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Date : 20170301


Dossier : IMM-3704-16

Référence : 2017 CF 254

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 1er mars 2017

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

ABRAHAM MONTGOMERY MITCHELL LOUISY, KERNNIFER SANTRISHA SMITH-LOUISY, AKILA GENESIS ADORA LOUISY

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Résumé

[1]  Les demandeurs, M. Abraham Montgomery Mitchell Louisy, Mme Kernnifer Santririsha Smith Louisy et leur fille Akila, bientôt âgée de sept ans, sont citoyens de Sainte-Lucie. M. et Mme Louisy sont également les parents d’une enfant de trois ans, Kadine, née au Canada.

[2]  M. Louisy est entré au Canada en mars 2012. Mme Louisy et Akila sont entrées au Canada en juin 2012. La famille s’est vu accorder une prolongation de ses visas de visiteur, ce qui lui a permis de rester au Canada jusqu’en décembre 2013. La famille est demeurée au Canada depuis son arrivée en 2012. Kadine est née en mars 2014. En décembre 2015, la famille a demandé la résidence permanente à partir du Canada en invoquant des motifs d’ordre humanitaire.

[3]  La demande pour motifs d’ordre humanitaire a toutefois été rejetée. Cette décision fait maintenant l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire. Les demandeurs soutiennent que l’évaluation faite par l’agent de l’intérêt supérieur des enfants était déraisonnable. Il s’agit de la seule question en cause dans la présente demande.

[4]  Après avoir considéré les observations écrites et orales des parties, je ne peux conclure que l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants faite par l’agent était mal fondée ou que la conclusion était déraisonnable. La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

II.  Norme de contrôle

[5]  Les parties conviennent, et je suis d’accord, que la norme de contrôle applicable pour la décision de l’agent dans cette affaire est la norme de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt Kanthasamy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CSC 61, au paragraphe 44, [Kanthasamy]). La Cour ne doit intervenir que si la décision de l’agent n’est pas transparente, intelligible et justifiée, ou si elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

III.  Analyse

A.  L’analyse de l’intérêt supérieur des enfants faite par l’agent était-elle raisonnable?

[6]  Lors de son analyse de l’intérêt supérieur des enfants, l’agent a reconnu que l’intérêt supérieur des enfants est un facteur important auquel on accordera beaucoup de poids dans une demande pour motifs d’ordre humanitaire. L’agent a également indiqué que l’intérêt supérieur des enfants n’est pas nécessairement un facteur déterminant dans l’examen d’une demande pour motifs d’ordre humanitaire.

[7]  L’agent a observé qu’il y avait deux enfants dans cette affaire, un né au Canada et l’autre, à Sainte-Lucie. L’agent a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve objectifs lui permettant de conclure que l’intérêt supérieur des enfants serait compromis s’ils retournaient à Sainte-Lucie.

[8]  Les demandeurs soutiennent, en se fondant sur les arrêts Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 et Kanthasamy, que l’agent a commis une erreur en (1) omettant de déterminer quel était l’intérêt supérieur des enfants; (2) en minimisant leur intérêt supérieur; et (3) en ne reconnaissant pas l’intérêt supérieur de chaque enfant individuellement. Je ne suis pas d’accord.

[9]  L’examen de l’intérêt supérieur d’un enfant dépend fortement du contexte, et «  [...] l’agent ne peut donc pas se contenter de mentionner qu’il prend cet intérêt en compte »: [Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2002 CAF 475], au paragraphe 32. L’intérêt supérieur de l’enfant doit être « bien identifié et défini », puis examiné « avec beaucoup d’attention » eu égard à l’ensemble de la preuve (Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 4 C.F. 358 (C.A.), aux paragraphes 12 et 31; Kolosovs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 323 F.T.R. 181, aux paragraphes 9 à 12. (Kanthasamy, au paragraphe 39).

[10]  Dans cette affaire, les demandeurs n’ont consacré qu’un seul paragraphe à l’intérêt supérieur des enfants dans leur demande pour motifs d’ordre humanitaire. Ce paragraphe contient des énoncés généraux concernant le fait qu’Akila fréquente l’école au Canada, qu’elle ne se rappelle plus sa vie à Sainte-Lucie et qu’elle a créé des liens étroits et des amitiés. En ce qui concerne Kadine, le paragraphe fait mention de sa citoyenneté canadienne et de la possibilité d’adopter « son pays natal et de profiter des avantages d’une bonne éducation et de l’avenir sûr que lui assure sa citoyenneté ». Le dossier ne contient aucun document venant soutenir les observations générales présentées.

