitée que l’ASFC décide si elle doit communiquer ou non un document de la GRC, l’article 8 autorise l’ASFC à transmettre le document à la GRC.

[88] Il s’ensuit que la communication de documents qui sont produits par les ministères ou les organismes et communiqués par ces derniers à d’autres institutions fédérales peut toujours relever de ces ministères ou organismes, peu importe l’institution qui reçoit la demande de communication des documents. Toutefois, le document ne concerne plus l’institution qui reçoit la demande si, comme en l’espèce, ce document ne relève pas d’abord d’elle. Dans ce cas, l’institution, comme Sécurité publique, n’est pas légalement tenue de transmettre la demande puisque la considération relative au document qui concerne davantage une institution ne se présente pas.

3) Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée de l’Ontario

[89] Pour appuyer cette analyse, je trouve utile de comparer les dispositions des paragraphes 8(1) et (3) de la LAI à celles des paragraphes 25(1), (2) et (3) de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée de l’Ontario, LRO 1990, c F.31 (la LAIPVP), dans lesquelles une distinction claire est faite entre un document en la possession d’une institution et un autre :

Acheminement de la demande

25. (1) La personne responsable de l’institution qui reçoit une demande d’accès à un document dont l’institution n’a ni la garde ni le contrôle, fait les recherches nécessaires afin de déterminer si une autre institution en a la garde ou le contrôle. Si la personne responsable détermine que tel est le cas, la personne responsable, dans les quinze jours de la réception de la demande :

a) d’une part, renvoie celle-ci à l’institution concernée;

b) d’autre part, avise par écrit l’auteur de la demande du renvoi à une autre institution.

Transfert de la demande

(2) La personne responsable de l’institution qui reçoit une demande d’accès à un document, lequel, à son avis, intéresse davantage une autre institution, peut transférer la demande, et, si nécessaire, le document lui-même à cette autre institution dans les quinze jours de la réception de la demande. La personne responsable qui effectue ce transfert en informe alors par écrit l’auteur de la demande.

Ressort d’une autre institution

(3) Pour l’application du paragraphe (2), un document intéresse davantage une institution autre que celle qui reçoit la demande d’accès si, selon le cas :

a) le document a d’abord été constitué par l’autre institution ou pour son compte;

b) l’autre institution a reçu la première ce document ou une copie de celui-ci, si le document n’a pas d’abord été constitué par une institution ou pour son compte

Request to be forwarded

25. (1) Where an institution receives a request for access to a record that the institution does not have in its custody or under its control, the head shall make all necessary inquiries to determine whether another institution has custody or control of the record, and where the head determines that another institution has custody or control of the record, the head shall within fifteen days after the request is received,

(a) forward the request to the other institution; and

(b) give written notice to the person who made the request that it has been forwarded to the other institution.

Transfer of request

(2) Where an institution receives a request for access to a record and the head considers that another institution has a greater interest in the record, the head may transfer the request and, if necessary, the record to the other institution, within fifteen days after the request is received, in which case the head transferring the request shall give written notice of the transfer to the person who made the request.

Greater interest

(3) For the purpose of subsection (2), another institution has a greater interest in a record than the institution that receives the request for access if,

(a) the record was originally produced in or for the other institution; or

(b) in the case of a record not originally produced in or for an institution, the other institution was the first institution to receive the record or a copy thereof.

[90] Le libellé des paragraphes 25(2) et (3) de la LAIPVP est pratiquement identique à celui des paragraphes 8(1) et (3) de la LAI. Le paragraphe 25(1) de la LAIPVP ne serait pas nécessaire si une demande pouvait être transmise conformément au paragraphe 25(2) par une institution dont le document visé ne relevait pas. Bien que la LAIPVP ait été adoptée après la LAI, le fait que le législateur ontarien ait adopté un libellé différent appuie mon analyse selon laquelle le libellé du paragraphe 8(1) de la LAI, surtout s’il est examiné dans le contexte des dispositions des articles 4 à 7 et du Règlement, prévoit que l’institution qui envisage de « transmettre la demande, et, au besoin, le document » a réellement en sa possession un document se rapportant à la demande ou ce document relève d’elle. Si l’on revient à la décision Société canadienne des postes, pour qu’une institution envisage de transmettre la demande, et, au besoin, le document, elle doit d’abord être en possession, au sens légal ou matériel du terme, du document visé par la demande.

