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Date : 20170227


Dossier : IMM-3807-16

Référence : 2017 CF 242

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 février 2017

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

KIZITO CHIBUZO NWEKE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR), datée du 9 août 2016, par laquelle il a été conclu que le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au titre des articles 96 ou 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR) et que sa demande d’asile est manifestement non fondée en application de l’article 107.1 de la LIPR.

Résumé des faits

[2]  Le demandeur est un citoyen du Nigéria et allègue qu’il est bisexuel. Il affirme qu’en 1987, il a été envoyé à la paroisse catholique St. Joseph pour suivre une formation apostolique, et que ce serait là qu’il aurait eu sa première expérience homosexuelle avec un autre étudiant, Chinedu Anosike (Chinedu). Lorsqu’ils ont avoué cette relation à leur prêtre mentor, on aurait refusé de les recommander à la prêtrise après leur formation apostolique. Le demandeur affirme que, le 23 mars 2016, alors qu’il se trouvait au Canada, il a reçu un appel téléphonique de sa tante l’avisant que Chibike Eze et Leonard Nwogu avaient été surpris en train de commettre un acte homosexuel et qu’ils avaient confessé que le demandeur les avait introduits à cette pratique. Le demandeur nie cette accusation, mais confirme que les trois étaient partenaires sexuels. Le demandeur déclare que sa tante lui a dit que certains jeunes hommes de sa communauté et certains membres de la famille de sa femme avaient juré de le tuer. Le demandeur craint aussi pour sa sécurité au Nigéria aux mains de la police nigérienne, qui peut l’emprisonner pour 14 ans en raison de son orientation sexuelle et de sa caste.

[3]  Le 6 juin 2016, la Section de la protection des réfugiés a entendu la demande d’asile. Après une pause, le commissaire présidant l’audience a informé le demandeur et son avocat qu’il venait de remarquer qu’il avait oublié d’éteindre l’appareil enregistreur pendant la pause, mais qu’il aviserait le greffe que cette période ne ferait pas partie du dossier. Lorsque la Section de la protection des réfugiés a rendu sa décision, on a découvert que les deux premières heures de l’audience n’avaient, en fait, pas été enregistrées.

Décision faisant l’objet du contrôle

[4]  En tant qu’observation préliminaire, le commissaire a indiqué que le jour suivant l’audience du demandeur, un rapport de correspondance biométrique provenant des États-Unis avait été porté à son attention. D’après le timbre apposé, le rapport a été reçu à la Commission le jour de la tenue de l’audience de la Section de la protection des réfugiés. Le commissaire a accordé au demandeur un certain temps pour préparer des observations écrites concernant ces documents communiqués après l’audience. L’avocat du demandeur a plutôt choisi de présenter deux demandes; l’une visant à ce que le commissaire se récuse, et l’autre demandant la tenue d’une audience de novo devant un tribunal différemment constitué. Le commissaire a rejeté les deux demandes.

[5]  Dans la première demande, le demandeur soutenait que le commissaire avait commis un manquement à l’équité procédurale en laissant accidentellement l’appareil enregistreur en marche pendant la pause. En particulier, le demandeur avait une crainte raisonnable de partialité, car il n’avait aucun moyen indépendant de confirmer que le commissaire ou tout autre employé n’avait pas été exposé aux communications confidentielles d’avocat à client qui ont été enregistrées. Le commissaire a noté que le demandeur avait été informé de cette erreur à l’audience, et du fait qu’on demanderait aux employés de la Section de la protection des réfugiés de supprimer cette partie de l’enregistrement du dossier. Le commissaire a conclu que le demandeur avait en fait renoncé à toute opposition lors de l’audience, puisque le commissaire, en informant le demandeur et son avocat de cette erreur, leur avait demandé ce qu’ils souhaitaient faire, et les deux ont indiqué sans ambiguïté qu’ils souhaitaient poursuivre l’audience. Le commissaire a souligné qu’il avait pris les mesures promises et que l’unité responsable de l’enregistrement de la Section de la protection des réfugiés l’avait avisé qu’il ne devrait y avoir aucun problème pour donner suite à cette demande. Le commissaire a indiqué qu’il n’avait pas écouté l’enregistrement, car il avait pris des notes détaillées et qu’il n’était pas pertinent de savoir si d’autres employés avaient écouté l’enregistrement, car c’est lui l’unique décideur. Quoi qu’il en soit, il ne savait pas si quelqu’un d’autre avait eu accès à l’enregistrement après la conclusion de l’audience. Par conséquent, aucun manquement à l’équité procédurale n’a eu lieu.

