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Date : 20170323


Dossier : IMM-3108-16

Référence : 2017 CF 303

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 mars 2017

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

KAREL ONDRAS, MALGORZATA ONDRASOVA,

ANETA ONDRASOVA, TOMAS ONDRAS ET RUZENA ONDRASOVA

 

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Les demandeurs, M. Karel Ondras, son épouse, Malgorzata Ondrasova, sa mère, Ruzena Ondrasova, et ses deux enfants adultes : Tomas Ondras et Aneta Ondrasova, sont citoyens de la République tchèque et d’origine rome. Ils sont arrivés au Canada en mai 2009.

[2]  Après s’être vu refuser leurs demandes d’asile, la famille a obtenu des permis de résidence temporaire pour trois ans et la possibilité de présenter des demandes de résidence permanente fondées sur des considérations d’ordre humanitaire (CH).

[3]  La fille de M. Ondras, Aneta, entretient une relation de fait. Son partenaire et elle ont un fils, né en janvier 2012.

[4]  En 2016, les demandeurs ont présenté une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. La demande a été rejetée et cette décision se trouve maintenant devant la Cour. Les demandeurs ont soulevé plusieurs questions, mais l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant menée par l’agent est la question déterminante et la seule que je dois aborder.

[5]  Pour les motifs qui suivent, la présente demande est accueillie.

II.  Norme de contrôle

[6]  La norme de contrôle qu’il faut appliquer lorsque la Cour examine une décision touchant des considérations d’ordre humanitaire est la norme de la décision raisonnable (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 113, au paragraphe 44, [Kanthasamy CAF]). Il convient de faire preuve de déférence à l’égard de l’issue de l’examen par l’agent du dossier de la preuve dont il est saisi. La Cour ne doit pas intervenir si la décision d’un agent appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [Dunsmuir], au paragraphe 47).

III.  Discussion

A.  L’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant par l’agent était-elle raisonnable?

[7]  Dans l’examen de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, l’agent a abordé l’établissement des demandeurs au Canada, l’intérêt supérieur du petit-fils de M. Ondras âgé de quatre ans et les difficultés auxquelles seraient confrontés les demandeurs à leur retour en République tchèque en raison de leur origine rome.

[8]  Dans l’examen de l’intérêt supérieur de l’enfant, l’agent a indiqué que la préoccupation qu’il avait cernée était que l’enfant serait placé dans une classe ou une école séparée pour les personnes ayant une déficience intellectuelle en République tchèque en raison de son origine rome. L’agent a ensuite précisé que l’enfant ne fait pas l’objet du renvoi du Canada et que son père est un résident permanent. L’agent a conclu que : 1) l’enfant est un citoyen canadien et ne serait pas tenu de quitter le Canada; 2) si l’enfant devait quitter le Canada, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve indiquant que l’enfant, dont le père est d’origine pakistanaise, ferait l’objet de discrimination dans le système d’éducation; et 3) il est de l’intérêt supérieur de l’enfant de demeurer au Canada. L’agent était convaincu qu’il était dans l’intérêt supérieur de l’enfant de résider avec son père et n’était pas convaincu que l’enfant ne pourrait pas voyager pour rendre visite à sa mère et aux autres membres de la famille, et de maintenir le contact avec sa mère par voie électronique.

[9]  Le défendeur soutient que l’analyse et la conclusion de l’agent étaient raisonnables. Le défendeur soutient que la décision reflète la preuve limitée appuyant les arguments des demandeurs sur l’intérêt supérieur de l’enfant, et que l’agent a examiné l’intérêt supérieur de l’enfant dans leur contexte (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 [Kanthasamy CSC]). Je ne suis pas de cet avis.

