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Date : 20170214


Dossier : IMM-3258-16

Référence : 2017 CF 188

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 février 2017

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

AJOKE MOSUNMOLA DOSUNMU

OLAJUWON OLAYINKA DOSUNMU

FOLASHADE DOSUMU, MINEUR

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Ajoke Mosunmola Dosunmu (la demanderesse principale) et ses deux enfants (le demandeur secondaire et le demandeur mineur) aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), à l’encontre d’une décision rendue le 28 juin 2016 par la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié selon laquelle les demandeurs n’ont ni qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR (la décision). La demande d’autorisation a été accueillie le 8 novembre 2016.

II.  Exposé des faits

[2]  La demanderesse principale est citoyenne du Nigéria, tout comme le demandeur secondaire, le demandeur mineur ainsi que l’époux de la demanderesse principale (époux). Les demandeurs sont arrivés au Canada et ont présenté des demandes d’asile du fait de leurs opinions politiques, craignant d’être arrêtés, détenus et possiblement assassinés s’ils retournaient au Nigéria. L’époux n’est pas inclus dans cette demande d’asile.

[3]  La demanderesse principale affirme que son époux est un officier de marine retraité qui en a eu assez de la corruption régnant dans l’industrie pétrolière nigériane. Il a présenté une pétition aux autorités dans laquelle il a affirmé détenir des documents incriminants contre de nombreuses personnes haut placées impliquées dans cette industrie pétrolière corrompue.

[4]  La demanderesse principale affirme que la famille est venue au Canada pendant deux semaines en novembre 2015, apparemment pour rendre visite à la famille. L’époux serait retourné au Nigéria avant les demandeurs. Deux jours après son retour, l’époux aurait été arrêté par les autorités à la suite de la pétition qu’il avait rédigée. La demanderesse principale soutient que, lorsque son époux a été arrêté par les autorités, leur maison a été mise sens dessus dessous, que de nombreux documents et effets personnels ont été saisis et que leurs comptes bancaires ont été gelés. Elle affirme que personne n’a été en mesure d’établir le contact avec son époux pendant environ une semaine, auquel moment l’avocat de ce dernier au Nigéria a finalement été autorisé à communiquer avec lui. La demanderesse soutient qu’avant que son époux quitte le Canada, il lui a remis une enveloppe contenant une copie de la pétition ainsi que de nombreux documents prétendument incriminants. Elle indique de plus qu’au cours d’un interrogatoire, son époux a avoué qu’elle était en possession des documents recherchés par les interrogateurs. Elle et ses enfants ont par la suite présenté une demande d’asile au Canada au lieu de rentrer au Nigéria où, selon eux, les autorités les attendent.

III.  Décision

A.  Décision de la Section de la protection des réfugiés

[5]  Le 21 mars 2016, la Section de la protection des réfugiés a conclu que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger. Les questions déterminantes concernaient la crédibilité et le fondement objectif.

[6]  La Section de la protection des réfugiés a conclu que la demanderesse principale n’avait [traduction] « pas fourni suffisamment d’éléments de preuve crédibles ou dignes de foi pour appuyer sa crainte de retourner au Nigéria » et qu’elle avait des préoccupations en matière de crédibilité découlant des contradictions entre le Fondement de la demande d’asile (FDA) de la demanderesse principale et son témoignage. La Section de la protection des réfugiés a également conclu que d’autres irrégularités ont été soulevées et qu’elles n’ont pas été expliquées de façon adéquate.