[6]  Le commissaire a aussi noté l’argument du demandeur selon lequel ce dernier se retrouvait dans une position inéquitable à l’audience : le demandeur avançait que, comme il ne disposait pas du rapport de correspondance biométrique des États‑Unis, il avait eu du mal à se souvenir de ses divers déplacements, mais que le commissaire avait eu connaissance des renseignements non divulgués et s’en était servi pour mettre en doute sa crédibilité. Le commissaire a conclu que cet argument n’était pas fondé, car il n’avait vu le rapport qu’après l’audience, et qu’à ce titre, il n’aurait pas pu s’en servir. Par conséquent, ce motif invoqué à l’appui de la demande de récusation a été rejeté. Le commissaire a néanmoins accordé au demandeur d’asile davantage de temps pour la présentation d’observations écrites sur le contenu du rapport de correspondance biométrique des États‑Unis.

[7]  Le demandeur a plutôt présenté une seconde demande visant la tenue d’une audience de novo, et a ajouté un nouvel aspect à son argument initial. En particulier, il a avancé que le fait que le commissaire avait reçu le document le lendemain de l’audience était sans conséquence puisque les documents doivent prioritairement être transmis au demandeur d’asile afin que celui‑ci puisse se préparer. Il s’appuie sur la règle 34 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256, pour appuyer cette position. Le commissaire a indiqué que la règle 34 exige d’une partie qu’elle respecte certains délais si elle souhaite se servir de certains documents et que la Section de la protection des réfugiés n’est pas une partie aux fins de l’audience. De plus, il a indiqué qu’on avait accordé au demandeur l’occasion d’aborder le document, mais qu’il avait omis de le faire et que, de toute façon, le commissaire ne s’était pas appuyé sur le document pour rendre sa décision. Le commissaire a conclu qu’il n’y avait pas eu de manquement à l’équité procédurale.

[8]  Le commissaire a conclu que la question déterminante était celle de la crédibilité du témoignage du demandeur. Même si le demandeur a fourni un témoignage exempt d’incohérences majeures lorsqu’il a été questionné sur ses anciens partenaires de même sexe et sur son identité bisexuelle alléguée, les lacunes dans les documents produits trahissaient leur caractère frauduleux, et cette constatation, conjuguée à l’incapacité du demandeur d’expliquer raisonnablement ces lacunes, a mené la Section de la protection des réfugiés à conclure que ce dernier tentait délibérément de tromper la Section de la protection des réfugiés.

[9]  À cet égard, le commissaire a noté que le demandeur avait produit trois documents d’un séminaire pour corroborer sa principale allégation, soit qu’il y avait eu sa première expérience homosexuelle avec son camarade de chambre, Chinedu, en 1987, et qu’il avait ensuite été expulsé de la formation apostolique en décembre 1988. Les trois documents comprenaient un certificat général d’éducation daté de juin 1987 (le certificat d’éducation), un avis d’affectation à la formation apostolique daté du 2 juin 1987 et un avis de rappel de la formation apostolique daté du 12 septembre 1988 (les lettres des années 1980). La Section de la protection des réfugiés a comparé le certificat d’éducation aux lettres des années 1980 et a décelé plusieurs différences entre ces documents, dont leur couleur, la police de caractères et le niveau général de dégradation. Le commissaire a rejeté l’explication du demandeur selon laquelle il se servait plus souvent du certificat d’éducation, ce qui expliquait pourquoi il semblait plus dégradé, alors que les lettres des années 1980 étaient entreposées avec ses effets personnels. Le commissaire a noté que les lettres des années 1980 avaient prétendument presque 30 ans et qu’il était déraisonnable de croire qu’elles aient pu paraître toutes neuves. Il était en outre déraisonnable de soutenir que le Séminaire St. Peter Claver (le Séminaire) imprime son logo de façon à ce qu’il soit pratiquement impossible de déterminer ce que disait son message ou sa devise. De même, le nom du Séminaire est épelé différemment sur le certificat d’éducation, soit « St. Peter Claver’s Seminary » et sur les lettres des années 1980, soit « St. Peter Claver Seminary ». Le commissaire a indiqué que, si les lettres des années 1980 étaient authentiques, il se serait attendu à ce que le nom de l’établissement qui les a produites soit écrit correctement.

[10]  Selon ce qui précède, le commissaire a conclu que le certificat d’éducation était authentique, mais que les lettres des années 1980 étaient fausses. Par conséquent, le demandeur n’a pas réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il avait pris part à une formation apostolique après juin 1987, puis expulsé en 1988, tel qu’allégué, en raison de son orientation sexuelle. Cela a amené le commissaire à douter que le demandeur ait véritablement rencontré Chinedu.

[11]  Le commissaire a ensuite abordé les trois affidavits présentés par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile; ils ont été signés devant la Haute Cour de justice du territoire de la capitale fédérale à Abuja (la Haute Cour). Il a retenu qu’ils arboraient des numéros consécutifs, qu’ils ont été signés à la même date et que le demandeur avait confirmé que les trois déposants étaient allés à Abuja le même jour pour signer leur affidavit.