[91] Bien que le paragraphe 25(1) de la LAIPVP n’ait pas de disposition correspondante dans la LAI, le paragraphe 4(2.1), qui sera maintenant examiné, prévoit que l’auteur d’une demande d’information peut obtenir de l’aide. Le professeur Yeager a fait valoir que, même si la modification apportée au paragraphe 4(2.1) de la LAI n’était pas en vigueur au moment de sa demande, Sécurité publique savait qu’elle serait adoptée et avait l’obligation morale de l’aider avec sa demande de communication de document.

VIII. Sécurité publique était-elle tenue de se conformer au paragraphe 4(2.1) de la LAI?

[92] Le 1er septembre 2007, le paragraphe 4(2.1) de la LAI est entré en vigueur lorsqu’il a reçu la sanction royale. Ce paragraphe prévoit qu’une institution fédérale fait tous les efforts raisonnables pour prêter assistance à une personne qui présente une demande de communication d’un document qui relève de cette institution, donne suite à sa demande de façon précise et complète et lui communique le document en temps utile sur le support demandé.

[93] Il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si le paragraphe 4(2.1) s’appliquait de façon rétroactive ou prospective. Comme j’ai conclu que les documents visés par la demande ne relevaient pas de Sécurité publique, les dispositions du paragraphe 4(2.1) ne s’appliquaient pas en l’espèce.

IX. Résumé

[94] En résumé, selon le libellé de la loi, surtout la définition d’institution fédérale, et la jurisprudence, je ne peux retenir l’argument passionné du professeur Yeager voulant que le fait qu’un portefeuille d’organismes gouvernementaux relève du ministre soit déterminant, et que de conclure autrement soit une interprétation erronée de la LAI. Je ne peux pas non plus conclure que Sécurité publique a commis une erreur de fait pour avoir affirmé ne pas avoir de documents.

[95] Le fait qu’un document relève d’une institution, en l’espèce au niveau du portefeuille, ne tranche pas la question. Un portefeuille n’est pas une institution fédérale. L’article 4 de la LAI dispose clairement que la demande de communication d’un document doit être présentée à une institution fédérale qui figure à l’annexe I. Comme il a été mentionné dans l’arrêt Défense nationale, le fait de retenir l’argument du professeur Yeager aurait pour effet d’écarter la nécessité de tenir compte de la définition d’institution fédérale de la LAI, et vide de tout sens la liste des institutions énumérées à l’annexe I. Alors que le professeur Yeager souhaiterait commencer par la seconde étape du critère à deux volets, la première étape est déterminante en l’espèce et la seconde étape ne se pose pas.

[96] Bien que le professeur Yeager souhaite créer une nouvelle règle de droit, ses arguments doivent reposer sur un fondement probatoire et juridique pour que la Cour puisse fournir la réponse qu’il voudrait obtenir. Après avoir examiné le dossier, la jurisprudence et la loi, je suis d’avis que Sécurité publique n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a déclaré ne pas avoir les documents visés par la demande. Les dispositions de la LAI sont précisément organisées de façon à établir des institutions fédérales distinctes et à exiger que les demandes de communication de document soient présentées à l’institution fédérale concernée. Seul le législateur peut modifier cette structure.

[97] Comme le professeur Yeager n’a pas réussi à faire valoir son argument du portefeuille, ses arguments fondés sur l’article 8 et le paragraphe 4(2.1) doivent également être rejetés, puisque la question de savoir de qui relève un document est au centre de ces dispositions.

