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Date : 20170213


Dossier : IMM-3172-16

Référence : 2017 CF 180

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 13 février 2017

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

TAJINDER PREET KAUR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’instance

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). La demanderesse demande la révision judiciaire d’une décision rendue par un agent d’immigration d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (l’agent), par laquelle l’agent a rejeté sa demande de visa de résidente permanente présentée au titre de la catégorie de l’expérience canadienne (CEC), en application du paragraphe 87.1 (2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).

II.  Rappel des faits

[2]  La demanderesse est une citoyenne de l’Inde, âgée de 24 ans.

[3]  En avril 2011, un permis d’études lui a été délivré et la demanderesse est arrivée au Canada pour étudier au Columbia College de Vancouver, où elle a obtenu un diplôme en psychologie, en décembre 2013. Un permis de travail postdiplôme lui a ensuite été délivré pour une période de trois ans.

[4]  La demanderesse a travaillé chez Burger King, d’abord comme serveuse au comptoir de février 2013 à décembre 2013, puis comme surveillante d’équipe, de décembre 2013 à avril 2015. Depuis juin 2015, elle travaille au Milestones Grill and Bar, à titre de superviseure des services alimentaires.

[5]  Le 21 mars 2015, la demanderesse a présenté une demande de résidence permanente dans le cadre du Programme des candidats des provinces de la Colombie-Britannique, à titre de superviseure des services alimentaires chez Milestones Grill and Bar.

III.  Décision

[6]  Le 13 juillet 2016, un agent d’immigration a jugé que la demanderesse n’avait pas satisfait aux exigences minimales pour la délivrance d’un visa de résidente permanente au titre de la catégorie de l’expérience canadienne, et donc qu’elle n’était pas admissible comme candidate d’une province. L’agent n’était pas convaincu que la demanderesse avait satisfait aux exigences des alinéas 87.1(2)b) et c) du Règlement, car elle n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve démontrant les tâches et les fonctions qu’elle avait accomplies durant son emploi.

[7]  Le 14 juillet 2016, la demanderesse a présenté une demande de réexamen de la décision et fourni des renseignements supplémentaires sur son emploi. L’agent a décidé de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire et de ne pas réexaminer la demande.

[8]  Le 26 juillet 2016, la demanderesse a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision de l’agent.

IV.  Questions en litige

[9]  La présente affaire soulève les questions suivantes :

  • 1) L’agent a-t-il fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments de preuve dont il disposait?

  • 2) L’agent a-t-il contrevenu au principe de justice naturelle?

[10]  La norme de contrôle qui s’applique à la décision de l’agent est celle de la décision raisonnable, alors que la question de l’équité procédurale doit être examinée en regard de la norme de la décision correcte (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47; Mehfooz c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 165, aux paragraphes 9 à 11 [Mehfooz]; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43).

V.  Dispositions pertinentes

[11]  Le paragraphe 87.1(2) du Règlement définit les exigences à respecter pour obtenir la résidence permanente au Canada au titre de la catégorie de l’expérience canadienne :

87.1 (2) Fait partie de la catégorie de l’expérience canadienne l’étranger qui satisfait aux exigences suivantes :

87.1 (2) A foreign national is a member of the Canadian experience class if

a) l’étranger a accumulé au Canada au moins une année d’expérience de travail à temps plein, ou l’équivalent temps plein pour un travail à temps partiel, dans au moins une des professions, autre qu’une profession d’accès limité, appartenant au genre de compétence 0 Gestion ou aux niveaux de compétence A ou B de la matrice de la Classification nationale des professions au cours des trois ans précédant la date de présentation de sa demande de résidence permanente;

(a) they have acquired in Canada, within the three years before the date on which their application for permanent residence is made, at least one year of full-time work experience, or the equivalent in part-time work experience, in one or more occupations that are listed in Skill Type 0 Management Occupations or Skill Level A or B of the National Occupational Classification matrix, exclusive of restricted occupations; and

b) pendant cette période d’emploi, il a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession dans les descriptions des professions de la Classification nationale des professions;

(b) during that period of employment they performed the actions described in the lead statement for the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification;

c) pendant cette période d’emploi, il a exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession figurant dans les descriptions des professions de la Classification nationale des professions, notamment toutes les fonctions essentielles;

(c) during that period of employment they performed a substantial number of the main duties of the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification, including all of the essential duties;

d) il a fait évaluer sa compétence en français ou en anglais par une institution ou une organisation désignée en vertu du paragraphe 74(3) qui utilise un test d’évaluation linguistique approuvé en vertu de ce paragraphe et les résultats de ce test démontrent qu’il a obtenu, pour chacune des quatre habiletés langagières, le niveau de compétence applicable établi par le ministre en vertu du paragraphe 74(1);

(d) they have had their proficiency in the English or French language evaluated by an organization or institution that is designated under subsection 74(3) using a language test that is approved under that subsection, the results of which must indicate that the foreign national has met the applicable threshold that is fixed by the Minister under subsection 74(1) for each of the four language skill areas; and

e) s’il a acquis l’expérience de travail visée à l’alinéa a) dans le cadre de plus d’une profession, il a obtenu le niveau de compétence en anglais ou en français établi par le ministre en vertu du paragraphe 74(1) à l’égard de la profession pour laquelle il a acquis le plus d’expérience au cours des trois années visées à l’alinéa a).

(e) in the case where they have acquired the work experience referred to in paragraph (a) in more than one occupation, they meet the threshold for proficiency in the English or French language, fixed by the Minister under subsection 74(1), for the occupation in which they have acquired the greater amount of work experience in the three years referred to in paragraph (a).

