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Date : 20161214


Dossier : T-1958-14

Référence : 2016 CF 1376

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2016

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

MICHAEL ROSENBERG

demandeur

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’égard des activités du ministre du Revenu national concernant un particulier, M. Michael Rosenberg. Plus précisément, M. Rosenberg conteste une lettre de demande envoyée par le ministre le 7 janvier 2013, où il demandait à obtenir des renseignements détaillés sur certains aspects des déclarations de revenus de M. Rosenberg et d’autres entités pour les années d’imposition 2006 et 2007.

[2] Pour être plus précis, le demandeur prétend qu’il faut déclarer que la demande de renseignements datée du 7 janvier 2013 enfreint une entente qu’il a conclue avec un représentant du ministre le 19 février 2010. La lettre de demande porte sur les mêmes [traduction] « transactions chevauchantes » visées par l’[traduction] « entente » de février 2010.

I. Historique de la procédure

[3] La présente affaire a connu un historique procédural quelque peu mouvementé avant de se retrouver devant la Cour en tant que demande de contrôle judiciaire. Au départ, le demandeur demandait à faire homologuer l’« entente » qui fera l’objet d’une grande partie de la discussion devant la Cour par la Cour supérieure du Québec. Le demandeur a demandé à obtenir une déclaration selon laquelle ladite « opération » de février 2010 empêche le ministre défendeur de demander des renseignements aux termes de l’article 231.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC (1985), c 1 (5e suppl.) (LIR). Ladite demande de renseignements devait être retirée et aucune autre demande de renseignements du genre ne devait être présentée pour les années d’imposition 2006 et 2007.

[4] La Cour supérieure du Québec, dans la décision Rosenberg c Agence du revenu du Canada, 2014 QCCS 685, s’est ralliée à l’Agence du revenu du Canada, qui soutenait que la Cour supérieure n’avait pas compétence, conformément aux articles 163 et 164 du Code de procédure civile (CPC).

[5] La décision a été portée en appel devant la Cour d’appel du Québec (2014 QCCA 1651). La Cour a conclu que l’instance devant la Cour supérieure n’avait pas comme fin véritable l’homologation et s’est exprimée ainsi :

[18] L’homologation de la transaction n’est, en l’espèce, que le véhicule procédural emprunté par l’appelant pour amener devant la Cour supérieure du Québec un débat visant à contrecarrer l’exercice des pouvoirs de vérification et d’enquête attribués au ministre par la L.i.r. et ultimement celui d’émettre une nouvelle cotisation.

[19] La nature du recours entrepris par l’appelant consistant essentiellement en une demande de contrôle judiciaire des actes de l’intimée, au sens de l’article 18 L.c.f., il relève de la compétence exclusive de la Cour fédérale.

[TRANSLATION]

[18] The homologation of the transaction, in this case, is merely the procedural vehicle used by the Plaintiff to bring before the Superior Court of Quebec a debate aiming to restrict the auditing and investigation powers of the minister under the ITA and ultimately the power to issue a reassessment.

[19] Since the proceeding instituted by the Plaintiff is essentially an application for judicial review of the Respondent’s actions, under section 18 of the FCA, it falls under the exclusive jurisdiction of the Federal Court.

[6] Confronté à cette décision définitive de la province de Québec, le demandeur s’est tourné vers la Cour fédérale, mais il a intenté une poursuite contre le ministre du Revenu national plutôt que de demander le contrôle judiciaire. Le ministre a présenté une requête en radiation de l’action intentée par M. Rosenberg aux termes de l’article 221 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. La Cour fédérale a également été saisie d’une autre procédure, sous la forme d’une demande sommaire aux termes de l’article 231.7 de la LIR, visant à obtenir une ordonnance enjoignant à M. Rosenberg de fournir des documents et des renseignements conformément à la demande de renseignements faite aux termes de l’article 231.1 de la LIR. La demande sommaire demeure en suspens.

[7] La juge Marie-Josée Bédard, alors juge de la Cour, a conclu que la requête en radiation ne répondait pas à l’exigence selon laquelle il était évident et manifeste que l’action était vouée à l’échec (Hunt c Carey Canada Inc, [1990] 2 RCS 959). À mon avis, l’affaire est bien articulée au paragraphe 40 de la décision de la Cour (2015 CF 549) :

[40] Les parties n’ont pas soumis de décisions dans lesquelles les tribunaux se seraient prononcés à l’égard de la validité d’ententes entre la ministre et des contribuables qui impliqueraient une renonciation ou une restriction des pouvoirs de vérification de la ministre, mais la question se pose. En l’espèce, le litige consiste en outre à déterminer si l’Entente traite des pouvoirs de vérification de la ministre et, le cas échéant, si elle a restreint le pouvoir de la ministre de procéder à une nouvelle vérification des opérations de straddling auxquelles Monsieur Rosenberg a participé en 2006 et 2007 et si l’Entente est valide.

[8] Après avoir conclu que la requête en radiation était vouée à l’échec, la juge Bédard a ensuite conclu que l’action en jugement déclaratoire présentée par M. Rosenberg ne constituait pas le recours approprié dans les circonstances. La Cour est d’avis que, lorsqu’il agit en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 231.1 de la LIR, le ministre est visé par la définition du terme « office fédéral ». En l’espèce, le demandeur se fonde sur une entente conclue avec le ministre afin de s’opposer à l’exercice des pouvoirs prévus à l’article 231.1 au motif que cette entente et contraignante et valide. Vu les types de recours demandés dans l’action en jugement déclaratoire, la Cour était d’avis que la procédure appropriée, conformément au paragraphe 18(3) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7 (LCF), serait une demande de contrôle judiciaire présentée en application de l’article 18.1 de la LCF.

[9] Je mentionne que dans l’« Avis de demande de contrôle judiciaire suite aux directives de Madame la juge Bédard du 28 avril 2015 » présenté par M. Rosenberg à la suite de la décision rendue par mon ancienne collègue, le recours demandé est plus limité que celui qui était demandé dans l’action en jugement déclaratoire. Dans cette action, le demandeur, M. Rosenberg, demandait à obtenir une déclaration et une mesure injonctive. En l’espèce, seul le jugement déclaratoire fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire. Les paragraphes appropriés de la demande de contrôle judiciaire sont rédigés ainsi :

(a) DÉCLARER qu’en date du 19 février 2010 une Entente est intervenue entre le Demandeur et la Défenderesse, que les parties sont liées par cette Entente et qu’elles doivent s’y conformer;

(b) DÉCLARER que, par conséquent:

i) la demande de renseignements et documents datée du 7 janvier 2014 (la « Demande de Renseignements et Documents ») contrevient à l’Entente et le Demandeur n’a aucune obligation d’y donner suite; et

ii) la Défenderesse ne peut cotiser à nouveau le Demandeur pour les années d’imposition 2006 et 2007 en ce qui concerne les opérations de stellage (« straddling ») faisant l’objet de l’Entente.

[TRANSLATION]

(a) DECLARE that on February 19, 2010, an Agreement came into effect between the Plaintiff and Defendant, that the parties are bound by this Agreement, and that they must comply with it;

(b) DECLARE that, as a result:

i) the January 7, 2014, request for information and documents (the “Request for Information and Documents”) violates the Agreement, and the Plaintiff has no obligation to comply with it; and

ii) the Defendant cannot reassess the Plaintiff for the tax years 2006 and 2007 for the straddling operations subject to the Agreement.

II. Les faits

[10] Les faits ont été établis par la production de deux affidavits. M. Rosenberg a présenté son propre affidavit ainsi qu’un certain nombre de documents, tout comme l’a fait le vérificateur Marc-André Désilets. Aucun des auteurs n’a été contre-interrogé sur son affidavit. M. Désilets n’est pas le vérificateur qui a signé l’entente de février 2010. Ce vérificateur n’a présenté aucun élément de preuve en l’espèce.

[11] Les faits ne sont pas contestés. Le débat entre les parties porte sur l’entente de février 2010. Il faut néanmoins présenter des renseignements généraux pour comprendre le contexte ayant mené à la conclusion de ladite entente. Le demandeur était le seul actionnaire ordinaire de deux sociétés, 4341350 Canada Inc. et 4341376 Canada Inc. La société 4341350 agissait à titre de prête-nom pour le demandeur, son épouse et leur fiducie familiale, de concert avec la société 4341376 dans le cadre de certaines « transactions chevauchantes » effectuées au cours des années d’imposition 2006 et 2007. Pour nos besoins, il n’est pas nécessaire d’entrer dans la complexité des transactions et de leur structure. Il suffit de savoir qu’elles impliquaient de prendre des pertes d’entreprise subies au cours d’une année et de transformer la vente de sociétés en nom collectif en gains en capital l’année suivante. En l’espèce, les pertes d’entreprise sont survenues en décembre 2006 et les gains en capital ont été réalisés au début de l’année 2007. Étant donné que l’inclusion des pertes d’entreprises (100 % des pertes) et des gains en capital (les gains en capital sont imposables à 50 %) est différente, le contribuable est avantagé.

[12] Le 17 octobre 2008, un vérificateur de l’Agence du revenu du Canada (Agence) a informé les contribuables que l’Agence avait amorcé une vérification de la conformité en matière d’impôt sur le revenu pour leurs années d’imposition 2006 et 2007.

[13] Du 28 octobre 2008 au mois de mars 2010, le vérificateur de l’Agence a rencontré les contribuables et leurs représentants, avec qui il a échangé des renseignements et documents sur les transactions chevauchantes, survenues en 2006 et en 2007. Une lettre datée du 19 février 2010 rédigée par le vérificateur et signée par le contribuable et le vérificateur est devenue la soi-disant « entente » qui fait l’objet du présent litige. C’est la nature de ce document, ses effets et sa validité qui sont visés par la présente demande de contrôle judiciaire. Il sera donc nécessaire d’examiner en profondeur un document d’à peine deux pages. L’entente est reproduite intégralement à l’annexe « 1 » des présents motifs et jugement.

[14] Les parties ne s’entendent pas sur la portée de l’entente; si l’entente a la portée qu’allègue le demandeur, le ministre soutient qu’elle est nulle et non avenue.

III. L’entente

[15] Les trois premiers paragraphes du document du 19 février 2010 exposent le contexte entourant la conclusion d’une « entente ». Dès le départ, l’Agence, qui est l’auteure du document, déclare que [traduction] « [n]ous avons terminé notre vérification et notre examen […] ». Le document expose précisément son objet ainsi : [traduction] « Notre vérification visait principalement les contribuables agissant en tant que coentrepreneurs d’une société en nom collectif générale non-résidente désignée sous le nom de “Mazel Partners G.P.”, avec un accent particulier sur des pertes d’entreprise subies en 2006 et sur le gain en capital subséquent déclaré en 2007 […] ». L’introduction de l’« entente » se poursuit en désignant l’avocat ayant pris part aux discussions avec l’Agence. Le document explique ensuite ce qui semble être une incertitude à propos de la source et de la nature de la perte et du revenu, à la lumière d’une décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Friedberg c Canada, 47 DTC 5507, [1993] 4 RCS 285 [Friedberg]. Aucun détail n’est indiqué.

[16] Au quatrième paragraphe de l’« entente », on définit la concession faite par l’Agence dans les circonstances. Après examen de la jurisprudence, des politiques publiées, des commentaires et des dispositions législatives actuelles liées aux transactions chevauchantes, [traduction] « l’Agence du revenu du Canada (l’« Agence ») est, dans le contexte actuel (non souligné dans l’original), satisfaite des positions de déclaration adoptées par les contribuables, ce qui signifie qu’elle ne procédera pas à l’établissement de nouvelles cotisations pour les années d’imposition indiquées dans la rubrique, hormis une révision apportée au gain en capital déclaré au départ par MCRFT pour son année d’imposition 2007 ». [Non souligné dans l’original.]