X. L’une des parties a-t-elle le droit aux dépens et, le cas échéant, de quelle nature et pour quel montant?

[98] Comme je l’ai indiqué au début de mes motifs, la présente affaire est un cas classique où une force irrésistible se heurte à une décision inébranlable. Il est réaliste d’affirmer que chaque partie aurait pu régler la question sans passer par les tribunaux, sans compter le fait que l’instance s’est déroulée sur plusieurs années. Cependant, je ne crois pas que l’une ou l’autre des parties est plus ou moins responsable. Je garderai cela à l’esprit au moment d’exercer mon pouvoir discrétionnaire quant aux dépens.

[99] Je vais d’abord examiner la question de savoir si le professeur Yeager a droit à des dépens, pour l’une ou l’autre des questions qu’il a soulevées. Je me pencherai ensuite sur la question de savoir si le ministre a droit à des dépens en tant que partie ayant obtenu gain de cause.

A. Dépens demandés par le professeur Yeager

1) Le professeur Yeager se représente lui-même

[100] Il reconnaît qu’en tant que partie non représentée par un avocat, il n’a généralement pas droit aux dépens avocat-client. Il insiste sur le fait que sa position en tant que partie agissant dans l’intérêt public est très importante, et qu’il s’agit d’un aspect essentiel de sa thèse voulant que des dépens lui soient adjugés, peu importe l’issue de l’affaire. Je suis consciente que, même en tant que partie qui se représente seule, le professeur Yeager peut avoir droit à une certaine forme de dédommagement au-delà des débours réels qu’il a engagés. Toutefois, ce montant est au mieux égal à ce qu’il aurait pu obtenir selon le tarif s’il avait été représenté par un avocat; généralement, une fraction de ce montant : Air Canada c Thibodeau, 2007 CAF 115, au paragraphe 24.

2) Aucuns dépens punitifs

[101] Le professeur Yeager sollicite également des dépens punitifs en raison, comme il le dit, de l’inconduite illégale et prolongée du ministre qui a [traduction] « compromis » la LAI. Compte tenu de mes conclusions sur les questions soulevées, aucun fondement ne me permet d’accorder des dépens punitifs au professeur Yeager, même après avoir examiné le paragraphe 53(2) de la LAI, que j’aborde ci-dessous.

3) Aucuns dépens adjugés relativement à l’argument du portefeuille ou au paragraphe 4(2.1)

[102] Le professeur Yeager n’a pas obtenu gain de cause sur l’argument du portefeuille, qui repose sur l’interprétation de la LAI qui tente de faire passer la question de savoir de qui relève un document avant la définition d’institution fédérale. Bien que je respecte sa ténacité, je ne suis pas d’avis que l’argument du portefeuille a soulevé un principe important et nouveau quant à la définition de l’expression « relevant de » de la LAI. À la lumière de l’arrêt Défense nationale et du libellé de la LAI, la jurisprudence répondait pleinement à son argument. Pour des raisons semblables, je ne suis pas d’avis qu’il a droit à des dépens à l’égard de ses arguments fondés sur le paragraphe 4(2.1).

4) Indemnité modeste pour la question relative à l’article 8

[103] Le professeur Yeager a toutefois soulevé un argument fondé sur l’article 8, argument qui n’avait pas été présenté auparavant à la Cour. À cet égard, même s’il n’a pas obtenu gain de cause, il a aidé à élaborer la règle de droit prévue au paragraphe 53(2) de la LAI, qui permet à une partie déboutée de son recours de se voir adjuger des dépens. De plus, le paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles) confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens et de les répartir. Dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, le paragraphe 400(3) des Règles établit divers facteurs à prendre en considération, y compris l’alinéa 400(3)o) : « toute autre question [que la Cour] juge pertinente ». J’ai tenu compte de tous ces facteurs. J’ai également examiné l’alinéa 400(6)a) des Règles, qui permet à la Cour d’adjuger des dépens à l’égard d’une question litigieuse.