[7]  La Section de la protection des réfugiés a conclu que la demanderesse principale n’avait pas corroboré un élément central de sa demande du fait qu’elle n’a fourni aucun élément de preuve documentaire pour démontrer que son époux avait accompagné la famille au Canada. La Section de la protection des réfugiés a conclu que les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC) n’indiquaient pas qu’un visa avait réellement été délivré à l’époux et, sans visa, l’époux n’aurait pas pu se rendre au Canada. La Section de la protection des réfugiés a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité qui [traduction] « a entièrement miné le fondement factuel de la demande d’asile », évaluant le témoignage de la demanderesse principale comme étant [traduction] « généralement non crédible ». Compte tenu de cette [traduction« conclusion générale d’absence de crédibilité », la Section de la protection des réfugiés a rejeté les documents à l’appui de la demande de la demanderesse principale et ne leur a accordé aucun poids. La Section de la protection des réfugiés a également conclu que les documents à l’appui de la demande étaient frauduleux ou obtenus de façon frauduleuse [traduction] « dans le but de présenter une fausse demande d’asile ».

[8]  La Section de la protection des réfugiés a conclu que la question de l’intérêt que les autorités auraient porté à l’époux n’était pas crédible compte tenu des éléments de preuve documentaire objectifs contenus dans le cartable national de documentation. La Section de la protection des réfugiés a aussi conclu qu’il était invraisemblable que les autorités s’intéressent à la demanderesse principale, puisqu’elle n’avait pas une connaissance directe des allégations formulées par son époux et que les documents qu’il lui a remis et qui appuieraient les allégations de corruption faisaient tous partie du domaine public. Pour en arriver à cette conclusion, la Section de la protection des réfugiés a fait état des éléments de preuve documentaire objectifs contenus dans le cartable national de documentation. La Section de la protection des réfugiés n’a pas cru l’allégation de la demanderesse principale selon laquelle elle était en possession de documents qui représentaient une grande menace à la rentabilité continue des activités illégales menées par des fonctionnaires et autres dirigeants corrompus. La Section de la protection des réfugiés a tiré la conclusion suivante :

[traduction] « Compte tenu des conclusions de crédibilité défavorables tirées précédemment et de la prépondérance des éléments de preuve documentaire […], la crainte subjective de persécution de la demanderesse principale n’est pas objectivement fondée. La demanderesse principale et ses enfants ne sont pas exposés à une possibilité sérieuse d’être persécutés advenant un retour au Nigéria aujourd’hui. »

[9]  La Section de la protection des réfugiés a donc conclu que le récit de la demanderesse principale n’était pas crédible en général, que la demanderesse principale n’était pas un témoin crédible et qu’elle ne s’était pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait en l’espèce. La Section de la protection des réfugiés a rejeté la demande.

[10]  Les demandeurs ont interjeté appel de cette décision devant la Section d’appel des réfugiés.

B.  Décision de la Section d’appel des réfugiés

[11]  Le 28 juin 2016, la Section d’appel des réfugiés a conclu que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger. À la suite de l’effet cumulatif de ses conclusions, la Section d’appel des réfugiés a finalement conclu que les demandeurs n’étaient pas crédibles, et elle n’a pas cru que les événements décrits par les demandeurs se soient produits de la manière décrite.

[12]  La Section d’appel des réfugiés a refusé d’admettre de nouveaux éléments de preuve à l’appui de l’appel des demandeurs, notamment une copie de ce qui était censé être leur billet d’avion original (qui indiquait le nom de l’époux) ainsi que de nombreuses photos de l’époux qui auraient été prises au moment où les demandeurs se trouvaient au Canada pendant leurs prétendues vacances de novembre 2015. La Section d’appel des réfugiés a conclu que ces documents ne respectaient pas les exigences prévues au paragraphe 110(4) de la LIPR, en ce sens qu’aucune explication n’a été fournie quant à la raison pour laquelle ces documents n’étaient pas disponibles avant que la Section de la protection des réfugiés ne rende sa décision. La Section d’appel des réfugiés a également conclu que le prétendu billet d’avion présenté constituait en fait une réservation de vol et que les photos soumises n’étaient pas datées et offraient peu de contexte. La Section d’appel des réfugiés a de plus conclu que, puisqu’aucun nouvel élément de preuve n’avait été déposé conformément au paragraphe 110(4) de la LIPR, elle ne serait pas en mesure de tenir une audience, comme l’ont demandé les demandeurs en application du paragraphe 110(6).