[17] En échange du fait d’accepter de ne pas procéder à l’établissement de nouvelles cotisations pour les années d’imposition, le vérificateur, s’exprimant au nom de l’Agence, indique que [traduction] « par les présentes, nous demandons aux contribuables de s’abstenir de mener toute transaction s’apparentant à une “transaction chevauchante” aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada et de cesser de recourir à cette pratique ». Avant de présenter ces demandes, l’Agence renvoie de nouveau au « vide technique » issu de l’arrêt Friedberg. Les deux paragraphes suivants de l’« entente » étoffent la demande présentée aux contribuables de s’abstenir d’effectuer des transactions « chevauchantes » aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada et de cesser de recourir à cette pratique. Ainsi, le sixième paragraphe vise à s’assurer que l’engagement pris par les contribuables a force exécutoire pour l’épouse du demandeur et leurs exécuteurs futurs. Qui plus est, au paragraphe 7, on vise à indiquer encore plus clairement que les contribuables ne mettront pas à l’abri d’autres inclusions de revenu provenant d’autres sources de revenus en menant des transactions chevauchantes. La « clause d’exception » en faveur des contribuables pour les années subséquentes se limite aux opérations qui seraient permises par un énoncé de politique, une autre prise de position de l’Agence ou un nouveau jugement définitif de la Cour.

[18] Le lecteur en arrive ensuite aux sanctions qui pourraient être appliquées si le contribuable ne respecte pas cette part de l’entente. D’abord, l’Agence indique qu’elle a [traduction] « le droit de déclarer la présente entente nulle et non avenue » si [traduction] « nous recevons une preuve quelconque que le règlement indiqué aux présentes a été enfreint ». Ainsi, si le contribuable ne s’abstient pas d’effectuer des transactions chevauchantes et ne met pas fin à cette pratique au cours des années d’imposition suivantes, l’entente pourrait être déclarée nulle et sans effet.

[19] Au paragraphe 10 du document, on prévoit l’autre façon possible d’annuler l’entente. Il y est question d’une situation différente qui permettrait à l’Agence d’examiner sa position. Il stipule que [traduction] « en cas de changement au déroulement des faits sur lequel nous avons fondé notre conclusion à tout moment à l’avenir, l’Agence pourra, à ce moment, examiner sa position actuelle en conséquence, vu les faits et les circonstances applicables à ce moment ».

[20] Au paragraphe 9, on indique que l’entente n’a aucune valeur de précédent en ce qui concerne d’autres contribuables. Au paragraphe 11, on confirme que les contribuables [traduction] « renoncent à tout droit d’appel ou d’opposition lié aux questions sur l’établissement de nouvelles cotisations traitées aux présentes ».

[21] Le 7 janvier 2013, un vérificateur autre que celui ayant articulé les modalités de l’entente et conclu celle-ci en 2010 a envoyé une nouvelle demande de renseignements. L’objet de la lettre ne laisse aucune place à l’imagination : [traduction] « Examen de vos déclarations de revenus pour les années d’imposition 2006 et 2007 ». En fait, la lettre (qui compte plus de dix pages) débute ainsi : [traduction] « Les déclarations de revenus susmentionnées font actuellement l’objet d’un examen. Cet examen porte précisément sur la “perte sur chevauchement” attribuée par Mazel Partners G.P. (Mazel) et nous demandons donc des informations sur d’autres entités qui sont liées à vous ou qui ont participé à l’arrangement. » Personne ne conteste que les transactions chevauchantes à l’égard desquelles l’Agence indique qu’elle n’établira pas de nouvelle cotisation pour les années d’imposition 2006 et 2007 dans l’« entente » du 19 février 2010 sont les transactions qui suscitent un intérêt en janvier 2013.

[22] De même, il n’est aucunement allégué que l’Agence invoque une [traduction] « violation des modalités du règlement », selon le huitième paragraphe de la lettre d’entente ou un nouveau « déroulement des faits » afin d’examiner sa position selon le 10e paragraphe.

IV. Sommaire des arguments du demandeur et de la défenderesse.

[23] Le demandeur soutient que l’entente conclue entre le ministre et lui a force exécutoire et, lorsqu’on l’interprète adéquatement, elle empêche le ministre de mener une nouvelle vérification et d’établir une nouvelle cotisation à son égard pour les années d’imposition 2006 et 2007, à moins, bien entendu, que le contribuable n’enfreigne les modalités du règlement ou que le déroulement des faits change. Selon lui, une telle entente doit être valide pour apporter une certitude aux arrangements que l’Agence conclut avec des contribuables. La jurisprudence qui sous-entend que la cotisation de l’impôt ne peut faire l’objet d’un arrangement ne s’applique pas aux circonstances de l’espèce.

[24] Évidemment, le ministre soutient exactement la proposition contraire. Il fait essentiellement valoir qu’en tant que pure question d’interprétation contractuelle, l’entente n’empêchait pas le ministre de mener une autre vérification à l’égard du demandeur pour ces années d’imposition. L’établissement d’une cotisation et la vérification sont deux éléments différents. L’entente se limite au fait qu’aucune nouvelle cotisation ne serait établie. En outre, si l’entente avait comme effet d’interdire de mener une telle vérification supplémentaire, elle serait nulle; en effet, une telle entente est illégale étant donné qu’elle va à l’encontre de la LIR et de l’ordre public.

[25] Les deux parties invoquent le Code civil du Québec (CCQ) pour l’interprétation qu’ils font de l’entente; ils s’appuient particulièrement sur les articles 1425 à 1432 du CCQ, sous le titre général « De l’interprétation du contrat ».

[26] Les parties n’ont pas abordé, dans leur mémoire des faits et du droit, la norme de contrôle qui s’applique en l’espèce. Ce n’est qu’à l’audience que la Cour a sollicité leurs opinions sur cette question.

V. Norme de contrôle et analyse

A. Norme de contrôle

[27] Les parties ont présenté leurs arguments sans porter trop d’attention à la norme de contrôle qui devrait s’appliquer en l’espèce. C’est la Cour qui a soulevé la question à l’audience et les parties ont été invitées à adopter une position.

[28] Les parties se sont entendues sur le fait que la question que la Cour doit trancher dans le cadre du contrôle judiciaire porte sur le pouvoir accordé au ministre aux termes de l’article 231.1 de la LIR, qui lui permet de rédiger la lettre de demande de janvier 2013 qui est envoyée au contribuable malgré l’« entente » conclue en février 2010. Selon le contribuable, il n’était possible d’envoyer les lettres de demande pour les années 2006 et 2007 que si l’une des conditions prévues précédemment dans l’« entente » était remplie. On ne fait allusion à aucune dans la lettre de demande et aucune n’est présentée dans le dossier.

[29] La capacité de la Cour à rendre un jugement déclaratoire n’a pas été contestée. En fait, Brown et Evans, dans leur ouvrage intitulé Judicial Review of Administrative Action in Canada (Brown and Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (Toronto, On : Carswell, 2013) (édition sur feuilles mobiles)), indiquent ce qui suit au paragraphe 1:7200 :

[traduction]

En tant que recours en droit public, il est possible de se prévaloir des déclarations pour faire une première détermination des droits, des obligations, du statut ou de la position juridiques du demandeur. Par conséquent, des déclarations ont été accordées afin de trancher des questions litigieuses liées au statut personnel afin de décider si un organe public manque à ses obligations contractuelles, de déclarer les droits des employés et des titulaires de charge publique, de trancher si une personne est membre d’une association ou si elle a le droit d’exercer un métier, d’avoir une occupation ou de mener toute autre activité, d’établir le droit d’une personne à une indemnisation prévue par la loi ou son obligation de payer de l’impôt et de déclarer l’étendue des pouvoirs, des immunités ou des obligations juridiques d’une autorité publique, surtout lorsqu’ils sont contestés par d’autres. En outre, bien entendu, un tribunal peut déclarer nulle la décision rendue par un organe qui n’exerce aucun pouvoir, comme une association professionnelle. [Notes de bas de page omises.]

[30] En ce qui concerne la norme de contrôle, le ministre a prétendu, en s’appuyant vraisemblablement sur la présomption créée dans l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654, qu’« [i]l convient de présumer que la norme de contrôle à laquelle est assujettie la décision d’un tribunal administratif qui interprète sa loi constitutive ou qui l’applique est celle de la décision raisonnable » (au paragraphe 39). Comme il est bien établi :

[l]a norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables.

(Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47)

[31] D’après ce que je comprends, le ministre croit que la Cour doit statuer sur la contestation de sa décision d’exercer le pouvoir qui lui est conféré aux termes de l’article 231.1 de la LIR en vue d’obtenir des renseignements auprès d’un contribuable en déclarant qu’il était raisonnable d’exercer ce pouvoir dans les circonstances de l’espèce. L’exercice du pouvoir est fonction de l’interprétation que l’on doit faire de l’« entente » conclue entre les parties; il suffirait que l’interprétation de l’« entente » soit raisonnable, plutôt que correcte, pour que le ministre obtienne gain de cause. Si l’« entente » peut faire l’objet de plus d’une interprétation et que celle que fait le ministre peut être considérée comme une issue possible et acceptable au regard des faits et du droit, la déclaration de la Cour devrait favoriser le ministre.

[32] Le demandeur est d’avis qu’on l’a contraint à transformer son action en demande de contrôle judiciaire en vue d’obtenir un jugement déclaratoire (alinéa 18(1)a) et paragraphe 18(3) de la LCF). Il demande à la Cour de déclarer que le ministre ne peut invoquer l’article 231.1 de la LIR puisque l’entente qu’elle a conclue avec lui, lui interdit de le faire. Une telle déclaration ne comprend pas de faire preuve de retenue selon la norme de contrôle de la décision raisonnable.

[33] Il est possible d’obtenir un jugement déclaratoire à l’encontre d’un office fédéral. La loi exige qu’une demande de contrôle judiciaire soit présentée conformément au paragraphe 18(3) de la LCF. Cela, en retour, mène aux motifs de contrôle énumérés au paragraphe 18.1(4). Malheureusement, les parties en l’espèce n’ont pas précisé le motif de contrôle invoqué. Même si les motifs de contrôle sont énumérés, ils ne permettraient pas de toute façon de déterminer avec exactitude la norme de contrôle applicable à un motif donné. Cela aurait toutefois permis de profiter de l’orientation présentée par les juges majoritaires dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, sur le paragraphe 18.1(4).

[34] En l’espèce, le ministre n’a invoqué aucun motif à son interprétation de l’article 231.1 de la LIR et n’a pas expliqué pourquoi l’entente de février 2010 n’avait pas été mise en œuvre. On sous-entend qu’il ne considère pas l’entente comme une interdiction de recourir à l’article 231.1.

[35] Récemment, les juges majoritaires dans l’arrêt Edmonton (Ville) c Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd, 2016 CSC 47 [Edmonton], ont conclu qu’ils devaient se pencher sur la question même si aucun motif n’avait été présenté :

[38] Toutefois, lorsque l’omission par un tribunal administratif de motiver sa décision ne porte pas atteinte à l’équité procédurale, la cour de révision peut tenir compte des motifs [traduction] « qui pourraient être donnés » à l’appui de la décision (Dunsmuir, par. 48, citant D. Dyzenhaus, « The Politics of Defence: Judicial Review and Deference », dans M. Taggart, dir., The Province of Administrative Law (1997), 279, p. 286). Dans certaines circonstances, la Cour s’est par exemple fondée sur les motifs donnés par le même tribunal dans d’autres décisions (Alberta Teachers, par. 56) et sur l’argumentation qu’il a présentée devant elle (McLean, par. 72).

Comme le juge Karakatsanis l’a indiqué au nom de la majorité : « J’examinerai donc la décision du Comité à la lumière des motifs qui pourraient être donnés à l’appui de celle-ci » [souligné dans l’original] (au paragraphe 40).