[12]  Le commissaire a conclu que les affidavits étaient frauduleux pour plusieurs raisons. Premièrement, alors qu’ils ont prétendument été homologués au même moment, devant le même tribunal, ils contiennent des formulations différentes de références aux lois régissant l’assermentation et il était déraisonnable de croire que l’erreur n’aurait pas été relevée. Deuxièmement, le commissaire entretenait des réserves particulières quant à l’affidavit de Chinedu, ne comprenant pas pourquoi Chinedu se serait exposé au risque de faire l’objet de poursuites criminelles en révélant son homosexualité devant une institution gouvernementale, la Haute Cour. Le commissaire a rejeté l’explication du demandeur selon laquelle Chinedu avait signé l’affidavit dans une ville différente, en guise de compromis, notant que le témoignage du demandeur lui-même révélait que Chinedu avait fourni son information bancaire pour signer l’affidavit, ce qui faisait en sorte qu’on aurait pu le retracer partout au Nigéria. Le commissaire a aussi cité diverses sections d’une Réponse à une demande d’information (RDI) trouvée dans le Cartable national de documentation indiquant qu’il n’est pas pratique courante qu’un commissaire à l’assermentation signe un affidavit concernant l’orientation sexuelle d’une personne et qu’il serait étrange qu’un déposant signe un tel affidavit compte tenu des implications. Le commissaire a noté l’explication du demandeur selon laquelle la RDI n’était pas applicable au cas présent et a fourni des motifs pour rejeter cette explication. Le commissaire a aussi pris note de l’explication du demandeur selon laquelle l’affidavit de Chinedu n’allait pas jusqu’à déclarer son homosexualité. Le commissaire a rejeté cette explication et a relevé les parties pertinentes de l’affidavit contredisant l’explication du demandeur.

[13]  Le commissaire ne croyait pas que Chinedu aurait déclaré sous serment devant un représentant du gouvernement que les faits contenus dans l’affidavit étaient véridiques. Il a conclu que l’affidavit n’était pas authentique et a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité générale du demandeur et a conclu qu’il ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve crédible pour conclure à l’existence de Chinedu ou pour confirmer que le demandeur avait eu sa première expérience homosexuelle de la façon alléguée, ce qui semait le doute quant à sa bisexualité.

[14]  Le commissaire a indiqué que les éléments de preuve documentaire restants ne faisaient pas le poids contre la présentation de documents frauduleux et les conclusions en matière de crédibilité qui en découlaient. Le commissaire s’est penché sur ces éléments de preuve et a expliqué pourquoi il n’y attribuait aucun poids. À cet égard, il a accordé une faible valeur probante aux lettres de soutien du 519 Community Centre, de la Metropolitan Community Church of Toronto et du Black CAP parce qu’elles sont remises aux personnes en fonction de leur assistance et de leur participation et le fait que le demandeur a participé à ces programmes ne signifie pas qu’il était nécessairement bisexuel. Le commissaire n’a accordé aucun poids à divers échanges de courriels avec Chibike, car Yahoo est un fournisseur de services de courriel publics et n’importe qui peut s’inscrire et créer un compte de courriel. De plus, comme ces courriels ne représentent pas des documents corroborant l’existence de Chibike et que le demandeur n’est généralement pas crédible, le commissaire n’a pas cru les faits contenus dans les courriels. Le commissaire a mentionné des préoccupations similaires concernant l’échange de courriels avec un aumônier du Nigéria et des saisies d’écran de messages texte échangés avec sa femme.

[15]  Le commissaire a indiqué qu’il ne croyait pas que le demandeur soit bisexuel, qu’il ait eu sa première relation de même sexe au séminaire, que Chinedu, Chibike ou Leonard existent ni que le demandeur soit associé à des crimes liés à son orientation sexuelle au Nigéria. Qui plus est, son manque de crédibilité général a mené le commissaire à ne pas croire la crainte de persécution alléguée par le demandeur aux mains de la famille de son épouse, en raison de son orientation sexuelle ou de la caste à laquelle il dit appartenir. Et, le manque de crédibilité du demandeur et son défaut de jouer franc jeu devant la Commission sans avoir rien à se reprocher ont irrévocablement miné le bien-fondé de sa demande.

Questions en litige et norme de contrôle

[16]  À mon avis, les deux questions suivantes sont soulevées en l’espèce :

  1. Y a-t-il eu manquement au principe d’équité procédurale en raison de l’écart entre l’enregistrement et la transcription de l’audience de la Section de la protection des réfugiés?

  2. La décision de la Section de la protection des réfugiés est-elle raisonnable?

[17]  La question de savoir si les droits procéduraux du demandeur ont été violés en raison de la perte de l’enregistrement audio est une erreur susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Huszar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 284, aux paragraphes 12 et 13 [Huszar]).