[13]  La Section d’appel des réfugiés a souligné et résumé les quatre conclusions défavorables majeures tirées par la Section de la protection des réfugiés, reposant sur la crédibilité et le fondement objectif. Elle a jugé non fondée l’allégation des demandeurs voulant que la Section de la protection des réfugiés ait appliqué une norme de preuve plus élevée que celle de la prépondérance des probabilités. La Section d’appel des réfugiés a également conclu que, même si la décision de la Section de la protection des réfugiés aurait pu être mieux organisée, aucune erreur n’avait été commise lorsqu’elle a exigé des éléments de preuve documentaire visant à corroborer l’allégation principale de la demanderesse principale. La Section d’appel des réfugiés a souscrit à la conclusion défavorable tirée par la Section de la protection des réfugiés sur l’absence d’éléments de preuve documentaire corroborant le prétendu voyage de l’époux. Elle a également conclu que l’argument des demandeurs voulant que la Section de la protection des réfugiés n’ait pas donné d’instructions claires et précises au sujet des contradictions qu’elle a relevées dans le témoignage de la demanderesse principale était non fondé. La Section d’appel des réfugiés a estimé que la Section de la protection des réfugiés avait tiré des conclusions claires en matière de crédibilité. Elle a mentionné l’affirmation précédente de la Cour selon laquelle la Commission [traduction] « n’est pas tenue d’informer le demandeur d’asile des préoccupations à l’égard des invraisemblances soulevées par la faiblesse de son témoignage ».

[14]  La Section d’appel des réfugiés a souscrit à l’évaluation des éléments de preuve faite par la Section de la protection des réfugiés, soulignant la faiblesse de l’élément de preuve sur la corruption que la demanderesse principale aurait eu en sa possession, l’absence de renseignements au sujet de dénonciateurs poursuivis par les autorités nigériennes ainsi que les documents concernant les droits de la personne présentés par la demanderesse principale qui traitaient des personnes soupçonnées de crimes et non de celles se trouvant dans une situation semblable à celle de la demanderesse principale. La Section d’appel des réfugiés a souscrit à l’évaluation des éléments de preuve corroborants faite par la Section de la protection des réfugiés (notamment la pétition, les reçus d’expédition de pétrole, les lettres provenant de l’avocat et de l’employeur de l’époux au Nigéria, de même que l’affidavit du frère aîné de l’époux), soulignant que ces éléments de preuve avaient tous été présentés pour confirmer des aspects d’un récit qui n’était pas crédible. La Section d’appel des réfugiés a aussi conclu que les documents n’apportaient aucune crédibilité au récit des demandeurs. Elle a précisé que la grande accessibilité aux documents frauduleux ne suffisait pas en soi à rejeter des documents étrangers au motif qu’il s’agit de faux, mais elle n’a accordé aucun poids aux documents corroborants.

[15]  La Section d’appel des réfugiés a conclu que l’argument des demandeurs voulant que la Section de la protection des réfugiés ait interprété une opinion politique de façon trop restrictive était non fondé. Elle a également conclu que l’argument des demandeurs selon lequel la Section de la protection des réfugiés avait commis une erreur en ne tenant pas compte de faits propres aux demandes d’asile des demandeurs secondaire et mineur était non fondé. La situation de ces derniers n’était pas sensiblement différente, et les demandeurs plus jeunes se sont appuyés sur le récit contenu dans le formulaire FDA de la famille, comme l’a rapporté la demanderesse principale. La Section d’appel des réfugiés a donc confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés et a rejeté l’appel des demandeurs.

[16]  Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel des réfugiés.