[36] J’adopterais la même approche en l’espèce que celle utilisée dans l’arrêt McLean c Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 RCS 895. Pour reprendre les propos du juge Moldaver, pour la Cour, au paragraphe 72, il est préférable d’invoquer des motifs, mais il n’y a aucun avantage à renvoyer l’affaire au ministre afin qu’il explique ce qu’il a déjà expliqué à la Cour. Le ministre est le défendeur dans une instance où c’est lui qui a décidé d’envoyer la lettre de demande et lui qui, par l’intermédiaire d’un vérificateur, a conclu une entente.

[37] Aucun argument convaincant n’a été présenté à la Cour afin d’expliquer pourquoi la norme de la décision raisonnable ne devrait pas être utilisée. La position par défaut est celle de la décision raisonnable, ce qui a été réaffirmé avec insistance dans l’arrêt Edmonton.

[38] Vu ma conclusion selon laquelle le ministre a conféré une interprétation irrationnelle à l’« entente », il n’y a pas lieu de tirer une conclusion sur la norme de contrôle dans la présente affaire singulière. Même en accordant au ministre l’avantage de la norme de contrôle la plus généreuse, son interprétation n’appartient pas « aux issues possibles acceptables » (Dunsmuir, au paragraphe 47).

B. Analyse

[39] Deux questions doivent être tranchées. D’abord, il convient d’examiner l’entente conclue entre le représentant du ministre et le contribuable afin de déterminer sa portée. Les parties ne s’entendent pas sur cet aspect. Si le défendeur a raison et que l’entente a une portée très limitée, il ne sera peut-être pas nécessaire de décider si l’entente est illégale. Autrement, si l’entente a une portée aussi générale que celle qu’affirme M. Rosenberg, il faudra donc décider si une entente générale est illégale. J’interpréterai d’abord l’entente.

1) Portée de l’entente

[40] L’entente conclue le 4 mars 2010, mais rédigée par le représentant du ministre le 19 février 2010 a été conclue dans la province de Québec avec un contribuable qui habite à Montréal. Ladite entente indique qu’elle a été rédigée à Montréal par un représentant du ministre qui travaille aux bureaux de Montréal de l’Agence. Dans ces circonstances, il est indubitable que cette entente est régie par le CCQ. Les parties ont traité selon ce fondement et il me semble indéniable que la loi fédérale est complétée dans la province du Québec par le droit civil de la province. Dans son exposé puissant dans l’arrêt Canada (Procureur général) c St Hilaire, 2001 CAF 63, [2001] 4 CF 289, le juge Décary, qui s’exprimait au nom de la Cour en entier à ce sujet, a reconnu la nature complémentaire du droit civil dans les questions fédérales régies par le droit fédéral. En l’espèce, il n’y aurait aucune raison de chercher à s’appuyer uniquement sur la common law afin de déterminer la nature de l’arrangement et les règles qui régiraient son interprétation.

[41] Le défendeur n’a pas insinué que l’auteur du document de février 2010 n’était pas autorisé à le faire. En fait, le défendeur ne conteste pas non plus qu’une entente a été conclue.

[42] La position du ministre se résume à soutenir que sa concession dans l’entente se résumait à refuser d’établir une nouvelle cotisation à l’égard du contribuable pour les années 2006 et 2007 à ce moment précis. En essence, l’engagement aurait été valide le jour où il a été établi, mais il ne le demeurait pas le lendemain. En tout respect, je ne suis pas de cet avis. Il ne peut s’agir d’une interprétation raisonnable de cette entente.

[43] L’entente conclue par les parties en l’espèce est un contrat au sens du CCQ :

DE LA NATURE DU CONTRAT ET DE CERTAINES DE SES ESPÈCES

NATURE AND CERTAIN CLASSES OF CONTRACTS

1378. Le contrat est un accord de volonté, par lequel une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à exécuter une prestation.

1378. A contract is an agreement of wills by which one or several persons obligate themselves to one or several other persons to perform a prestation.

Il peut être d’adhésion ou de gré à gré, synallagmatique ou unilatéral, à titre onéreux ou gratuit, commutatif ou aléatoire et à exécution instantanée ou successive; il peut aussi être de consommation.

Contracts may be divided into contracts of adhesion and contracts by mutual agreement, synallagmatic and unilateral contracts, onerous and gratuitous contracts, commutative and aleatory contracts, and contracts of instantaneous performance or of successive performance; they may also be consumer contracts.

[44] L’instrument créé entre les parties correspond à l’expression commune de leur intention. En l’espèce, ni l’une ni l’autre des parties n’a présenté de preuve extrinsèque. Ainsi, M. Rosenberg n’a pas présenté son opinion personnelle sur ce qui était escompté et le signataire du contrat au nom du ministre n’est pas partie à la présente procédure; il n’a pas témoigné et il n’est pas désavoué. La lettre de demande de 2013 a été préparée par un vérificateur différent et il s’agit de celui qui a témoigné par l’intermédiaire de son affidavit. Comme il a déjà été indiqué, aucun des auteurs n’a été contre-interrogé à l’égard de son affidavit.

[45] Nous n’avons d’autre choix que de nous appuyer sur les outils d’interprétation des contrats prévus dans le CCQ. Le CCQ comporte une section complète intitulée « De l’interprétation du contrat ». Les deux parties invoquent en fait, dans une certaine mesure, certaines dispositions du CCQ. Le défendeur insiste à juste titre sur l’importance des articles 1427 et 1428 du CCQ. Ils sont libellés comme suit :

1427. Les clauses s’interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble du contrat.

1427. Each clause of a contract is interpreted in light of the others so that each is given the meaning derived from the contract as a whole.

1428. Une clause s’entend dans le sens qui lui confère quelque effet plutôt que dans celui qui n’en produit aucun.

1428. A clause is given a meaning that gives it some effect rather than one that gives it no effect.

[46] Le demandeur, quant à lui, porte l’article 1432 à l’attention de la Cour. Il prévoit ce qui suit :

1432. Dans le doute, le contrat s’interprète en faveur de celui qui a contracté l’obligation et contre celui qui l’a stipulée. Dans tous les cas, il s’interprète en faveur de l’adhérent ou du consommateur.

1432. In case of doubt, a contract is interpreted in favour of the person who contracted the obligation and against the person who stipulated it. In all cases, it is interpreted in favour of the adhering party or the consumer.

Bien entendu, pour invoquer l’article 1432, il faut d’abord tenter d’interpréter le contrat selon les règles prévues dans le CCQ. Ce n’est que s’il est impossible de découvrir l’intention des parties dans le cadre d’une interprétation appropriée que l’on peut affirmer qu’un contrat sera ambigu (Richard-Gagné c Poiré, 2006 QCCS 4980; Compagnie d’assurance l’Anglaise américaine c Chayer, [1986] RJQ 962). À mon avis, il est assez facilement possible de discerner l’intention des parties en examinant les modalités du contrat qu’elles ont conclu le 4 mars 2010 selon un document stipulé au nom du ministre le 19 février 2010.

[47] J’ajouterais l’article 1425 à ces trois articles :

1425. Dans l’interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés.

1425. The common intention of the parties rather than adherence to the literal meaning of the words shall be sought in interpreting a contract.

[48] Cette décision n’est pas un modèle de clarté. Après une lecture attentive du document, toutefois, on constate qu’on ne peut plus clairement comprendre ce que les parties ont convenu.

[49] L’Agence, après avoir conclu que la vérification et l’examen des affaires du contribuable pour les années 2006 et 2007 avaient pris fin, reconnaissait qu’une décision de la Cour suprême du Canada entraînait certaines difficultés. Au quatrième paragraphe du document, l’Agence stipule qu’après avoir examiné la jurisprudence, les politiques publiées, les commentaires et les dispositions législatives en vigueur relatives aux transactions visées par l’examen (transactions chevauchantes), elle affirme être [traduction] « satisfaite des positions de déclaration adoptées par les contribuables […] ». Sur ce fondement, l’Agence s’engage : elle indique qu’elle [traduction] « ne procédera pas à l’établissement de nouvelles cotisations pour les années d’imposition indiquées dans la rubrique ». L’engagement est limité, puisqu’il ne vise que certaines transactions chevauchantes pour les années d’imposition 2006 et 2007. Il fait également suite à un examen complet, après lequel l’Agence a affirmé être satisfaite [traduction] « des positions de déclaration adoptées par les contribuables ». C’est l’obligation que l’Agence se déclare prête à respecter, aux termes d’un contrat.

[50] En retour, elle demande au contribuable, au paragraphe 5, de [traduction] « s’abstenir de mener toute transaction qui s’apparente à une “transaction chevauchante” aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada ». Le ministre prend le soin de faire remarquer de nouveau que la décision de la Cour suprême du Canada a créé un vide technique.

[51] Ainsi, les paragraphes 4 et 5 du document établissent ce que les parties ont convenu de faire. D’une part, le contribuable a l’avantage de ne pas faire l’objet d’une nouvelle cotisation pour les années 2006 et 2007; d’autre part, le contribuable accepte de s’abstenir de mener ses affaires de manière à créer des transactions chevauchantes aux fins de la LIR. Il y a selon moi un compromis. Chacune des parties s’engage à l’égard de l’autre. Elles entendent toutes deux en tirer profit.

[52] Les paragraphes 6 et 7 servent à énoncer l’obligation créée pour le contribuable. Premièrement, les conjoints ou les exécuteurs futurs sont liés par l’entente; deuxièmement, l’obligation s’applique, non seulement au revenu d’entreprise, mais à toute autre forme de revenu. Qui plus est, on indique que l’entente ne s’applique qu’à M. Rosenberg et qu’elle ne constitue pas un précédent qui s’appliquerait à d’autres contribuables. La validité de ces clauses ne nous préoccupe pas en l’espèce.

[53] Après avoir établi ce dont les parties ont convenu, l’entente termine en exposant les circonstances dans lesquelles l’entente cesserait d’être en vigueur. Voici les paragraphes cruciaux qui font la lumière sur la portée des obligations des parties (article 1427 du CCQ).

[54] Le premier paragraphe de ce genre est le paragraphe 8. Il indique que toute preuve portée à l’attention de l’Agence selon laquelle [traduction] « les modalités du règlement indiqué aux présentes ont été enfreintes, l’Agence se réserve le droit de déclarer la présente entente nulle et sans effet ». Selon moi, ce paragraphe ne peut vouloir dire qu’une chose. Par l’utilisation de l’expression [traduction] « les modalités du règlement ont été enfreintes », les parties peuvent uniquement renvoyer à l’entente conclue sur l’obligation du contribuable de s’abstenir de mener toute transaction qui s’apparente à une « transaction chevauchante » et de cesser cette pratique. C’est ainsi que l’affaire est réglée entre les parties : le contribuable ne le refera plus à l’avenir. Cette clause en particulier porte précisément sur l’aspect de la transaction susceptible de faire en sorte que [traduction] « les modalités du règlement ont été enfreintes ». La seule violation qui pourrait mener l’Agence à déclarer l’entente nulle et sans effet doit être l’obligation contractée par le contribuable. Cette obligation est de s’abstenir de mener des transactions chevauchantes et de cesser de recourir à cette pratique.

[55] La défenderesse a soutenu qu’elle ne s’était engagée à rien de concret. Au paragraphe 4, on ne fait que déclarer à ce moment précis (19 février 2010) que l’Agence n’établissait pas de nouvelle cotisation à l’égard du contribuable. Cela ne peut toutefois pas être le cas, vu les paragraphes 8 et 10. Il est important de préciser que les parties ont jugé bon d’indiquer, au paragraphe 8, que l’entente est nulle et sans effet si le contribuable n’honore pas son engagement. La clause est à l’avantage du ministre, en ce sens où c’est lui qui peut déclarer l’entente nulle et sans effet. Toutefois, une telle clause n’est pas nécessaire si le ministre peut établir une nouvelle cotisation quand il le veut, comme il le soutient.