[18]  La norme de contrôle applicable aux conclusions de la Section de la protection des réfugiés sur la crédibilité sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable et doivent faire l’objet d’une très grande retenue de la part de notre Cour (Aguebor c Canada (Emploi et Immigration), [1993] ACF no 732 (CA), au paragraphe 4; Khosa, au paragraphe 46 [Khosa]; Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319, au paragraphe 22; Rezmuves c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 973, au paragraphe 33). La norme de la décision raisonnable est aussi la norme applicable à la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle la demande est manifestement infondée en application de l’article 107.1 de la LIPR (Brindar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1216, aux paragraphes 8 et 9; Warsame c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 596, au paragraphe 25).

[19]  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel (Khosa, au paragraphe 59). Toutefois, la Cour doit aussi se demander si la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 34).

Question 1 : Y a-t-il eu manquement au principe d’équité procédurale en raison de l’écart entre l’enregistrement et la transcription de l’audience de la Section de la protection des réfugiés?

Thèse du demandeur

[20]  Le demandeur reconnaît que la jurisprudence enseigne que la simple absence d’une transcription ne constitue pas un manquement à la justice naturelle. Cependant, si l’absence d’une transcription empêche la Cour de régler une question importante soulevée dans une demande de contrôle judiciaire, alors le demandeur a droit à une nouvelle audience (Kandiah c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1992] ACF no 321 (CAF) [Kandiah]; Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c Montréal (Ville), [1997] 1 RCS 793 [SCFP]); Goodman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [2000] ACF no 342 (CF 1re inst.)). De plus, si le demandeur soulève une question qui ne peut être déterminée qu’à l’aide d’un enregistrement de ce qui a été prononcé lors de l’audience, l’absence d’une transcription empêche la Cour d’aborder l’enjeu de façon appropriée (Vergunov c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 584 (CF 1re inst.) [Vergunov]).

[21]  Le demandeur maintient que le commissaire a dit, à son retour de la pause, qu’il venait tout juste de remarquer que l’appareil enregistreur ne s’était pas arrêté, mais cette déclaration était trompeuse et fausse, car le commissaire aurait dû remarquer que l’appareil enregistreur n’était pas allumé pendant les deux heures d’audience précédant la pause. De plus, la décision indique que le demandeur et son avocat avaient indiqué sans ambiguïté qu’ils souhaitaient poursuivre l’audience lorsqu’on les a avisés de l’erreur. Le demandeur affirme que [traduction] « sans la transcription de la partie de l’audience suivant la pause, il aurait été impossible de déterminer qui disait la vérité ». Ainsi, l’absence des deux heures d’enregistrement est indispensable au contrôle judiciaire. Le demandeur réplique en affirmant même que le commissaire l’a trompé en le portant à croire que l’appareil enregistreur était allumé pendant les deux premières heures, et que la conduite du commissaire ternissait l’inviolabilité et l’intégrité du processus. Puisque le demandeur ne pouvait s’appuyer sur l’exposé des faits du commissaire à cet égard ni s’y fier, cela équivaut à un manquement au processus procédural incompatible avec la justice naturelle.

[22]  De plus, pendant les deux premières heures de l’audience, le commissaire a soumis le demandeur à un interrogatoire très détaillé sur son orientation sexuelle, la raison de sa crainte de retourner, les personnes dont il se méfie et l’impact de son orientation sexuelle sur son mariage. Le demandeur affirme que la Cour de révision devrait être saisie de cette information afin de déterminer si la décision du commissaire concernant la crédibilité et l’orientation sexuelle du demandeur était raisonnable.

[23]  Le demandeur a déposé un affidavit pour appuyer sa demande de contrôle judiciaire qui aborde, en partie, son allégation de manquement à l’équité procédurale. Il affirme dans cet affidavit que la déclaration du commissaire selon laquelle l’avocat et le demandeur avaient indiqué [traduction] « sans ambiguïté » qu’ils souhaitaient poursuivre l’audience était contredite par la transcription. Il affirme en outre qu’il a une crainte raisonnable de partialité découlant de la conduite du commissaire, soit [traduction] « arrêter l’appareil enregistreur pour une raison inconnue une minute après le début de l’audience; et ne le rallumer que deux heures et demie plus tard ».

Thèse du défendeur

[24]  Le défendeur indique que l’allégation du demandeur selon laquelle le commissaire l’aurait trompé en disant par erreur au demandeur et à son avocat qu’il venait de remarquer que l’appareil enregistreur avait été laissé allumé pendant la pause ne repose sur aucun fondement. Compte tenu des commentaires du commissaire lors de l’audience et de l’absence de preuve contraire, on peut présumer que les problèmes liés à l’appareil enregistreur étaient de nature technique et ne découlaient pas d’une conduite malicieuse du commissaire.