[104] Je suis d’avis que le professeur Yeager a droit à une modeste indemnité pour le temps qu’il a consacré à préparer et à faire valoir son argument sur la question de savoir si l’article 8 a été bien appliqué et pour les débours raisonnables qu’il a engagés à cet égard. Je suis liée par la décision rendue la Cour d’appel fédérale dans Yu c Canada (Procureur général), 2011 CAF 42, au paragraphe 37 d’accorder cette indemnité seulement dans la mesure où le professeur Yeager a engagé un coût de renonciation en cessant d’exercer une activité rémunératrice.

[105] Je remarque que le professeur Yeager a indiqué qu’il a l’habitude d’engager des poursuites d’intérêt public fondées sur la LAI et qu’en l’espèce, il l’a fait au moyen de la présente demande de communication de document, précisément dans le cadre d’une recherche professionnelle. Il se peut très bien qu’il ait été rémunéré dans cadre de sa recherche pour le temps qu’il y a consacré, mais, comme je n’envisage pas de lui accorder un montant important, je n’estime pas qu’en l’espèce il s’agit d’un facteur à prendre en considération.

[106] Compte tenu de toutes les circonstances, comme il est fort probable qu’il sera difficile d’isoler ces chiffres des heures supplémentaires et des frais que le professeur Yeager a consacrés à la présente demande, je conclus qu’une adjudication des dépens globale de 1 500 $, y compris les débours, est appropriée pour le temps et les débours que le professeur Yeager a consacrés à la seule question portant sur l’article 8 de la LAI.

5) Demande de remboursement des dépens adjugés contre lui

[107] Je souhaite aborder une autre question relative aux dépens soulevée par le professeur Yeager. Avant l’audience, le professeur Yeager a présenté une requête écrite devant la Cour visant l’obtention d’une ordonnance d’une assignation à produire, entre autres documents, la note Firman. La requête a été rejetée par le protonotaire Lafrenière, qui a condamné le professeur Yeager à verser la somme de 750 $ au titre des dépens, que ce dernier a payés. Le professeur Yeager a interjeté appel de cette décision devant le juge Gascon, faisant valoir que les documents qu’il demandait étaient essentiels au règlement définitif de sa demande. Il n’a pas pu convaincre le juge Gascon de délivrer l’assignation ou d’infirmer la décision quant aux dépens. Le juge Gascon a adjugé les dépens aux défendeurs en appel.

[108] Au début de l’audience, j’ai autorisé la production d’une copie de la note, puisque le professeur Yeager et le procureur général ont affirmé que la note établissait le bien-fondé de leur cause. Ni le protonotaire Lafrenière ni le juge Gascon n’avaient été saisis de la note.

[109] À l’audience, le professeur Yeager a demandé le remboursement des dépens de 750 $ qu’il avait déjà payés parce que j’ai autorisé le dépôt au dossier de la note Firman et que j’ai [traduction] « ainsi infirmé la décision du juge Gascon ». Cet argument soulève trois problèmes. L’un des problèmes porte sur le fait que la note a été déposée au dossier sur consentement. Un autre problème provient du fait que le juge Gascon a rejeté l’appel, car il n’était pas convaincu que la note Firman et d’autres documents dont le professeur Yeager cherchait à contraindre la production avaient une influence déterminante sur l’issue de l’affaire. Cette conclusion a été confirmée à partir de mon examen de cette question. Enfin, le juge Gascon a conclu que le professeur Yeager a utilisé la mauvaise procédure pour obtenir le dossier d’AIPRP; il aurait dû demander le dossier du tribunal au moyen de l’article 317 des Règles des Cours fédérales, et non d’un subpæna duces tecum.

[110] Je suis d’avis qu’aucun fondement ne me permet de modifier les dépens qui ont été adjugés contre le professeur Yeager dans le cadre du présent litige.