VI.  Observations des parties

A.  Observations de la demanderesse

[12]  Le principal argument de la demanderesse est que l’agent a fait une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’évaluation qui a été faite par la province de la Colombie-Britannique et qui lui a permis d’obtenir un certificat de désignation à titre de candidate d’une province. Si l’agent avait voulu réévaluer la capacité de la demanderesse à réussir son établissement économique au Canada, il aurait dû suivre les directives énoncées aux paragraphes 87(1) et (3) du Règlement. De plus, si l’agent avait quelque réserve au sujet du certificat de désignation de la demanderesse, il aurait dû consulter les autorités provinciales qui ont délivré ce certificat avant de substituer sa propre appréciation de la capacité de la demanderesse à réussir son établissement économique au Canada (Wai c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 780).

[13]  La demanderesse fait valoir que l’agent a commis une erreur de droit en ne respectant pas les dispositions des paragraphes 87(1) à (4) du Règlement et en n’évaluant pas sa demande en vertu du Programme des candidats des provinces pour lequel elle répondait à tous les critères. Elle soutient que l’agent a commis une erreur de droit en appréciant sa demande au titre de la catégorie de l’expérience canadienne.

[14]  L’agent invoque le fait que la lettre d’emploi de la demanderesse provenant de Burger King ne précise pas les tâches et les responsabilités permettant d’attester de son expérience de travail. La demanderesse soutient que l’agent aurait dû lui donner la possibilité de remplir sa demande et de la soumettre à nouveau avant de la rejeter. En omettant de donner à la demanderesse l’occasion de remplir sa demande, l’agent a contrevenu au principe d’équité procédurale (Hassani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283).

B.  Observations du défendeur

[15]  À titre de question préliminaire, le défendeur fait valoir que la pièce B de l’affidavit de la demanderesse devrait être radiée du dossier, car l’agent n’en avait pas été saisi lorsqu’il a rendu sa décision (Laboratoires Abbott Limitée c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 354, aux paragraphes 35 à 38; Puida c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 781, au paragraphe 81).

[16]  Le défendeur prétend que l’agent ne disposait d’aucun élément de preuve démontrant que la demanderesse a accompli les tâches correspondant aux fonctions principales d’un superviseur des services alimentaires. De plus, rien dans les éléments de preuve n’indique que la demanderesse a cumulé l’année d’expérience de travail qualifié exigée pour être admissible au titre de la catégorie de l’expérience canadienne.

[17]  Le défendeur soutient en outre que l’appréciation de la demanderesse, sur laquelle repose sa décision, a été faite en fonction des exigences énoncées à l’article 87.1 du Règlement (catégorie de l’expérience canadienne), car c’est au titre de cette catégorie que la demande a été présentée.

[18]  Le défendeur ne croit pas qu’il y ait eu manquement à l’équité procédurale, car l’agent n’était pas tenu de donner à la demanderesse l’occasion de remplir sa demande. La demanderesse aurait dû connaître les exigences auxquelles elle devait satisfaire, mais elle a néanmoins présenté une demande déficiente (Obeta c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1542, aux paragraphes 15, 25 et 26; Singh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 526, au paragraphe 52).

C.  Réponse de la demanderesse

[19]  En réponse à ces observations, la demanderesse fait valoir qu’elle a présenté sa demande de résidence permanente au titre du Programme des candidats des provinces, et non de la catégorie de l’expérience canadienne comme le prétend le défendeur.

[20]  Elle soutient également que l’agent a omis de tenir compte adéquatement de sa demande de réexamen et que cela constitue un manquement au principe de justice naturelle, car le principe de dessaisissement ne s’applique pas en l’espèce.

VII.  Analyse

[21]  Pour les motifs exposés ci-dessous, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

A.  Question préliminaire

[22]  En ce qui a trait à la question préliminaire, la pièce B de l’affidavit de la demanderesse devrait être radiée, car l’agent n’en avait pas été saisi avant qu’il rende sa décision. Il est en effet acquis en matière jurisprudentielle que l’audience dans le cadre d’un contrôle judiciaire doit être fondée sur le dossier dont disposait le décideur au moment de rendre sa décision (Ghirmatsion c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 519, au paragraphe 11).

B.  Évaluation de la demanderesse au titre de la catégorie de l’expérience canadienne

[23]  La demanderesse fait valoir que l’agent aurait dû évaluer sa demande en tenant compte de son certificat de désignation à titre de candidate d’une province, et non dans le cadre de la catégorie de l’expérience canadienne. Cependant, la lettre qu’elle a reçue le 5 février 2016 d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada établissait clairement ce qui suit :

[traduction] Une personne désignée au titre du Programme des candidats des provinces en vertu du système d’Entrée express doit également satisfaire aux exigences d’au moins un programme fédéral d’immigration (Programme des travailleurs qualifiés [fédéral], Programme des travailleurs de métiers spécialisés [fédéral] et/ou Catégorie de l’expérience canadienne).

[24]  L’agent n’a donc pas commis d’erreur en évaluant la demanderesse au titre de la catégorie de l’expérience canadienne.

C.  Équité procédurale

[25]  L’agent n’avait pas l’obligation d’informer la demanderesse que sa demande était incomplète, ni n’était-il tenu de lui donner l’occasion de remplir tous les documents requis qui n’avaient pas été joints à la demande présentée. Il incombait à la demanderesse de s’assurer qu’elle répondait à toutes les exigences de la loi. Elle avait le devoir de présenter une demande complète, ce qu’elle n’a pas fait (Mehfooz, précité, aux paragraphes 12 et 13).

VIII.  Conclusion

[26]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3172-16

INTITULÉ :

TAJINDER PREET KAUR c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 février 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge SHORE

DATE DES MOTIFS :

Le 13 février 2017

COMPARUTIONS :

Baldev Sandhu

Pour la demanderesse

Timothy Fairgrieve

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sandhu Law Office

Surrey (Colombie-Britannique)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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