[25]  Le demandeur n’a pas non plus établi que l’absence d’une transcription complète avait donné lieu à un manquement à l’équité procédurale. La loi ne prévoit aucun droit à un enregistrement ou à une transcription des procédures devant la Section de la protection des réfugiés. Par conséquent, l’absence d’une transcription complète ne viole pas, en soi, les règles de justice naturelle. La question est plutôt de savoir si l’absence d’une transcription entrave la capacité du demandeur à contester la décision. Le demandeur doit soulever une question qui a une incidence sur l’issue de l’affaire et qui peut être tranchée que grâce à la transcription de ce qui a été dit à l’audience pour que l’absence de transcription empêche la Cour d’examiner correctement la question (SCFP, aux paragraphes 76 et 81; Huszar, aux paragraphes 17 à 22; Forde c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 80, au paragraphe 20 [Forde]; Agbon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 356, au paragraphe 3 [Agbon]).

[26]  Le défendeur maintient que dans le cas qui nous occupe, le demandeur n’a pas établi que sa capacité à contester la décision avait été entravée par l’absence d’une transcription. La décision de la Section de la protection des réfugiés repose sur la nature frauduleuse des documents produits par le demandeur, que l’on constate à l’examen de ces documents. De plus, les observations du demandeur font référence à des parties pertinentes de la transcription existante, où le commissaire énonce ses préoccupations à l’intention de l’avocat. Le demandeur n’a pas suggéré qu’il s’était passé quelque chose pendant la première moitié de l’audience qui aille à l’encontre de cette discussion ou de ce qui figure dans les motifs. Par conséquent, il est clair que la capacité du demandeur à contester ces conclusions n’a pas été entravée par le fait que la transcription est incomplète (Zheng c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2000] ACF no 2002 (CF 1re inst.), aux paragraphes 4 et 5), et aucun manquement à l’équité procédurale n’a eu lieu.

Analyse

[27]  Selon moi, il n’y a aucun fondement à l’allégation du demandeur selon laquelle le commissaire l’aurait intentionnellement trompé en lui disant que l’appareil enregistreur avait été laissé allumé pendant la pause alors qu’en fait, il avait été éteint pendant les deux heures précédentes. La transcription indique que le commissaire a déclaré, dès la reprise de l’audience, qu’il venait de remarquer que l’appareil enregistreur n’avait pas été éteint pendant la pause. Il a dit qu’il croyait que cela couvrait une période d’environ 26 minutes et qu’il indiquerait au greffe que cette période ne devait pas faire partie du dossier et a demandé si cela était acceptable. L’avocat du demandeur a répondu [traduction] « Ça va ». Le commissaire a poursuivi en indiquant qu’il ne voulait rien connaître des discussions entre le demandeur et son avocat pendant cette période de temps, il a réitéré que cela ne faisait pas partie du dossier et que [traduction] « C’était tout simplement une erreur commise par inadvertance que de laisser l’appareil enregistreur allumé ».

[28]  Dans ses motifs, le commissaire décrit ainsi l’événement dans le contexte de la demande d’audience de novo du demandeur :

[6]  Cette demande a été rejetée puisque le demandeur d’asile a en fait renoncé à formuler toute objection à l’audience. Lorsque j’ai informé le demandeur et son conseil de cette erreur, je leur ai demandé ce qu’ils souhaitaient faire. Ils ont déclaré sans ambiguïtés qu’ils souhaitaient poursuivre l’audience. Je leur ai assuré que j’entendais prendre des mesures afin que cette partie de l’enregistrement soit supprimée du dossier officiel […]

[29]  Bien que la transcription n’indique pas qu’on ait demandé au demandeur et à son avocat s’ils souhaitaient poursuivre, il est clair qu’on les a avisés des préoccupations au sujet de l’erreur et qu’ils ont accepté de continuer de la façon proposée par le commissaire. Il est aussi clair qu’à ce moment-là, le commissaire croyait qu’il y avait eu un contretemps technique et que par inadvertance l’enregistrement s’était poursuivi pendant la pause.

[30]  La transcription n’étaye pas l’affirmation du demandeur selon laquelle le commissaire savait, au moment de cet échange, que l’appareil enregistreur n’avait pas été allumé pendant deux heures et qu’il entendait tromper le demandeur à cet égard. Il n’y a pas, non plus, d’élément de preuve pour appuyer cette grave allégation. Je ne retiens pas plus l’observation du demandeur selon laquelle la façon dont le commissaire a qualifié l’incident met en doute la vérité de l’ensemble de ses conclusions, donnant ainsi lieu à une crainte raisonnable de partialité et à une inférence défavorable quant à l’intégrité du processus.

[31]  La vraie question en l’espèce est de déterminer l’importance du défaut accidentel d’enregistrer deux heures de la procédure et de l’écart en résultant dans la transcription de l’audience.