[56] Il en va de même en ce qui concerne l’autre clause, au paragraphe 10, qui permettrait de « rouvrir » le contrat. Dans cette clause, l’Agence indique qu’elle [traduction] « pourra […] examiner sa position actuelle en conséquence, vu les faits et les circonstances applicables à ce moment ». Quels sont ces faits et ces circonstances applicables à ce moment? On trouve la réponse à cette question à la première moitié du paragraphe 10, où l’Agence accepte que [traduction] « en cas de changement au déroulement des faits sur lequel nous avons fondé notre conclusion à tout moment à l’avenir ». Autrement dit, ce n’est qu’un nouveau déroulement des faits qui placerait l’Agence dans une situation qui lui permettrait d’examiner sa « position actuelle », cette position étant qu’elle est [traduction] « satisfaite des positions de déclaration adoptées par les contribuables » et elle se trouve au paragraphe 4.

[57] Là encore, si le ministre a raison et s’il peut établir une nouvelle cotisation quand bon lui semble, il n’est pas nécessaire de créer un mécanisme qui lui permettrait de revoir sa position en cas de changement au déroulement des faits ayant donné lieu à la satisfaction expresse à l’égard des positions de déclaration des contribuables. Il pourrait très bien s’agir d’une assertion inexacte si on peut faire valoir que le paragraphe 4 ne se voulait qu’une lettre d’intention pour le moment. Le regroupement des paragraphes 4, 5, 8 et 10 en disait plus. La bonne foi préside. L’article 1375 du CCQ est rédigé en ces termes :

1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction.

1375. The parties shall conduct themselves in good faith both at the time the obligation arises and at the time it is performed or extinguished.

[58] Une fois les clauses du contrat interprétées ensemble, l’une éclaircissant l’autre, on finit par comprendre qu’elles ne sont ni ambigües ni vagues. Vu l’incertitude créée par une certaine jurisprudence, les parties conviennent, d’un côté, de ne pas établir de cotisations à l’égard du contribuable pour les années 2006 et 2007 pour ses transactions chevauchantes, et, de l’autre, le contribuable accepte de ne pas recourir à cette structure financière à des fins fiscales à l’avenir. Si le contribuable ne s’acquitte pas de son obligation et qu’il enfreint les modalités du règlement conclu, l’Agence peut déclarer l’entente nulle et sans effet. En cas de changement au déroulement des faits sur lequel l’Agence a fondé sa conclusion selon laquelle elle est satisfaite de la position de déclaration adoptée par les contribuables, elle pourrait examiner sa position actuelle [traduction] « vu les faits et les circonstances applicables à ce moment ».

[59] Je le répète. Il n’y a aucune allégation dans le présent dossier selon laquelle M. Rosenberg, son épouse ou ses « exécuteurs futurs » ont mené des transactions chevauchantes aux fins de la LIR depuis l’entente. De même, il n’y a pas la moindre allégation que le déroulement des faits a changé.

[60] Il s’ensuit, selon moi, que les parties entendaient conclure une attente aux termes de laquelle on laisserait le contribuable tranquille en ce qui concerne les transactions chevauchantes effectuées en 2006 et en 2007 à la condition qu’il ne recoure pas à cette technique à des fins fiscales à l’avenir. Le dossier peut être rouvert si le contribuable n’honore pas son engagement ou si le déroulement des faits change. Sans la présence de l’une de ces deux conditions, le ministre s’engage à ne pas établir de nouvelles cotisations.

[61] Le défendeur soutient que, si les parties à l’entente avaient l’intention commune de permettre au ministre de revoir sa position en cas de changement au déroulement des faits, il n’a pas accepté de s’abstenir de mener un nouvel examen aux termes de l’article 231.1 de la LIR. Le ministre soutient que pour trancher si le déroulement des faits a changé, il doit avoir la capacité de mener une vérification à l’égard de ces deux années au sujet des transactions à l’égard desquelles elle s’est montrée satisfaite après une vérification. Le défendeur soutient donc que le ministre n’aurait pas pu choisir de renoncer à sa capacité de confirmer si le déroulement des faits avait effectivement changé. Selon moi, cet argument ne peut être retenu sur le plan de l’interprétation des contrats et en raison de ce que les parties ont choisi de convenir. Une telle interprétation n’est raisonnable que si elle tient compte de l’ensemble des clauses prévues au contrat. Ce n’est pas ce qu’elle fait.

[62] Comme il a été montré plus tôt, l’article 1428 du CCQ préfère donner un sens à un contrat plutôt que de l’interpréter de sorte qu’il n’ait aucun effet. Le ministre, qui s’écarte des mots convenus entre les parties, sous-entend, de manière circulaire, qu’il doit mener une vérification afin de trouver un nouveau déroulement des faits. Premièrement, l’entente ne définit pas ce qu’est un « déroulement des faits ». L’Agence a toutefois examiné le déroulement des faits ayant donné lieu à l’entente pendant les 16 mois qui ont précédé l’entente. Il n’y en avait qu’un. Une vérification complète a été menée, conformément à l’entente. En quoi une nouvelle vérification est-elle conforme à la déclaration du ministre selon laquelle la vérification avait été menée et qu’il n’établirait une nouvelle cotisation que si un déroulement différent des faits faisait surface? À mon avis, cela rend l’obligation convenue par le ministre dénudée de sens. Selon l’interprétation donnée, le ministre peut établir une nouvelle cotisation quand bon lui semble, et il peut mener une nouvelle vérification pour tenter de découvrir un déroulement des faits différent. En fait, au cours de l’audience, l’avocat du ministre a décrit cet arrangement en tant que « lettre d’intention ». Une intention? Quelle intention? Le ministre n’aurait essentiellement convenu de rien de son côté parce qu’il pouvait à tout moment à l’avenir mener une autre vérification à l’égard du contribuable afin de tenter de trouver un nouveau déroulement des faits, puisqu’il avait reconnu qu’il était satisfait des positions de déclaration. Nous devons nous souvenir que le ministre avait déclaré, dans la première phrase de l’entente, que [traduction] « nous avons terminé notre vérification et notre examen des contribuables et des années d’imposition indiqués dans l’identification ». Si nous devions lire cette phrase comme le propose le ministre, ce dernier aurait tout simplement affirmé qu’il avait terminé son travail pour l’instant, mais qu’il pouvait reprendre du début quand bon lui semblait. Cette interprétation va, selon moi, à l’encontre de l’article 1425 du CCQ : le ministre cherche à soutenir que l’intention commune était de permettre une vérification menant à l’établissement d’une nouvelle cotisation alors que l’Agence indique qu’elle [traduction] « ne procédera pas à l’établissement de nouvelles cotisations ». Contrairement à ce qui est prévu à l’article 1425, le ministre cherche à coller au sens littéral de certains mots au détriment de la véritable intention des parties. Comme l’avocat du demandeur l’a fait remarquer à de nombreuses reprises, qui accepterait une telle entente, vu ce que le contribuable acceptait de faire en retour?

[63] Le libellé de l’obligation contractée par le ministre fait également obstacle à l’interprétation que l’avocat presse la Cour de retenir. Le contrat prévoit que l’Agence [traduction] « ne procédera pas à l’établissement de nouvelles cotisations pour les années d’imposition indiquées dans l’identification ». [Non souligné dans l’original.] En l’espèce, le ministre veut établir une nouvelle cotisation même si aucun nouveau déroulement des faits n’est même pas réputé exister. La demande du 7 janvier 2013 est particulièrement claire : la demande de renseignements vise précisément à examiner les déclarations de revenus de 2006 et 2007. La soi-disant « vérification » est le moyen pour arriver à cette fin. Il s’agit du processus utilisé par le ministre pour établir une nouvelle cotisation. La lettre a pour objet [traduction] l’« [e]xamen de vos déclarations de revenus pour les années d’imposition 2006 et 2007 » et elle commence ainsi [traduction] « Les déclarations de revenus susmentionnées font actuellement l’objet d’un examen. Cet examen porte précisément sur la “perte sur chevauchement” attribuée par Mazel Partners G.P. (Mazel) […] » La demande de renseignements de l’Agence ne constitue pas l’établissement d’une nouvelle cotisation pour les années d’imposition, on ignore complètement de quoi il s’agit.

[64] Et, il y a plus : la preuve présentée à la Cour semble indiquer clairement que la vérification vise à établir une nouvelle cotisation à l’égard du contribuable. Premièrement, nous apprenons que le vérificateur est membre de la [traduction] « Section des vérifications spécialisées du Bureau des services fiscaux international et d’Ottawa ». Deuxièmement, l’auteur présente son rôle. Il mène une vérification de conformité. Cette vérification de conformité « sert à s’assurer que la déclaration de revenus est conforme à la Loi de l’impôt sur le revenu » (affidavit de Marc-André Désilets, au paragraphe 2). Troisièmement, cette nouvelle vérification menée à partir d’Ottawa, et pas de Montréal, a un but défini : établir une nouvelle cotisation à l’égard du contribuable. Au paragraphe 25 de l’affidavit, on peut lire ce qui suit : « [à] la conclusion de cette vérification de conformité, des avis de nouvelles cotisations des années d’imposition 2006 et 2007 du demandeur pourraient, entre autres, être émis conformément aux articles 9 et 38 de la LIR ». Si l’expression [traduction] « procéder à l’établissement de nouvelles cotisations » revêt un sens quelconque dans le contexte de cette entente, cela doit être que le processus menant à l’établissement d’une nouvelle cotisation et à « des avis de nouvelles cotisations » ne devait pas commencer tant que l’entente était en place ou que le déroulement des faits n’avait pas changé. Si le ministre a raison, la clause dans le contrat n’aurait donc aucun effet, contrairement à l’article 1428 du CCQ.

[65] Les parties, par l’intermédiaire de cette entente, s’entendaient sur un élément très précis à mon avis. L’effet de l’entente vise l’ensemble des intentions et des fins annulées selon l’interprétation qu’en fait la défenderesse. Je conclurais que la seule interprétation qu’il est possible de donner à l’entente entre les parties, une fois que ces modalités sont lues ensemble, exige qu’il doive y avoir un effet sur chacune des parties à l’entente. Je ne vois pas comment il est possible de faire une interprétation raisonnable de l’entente s’il est possible d’en méconnaître les clauses. L’entente se tient par l’interprétation conjointe des clauses. Si l’entente n’oblige pas le défendeur à l’avenir, elle n’a donc aucun objet concret.

[66] Il n’appartient pas à la Cour de décider de la sagesse d’une telle entente. Il n’appartient pas non plus à la Cour d’interpréter l’entente en faveur de l’une partie plutôt que de l’autre. Les mots utilisés sur lesquels les parties se sont entendues parlent d’eux-mêmes. Le ministre, étant donné qu’il était satisfait de sa vérification des années 2006 et 2007, a choisi de s’engager à ne pas procéder à l’établissement de nouvelles cotisations pour les années d’imposition à moins d’un nouveau déroulement des faits, ce qui n’est pas allégué en l’espèce. À mon avis, une lettre de demande menant à l’établissement d’une nouvelle cotisation est l’incarnation même de l’établissement d’une nouvelle cotisation.

[67] Il est évident que les parties s’entendaient sur l’état des choses en date de l’entente. Au paragraphe 4 de l’entente de février 2010, on précise que l’Agence est satisfaite des « positions de déclaration » à ce moment, ou, autrement dit, pour utiliser les mots de l’entente, [traduction] « dans le contexte actuel » (non souligné dans l’original). Cela n’annule toutefois pas l’exigence selon laquelle le déroulement des faits doit changer pour mener à l’établissement d’une nouvelle cotisation; on renforce plutôt le fait qu’à la signature de l’entente, l’Agence soit satisfaite et le contribuable soit informé qu’en cas de changement, [traduction] « l’Agence pourrait, à ce moment, examiner sa position actuelle en conséquence, vu les faits et les circonstances applicables à ce moment » (au paragraphe 10).