IV.  Questions en litige

[17]  Les principales questions en litige dans la présente demande sont de savoir si la Section d’appel des réfugiés a agi raisonnablement en rejetant les nouveaux éléments de preuve présentés, et si les conclusions tirées par la Section d’appel des réfugiés touchant la crédibilité et la vraisemblance étaient raisonnables.

V.  Norme de contrôle

[18]  Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a établi aux paragraphes 57 et 62 qu’il n’est pas nécessaire de se livrer à une analyse pour arrêter la bonne norme de contrôle si « la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ». Lorsqu’elle doit statuer sur une décision de la Section d’appel des réfugiés concernant une conclusion de la Section de la protection des réfugiés, notre Cour doit appliquer la norme de la décision raisonnable. Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, la Cour d’appel fédérale note que la Section d’appel des réfugiés doit examiner les conclusions de la Section de la protection des réfugiés en regard de la norme de la décision correcte, mais qu’elle peut respecter les conclusions de la Section de la protection des réfugiés sur les questions de crédibilité lorsque la Section de la protection des réfugiés jouit d’un « avantage certain ».

[19]  Au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, précité, la Cour suprême du Canada explique ce que doit faire une cour lorsqu’elle effectue une révision selon la norme de la décision raisonnable :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[20]  La Cour suprême du Canada prescrit aussi que le contrôle judiciaire ne constitue pas une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur; la décision doit être considérée comme un tout : Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34. De plus, une cour de révision doit déterminer si la décision, examinée dans son ensemble et son contexte au vu du dossier, est raisonnable : Construction Labour Relations c Driver Iron Inc., 2012 CSC 65; voir aussi l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62.

[21]  La crédibilité constitue la question centrale des deux décisions de la Section d’appel des réfugiés et de la Section de la protection des réfugiés. Il convient donc d’énoncer le droit applicable à cet égard, qui a récemment été résumé dans la décision Khakimov c Canada, 2017 CF 18 :

Pour commencer, la SPR a un vaste pouvoir discrétionnaire qui lui permet de retenir certains éléments de preuve plutôt que d’autres, et de déterminer le poids à accorder à ceux qu’elle retient : Medarovik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 61, au paragraphe 16; Pushpanathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 867, au paragraphe 68. La Cour d’appel fédérale a statué que les conclusions de fait et les conclusions sur la crédibilité constituaient l’essentiel de l’expertise de la SPR : Giron c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 143 NR 238 (CAF). La SPR est reconnue en tant que tribunal spécialisé à l’égard des revendications du statut de réfugié et elle est statutairement autorisée à appliquer sa spécialisation : Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 805, au paragraphe 10. Et dans l’arrêt Siad c Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 CF 608, au paragraphe 24 (CAF), la Cour d’appel fédérale a indiqué que la SPR :

[…] se trouve dans une situation unique pour apprécier la crédibilité d’un demandeur du statut de réfugié. Les décisions quant à la crédibilité, qui constituent « l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits » doivent recevoir une déférence considérable à l’occasion d’un contrôle judiciaire, et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve.

[24]  La SPR peut tirer des conclusions sur la crédibilité fondées sur des invraisemblances, le bon sens et la raison, mais elle ne doit pas tirer de conclusions défavorables après avoir examiné « à la loupe » des éléments qui ne sont pas pertinents ou qui sont accessoires à la revendication du demandeur : Haramichael c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 1197, au paragraphe 15, citant Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, aux paragraphes 10 et 11 [Lubana]; Attakora c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] ACF no 444. La SPR peut rejeter des preuves non réfutées si celles-ci « ne sont pas compatibles avec les probabilités propres à l’affaire dans son ensemble, ou si elle relève des contradictions dans la preuve » : Lubana, précitée, au paragraphe 10. La SPR peut également conclure à bon droit que le demandeur n’est pas crédible « à cause d’invraisemblances contenues dans la preuve qu’il a présentée, dans la mesure où les inférences qui sont faites ne sont pas déraisonnables et que les motifs sont formulés “en termes clairs et explicites” » : Lubana, précitée, au paragraphe 9.