[32]  Comme l’a souligné la Cour suprême du Canada dans l’arrêt SCFP :

81  En l’absence d’un droit à un enregistrement expressément reconnu par la loi, les cours de justice doivent déterminer si le dossier dont elles disposent leur permet de statuer convenablement sur la demande d’appel ou de révision. Si c’est le cas, l’absence d’une transcription ne violera pas les règles de justice naturelle. Cependant, lorsque la loi exige un enregistrement, la justice naturelle peut nécessiter la production d’une transcription. Étant donné que cet enregistrement n’a pas à être parfait pour garantir l’équité des délibérations, il faut, pour obtenir une nouvelle audience, montrer que certains défauts ou certaines omissions dans la transcription font surgir une « possibilité sérieuse » de négation d’un moyen d’appel ou de révision. Ces principes garantissent l’équité du processus administratif de prise de décision et s’accommodent d’une application souple dans le contexte administratif.

[33]  De plus, un demandeur doit démontrer que le dossier devant le juge de révision offrirait un fondement inadéquat pour ses décisions, ce qui exige plus que des allégations non corroborées (SCFP, aux paragraphes 82 et 84).

[34]  Le critère pour déterminer si un demandeur s’est acquitté du fardeau d’établir qu’un manquement à l’équité procédurale a eu lieu est que le demandeur doit soulever une question qui a une incidence sur l’issue de l’affaire et qui peut uniquement être tranchée grâce à la transcription de ce qui a été dit à l’audience pour que l’absence de transcription empêche la Cour d’examiner correctement la question (Agbon, au paragraphe 3; Huszar, au paragraphe 19; voir aussi Vergunov).

[35]  Dans le contexte des audiences de la Section de la protection des réfugiés, et lorsque la transcription des témoignages oraux comporte des écarts, notre Cour a décidé que l’arrêt SCFP et la décision de la Cour d’appel fédérale dans la décision Kandiah appuient la thèse selon laquelle l’omission d’un tribunal administratif d’enregistrer ses séances ne constitue pas en soi un manquement à l’équité procédurale. En l’absence d’un droit à un enregistrement expressément reconnu par la loi, les cours de justice doivent juger si le dossier dont elles disposent leur permet de statuer convenablement sur la demande (Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 812, au paragraphe 8 [Wang]). Dans la décision Wang, la demanderesse avait produit un affidavit de son témoignage lors de l’audience, et les motifs faisant l’objet du contrôle comportaient des renvois à ce témoignage. La Cour était convaincue que le dossier était suffisant pour procéder au contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de l’immigration.

[36]  De même, dans la décision Forde, la Section d’appel de l’immigration avait omis d’enregistrer environ une heure du témoignage du demandeur. Le demandeur soutenait que l’absence d’une transcription complète nuisait à sa capacité de contester les conclusions défavorables de la Section de la protection des réfugiés. Le juge O’Reilly a conclu que l’existence d’une lacune dans le dossier n’équivalait pas en soi à un manquement à l’équité procédurale. La question était de savoir si la capacité du demandeur à contester les conclusions du décideur avait été compromise (citant Agbon, au paragraphe 3). Le juge O’Reilly a souligné que le demandeur n’avait pas produit d’affidavit pour combler la lacune et qu’il lui avait accordé la possibilité de présenter des observations écrites après l’audience. Ni ces observations ni les motifs de la Section d’appel de l’immigration ne faisaient référence à une partie du témoignage qui aurait pu avoir été donné pendant que l’appareil enregistreur était éteint. Le juge O’Reilly a conclu que, dans ces circonstances, il n’était pas nécessaire de tenir une nouvelle audience.

[37]  Tel que souligné au paragraphe 18 de la décision Huszar, la jurisprudence définit un certain nombre de facteurs à prendre en compte pour déterminer si l’absence de transcription crée une possibilité sérieuse de manquement à l’équité procédurale, notamment :

  • 1) Quels moyens de contrôle ont été invoqués;

  • 2) Quelle est l’importance des conclusions contestées relativement à la revendication du statut de réfugié;

  • 3) Quel est le fondement des conclusions de la Section de la protection des réfugiés;

  • 4) Sur quoi portait la partie de l’audience dont la transcription était manquante... et quelle était l’importance de l’omission dans la transcription relativement aux conclusions contestées;

  • 5) Quel autre moyen le tribunal a-t-il pris pour remédier à l’omission;

  • 6) De quels autres moyens la Cour disposait-elle pour déterminer ce qui s’est passé à l’audition?

[38]  Dans l’affaire dont notre Cour est saisie, le commissaire a conclu que, compte tenu des préoccupations sérieuses en matière de crédibilité soulevées par la présentation, par le demandeur, de documents frauduleux portant sur des aspects importants et substantiels de sa demande, c’est-à-dire les circonstances entourant ses premières expériences homosexuelles alléguées, je conclus que le demandeur avait perdu toute crédibilité. À cet égard, le commissaire a conclu que les lettres des années 1980 et les trois affidavits étaient frauduleux. Il a été conclu que le reste de la preuve documentaire ne faisait pas le poids contre ces préoccupations liées à la crédibilité.

