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Date : 20170106


Dossier : T-1537-15

Référence : 2017 CF 22

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

ALEXION PHARMACEUTICALS INC.

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE en date du 28 décembre 2016

LA JUGE SIMPSON

[1]  Alexion Pharmaceuticals Inc. (Alexion) interjette appel de l’ordonnance du protonotaire Aalto et des motifs rendus le 23 juin 2016 (la décision). Le protonotaire avait alors accueilli la requête du défendeur en vue de faire radier la contestation déposée par Alexion relativement à la constitutionnalité de la réglementation des prix, énoncée aux articles 83 à 86, et des mots « en application [de l’]articl[e] […] 83 » tirés du paragraphe 87(1) de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P-4 (la Loi et les dispositions contestées). Alexion avait auparavant contesté ces dispositions par l’avis de demande du 11 septembre 2015 (la contestation) en faisant valoir qu’elles outrepassaient les pouvoirs du législateur. Le présent appel est interjeté en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7.

I.  Résumé des faits

[2]  Alexion est une entreprise du Delaware dont le siège social est situé à New Haven, au Connecticut.

[3]  Par l’intermédiaire de son affiliée canadienne, Alexion Canada Pharma Corp., Alexion commercialise le médicament Soliris (eculizumab), qui sert au traitement de troubles rares et dévastateurs de type sanguin ou génétique.

[4]  Alexion a amorcé en 2009 la commercialisation de Soliris au Canada.

[5]  Le 15 janvier 2015, des membres du personnel du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (le personnel du Conseil et le Conseil) ont intenté une action contre Alexion en déposant un exposé des allégations (les allégations). Il est affirmé dans ces allégations qu’Alexion aurait vendu le médicament Soliris entre 2012 et 2014 à un prix excessif. Les allégations prévoient que toute recette jugée excessive par le Conseil soit confisquée au profit de la Couronne.

[6]  Le 20 janvier 2015, le Conseil a publié un avis d’audition. Lors de cette audience, le Conseil décidera si, conformément aux articles 83 et 85 de la Loi, Alexion vend ou a vendu le médicament Soliris au Canada à un prix excessif (l’audience).

II.  La contestation

[7]  Par cette contestation, Alexion demandait à la Cour de déclarer inconstitutionnelles les dispositions contestées et aussi de rendre une ordonnance interdisant au Conseil de tenir l’audience. Il est prévu que l’audience commence au milieu du mois de janvier 2017.

[8]  Alexion affirme que le régime de réglementation des prix et les pouvoirs de confiscation que les dispositions contestées ont instaurés outrepassent les pouvoirs en matière de réglementation des brevets d’invention et de découverte que le paragraphe 91(22) de la Loi constitutionnelle de 1867 confère au parlement du Canada.

[9]  Alexion soutient que les dispositions contestées ne constituent pas des éléments du droit des brevets. Il s’agirait en fait d’un contrôle des prix et des mesures de confiscation, lesquels relèvent de la propriété et des droits civils, un champ de compétence que le paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867 confère exclusivement aux provinces.

[10]  La contestation est étayée par un témoignage d’expert déposé en preuve et un mémoire qui dresse l’historique des dispositions contestées.

III.  La requête en radiation déposée par le défendeur

[11]  Dans sa requête en vue de faire radier la contestation, le défendeur soutient qu’elle est dépourvue de toute chance de succès en raison d’un courant jurisprudentiel dans lequel il a été décidé définitivement que les dispositions contestées relèvent entièrement des pouvoirs conférés au parlement du Canada. Plus récemment, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Sandoz Canada Inc., 2015 CAF 249 [Sandoz], la Cour d’appel fédérale a confirmé que les dispositions contestées sont constitutionnelles.

[12]  En réponse, Alexion a soutenu que, même si plusieurs décisions, dont l’arrêt Sandoz, touchent à la constitutionnalité des dispositions contestées, la discussion sur le sujet demeure périphérique et n’inclut ni analyse sur la division véritable des pouvoirs ni liste rigoureuse et exhaustive de cette division. Alexion fait valoir que de telles analyses sont nécessaires parce que la Loi a été modifiée de façon à ce que le contrôle des prix excessifs soit appliqué en application de la Loi au moyen d’un régime de contrôle des prix et non plus d’un régime d’octroi de licences obligatoires.

IV.  Décision du protonotaire Aalto

[13]  Pour parvenir à sa décision, le protonotaire Aalto a entrepris un examen approfondi de la jurisprudence invoquée par le défendeur à l’appui de sa thèse, selon laquelle la constitutionnalité des dispositions contestées est bien établie en droit. (Voir Manitoba Society of Seniors Inc. v Canada (Attorney General) (1991), 77 DLR (4th) 485 (BR), confirmée (1992), 96 DLR (4th) 606 (CA) [Manitoba Society] et Smith, Kline & French Laboratories Ltd. v Attorney General of Canada, [1986] 1 CF 274). Le protonotaire a également tenu compte de l’arrêt Sandoz.