[68] Le ministre a choisi de s’engager à ne pas procéder à l’établissement d’une nouvelle cotisation jusqu’à ce que le déroulement des faits change. C’est là l’effet de la lecture conjointe des paragraphes 4 et 10, dont il ne peut s’échapper. Cela découle assurément de l’entente plutôt particulière qu’il a conclue avec ce contribuable. L’interprétation de ce contrat mène toutefois à cette conclusion. Il s’agissait de l’intention des parties à laquelle la Cour doit donner effet (article 1425 du CCQ).

2) Cette entente, lorsqu’interprétée correctement, est-elle un instrument contraignant?

[69] Toutefois, cela ne règle pas la question. Il faut aussi examiner l’argument selon lequel le contrat conclu est nul et sans effet s’il donne lieu à l’entente où il est indiqué qu’aucune vérification ne sera menée.

a) L’entente ne permet pas de renoncer à l’obligation d’appliquer la Loi

[70] Le défendeur exhorte la Cour à conclure que ladite entente doit être lue avec l’article 220 de la LIR. Aucune entente ne peut aller à l’encontre du paragraphe 220(1), qui est rédigé ainsi :

Fonctions du ministre

Minister’s duty

220 (1) Le ministre assure l’application et l’exécution de la présente loi. Le commissaire du revenu peut exercer les pouvoirs et fonctions conférés au ministre en vertu de la présente loi.

220 (1) The Minister shall administer and enforce this Act and the Commissioner of Revenue may exercise all the powers and perform the duties of the Minister under this Act.

[71] Ce faisant, le défendeur soutient qu’il est impossible de renoncer à son obligation d’administrer et d’appliquer la LIR. Pour avancer cet argument, le défendeur devrait montrer que l’entente constitue un refus d’appliquer et d’exécuter la Loi. Il ne l’a pas fait. Pour commencer, le défendeur insiste particulièrement sur l’article 220 de la LIR, et particulièrement sur les mots « [l]e ministre assure l’application et l’exécution de la présente Loi ». Selon cet argument, l’utilisation de l’indicatif présent revêt un sens particulier quelconque qui empêche le ministre de renoncer à son pouvoir de mener des vérifications à répétition.

[72] Je crains que cet argument ne puisse l’emporter. Il ne fait aucun doute que l’utilisation de l’indicatif présent comporte la notion d’obligation (article 11, Loi d’interprétation, LRC (1985), c I-21). Il est toutefois essentiel de connaître le contexte dans lequel ce temps est utilisé pour comprendre l’intention du législateur. C’est le genre de disposition que l’on trouve dans de nombreuses mesures législatives fédérales. C’est le législateur qui confère des attributions au pouvoir exécutif. Le législateur utilise l’indicatif présent pour conférer à un ministre l’obligation, la responsabilité, à l’égard d’un segment de la fonction publique à des fins particulières. En fait, le paragraphe 220(2) prévoit que « sont nommés ou employés de la manière autorisée par la loi les fonctionnaires, commis et préposés nécessaires à l’application et à l’exécution de la présente loi ». Le législateur utilise aussi le mot « pouvoir », qui sous-entend une autorisation (article 11, Loi d’interprétation) lorsqu’il est question de l’octroi de pouvoirs; le ministre doit exécuter la Loi, puisqu’il s’agit d’une attribution conférée par le législateur, mais il peut déterminer l’utilisation à faire des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de la Loi.

[73] À titre d’exemple, la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, c 34, confère au ministre de l’Emploi et du Développement social certaines attributions. Plus précisément, « ces attributions sont exercées aux fins suivantes : a) s’agissant des ressources humaines et du développement des compétences […] et b) s’agissant du développement social […] » (paragraphe 5(2)). On trouve la même tendance dans de nombreuses autres lois du Parlement (p. ex., la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, LC 1996, c 16; la Loi sur le ministère des Ressources naturelles, LC 1994, c 41; et la Loi sur le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, LRC (1985), c I-6). Il en va même ainsi pour la Loi sur le ministère de la Justice, LRC (1985), c J-2, qui confère certaines attributions au ministre de la Justice et qui prévoit que le gouverneur général devra entre autres conseiller les chefs des divers ministères sur toutes les questions de droit qui concernent ceux-ci et il est chargé des intérêts de la Couronne et des ministères dans tout litige dont ils sont parties. Le législateur ne prétend pas dire au procureur général comment s’acquitter de l’obligation lorsque le ministre est désigné responsable d’une compétence particulière. En effet, ces dispositions portent sur la gouvernance du pouvoir exécutif. Quand le législateur détermine les attributions, il emploie l’indicatif présent. Ce faisant, le législateur ne fait rien de plus qu’indiquer l’aspect de la compétence fédérale dont le ministre est responsable et ce qu’il doit faire. Le législateur a récemment choisi la formulation « is to », en anglais, plutôt que le terme « shall » plus traditionnel, pour établir la compétence, l’aspect dont le ministre des Affaires étrangères est responsable et dont il est redevable au Parlement dans la nouvelle Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, LC 2013, c 33, article 174 :

10 (2) Dans le cadre des attributions que lui confère la présente loi, le ministre :

10 (2) In exercising and performing his or her powers, duties and functions under this Act, the Minister is to

Mais le principe demeure le même. Le législateur confie à un ministre de la Couronne la responsabilité d’une fonction gouvernementale précise. Le législateur désigne le ministre du Revenu national comme responsable de l’application et de l’exécution de la LIR. C’est au ministre du Revenu national et à personne d’autre qu’il incombe de veiller à l’exécution et à l’application, tout comme le procureur général, et personne d’autre, est chargé des intérêts de la Couronne dans tout litige, entre autres.

[74] Sans trop m’éterniser sur le point, je mentionne aussi que dans la version française des articles où sont conférées les attributions, comme le paragraphe 220(1) de la LIR ou de la Loi sur le ministère de la Justice, ou les autres dispositions législatives, on emploie l’indicatif présent. Cela suffit à établir qu’une obligation est créée.

[75] Contrairement à l’affirmation du défendeur, l’utilisation du mot « shall » ne signifie pas [traduction] « le ministre ne peut pas utiliser son pouvoir discrétionnaire » (mémoire des faits et du droit, au paragraphe 28) pour s’acquitter de son obligation prévue par la loi. Le mot « shall » indique tout simplement que, dans le cadre de l’appareil gouvernemental, un ministre de la Couronne est responsable de l’application et de l’exécution de la LIR. Le ministre ne peut refuser d’appliquer et d’exécuter la Loi; il s’agit de son obligation. Le procureur général ne peut pas décider de ne pas être chargé des intérêts de la Couronne dans tout litige dont il est partie, parce qu’il « est chargé des intérêts de la Couronne et des ministères dans tout litige dont ils sont parties ». La façon dont il décide de s’acquitter de cette obligation est une autre histoire.

[76] Afin d’appliquer la Loi, le ministre se voit conférer un certain nombre de pouvoirs précis que le commissaire du revenu peut exercer (paragraphe 220(1) de la LIR). On ignore véritablement en quoi l’obligation d’exécuter et d’appliquer la Loi se traduit par l’incapacité du ministre, dans le cadre de l’administration de la Loi, à conclure un contrat avec un contribuable, dans lequel il s’engage à [traduction] « ne pas établir de nouvelles cotisations » pour les années 2006 et 2007 à moins que le contribuable ne respecte pas son engagement ou qu’un nouveau déroulement des faits fasse surface pour ces années.

[77] Le ministre n’a pas renoncé à son obligation en matière d’application et d’exécution. Il a plutôt choisi d’appliquer et d’exécuter la Loi en concluant une entente où il et le contribuable s’entendaient sur le fait que la cotisation établie pour les années 2006 et 2007 était complète, après avoir terminé la vérification et l’examen du contribuable qui mettaient un accent particulier sur les transactions chevauchantes survenues au cours de ces deux années. Le ministre n’a aucun choix : « avec diligence, [il] examine la déclaration de revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, fixe l’impôt pour l’année, ainsi que les intérêts et les pénalités éventuels payables […] » (paragraphe 152(1) de la LIR). C’est ce qui a été fait et rien n’indique que l’établissement de la cotisation déjà effectué ne l’a pas été selon les faits et le droit. Le contrat n’a même pas pour effet que le ministre, de son propre accord, s’est engagé à ne jamais établir de nouvelles cotisations à l’égard du contribuable pour les transactions chevauchantes effectuées en 2006 et en 2007. Il ne fait qu’accepter de n’établir une nouvelle cotisation que si le contribuable a manqué à son obligation en vertu du contrat et si on devait conclure que le déroulement des faits sur lequel repose la conclusion de la cotisation initiale change à l’avenir. Le ministre est tenu d’appliquer et d’exécuter la LIR aux termes de l’article 220 de la Loi. Cet article ne prévoit pas la façon dont la loi doit être appliquée et exécutée et la façon dont les pouvoirs doivent être utilisés.

[78] La Cour doit donc trancher la question limitée de savoir si le ministre peut revenir sur l’arrangement négocié et conclu avec le contribuable. De façon plus positive, l’entente est-elle valide? Cette « entente » ne porte pas sur la cotisation établie à l’égard des « transactions chevauchantes » pour les années 2006 et 2007, puisqu’une conclusion a été tirée. Elle porte plutôt sur les circonstances où le ministre pourrait procéder à l’établissement d’une nouvelle cotisation. Selon la position qu’il adopte, en plus d’indiquer qu’il n’aurait pas dû conclure cette « entente », puisqu’il s’agissait assurément de sa prérogative, le ministre, qui a conclu le contrat, affirme qu’il n’a aucun effet contraignant sur lui parce qu’il n’est pas valide.

b) L’entente est-elle valide?

[79] Le défendeur soutient que, de toute façon, il ne peut être lié par une entente où il ne peut pas établir une cotisation à l’égard du contribuable pour le montant dû. Quand l’on connaît les faits et l’on comprend le droit, il est impossible de conclure une entente pour un montant qui sera inférieur au résultat que donnera la formule.

[80] La jurisprudence invoquée par le ministre s’est avérée respectée rigoureusement au cours des dernières années. Les tribunaux ont hésité à donner effet à des ententes où le montant d’impôt cotisé, soit la responsabilité du contribuable en vertu de la Loi, en est l’objet. Ces affaires ne vont toutefois pas au-delà de cette conclusion, ce qui donne à la jurisprudence une portée limitée.

[81] Dans la décision Galway c Ministre du Revenu national [1974] 1 CF 593, [1974] 1 CF 600 [Galway], la Cour d’appel fédérale a soulevé le principe « de son propre chef » dans une demande de jugement par consentement à l’égard de la capacité du ministre à établir une cotisation en se fondant sur autre chose que la LIR. À la page 598, la Cour expose ainsi la question :

[traduction]

Il ne s’agit manifestement pas d’un cas où il convient de réduire le montant de l’impôt en litige. Il s’agit plutôt de décider si la somme totale de 200 500 $ était imposable ou pas. Dans cette situation, nous doutons grandement que le ministre ait le droit légalement d’établir une nouvelle cotisation pour une partie du montant d’impôt en question. Si tel n’est pas le cas, la Cour ne peut l’obliger de le faire.