[39]  Par conséquent, l’affirmation du demandeur selon laquelle le commissaire lui aurait posé des questions détaillées sur son orientation sexuelle et autres questions connexes pendant les deux premières heures de l’audience, et que la Cour devrait donc pouvoir disposer de cette information pour déterminer si les conclusions du commissaire liées à la crédibilité et à l’orientation sexuelle étaient raisonnables ne satisfait tout simplement pas au critère. Le demandeur soulève une question de crédibilité, mais ce n’est pas une question qui peut uniquement être tranchée d’après l’enregistrement de ce qui a été dit à l’audience et où l’absence de transcription empêche la Cour d’examiner correctement la question. Le demandeur n’établit aucun lien entre l’information qu’il allègue être absente de la conclusion du commissaire quant à la crédibilité. Le commissaire a cependant indiqué explicitement que le demandeur avait livré un témoignage exempt d’incohérences majeures lorsqu’il a été questionné sur ses anciens partenaires de même sexe et sur son identité bisexuelle alléguée, mais que les lacunes inexpliquées dans les documents produits l’ont amené à conclure qu’ils étaient frauduleux et que le demandeur avait intentionnellement cherché à tromper la Section de la protection des réfugiés. C’est pour cette raison que le commissaire n’a pas cru ce que disait le demandeur pour appuyer sa déclaration concernant son identité sexuelle ou la caste à laquelle il prétendait appartenir.

[40]  Cependant, dans l’affidavit déposé pour appuyer son allégation selon laquelle la lacune dans la transcription constitue un manquement à l’équité procédurale, le demandeur indique qu’il a eu beaucoup de difficulté, lors de l’audience, à expliquer au commissaire la nature d’un Certificat général d’éducation (CGE), délivré par le West African Examination Council, entité responsable des examens externes normalisés que tous les diplômés d’écoles secondaires de l’Afrique occidentale doivent subir, tout comme le test d’aptitude aux études en Amérique du Nord, et les lettres délivrées par une école ou un séminaire locaux. Il a indiqué qu’il croyait que le rejet impatient et précipité par le commissaire de ses explications de la première partie de l’audience l’avait amené à tirer des conclusions erronées et déraisonnables quant à sa demande. De plus, il maintient que le commissaire a fait grand cas de la différence entre d’une part son Certificat général d’éducation, document imprimé dans les années 1980 à l’aide d’un ordinateur et d’une imprimante du West African Examination Council et comportant les perforations classiques des deux côtés du papier à approvisionnement continu, et d’autre part, les lettres délivrées par son séminaire local.

[41]  Selon moi, cela ne soulève qu’un seul point portant sur la question de savoir si la lacune dans la transcription entrave la capacité de la Cour à trancher ce contrôle judiciaire. Ainsi, le commissaire avait-il devant lui des éléments de preuve démontrant que le certificat d’éducation n’avait pas été obtenu du Séminaire, comme le demandeur le prétend maintenant, si cela ne peut être confirmé que par la transcription et est nécessaire pour apprécier le caractère raisonnable des conclusions du commissaire en matière de crédibilité.

[42]  Dans ses motifs, le commissaire indique explicitement que le demandeur avait « produit trois (3) documents du séminaire ». Il indique en outre que, lors de l’audience, il avait comparé les originaux des lettres des années 1980 au certificat d’éducation et avait prié le demandeur d’expliquer pourquoi ces documents, qui dataient tous de la même époque, avaient une apparence si différente. Il a remarqué que le certificat d’éducation était jauni, que ses rebords étaient arrondis et qu’il présentait quelques déchirures. La police utilisée était celle d’une imprimante plus vieille ou de style machine à écrire sur un formulaire type comportant des lisières perforées de chaque côté. Par contraste, les lettres des années 1980 étaient imprimées sur du papier d’un blanc éclatant, les bords étaient plutôt nets et les documents ne présentaient pas de déchirures ni d’autres signes de dégradation et la police utilisée dans les lettres des années 1980 était plus contemporaine. Par ailleurs, les lettres des années 1980 comportaient des armoiries ou un logo dans un encadré noir trop petit et flou pour qu’on puisse lire la devise ou le message qui y figurait. Le commissaire a examiné et rejeté l’explication du demandeur selon laquelle il avait utilisé le certificat d’éducation plus souvent, ce qui expliquait la différence de dégradation entre les deux ensembles de documents. Il a conclu que l’apparence des lettres des années 1980 ne correspondait pas à celle d’un document vieux de 30 ans.