B. Dépens demandés par le procureur général

[111] Aucun des arguments du professeur Yeager n’a été retenu, lesquels arguments trouvent tous leur source dans la notion véhiculée par l’expression « relevant de », qui est certes créative, mais qui a été rejetée telle qu’elle a été formulée dans son argument du portefeuille. Comme le procureur général a obtenu gain de cause, des dépens doivent lui être versés par le professeur Yeager conformément à la colonne III du tableau du tarif B pour toutes les questions autres que celle relative à l’article 8. Comme les dépens afférents à la question relative à l’article 8 seront vraisemblablement difficiles à distinguer, j’ordonne que, dans le cadre de toute évaluation des dépens du procureur général, ces dépens soient réduits de 1 500 $ pour tenir compte du fait que le procureur général ne s’est vu adjuger aucuns dépens quant à la question relative à l’article 8.

[112] En plus de cette déduction, si les parties sont d’accord, les dépens de 1 500 $ adjugés au professeur Yeager peuvent être déduits du montant qu’il devait par ailleurs au procureur général.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Les dépens afférents à une seule question sont adjugés au demandeur, le professeur Yeager, et fixés au montant global de 1 500 $.

  3. Des dépens sont adjugés au procureur général et calculés d’après la colonne III du tableau du tarif B, sous réserve d’une déduction de 1 500 $ pour tenir compte de l’absence d’une adjudication de dépens relativement à la question pour laquelle des dépens ont été adjugés au demandeur.

  4. L’intitulé de la présente instance est modifié de façon à retirer le nom de StockwellDay comme partie désignée.

« E. Susan Elliott »

Judge

Traduction certifiée conforme

Ce 21e jour de juillet 2020

Lionbridge


ANNEXE

Access to Information Act

Loi sur l’accès à l’information

Access to Information Regulations

Règlement sur l’accès à l’information

SOR/83-507

Objet

2 (1) La présente loi a pour objet d’élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

Purpose

2(1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary except-ions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government.

Définitions

3 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

. . . .

Definitions

3 In this Act,

. . .

institution fédérale

a) Tout ministère ou département d’État relevant du gouvernement du Canada, ou tout organisme, figurant à l’annexe I;

government institution means

(a) any department or ministry of state of the Government of Canada, or any body or office, listed in Schedule I, and

b) toute société d’État mère ou filiale à cent pour cent d’une telle société, au sens de l’article 83 de la Loi sur la gestion des finances publiques. (government institution)

(b) any parent Crown corporation, and any wholly owned subsidiary of such a corporation, within the meaning of section 83 of the Financial Administration Act; (institution fédérale)

Droit d’accès

4 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :

Right to access to records

4 (1) Subject to this Act, but notwithstanding any other Act of Parliament, every person who is

a) les citoyens canadiens;

(a) a Canadian citizen, or

b) les résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

(b) a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act,

has a right to and shall, on request, be given access to any record under the control of a government institution

. . .

Responsable de l’institution fédérale

(2.1) Le responsable de l’institution fédérale fait tous les efforts raisonnables, sans égard à l’identité de la personne qui fait ou s’apprête à faire une demande, pour lui prêter toute l’assistance indiquée, donner suite à sa demande de façon précise et complète et, sous réserve des règlements, lui communiquer le document en temps utile sur le support demandé.

. . .

Responsibility of government institutions

(2.1) The head of a government institution shall, without regard to the identity of a person making a request for access to a record under the control of the institution, make every reasonable effort to assist the person in connection with the request, respond to the request accurately and completely and, subject to the regulations, provide timely access to the record in the format requested.

. . .

Répertoire des institutions fédérales

5 (1) Le ministre désigné fait publier, selon une périodicité au moins annuelle, un répertoire des institutions fédérales donnant, pour chacune d’elles, les indications suivantes :

Publication on government institutions

5 (1) The designated Minister shall cause to be published, on a periodic basis not less frequently than once each year, a publication containing

 

(a) a description of the organization and responsibilities of each government institution, including details on the programs and functions of each division or branch of each government institution;

Request for access to record

6 A request for access to a record under this Act shall be made in writing to the government institution that has control of the record and shall provide sufficient detail to enable an experienced employee of the institution with a reasonable effort to identify the record.