VI.  Discussion

A.  Question concernant l’admissibilité de nouveaux éléments de preuve

[22]  Je ne suis pas convaincu que la Section d’appel des réfugiés a agi déraisonnablement en refusant d’admettre les nouveaux éléments de preuve proposés. La Section d’appel des réfugiés a fait remarquer avec raison l’obligation des demandeurs de satisfaire aux exigences prévues au paragraphe 110(4) de la LIPR, qui comprennent le fait d’expliquer pourquoi ces documents n’étaient pas disponibles dans un délai raisonnable, avant ou après que la Section de la protection des réfugiés a rendu sa décision. Je remarque que les demandeurs ont pu remplir des certificats de naissance après l’audience, mais avant que la décision soit rendue, ce qui aurait aussi pu être le cas pour les nouveaux éléments de preuve qu’ils ont voulu présenter à la Section d’appel des réfugiés. Aucun des éléments de preuve n’explique le retard. Il était évident que, d’après l’interrogatoire devant la Section de la protection des réfugiés, il était nécessaire de présenter d’autres éléments de preuve. Je constate que devant la Section de la protection des réfugiés, les demandeurs étaient représentés par un avocat différent de celui qui les représentait devant la Section d’appel des réfugiés et la Cour.

[23]   Je suis d’avis que le prétendu billet d’avion présenté était en fait une réservation de vol, comme l’a indiqué la Section d’appel des réfugiés. Il semblerait que, d’après ce document, l’époux avait le droit d’entrer au Canada, mais telle n’était pas la question devant la Section d’appel des réfugiés. Bien que des numéros de reçu de billet électronique figuraient sur la réservation du vol non datée, cette réservation ne démontre pas que l’époux a réellement pris l’avion à destination du Canada avec sa famille, ou à n’importe quel autre moment d’ailleurs. Comme l’a mentionné la Section d’appel des réfugiés, la réservation du vol ne comportait pas de date de délivrance non plus, ce qui, à mon avis, démontre également le caractère raisonnable de la décision de la Section d’appel des réfugiés.

[24]  Quant aux photos, la Section d’appel des réfugiés a raisonnablement conclu qu’elles n’étaient pas datées et qu’elles fournissaient peu de contexte. Je suis d’avis que cette conclusion était généreuse puisqu’en fait, les photos ont été déposées en l’absence de tout contexte de preuve. La question avait pour but de déterminer si l’époux était réellement entré au Canada au moment allégué, ce que les photographies ne permettent pas d’établir. Bien que d’après les photos, il semble que l’époux était au Canada à une certaine époque, rien au dossier n’indique à quel moment. La décision de la Section d’appel des réfugiés de rejeter les nouveaux éléments de preuve était donc raisonnable. À cet égard, la prétention des demandeurs selon laquelle la plupart (ou une bonne partie) des nouveaux éléments de preuve ont été rejetés en raison de la preuve sur la situation dans le pays portant sur la présence importante de documents frauduleux au Nigéria n’est pas fondée. Je suis d’avis qu’il ne s’agit que de l’un des nombreux facteurs pertinents examinés par la Section d’appel des réfugiés.

B.  Question de savoir si les conclusions tirées par la Section d’appel des réfugiés touchant la crédibilité et la vraisemblance étaient raisonnables

[25]  Je suis d’avis qu’il faut répondre affirmativement à cette question. Bien que la Section d’appel des réfugiés doive examiner les décisions de la Section de la protection des réfugiés selon la norme de la décision correcte, la Section d’appel des réfugiés peut s’en remettre aux conclusions de la Section de la protection des réfugiés relatives à la crédibilité. Je suis d’avis que la Section d’appel des réfugiés l’a raisonnablement fait en l’espèce. L’intégralité des décisions de la Section de la protection des réfugiés et de la Section d’appel des réfugiés en l’espèce est fondée sur une constatation générale touchant le manque de crédibilité et sur des conclusions d’invraisemblance. Je suis d’avis que, dans de telles circonstances, la Cour doit faire preuve d’une retenue considérable.