[43]  Le commissaire a aussi noté que, sur le certificat d’éducation, le nom du séminaire était « St. Peter Claver’s Seminary » alors que sur les lettres des années 1980, il s’agissait du « St. Peter Claver Seminary ». Le commissaire a indiqué que, si les lettres des années 1980 étaient authentiques, il se serait attendu à ce qu’elles indiquent correctement le nom de l’établissement l’ayant délivré. Dans la déclaration solennelle en soutien à son formulaire Fondement de la demande d’asile, le demandeur mentionne le Séminaire comme étant « St. Peter Claver Seminary », l’orthographe utilisée dans les lettres des années 1980, lettres frauduleuses selon les conclusions du commissaire. Le commissaire a conclu que le certificat d’éducation était authentique. Il est clair, d’après ses motifs, que le commissaire croyait que le certificat d’éducation et les lettres des années 1980 provenaient de la même source.

[44]  J’ai tendance à croire que, s’il y avait eu témoignage oral expliquant que les deux ensembles de documents avaient été délivrés par des personnes différentes, le commissaire l’aurait mentionné dans ses motifs, compte tenu des motifs détaillés fournis pour rejeter les lettres des années 1980. De plus, un examen de la transcription existante ne porte pas à croire que le demandeur a tenté et eu de la difficulté à expliquer la distinction concernant la source du certificat d’éducation et des lettres des années 1980. Les documents ont été produits comme pièces lorsque l’avocat a commencé son interrogatoire du demandeur, et le commissaire à ce moment-là a exprimé des réserves du fait que le certificat d’éducation était d’une couleur différente, plus dégradé, et avait des perforations des deux côtés des pages que ne comportaient pas les lettres des années 1980. L’avocat du demandeur lui a ensuite posé quelques questions sur le certificat d’éducation, notamment pourquoi il arborait des perforations et certaines lignes et le demandeur lui a répondu qu’il ne le savait pas, que c’était ainsi qu’il l’avait reçu. Le demandeur n’a pas suggéré que des différences pouvaient peut-être s’expliquer par les différentes sources des documents, et son avocat n’a pas tenté d’éclaircir la question, ce à quoi on se serait attendu si le demandeur avait éprouvé de la difficulté à exprimer ce point en réponse aux questions du commissaire.

[45]  Toutefois, si le demandeur, tel qu’il le prétend maintenant, a tenté d’expliquer que le certificat d’éducation et les lettres des années 1980 provenaient de sources différences, les motifs indiquent peut-être que le commissaire aurait laissé échapper ou mal compris la preuve. La difficulté à laquelle est confrontée la Cour est que le témoignage par affidavit du demandeur alléguant un manquement à l’équité procédurale demeure incontesté. Bien que le commissaire ait dit avoir pris des notes détaillées de l’audience, auxquelles il s’est fié pour rendre sa décision, ces notes n’ont pas été fournies ni des extraits de celles-ci. Par conséquent, même s’il était raisonnable pour la Cour d’inférer, d’après les motifs et la transcription existante, qu’il est probable que le demandeur n’a pas affirmé que le certificat d’éducation et les lettres des années 1980 provenaient de sources différentes, sans la partie manquante de la transcription, et en l’absence de contestation des affidavits produits par le demandeur à cet égard, je ne peux répondre à cette question de fait. Dans ces circonstances, je serais contrainte de rendre une conclusion quant à la crédibilité du demandeur selon une inférence du dossier devant la Cour, mais il ne revient pas à notre Cour d’évaluer la crédibilité du demandeur dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[46]  Et il est significatif que ce soit en fonction d’une comparaison du certificat d’éducation et des lettres des années 1980 que le commissaire a conclu que ces dernières étaient frauduleuses. Bien que le commissaire ait conclu que les trois affidavits étaient frauduleux, ce que le demandeur conteste, aucune de ses observations ne porte sur la lacune dans la transcription. Il observe, cependant, que l’erreur du commissaire de conclure que les lettres des années 1980 étaient frauduleuses a porté préjudice à l’opinion du commissaire sur la crédibilité du demandeur.

[47]  Même si je suis d’avis que l’évaluation par le commissaire indiquait que les trois affidavits étaient frauduleux était raisonnable selon les motifs présentés, il demeure que la décision du commissaire reposait aussi sur sa conclusion selon laquelle les lettres des années 1980 étaient frauduleuses. Le commissaire a en outre conclu que les autres documents produits par le demandeur n’étaient d’aucun secours pour contrer la présentation de documents frauduleux et sa conclusion manifestement non fondée repose sur la présentation de documents frauduleux, notamment les lettres des années 1980. Compte tenu de ce qui précède, la Cour n’a d’autre choix que d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire à la Section de la protection des réfugiés pour un nouvel examen, même si l’issue finale pourrait bien être le même.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent de la Section de la protection des réfugiés pour nouvel examen.

  2. Aucune question de portée générale n’est proposée par les parties et l’affaire n’en soulève aucune.

  3. Aucuns dépens ne seront adjugés.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 24e jour de février 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3807-16

 

INTITULÉ :

KIZITO CHIBUZO NWEKE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 février 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 février 2017

 

COMPARUTIONS :

Henry Igbinoba

 

Pour le demandeur

 

Marcia Pritzker Schmitt

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Henry Igbinoba

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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