. . .

(b) a description of all classes of records under the control of each government institution in sufficient detail to facilitate the exercise of the right of access under this Act;

Notice where access requested

7 Where access to a record is requested under this Act, the head of the government institution to which the request is made shall, subject to sections 8, 9 and 11, within thirty days after the request is received,

(c) a description of all manuals used by employees of each government institution in administering or carrying out any of the programs or activities of the government institution; and

(a) give written notice to the person who made the request as to whether or not access to the record or a part thereof will be given; and

(d) the title and address of the appropriate officer for each government institution to whom requests for access to records under this Act should be sent

. . .

(b) if access is to be given, give the person who made the request access to the record or part thereof.

Demandes de communication

6 La demande de communication d’un document se fait par écrit auprès de l’institution fédérale dont relève le document; elle doit être rédigée en des termes suffisamment précis pour permettre à un fonctionnaire expérimenté de l’institution de trouver le document sans problèmes sérieux.

Transfer of Request

8(1) Where a government institution receives a request for access to a record under this Act and the head of the institution considers that another government institution has a greater interest in the record, the head of the institution may, . . . within fifteen days after the request is received, transfer the request and, if necessary, the record to the other government institution, in which case the head of the institution transferring the request shall give written notice of the transfer to the person who made the request.

Notification

7 Le responsable de l’institution fédérale à qui est faite une demande de communication de document est tenu, dans les trente jours suivant sa réception, sous réserve des articles 8, 9 et 11 :

Deeming provision

(2) For the purposes of section 7, where a request is transferred under subsection (1), the request shall be deemed to have been made to the government institution to which it was transferred on the day the government institution to which the request was originally made received it.

a) d’aviser par écrit la personne qui a fait la demande de ce qu’il sera donné ou non communication totale ou partielle du document;

Meaning of greater interest

(3) For the purpose of subsection (1), a government institution has a greater interest in a record if

b) le cas échéant, de donner communication totale ou partielle du document.

(a) the record was originally produced in or for the institution; or

Transmission de la demande

8 (1) S’il juge que le document objet de la demande dont a été saisie son institution concerne davantage une autre institution fédérale, le responsable de l’institution saisie peut, aux conditions réglementaires éventuellement applicables, transmettre la demande, et, au besoin, le document, au responsable de l’autre institution. Le cas échéant, il effectue la transmission dans les quinze jours suivant la réception de la demande et en avise par écrit la personne qui l’a faite.

(b) in the case of a record not originally produced in or for a government institution, the institution was the first government institution to receive the record or a copy thereof.

Départ du délai

(2) Dans le cas prévu au paragraphe (1), c’est la date de réception par l’institution fédérale saisie de la demande qui est prise en considération comme point de départ du délai mentionné à l’article 7.

Where access is refused

10 (1) Where the head of a government institution refuses to give access to a record requested under this Act or a part thereof, the head of the institution shall state in the notice given under paragraph 7(a)

 

Justification de la transmission

(3) La transmission visée au paragraphe (1) se justifie si l’autre institution :

(a) that the record does not exist, or

a) est à l’origine du document, soit qu’elle l’ait préparé elle-même ou qu’il ait été d’abord préparé à son intention;

(b) the specific provision of this Act on which the refusal was based or, where the head of the institution does not indicate whether a record exists, the provision on which a refusal could reasonably be expected to be based if the record existed,

and shall state in the notice that the person who made the request has a right to make a complaint to the Information Commissioner about the refusal.

. . .

b) est la première institution fédérale à avoir reçu le document ou une copie de celui-ci, dans les cas où ce n’est pas une institution fédérale qui est à l’origine du document.

Review by Federal Court

41. Any person who has been refused access to a record requested under this Act or a part thereof may, if a complaint has been made to the Information Commissioner in respect of the refusal, apply to the Court for a review of the matter within forty-five days after the time the results of an investigation of the complaint by the Information Commissioner are reported to the complainant under subsection 37(2) or within such further time as the Court may, either before or after the expiration of those forty-five days, fix or allow.