[82] C’est ce qui a mené la Cour à demander aux parties de présenter leurs observations. La Cour a conclu, aux pages 602 et 603 du deuxième jugement, qu’une nouvelle cotisation doit se fonder sur les faits tels qu’ils sont connus et sur le droit tel qu’il est compris. Le montant ne peut faire l’objet d’un compromis une fois les faits connus et le droit confirmé :

[traduction]

Ce doute, comme nous l’avons indiqué dans nos motifs du 22 avril, est attribuable au fait que, selon nous, le ministre a l’obligation, aux termes de la Loi, de fixer le montant de l’impôt exigible d’après les faits qu’il établit et en conformité avec son interprétation de la Loi. Il s’ensuit qu’il ne peut établir une cotisation pour un montant servant à mettre en œuvre une entente à l’amiable et que, lorsque la Section de première instance ou la Cour en appel renvoie une cotisation au ministre afin qu’il en établisse une nouvelle, cette nouvelle cotisation doit se fonder sur les faits, conformément à la loi, et pas pour mettre en œuvre une entente à l’amiable.

Cette position change-t-elle si les parties consentent à un jugement? Dans un litige ordinaire entre personnes privées majeures et saines d’esprit, la Cour n’a aucune obligation, en temps normal, de mettre en doute un consentement des parties au jugement. Nous aurions dû enseigner que cet énoncé s’applique aussi lorsque la Couronne, représentée par ses conseillers juridiques prévus par la Loi, est l’une des parties. Il existe cependant au moins une exception à l’admission inconditionnelle des jugements sur consentement, quelles que soient les parties, à savoir que la Cour ne peut accueillir sur consentement un jugement qu’elle ne serait pas habilitée à accorder après le procès ou l’audition de l’appel. Il s’ensuit que, dans la mesure où la Cour ne peut, après le procès ou l’audience, déférer une affaire pour cotisation excepté dans les formes prévues par la Loi et ne peut, à un tel stade, déférer une affaire pour qu’on procède à une nouvelle cotisation pour donner effet à un compromis. La Cour ne peut donc déférer une affaire au moyen d’un jugement sur consentement pour nouvelle cotisation à cette fin. [Non souligné dans l’original.]

[83] Comme on peut le voir, le refus d’accepter que l’accord entre les parties est contraignant était très limité. En fait, la Cour s’est ensuite montrée d’accord avec le fait que les parties puissent présenter une nouvelle demande [traduction] « en vertu d’un consentement à un jugement conçu afin de mettre en œuvre un accord conclu entre les parties quant à la façon dont la cotisation aurait dû être établie en appliquant la loi aux faits véritables ». Autrement dit, une fois les faits confirmés et le droit appliqué à leur égard tel qu’il s’entend, on obtient une réponse. Un accord en vue de s’écarter de ce résultat ne sera pas contraignant.

[84] Voilà les tenants et aboutissants de l’affaire. C’est la conclusion à laquelle la Cour d’appel fédérale est parvenue dans Cohen c R, (1980) 80 DTC 6250 [Cohen], en s’appuyant sur la décision Galway : [traduction] « l’entente en vertu de laquelle le ministre accepterait d’établir une cotisation pour l’impôt sur le revenu d’une façon allant à l’encontre de la loi constituerait selon moi une entente illégale ».

[85] La jurisprudence issue de la décision Galway a le même effet (Harris c Canada, [2000] 4 RCF 37 (CAF), CIBC World Markets Inc c Canada, 2012 CAF 3, 426 NR 182). La cotisation se fonde sur les faits tels qu’ils sont connus et le droit tel qu’il est compris. Toute entente doit en tenir compte. Ce courant jurisprudentiel ne va toutefois pas plus loin.

[86] Au contraire, selon la jurisprudence issue de la Cour canadienne de l’impôt, des affaires fiscales sont réglées tous les jours. Dans Consoltex c R, (1997) 97 DTC 724, le juge Bowman a cité cet extrait de Principles of Canadian Income Tax Law (Hogg, Peter W., Joanne E. Magee, et Jinyan Li, Principles of Canadian Income Tax Law, 5e éd., (Toronto : Thomson Carswell, 2005)) :

[traduction]

L’attitude de la Cour d’appel fédérale dans les décisions Cohen et Galway est beaucoup trop rigide et dogmatique. Si le ministre était effectivement incapable de conclure des ententes à l’amiable, il se verrait refuser un outil essentiel d’application. Le ministre doit gérer les ressources limitées du ministère; il est donc irréaliste de l’obliger à insister sur chacun des points juridiques et de plaider chaque litige jusqu’au bout. La plupart des litiges relatifs à l’impôt ne sont que des litiges sur l’argent qui peuvent en soi être réglés par un compromis. On peut supposer que le ministre accepterait de conclure une entente à l’amiable seulement si elle offrait un meilleur recouvrement net que celui qui serait probablement obtenu en poursuivant le litige. Il semble ridicule d’exiger du ministre qu’il engage les coûts inutiles d’un litige évitable au nom d’une obligation légale abstraite d’appliquer la loi. (page 844)

En fait, dans la décision La Reine c Enterac Property Corp, (1998) 98 DTC 6202, le juge MacDonald a pratiquement invité à revoir l’affaire :

En s’engageant dans le procès, les avocats auraient l’occasion de demander à la Cour de réviser la jurisprudence découlant des arrêts Nathan Cohen, et al. v. Her Majesty the Queen, 80 D.T.C. 6250 (C.A.F.), David Ludmer, et al. v. Her Majesty the Queen, 95 D.T.C. 5311 (C.A.F.), autorisation de pourvoi refusée [1995] 4 R.C.S., vii, compte tenu des commentaires faits par le juge Bowman dans l’affaire Consoltex Inc. v. The Queen, [1980] C.T.C. 318, (C.A.F.)[1], et de la déclaration du juge en chef Laskin dans Smerchanski and Eco Exploration Co. Ltd. v. Minister of National Revenue, 76 D.T.C. 6247 (C.S.C.).

[87] Plus récemment, le juge Bowie de la Cour canadienne de l’impôt a sous-entendu que les accords conclus librement devaient être contraignants. Il a affirmé, dans la décision 1390758 Ontario Corporation c La Reine, 2010 CCI 572, [2010] DTC 1385, [1390758 Ontario Corporation] :

[35] Je suis d’accord avec le juge en chef Bowman et les auteurs Hogg, Magee et Li, à savoir qu’il y a de bonnes raisons de principe pour faire respecter les ententes négociées relatives à des litiges fiscaux qui ont été librement conclues entre les contribuables et les représentants du ministre. L’ajout du paragraphe 169(3) à la Loi en 1994 constitue une reconnaissance de ce fait par le Parlement. Ce n’est pas aux tribunaux de réexaminer le bien-fondé de telles ententes. Cette tâche revient comme il se doit au vérificateur général.

[36] La réalité est que des litiges fiscaux sont réglés tous les jours dans ce pays. S’ils ne l’étaient pas et que chaque point litigieux devait être tranché dans un jugement, des arriérés impossibles à gérer s’accumuleraient rapidement et le système tomberait en panne.

[37] La Couronne règle régulièrement des réclamations contractuelles et des réclamations en responsabilité civile délictuelle, déposées par elle ou contre elle. Aucune raison ne justifierait que les litiges fiscaux ne fassent pas également l’objet d’un règlement. Les deux parties à un litige ont le droit de savoir que, si elles investissent le temps et les efforts nécessaires en vue de négocier une transaction, l’entente les liera.

Le juge Webb, tel était alors son titre, s’est dit entièrement d’accord avec le juge Bowie dans la décision Huppe c La Reine, [2011] DTC 1042, 2010 CCI 644 [Huppe]. Il a ensuite conclu que des précédents comme les décisions Galway et Cohen portaient sur des situations binaires : il s’agissait d’une proposition de type « tout ou rien », où il fallait inclure le montant en entier ou pas, dans la décision Galway, et où il fallait décider si le revenu était un gain en capital imposable ou pas, dans la décision Cohen. Le juge Webb semble avoir conclu que ce courant jurisprudentiel n’a qu’une valeur de précédent limitée :

[13] Il me semble qu’il y a lieu de faire une distinction entre l’espèce et les arrêts Galway Garber et Cohen. En l’espèce, il n’est pas question de savoir si c’est tout ou rien, il ne s’agit pas non plus d’une situation où l’appelant a continué à négocier après le désaveu de la Couronne. En conséquence, je ne souscris pas à l’argument de la Couronne selon lequel elle n’est tout simplement pas liée par quoi que ce soit, même en présence d’une entente de règlement du présent appel. [Non souligné dans l’original.]

[88] Il va sans dire que si un accord vise à établir une cotisation qui n’est ni cohérente avec les faits ni justifiable selon une compréhension adéquate du droit, le courant jurisprudentiel issu de la décision Galway est contraignant pour la Cour (voir Willers v Joyce & Anor (Re: Gubay (deceased)), [2016] UKSC 44). Il ne s’agit toutefois pas en l’espèce d’une cotisation pouvant être justifiée par les faits et le droit (1390758 Ontario Corporation, au paragraphe 40). La cotisation, soit la responsabilité du contribuable en matière d’impôt pour des opérations particulières, a déjà été établie et rien au dossier n’indique qu’elle n’est pas justifiée par les faits et le droit. Nous avons plutôt une entente qui stipule que le ministre pourrait être en mesure de procéder à l’établissement d’une nouvelle cotisation si les faits changeaient. En fait, l’accord conclu est conforme au courant jurisprudentiel issu de la décision Galway. L’Agence a déjà établi une cotisation à l’égard du contribuable selon les faits connus et la loi comprise. En cas de changement, les parties s’entendent sur le fait que le ministre peut établir de nouvelles cotisations; si les faits ont changé, de nouvelles cotisations peuvent être établies.

[89] Selon moi, la Cour n’est pas liée par le courant jurisprudentiel issu de la décision Galway, dans les circonstances particulières de la présente affaire, qui diffèrent grandement des conclusions tirées dans ces autres décisions. Il vaut la peine de répéter que le ministre a conclu cette entente librement après avoir mené une évaluation adéquate. Le ministre a mené cette évaluation pendant bon nombre de mois et une entente a été conclue. La partie adverse, le contribuable, s’est comportée en conséquence en ne menant plus de transactions chevauchantes. Je partage assurément l’opinion du juge Bowie selon laquelle le système s’écroulerait sous son propre poids s’il était impossible de conclure des ententes ou si elles étaient incertaines au point où il serait imprudent de convenir de quoi que ce soit si la partie au contrat peut revenir sur sa décision quand bon lui semble. Une entente qui n’empiète pas sur le courant jurisprudentiel issu de la décision Galway doit être applicable parce qu’elle relève de l’application de la LIR. Le ministre applique la Loi et c’est ce qu’il a fait.

[90] Pendant l’audition de la présente affaire, la Cour a fait allusion à la décision rendue récemment par la Cour suprême du Canada sur les négociations de plaidoyers dans le contexte criminel. Dans l’arrêt R c Anthony-Cook, 2016 CSC 43, la Cour a formulé des commentaires étrangement semblables à ceux du juge Bowie dans la décision 1390758 Ontario Corporation et du juge Webb dans la décision Huppe :

[1] Les discussions que tiennent les avocats du ministère public et ceux de la défense en vue d’un règlement sont non seulement courantes dans le système de justice pénale, elles sont essentielles. Menées correctement, elles permettent un fonctionnement en douceur et efficace du système.

[2] Les recommandations conjointes relatives à la peine — c’est-à-dire lorsque les avocats du ministère public et de la défense conviennent de recommander au juge une peine en particulier, en échange d’un plaidoyer de culpabilité de la part de l’accusé — font partie des discussions en vue d’un règlement. Elles constituent un moyen à la fois accepté et acceptable d’arriver à une entente sur le plaidoyer. On en voit tous les jours dans les salles d’audience partout au pays, et elles sont essentielles au bon fonctionnement du système de justice pénale. Comme l’a dit notre Cour dans R. c. Nixon, 2011 CSC 34, [2011] 2 R.C.S. 566, ces recommandations conjointes contribuent non seulement à ce « que l’on règle la grande majorité des affaires pénales au Canada », mais « elles contribuent donc à rendre le système de justice pénale équitable et efficace » (par. 47). [Note omise]

Afin d’inspirer la confiance que l’entente conclue sera respectée, la Cour a préféré adopter un seuil élevé avant qu’un juge de première instance s’écarte de l’entente : la peine proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou elle n’est pas par ailleurs dans l’intérêt public (au paragraphe 29). La certitude est primordiale, à moins de déconsidérer l’administration de la justice.