[11]  Ni l’arrêt Baker ni l’arrêt Kanthasamy n’écartent le fardeau imposé au demandeur de soumettre des éléments de preuve significatifs afin de soutenir l’examen de l’intérêt supérieur d’un enfant (Osorio Diaz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 373, au paragraphe 29). La jurisprudence n’appuie pas non plus l’interprétation selon laquelle un agent commet une erreur lorsqu’il omet de déterminer et de définir l’intérêt supérieur de l’enfant lorsque ces intérêts ne sont pas identifiés ou invoqués par le demandeur. De même, il n’existe pas de formule magique à appliquer pour réaliser une évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant (Celise c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 642, au paragraphe 30). L’examen doit plutôt tenir compte du contexte (Kanthasamy, au paragraphe 35). Après avoir appliqué ces principes, je suis convaincu que l’agent a effectivement déterminé et défini l’intérêt supérieur de l’enfant « eu égard à l’ensemble de la preuve ».

[12]  Les demandeurs soutiennent que l’agent a commis une erreur en reconnaissant que les enfants, qui sont encore très jeunes, seraient en compagnie de leurs parents et qu’ils bénéficieraient de leurs soins et de leur soutien « quels que soient les ajustements que les enfants auront à faire ». Selon les demandeurs, cette affirmation minimise l’intérêt supérieur des enfants. Je ne suis pas d’accord. L’agent a tenu compte des facteurs de l’âge et de la présence des parents pour déterminer les répercussions généralisées sur les enfants, ainsi que la perte des liens d’amitié formés à l’école et à l’église. Par conséquent, l’agent était réceptif à l’intérêt supérieur des enfants.

[13]  Dans cette affaire, l’agent n’a jamais minimisé ou ignoré la preuve documentaire objective démontrant les effets négatifs sur les enfants (voir Jimenez c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 527). L’agent a soupesé les répercussions généralisées indiquées en fonction des facteurs pertinents comme l’âge des enfants et le fait que la famille désire rester ensemble, et il a conclu que la présence des parents pourrait aider les enfants à apporter ces ajustements. Le fait que les demandeurs ne sont pas d’accord avec l’examen des éléments de preuve, particulièrement à la lumière de la pauvreté des preuves démontrant les répercussions négatives sur les enfants, ne rend pas la décision déraisonnable.

[14]  Je suis convaincu également que l’agent n’a pas omis de tenir compte de l’intérêt supérieur des deux enfants. L’agent a reconnu chacun des deux enfants et a indiqué qu’ils considèrent le Canada comme leur patrie. L’agent a également noté, en ce qui concerne Akira, qu’elle n’avait aucun souvenir de Sainte-Lucie, qu’elle fréquentait l’école, qu’elle avait tissé des liens d’amitié et qu’elle devrait tout recommencer à Sainte-Lucie. L’agent n’a pas ignoré ces facteurs.

[15]  Les demandeurs se fondent sur les décisions Weng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 778, et Hossain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 79, rendues auparavant. Toutefois, dans ces deux affaires, les intérêts et les répercussions propres à chaque enfant différaient considérablement. Ces différences justifiaient une évaluation distincte pour chacun des enfants.

[16]  En l’espèce, bien que les liens d’Akila avec le Canada soient plus nombreux et fondés sur des liens d’amitié formés en dehors de la famille et sur sa scolarisation, ses intérêts et les répercussions de son retour à Sainte Lucie ne diffèrent pas considérablement de ceux de sa jeune sœur Kadine. L’agent était conscient des répercussions décrites et des différentes d’âge, et a raisonnablement conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que l’intérêt supérieur des enfants serait compromis si les demandeurs devaient retourner à Sainte Lucie.

IV.  Conclusion

[17]  Je suis incapable de conclure qu’il y a un fondement juridique permettant à la Cour d’intervenir en l’espèce. Aucune erreur susceptible de révision n’a été commise lors de l’examen de l’intérêt supérieur des enfants.

[18]  Les parties n’ont pas relevé de question de portée générale et aucune question n’a été soulevée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande. Aucune question n’est certifiée.

« Patrick Gleeson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3704-16

 

INTITULÉ :

ABRAHAM MONTGOMERY MITCHELL LOUISY, KERNNIFER SANTRISHA SMITH-LOUISY, AKILA GENESIS ADORA LOUISY c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 février 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 1er mars 2017

COMPARUTIONS :

Nathan Higgins

 

Pour les demandeurs

 

Nadine Silverman

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dilani Mohan

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

 

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