Refus de communication

10 (1) En cas de refus de communication totale ou partielle d’un document demandé en vertu de la présente loi, l’avis prévu à l’alinéa 7a) doit mentionner, d’une part, le droit de la personne qui a fait la demande de déposer une plainte auprès du Commissaire à l’information et, d’autre part :

Information Commissioner may apply or appear

42 (1) The Information Commissioner may

a) soit le fait que le document n’existe pas;

(a) apply to the Court, within the time limits prescribed by section 41, for a review of any refusal to disclose a record requested under this Act or a part thereof in respect of which an investigation has been carried out by the Information Commissioner, if the Commissioner has the consent of the person who requested access to the record;

b) soit la disposition précise de la présente loi sur laquelle se fonde le refus ou, s’il n’est pas fait état de l’existence du document, la disposition sur laquelle il pourrait vraisemblablement se fonder si le document existait.

. . .

(b) appear before the Court on behalf of any person who has applied for a review under section 41; or

Révision par la Cour fédérale

41 La personne qui s’est vu refuser communication totale ou partielle d’un document demandé en vertu de la présente loi et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à l’information peut, dans un délai de quarante-cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 37(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l’expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.

(c) with leave of the Court, appear as a party to any review applied for under section 41 or 44.

Exercice du recours par le Commissaire, etc.

42 (1) Le Commissaire à l’information a qualité pour :

Applicant may appear as party

(2) Where the Information Commissioner makes an application under paragraph (1)(a) for a review of a refusal to disclose a record requested under this Act or a part thereof, the person who requested access to the record may appear as a party to the review

. . .

a) exercer lui-même, à l’issue de son enquête et dans les délais prévus à l’article 41, le recours en révision pour refus de communication totale ou partielle d’un document, avec le consentement de la personne qui avait demandé le document;

Costs

53 (1) Subject to subsection (2), the costs of and incidental to all proceedings in the Court under this Act shall be in the discretion of the Court and shall follow the event unless the Court orders otherwise.

b) comparaître devant la Cour au nom de la personne qui a exercé un recours devant la Cour en vertu de l’article 41;

Idem

(2) Where the Court is of the opinion that an application for review under section 41 or 42 has raised an important new principle in relation to this Act, the Court shall order that costs be awarded to the applicant even if the applicant has not been successful in the result.

. . .

c) comparaître, avec l’autorisation de la Cour, comme partie à une instance engagée en vertu des articles 41 ou 44.

Delegation by the head of a government institution

73 The head of a government institution may, by order, designate one or more officers or employees of that institution to exercise or perform any of the powers, duties or functions of the head of the institution under this Act that are specified in the order.

Comparution de la personne qui a fait la demande

(2) Dans le cas prévu à l’alinéa (1)a), la personne qui a demandé communication du document en cause peut comparaître comme partie à l’instance.

. . .

[BLANK]

Frais et dépens

53 (1) Sous réserve du paragraphe (2), les frais et dépens sont laissés à l’appréciation de la Cour et suivent, sauf ordonnance contraire de la Cour, le sort du principal.

[BLANK]

Idem

(2) Dans les cas où elle estime que l’objet des recours visés aux articles 41 et 42 a soulevé un principe important et nouveau quant à la présente loi, la Cour accorde les frais et dépens à la personne qui a exercé le recours devant elle, même si cette personne a été déboutée de son recours.

. . .

[BLANK]

Pouvoir de délégation du responsable d’une institution

73 Le responsable d’une institution fédérale peut, par arrêté, déléguer certaines de ses attributions à des cadres ou employés de l’institution.

[BLANK]

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-91-09

 

INTITULÉ :

MATTHEW G, YEAGER c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 JANVIER 2016

OBSERVATIONS FINALES REÇUES LE 22 AVRIL 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 MARS 2017

 

COMPARUTIONS :

Matthew G. Yeager

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Derek Edwards

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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