[91] Dans le contexte d’une entente conclue entre des autorités fiscales et des contribuables, à moins qu’une autorité n’empêche de conclure de telles ententes, je souscris à l’opinion du juge Bowie et du juge Webb et je déclare qu’une entente semblable à celle dont la Cour est saisie, qui ne contrevient pas au courant jurisprudentiel issu de la décision Galway, est contraignante pour les parties. Le ministre a assurément la prérogative de décider de ne conclure aucune entente avec aucun contribuable. L’expérience montre que ce n’est pas ce qu’elle a comme pratique de faire et des spécialistes comme les juges Webb et Bowie acceptent de telles ententes. Il s’agissait évidemment de l’opinion du juge en chef Bowman aussi. Comme l’a fait remarquer avec insistance l’avocat de M. Rosenberg dans la présente instance, la certitude est un ingrédient essentiel. C’est aussi la conclusion à laquelle la Cour suprême du Canada est arrivée dans l’arrêt Anthony-Cook, quand elle a tranché qu’il fallait satisfaire à un critère élevé pour surmonter une entente sur la peine. Ainsi, à moins d’élargir l’autorité de la décision Galway, ce qui n’est ni requis ni souhaitable, comme je l’ai conclu, ou à moins que l’entente aille à l’encontre de l’ordre public, le contrat est valide et contraignant.

[92] Le président de la Cour de l’Échiquier du Canada (Thorson P.) a conclu il y a plus de 60 ans que le ministre peut décider de la façon dont il procédera pour établir une cotisation :

[traduction]

Il est impossible de justifier chacune des déclarations faites dans ces instances pour appuyer la prétention de l’avocat selon laquelle le ministre n’a établi aucune cotisation avant le 27 juillet 1951. Elles contiennent plusieurs erreurs implicites. Il est erroné d’affirmer qu’à moins d’avoir commis tous les actes qu’il pouvait faire dans l’exécution de sa fonction administrative d’établissement de cotisation, le ministre n’a établi aucune cotisation. On ne trouve aucune norme exprimée ou supposée dans la Loi ou ailleurs qui établit les exigences essentielles à l’établissement d’une cotisation. Il est donc vain de tenter de définir ce que le ministre doit faire pour établir une cotisation appropriée. Il n’appartient qu’à lui seul de décider comment il devrait, dans n’importe quel cas, confirmer et établir la responsabilité du contribuable. Il lui appartient d’établir l’ampleur de l’enquête qu’il devrait mener, s’il y a lieu. Par nécessité, elle ne sera pas la même dans tous les cas.

(Provincial Paper Ltd v Minister of National Revenue, [1955] Ex CR 33, [1954] CTC 367, à la page 38)

Le ministre peut donc établir la façon d’exécuter la loi lorsqu’il s’agit de l’étendue d’une enquête.

c) L’entente va-t-elle à l’encontre de l’ordre public?

[93] La dernière question vise à trancher si le contrat qui limite le ministre dans le recours à un pouvoir qu’il peut utiliser (paragraphe 231.1(1) de la LIR) va à l’encontre de l’ordre public ou pas. L’article 1373 du CCQ prévoit ce qui suit :

1373. L’objet de l’obligation est la prestation à laquelle le débiteur est tenu envers le créancier et qui consiste à faire ou à ne pas faire quelque chose.

1373. The object of an obligation is the prestation that the debtor is bound to render to the creditor and which consists in doing or not doing something.

La prestation doit être possible et déterminée ou déterminable; elle ne doit être ni prohibée par la loi ni contraire à l’ordre public.

The debtor is bound to render a prestation that is possible and determinate or determinable and that is neither forbidden by law nor contrary to public order.

Une entente en vue de frauder le régime fiscal est nulle (Construction C & J Dugas inc c Charlebois, JE 95-1891; Lessard c Labonte, [1963] C.S. 247). Ce fait est bien établi en droit. Toutefois, va-t-il plus loin?

[94] Le défendeur fait la proposition audacieuse qui suit : [TRADUCTION] « le droit est clair, aucune entente conclue entre le ministre et les contribuables ne peut interférer avec les pouvoirs de ce dernier de mener des vérifications » (mémoire des faits et du droit, au paragraphe 34).

[95] Pour étayer cet argument, le défendeur s’appuie sur la jurisprudence des tribunaux du Québec. Dans la décision Vermette c Blainville (Ville), [1994] JQ no 2573, la Cour supérieure a conclu qu’un contrat ayant pour but de limiter le pouvoir législatif d’une municipalité d’adopter un règlement interne n’est pas contraignant :

[38] Il ressort de cette jurisprudence et des autres décisions citées par les parties qu’une ville ne peut limiter son pouvoir législatif, mais qu’elle peut effectivement s’engager, par contrat, lorsqu’il s’agit d’une décision administrative, et que les tribunaux maintiendront cet engagement s’il n’est pas contraire à la loi ou à sa charte.

[TRANSLATION]

[38] It is clear from this case law and the other decisions cited by the parties that a city cannot fetter its legislative power, but that it can enter into a contractual agreement for administrative decisions, and that the courts will maintain this agreement provided it does not violate legislation or its charter.

Cette affaire établit la proposition selon laquelle on ne peut faire entrave au pouvoir législatif. Il n’y a aucune entrave au pouvoir législatif en l’espèce (voir Hogg, Monahan et Wright, Liability of the Crown, 4e éd., (Toronto : Carswell, 2011, no 9.6)). Cette affaire ne soutient pas la prétention du défendeur.

[96] De même, la décision Corporation de gestion des marchés publics de Montréal c Montréal (Ville de), 2006 QCCS 2877, n’est d’aucune aide non plus. Dans cette affaire, la Ville avait conclu une entente où elle « s’engage à : maintenir, selon les normes habituelles d’entretien, l’accès à ces différents marchés par les rues, ruelles et trottoirs publics ». Une décision a par la suite été prise afin d’interdire l’accès en voiture pendant certaines périodes prescrites. La Cour supérieure s’est ralliée à la ville de Montréal parce que sa Charte interdisait précisément de conclure des contrats liés à la circulation :

La compétence de la Ville de réglementer la circulation, la paix, l’ordre public, la décence et les bonnes mœurs, ne peut être soumise à quelques obligations contractuelles quelconques ou quelques ententes de toute nature, tel qu’il appert de la charte aux articles 1 ou 9a).

[TRANSLATION]

The City’s jurisdiction to regulate traffic, peace, public order, decency and accepted standards of behaviour cannot be bound by any contractual obligations or agreements of any kind, as shown in sections 1 and 9(a) of the charter.

La Cour supérieure, pour étayer davantage sa position, s’est appuyée sur la jurisprudence liée à l’entrave au pouvoir législatif. Là encore, cette jurisprudence n’est d’aucune aide, tout comme les autres instances auxquelles la Cour supérieure a renvoyé et que le défendeur a également citées. Dans l’arrêt Habitations de la Rive-Nord inc c Repentigny (Ville), 2001 CanLII 10048, la Cour d’appel du Québec a renvoyé directement à un jugement de la Cour supérieure du Canada qui confirmait que les conseils municipaux ne peuvent pas faire entrave à l’exercice de leurs pouvoirs législatifs (Pacific National Investments Ltd c Victoria (Ville), 2000 CSC 64, [2000] 2 RCS 919, aux paragraphes 55 à 57). Aucune de ces décisions n’aide à trancher la question.

[97] Ces décisions renvoient à une instance devant la Chambre des lords datant de 1926. Dans l’arrêt Birkdale District Electric Supply Co Ltd v The Corporation of Southport, [1926] AC 355, les parties avaient conclu un contrat [traduction] « où il était convenu que le prix de l’énergie électrique fournie par les appelants dans le district urbain de Birkdale ne devrait pas être supérieure au prix de celle fournie dans le quartier de Southport ». Lorsque les appelants ont commencé à facturer un montant plus élevé à Birkdale qu’à Southport, l’affaire s’est retrouvée devant les tribunaux et les appelants soutenaient que le contrat était ultra vires puisqu’il était [traduction] « en contradiction avec leur exercice diligent des pouvoirs qui leur sont conférés en vertu de la loi et contraire à des dispositions particulières de la Electric Lighting Act » (à la page 856).

[98] Le contrat a été exécuté. Personne ne conteste que l’on ne peut faire entrave au pouvoir d’adopter une loi. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, chaque fois qu’un contrat est conclu, une autorité publique exerce son pouvoir discrétionnaire. Patrice Garant, dans son ouvrage intitulé Droit administratif (Patrice Garant, Droit administratif, 6e éd., (Montréal : Éditions Yvon Blais, 2010)) sous-entend que le véritable critère « consiste à se demander non pas si un pouvoir statutaire est limité par la conclusion du contrat, mais si le contrat est compatible avec les objectifs recherchés par la loi » (à la page 37).

[99] En l’espèce, le ministre ne fait pas entrave à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. L’entente ne fait que confirmer qu’à la suite de la vérification et de l’examen du contribuable pour deux années d’imposition au sujet de transactions très précises, l’affaire est close. Rien n’est mentionné dans la nature d’un pouvoir législatif qui ne sera pas exercé. On ne fait que reconnaître l’atteinte de la certitude quant au traitement de ce contribuable, par l’intermédiaire de l’engagement selon lequel [traduction] « l’Agence ne procédera pas à l’établissement de nouvelles cotisations pour les années d’imposition » 2006 et 2007, en ce qui concerne ce contribuable et seulement quelques transactions bien définies. Et, quoi qu’il en soit, l’entente prévoit que le ministre a encore le droit d’établir une nouvelle cotisation si le déroulement des faits change.

[100] L’entente constitue en fait le prolongement de la loi puisqu’elle permet de régler des affaires. L’entente est compatible avec l’objet de la loi. Le défendeur a manifestement jugé bon et dans son intérêt de mettre cette affaire derrière les parties. Le ministre obtenait quelque chose en retour et les parties ont convenu que l’entente serait nulle et sans effet si le contribuable ne respectait pas l’obligation qu’il avait acceptée. De même, s’il avait été conclu que les faits étaient différents, le ministre pouvait revenir sur sa position. Cela est parfaitement conforme à la décision Galway. Cette entente indique tout simplement qu’étant donné les faits connus et vu l’incertitude dans le droit que suscite une certaine jurisprudence, il devrait y avoir une entente qui signifie que le ministre ne procédera pas à l’établissement d’une nouvelle cotisation si les choses demeurent les mêmes.

[101] Il me semble que pour conclure des arrangements avec des contribuables, l’entente elle‑même doit comporter un degré de certitude. À l’instar des transactions en matière pénale en droit criminel, la certitude revêt une importance cruciale. Si le ministre ne souhaite pas conclure des ententes avec les contribuables, il peut présenter des directives à ses représentants à cet égard. Il n’y a aucune indication en l’espèce selon laquelle l’auteur de la lettre de février 2010 a agi sans autorité. À l’heure actuelle, personne ne conteste que des ententes sont conclues tous les jours avec des contribuables dans ce pays. Il est également plus que probable qu’une entente doit être fondée sur les faits tels qu’ils étaient connus au moment de l’entente et sur le droit tel qu’il était compris. On parvient difficilement à voir comment des ententes ne sont pas le prolongement de l’objet des dispositions législatives. Loin d’empêcher le ministre de s’acquitter du but principal pour lequel la loi a été créée, l’exercice du pouvoir discrétionnaire en vue de conclure ce type d’entente aide à assurer l’application et l’exécution de la LIR. Selon moi, l’analogie avec la négociation de plaidoyers, même si elle n’est pas parfaite, est juste.