[10]  J’admets que la preuve touchant l’intérêt supérieur de l’enfant était limitée, mais l’analyse de l’agent n’a pas tenu compte entièrement des éléments de preuve limités. L’agent a conclu qu’il pouvait être dans l’intérêt supérieur de l’enfant de résider au Canada avec son père [traduction] « […] alors que sa mère devait quitter le Canada pour présenter une demande de résidence permanente ». En tirant cette conclusion, l’agent ne traite pas de l’élément de preuve indiquant que la mère est la principale personne s’occupant de l’enfant. De même, l’agent ne traite pas de la situation d’emploi du père et de l’impact qu’elle pourrait avoir sur sa capacité à s’occuper de l’enfant à temps plein. Le dossier indique que le père est employé à temps plein dans un restaurant-minute depuis 2013. L’analyse omet également d’aborder l’incidence sur un enfant de quatre ans du renvoi de sa famille élargie. Enfin, en mentionnant le fait que la mère devait quitter le Canada, la décision laisse entendre que l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant a été menée selon l’hypothèse que la mère et la famille seraient renvoyées.

[11]  L’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant par l’agent a vraisemblablement été entravée par la pauvreté de la preuve. Cependant, dans le contexte de la preuve qui lui avait été présentée, l’agent devait déterminer et définir l’intérêt supérieur de l’enfant et examiner cet intérêt « avec beaucoup d’attention » à la lumière de tous les éléments de preuve (Kanthasamy CSC, au paragraphe 39). Ce n’est pas ce qu’il a fait. L’analyse a plutôt minimisé l’intérêt supérieur de l’enfant en s’appuyant sur la présomption que la mère serait renvoyée. La présomption de renvoi a été aggravée par le défaut de traiter de tous les éléments de preuve pertinents à l’intérêt de l’enfant.

IV.  Conclusion

[12]  L’intérêt supérieur d’un enfant ne l’emporte pas toujours sur les autres considérations dans le cadre d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Cependant, il constitue un facteur important auquel il faut accorder beaucoup de poids (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 75). Ayant conclu que l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant par l’agent était déraisonnable, je ne peux pas conclure que l’issue de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire n’aurait pas été différente.

[13]  Dans leurs observations verbales, les parties ont indiqué que la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire des demandeurs avait été examinée en application des conditions d’une entente entre les parties. Les parties ont accepté le fait que, si la question était retournée pour obtenir un nouvel examen, ce nouvel examen devrait être effectué par l’unité établie en application des conditions de cette entente si cette unité demeure en place.

[14]  Les demandeurs ont aussi demandé à la Cour d’ordonner que tout nouvel examen soit effectué dans un délai prévu en reconnaissance du fait que les permis de résidence temporaire des demandeurs doivent expirer en novembre 2017. Le défendeur ne s’est pas opposé à ce que la Cour exige que le nouvel examen ait lieu à titre accéléré, mais il s’est opposé à ce que la Cour impose un délai de prescription défini pour l’exécution du nouvel examen.

[15]  Dans les circonstances, l’affaire sera renvoyée pour un nouvel examen par un autre agent dans l’unité prévue à l’entente entre les parties, si cette unité demeure fonctionnelle. Le nouvel examen doit être mené par le défendeur d’une manière accélérée compte tenu de l’esprit et de l’intention de l’entente et avant l’expiration des permis de résidence temporaire des demandeurs.

[16]  Les parties n’ont pas relevé de question de portée générale et aucune question n’a été soulevée.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande est accueillie.

  2. L’affaire est renvoyée afin d’être réexaminée par un autre décideur.

  3. Si l’unité établie conformément à l’entente entre les parties qui régissait la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire demeure fonctionnelle, le nouvel examen doit être effectué par un agent de cette unité.

  4. Le nouvel examen doit être mené par le défendeur d’une manière accélérée compte tenu de l’esprit et de l’intention de l’entente entre les parties et avant l’expiration des permis de résidence temporaire des demandeurs.

  5. Aucune question n’est certifiée.

« Patrick Gleeson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 8e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3108-16

 

INTITULÉ :

KAREL ONDRAS, MALGORZATA ONDRASOVA, ANETA ONDRASOVA, TOMAS ONDRAS ET RUZENA ONDRASOVA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 janvier 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 MARS 2017

 

COMPARUTIONS :

Rocco Galati

 

Pour les demandeurs

 

Prathima Prashad

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rocco Galati Law Firm

Société professionnelle

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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