[26]  La Section d’appel des réfugiés a agi raisonnablement en retenant les conclusions d’invraisemblance tirées par la Section de la protection des réfugiés. L’analyse de la Section d’appel des réfugiés et les conclusions d’invraisemblance qu’elle a tirées des allégations de crainte de la demanderesse principale et de son époux, bien qu’elles ne constituent pas la seule option offerte, étaient des options auxquelles elle pouvait recourir à la lumière du dossier et des faits de l’espèce. La Section d’appel des réfugiés a raisonnablement conclu que la Section de la protection des réfugiés avait le droit de tirer des conclusions défavorables quant à la crédibilité pour des raisons d’invraisemblance : Arubi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 36, juge Scott. La Section d’appel des réfugiés a également raisonnablement rejeté la principale allégation des demandeurs selon laquelle les familles (comme celles des demandeurs) des dénonciateurs (comme l’époux) présentent un intérêt pour les fonctionnaires corrompus du Nigéria, surtout compte tenu de l’absence de soutien objectif de cette allégation ainsi que du manque total d’explications quant à savoir pourquoi ce serait le cas. Il incombait aux demandeurs d’établir le bien-fondé de leurs demandes. La Section d’appel des réfugiés a raisonnablement conclu que [traduction] « les éléments de preuve d’une prétendue corruption sont négligeables et que d’autres personnes peuvent facilement y avoir accès ». Les conclusions d’invraisemblance découlent directement des propres éléments de preuve des demandeurs selon lesquels ils sont recherchés par les autorités et les dirigeants du Nigéria ainsi que du défaut de la demanderesse principale d’étayer cette allégation. Je ne suis pas convaincu que cette conclusion est déraisonnable compte tenu des éléments de preuve, du bon sens et de la logique.

[27]  En ce qui a trait à l’allégation selon laquelle la Section d’appel des réfugiés n’a pas évalué la demande d’asile des deux enfants, encore une fois, je ne suis pas convaincu que la Section d’appel des réfugiés a agi de façon déraisonnable ou incorrecte. Elle a raisonnablement conclu que rien n’indiquait que la situation des enfants était [traduction] « sensiblement différente de celle de la demanderesse principale ». Cette conclusion était raisonnable compte tenu du fait que les allégations des enfants étaient liées à celles de la demanderesse principale. En l’espèce, les allégations des enfants ont été affaiblies par les réserves de la Section d’appel des réfugiés relativement à la crédibilité des faits allégués par la demanderesse principale, et ce, à juste titre. Les trois demandeurs se sont appuyés sur les faits sous-jacents au récit du formulaire FDA de la demanderesse principale.

[28]  Le contrôle judiciaire comprend l’examen des motifs et du dossier, formant un tout. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, le contrôle judiciaire n’est pas une chasse au trésor, à la recherche d’une erreur. Je suis d’avis que la décision de la Section d’appel des réfugiés appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, conformément à l’arrêt Dunsmuir. Par conséquent, le contrôle judiciaire doit être rejeté.

VII.  Question à certifier

[29]  Aucune des parties n’a proposé de question à certifier et, à mon avis, aucune question ne se pose.

VIII.  Conclusions

[30]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n’est certifiée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire, sans aucune question à certifier et aucune ordonnance quant aux dépens.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 30e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3258-16

 

INTITULÉ :

AJOKE MOSUNMOLA DOSUNMU, OLAJUWON OLAYINKA DOSUNMU, FOLASHADE DOSUNMU, MINEUR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 JANVIER 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 FÉVRIER 2017

 

COMPARUTIONS :

Roy C. Amadi

POUR LES DEMANDEURS

 

Suzanne M. Bruce

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Roy C. Amadi

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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