[102] L’entente entre les parties n’est pas nulle et sans effet et elle est contraignante. L’entreprise en l’espèce est compatible avec la fonction publique. Le ministre peut, bien entendu, exercer son pouvoir discrétionnaire à sa guise afin de refuser de conclure ce type d’arrangement. Il ne l’a pas fait dans ce cas.

VI. Dépens

[103] Les parties ont présenté des observations écrites sur la question des dépens après l’audition de la présente instance, tant sur la requête en radiation que sur le bien-fondé de ce qui est devenu une demande de contrôle judiciaire à la suite de la requête en radiation de l’action. La question des dépens liés à la requête en radiation est claire. La juge Bédard ne s’est pas prononcée sur les dépens. La Cour d’appel fédérale a conclu, dans l’arrêt Exeter c Canada (Procureur général), 2013 CAF 134 [Exeter], que « [l]a décision d’un juge d’accorder ou non les dépens d’une requête ne peut être modifiée ensuite par le juge appelé à statuer sur l’action ou la demande sous-jacente. À cette fin, l’ordonnance relative à une requête interlocutoire qui ne fait aucune mention des dépens passe pour ne pas en avoir accordés » [jurisprudence citée omise] (au paragraphe 14).

[104] Une directive a néanmoins été émise le 29 juillet 2015, après que la juge Bédard s’est jointe à la Cour supérieure du Québec, par un juge différent afin d’accueillir l’adjudication des dépens liés à la requête en radiation à l’audience sur le bien-fondé. La directive indiquait toutefois que des observations écrites devaient être présentées bien avant l’audience sur le bien-fondé. Cela n’a jamais été fait.

[105] Pour compliquer les choses, les deux décisions devant les tribunaux du Québec étaient avec dépens et les parties, dans leurs documents présentés pour la requête en radiation, ont demandé à ce que les dépens leur soient adjugés. Malgré cela, aucune ordonnance n’a été rendue sur les dépens et je n’ai trouvé aucune autre explication. Le demandeur, M. Rosenberg, suggère que les dépens devraient suivre l’issue de la cause. Cela n’est pas ce que la juge Bédard a ordonné. Selon l’ancienne règle, avant 1998, les dépens étaient à suivre ou étaient adjugés suivant l’issue de la cause (Exeter, au paragraphe 10). Comme l’a expliqué le juge Rothstein, qui siégeait alors à la Cour, cette approche a changé avec le nouvel article 401 des Règles (AIC Ltd c Infinity Investment Counsel Ltd (1998), 148 FTR 240, au paragraphe 11) : les dépens suivent l’issue de la requête, à moins, bien entendu, qu’il y ait une ordonnance selon laquelle les dépens suivent l’issue de la cause (Singer c Enterprise Rent-A-Car Co, [1999] 4 CF D-65). De toute façon, le demandeur a abordé la question des dépens liés à la requête en radiation en tant que question distincte qui mérite sa propre adjudication. Le défendeur semble être satisfait qu’une directive ait été émise.

[106] Dans ces circonstances, malgré le silence de la juge Bédard et l’opinion incidente dans l’arrêt Exeter, j’ai choisi de traiter la directive émise le 29 juillet 2015 (qui correspond au plus récent prononcé judiciaire sur la question et où la question des dépens liés à la requête en radiation était considérée comme adéquate) conformément à la directive.

[107] Des observations ont aussi été formulées sur la demande de contrôle judiciaire. J’examinerai successivement chacune de ces raisons.

A. La requête en radiation et le recours à une action devant la Cour fédérale

[108] La juge Bédard devait trancher deux questions. C’est le défendeur qui a présenté une requête en radiation de l’action amorcée par M. Rosenberg à la suite de son périple infructueux devant les tribunaux du Québec. L’Agence prétendait que l’action n’avait aucune probabilité de réussite et que celle présentée devant la Cour fédérale constituait un moyen procédural inapproprié. La Cour d’appel du Québec avait conclu que « [l]a nature du recours entrepris par l’appelant consistant essentiellement en une demande de contrôle judiciaire des actes de l’intimée, au sens de l’article 18 L.c.f. » (2014 QCCA 1651, au paragraphe 18); pourtant, le demandeur a persisté en amorçant une action plutôt qu’en présentant une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. La défenderesse l’a contesté.

[109] La juge Bédard devait donc trancher deux questions. Est-il évident et manifeste que l’action amorcée par M. Rosenberg n’a aucune chance de réussite? Et, une action constitue-t-elle le moyen procédural approprié en l’espèce?

[110] Les parties ont abordé entièrement les deux questions. D’une part, M. Rosenberg, le demandeur, a obtenu gain de cause sur la requête en radiation : la Cour a conclu qu’il n’était pas évident et manifeste qu’il n’avait aucune chance de succès. D’autre part, c’est la défenderesse, l’Agence, qui n’a pas obtenu gain de cause sur la question de savoir si l’affaire devait être instruite en tant qu’action plutôt que demande de contrôle judiciaire. Elle a conclu que « le recours intenté par le demandeur n’a pas de chance de succès dans sa forme actuelle, mais je considère néanmoins qu’il existe un litige entre les parties et qu’à cet égard, il n’est pas évident et manifeste que la position avancée par le demandeur n’a aucune chance de succès dans le cadre d’une procédure appropriée » (au paragraphe 35). Le demandeur a eu l’autorisation de transformer son action en demande de contrôle judiciaire. En fin de compte, chacune des parties a gagné et a perdu.

[111] Le demandeur sous-entend que sa victoire est plus importante que celle de l’Agence. Je ne vois pas pourquoi. Malgré la directive de la Cour d’appel du Québec, le demandeur a choisi de procéder par voie d’action devant la Cour fédérale. Il était désabusé, en raison de la requête du défendeur. La requête présentée par le défendeur avait pour effet de préciser qu’il y avait une question à trancher, et d’indiquer qu’il ne fallait pas prolonger la procédure en procédant par voie d’action.

[112] Le succès lié à la requête était divisé. Je me suis demandé s’il convenait d’adjuger les dépens à une partie malgré le fait que les deux côtés avaient obtenu gain de cause sur un argument. Selon moi, chaque partie avait une chance de succès égale devant la juge Bédard. Aucuns dépens ne seront adjugés sur la requête qu’elle a tranchée.

B. Le bien-fondé de la demande

[113] En ce qui concerne la demande de contrôle judiciaire, le demandeur l’emporte et a le droit à des dépens. Au départ, il demandait les dépens sur une base avocat-client. Il a toutefois adopté une voie différente dans ses observations écrites. Le demandeur a plutôt insisté sur le fait que l’offre de règlement rejetée par le défendeur afin de faire valoir que l’article 420 des Règles des Cours fédérales permettrait d’augmenter dans une certaine mesure les dépens. J’en conclus que l’adjudication des dépens sur une base avocat-client n’a pas été poursuivie. Vu que le demandeur a changé sa thèse en présentant ses arguments sur les dépens sur une base différente de celle présentée, il pourrait y avoir manquement au devoir d’équité. Le défendeur se trouve soudainement assujetti à une responsabilité sans avoir eu l’occasion de répondre. J’ai toutefois conclu que l’article 420 des Règles n’entre pas en jeu selon les faits présentés en l’espèce et il ne sera pas nécessaire de discuter plus longtemps du devoir d’équité.

[114] En fait, l’offre de règlement est simple. Les deux côtés retourneraient à la situation antérieure. À la suite de la décision rendue par la juge Bédard le 28 avril 2015, le demandeur a acheminé une offre le 20 mai 2015, où il retirerait sa procédure amorcée à l’encontre de l’Agence afin de contester la lettre de demande, tandis que l’Agence retirerait sa lettre de demande et une demande d’ordonnance de conformité aux termes de l’article 231.7 de la LIR. Dans cette offre, il était indiqué que la procédure serait retirée sans dépens. On ignore quels seraient les dépens adjugés puisque le succès sur la requête en radiation est divisé.

[115] Le demandeur propose essentiellement à l’Agence de renoncer aux efforts d’exécution qu’elle déploie à son égard en échange de ne pas demander les dépens sur une requête en radiation où le demandeur n’a obtenu que partiellement gain de cause. S’il n’y a aucune adjudication des dépens, le défendeur ne tire aucun avantage. S’agissait-il de l’incitatif à accepter l’offre de règlement? Après tout, la Cour avait à peine refusé de radier l’action puisqu’il n’était pas évident et manifeste qu’elle n’avait aucune chance de succès. Cela ne peut pas être considéré comme un exemple éloquent de la position adoptée par le demandeur, comme celui-ci le sous-entend quelque peu dans ses observations sur les dépens (au paragraphe 4). En fait, il n’est pas clair que le jugement obtenu est aussi favorable que les modalités de l’offre de règlement si les dépens sur la requête en radiation, la monnaie d’échange offerte par le demandeur, n’étaient pas obtenus.

[116] Même si l’offre de règlement était claire et sans ambigüité, aucun compromis n’avait été présenté (MK Plastics Corporation c Plasticair Inc, 2007 CF 1029; H-D USA, LLC c Berrada, 2015 CF 189) qui constituerait un incitatif à accepter. Il s’agit plutôt d’une demande de reddition. Je refuserais donc d’appliquer l’article 420 des Règles.

[117] Le demandeur a aussi mentionné que la question était nouvelle et qu’elle exigeait une préparation considérable.

[118] Je ne vois aucune raison de m’écarter de l’article 407 des Règles. Le demandeur a présenté un mémoire de dépens fondé sur la colonne III, ce qui est approprié. Les débours de 5 271,18 $, taxes comprises, semblent élevés, sans être déraisonnables. En ce qui concerne les frais, la participation d’un deuxième avocat était appropriée (élément 14(b)); j’accorderai un montant pour les frais de déplacement d’un avocat. Le demandeur indique toutefois que 16 heures en deux jours ont été passées au tribunal. Ce sont plutôt 12 heures en deux jours qui sont plus appropriées; trois unités par heure sont accordées pour l’élément 14. En ce qui concerne le nombre d’unités pour les éléments autres que l’élément 14 (où trois unités seraient appropriées), j’aurais cru que le nombre maximal d’unités serait moins qu’adéquat vu la complexité relative du présent dossier. J’attribuerais le nombre maximal d’unités moins une par élément pour les éléments 2, 10, 11 et 15. Les éléments divers devraient se rapprocher du milieu de la fourchette. Le montant proposé par le demandeur se situe entre 8 620 $ et 14 840 $. Conformément au paragraphe 400(4) des Règles, un paiement forfaitaire de 11 000 $ est adjugé pour les frais.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La Cour déclare que les parties sont liées par l’entente signée le 19 février 2010 et qu’elles doivent s’y conformer.

  2. La Cour déclare que la lettre de demande datée du 7 janvier 2013 contrevient à ladite entente; par conséquent, le demandeur n’a aucune obligation de répondre à cette lettre de demande, qui est annulée par les présentes;

  3. Il s’ensuit que toute nouvelle cotisation devrait être établie conformément à l’entente telle qu’elle est interprétée aux présentes;

  4. Des dépens d’une somme totale de 16 271,19 $, y compris les débours, sont adjugés en faveur du demandeur.

« Yvan Roy »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 27e jour de juillet 2020

Lionbridge


ANNEXE « I »


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1958-14

 

INTITULÉ :

MICHAEL ROSENBERG c LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 31 octobre 2016 et le 1er novembre 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 14 décembre 2016

 

COMPARUTIONS :

Guy Du Pont

Michael Lubetsky

Reuben Abitbol

 

Pour le demandeur

 

Andrew Miller

Marissa Figlarz

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davies Ward Phillips & Vineberg S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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