[14]  Dans l’arrêt Sandoz, après avoir discuté de la décision Manitoba Society de la Cour d’appel du Manitoba, le juge en chef de la Cour d’appel fédérale s’est exprimé comme suit au paragraphe 116 :

Selon moi, le juge de la Cour fédérale, et le Conseil avant lui, ont conclu avec raison que le contrôle des prix demandés pour les médicaments brevetés faisait partie des compétences du Parlement en matière de brevets en vertu du paragraphe 91(22) de la Loi constitutionnelle de 1867 lorsqu’il s’applique à un propriétaire ou à un titulaire de brevet. Les intimées le reconnaissent lorsqu’elles disent que l’interprétation du mot « breveté » donnée par le juge de la Cour fédérale maintient le lien avec la compétence fédérale, si bien que le raisonnement de la décision Manitoba Society reste intact (réplique de chacune des intimées à la réponse du procureur général du Canada à l’avis de question constitutionnelle [répliques des intimées], au paragraphe 46).

[15]  Par conséquent, le régime de contrôle des prix actuel prévu aux articles 79 à 103 de la Loi a été déclaré constitutionnel.

[16]  Puisque la décision Sandoz fait autorité, le protonotaire a conclu que la contestation était dépourvue de toute chance de succès.

[17]  L’autorisation d’interjeter appel de la décision Sandoz devant la Cour suprême du Canada a été demandée. Au moment où le protonotaire a rendu sa décision, l’autorisation d’appel n’avait pas encore fait l’objet d’une décision. Toutefois, un avis de désistement a été déposé le 8 septembre 2016. Il s’ensuit que la décision unanime de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Sandoz fait figure d’autorité finale.

V.  Questions en litige

[18]  La seule question consiste à savoir si le protonotaire a radié à juste titre la contestation parce qu’elle était dépourvue de toute chance de succès du fait que l’arrêt Sandoz fait autorité.

[19]  Dans Sandoz, la Cour d’appel fédérale (la Cour) a indiqué, au paragraphe 2 de sa décision, que la « question centrale » dans les deux appels consistait à savoir si Sandoz Canada Inc. et Ratiopharm Inc. (les intimées), fabricants de médicaments génériques, étaient brevetées ou titulaires d’un brevet selon la définition de ces termes au paragraphe 79(1) de la Loi sur les brevets. Si elles étaient brevetées ou titulaires d’un brevet, la Cour a indiqué qu’il fallait ensuite statuer sur la constitutionnalité des articles 79 à 103 de la Loi. Il s’agit des dispositions qui régissent le contrôle des prix qui a cours.

[20]  La Cour a d’abord conclu que les intimées étaient brevetées ou titulaires d’un brevet selon la définition de ces termes au paragraphe 79(1) de la Loi avant d’examiner la question constitutionnelle. La Cour a indiqué au paragraphe 112 de sa décision que la contestation constitutionnelle des intimées reposait sur l’idée que le régime actuel est purement et simplement un régime de contrôle des prix, lequel fait intrusion dans le domaine de la propriété et des droits civils, alors que l’ancien régime d’octroi de licences obligatoires utilisait les droits de brevet pour contrôler les prix.

[21]  De plus, aux paragraphes 112 et 113 de l’arrêt Sandoz, la Cour a relevé l’argument des intimées selon lequel la décision Manitoba Society ne fait plus jurisprudence depuis que les modifications de la Loi en 1992 ont abrogé les dispositions relatives aux licences obligatoires.

[22]  Cet argument est l’un des arguments qu’Alexion fait valoir lors de la présente contestation. Alexion soutient qu’elle dispose d’une preuve d’expert qui n’a pas été présentée à la Cour lors de l’arrêt Sandoz et qu’elle devrait avoir une nouvelle occasion de plaider plus en profondeur sur la question de la constitutionnalité des dispositions contestées.

[23]  Toutefois, il est manifeste dans l’arrêt Sandoz que la Cour comprenait que la méthode de contrôle des prix était passée d’un système de licences obligatoires à un régime pur et simple de contrôle des prix avec pouvoir de confisquer les recettes excessives; par conséquent, je suis d’avis qu’il n’existe aucun fondement pour examiner de nouveau la constitutionnalité des dispositions contestées.

VI.  Conclusion

[24]  J’en viens à la conclusion que l’arrêt Sandoz fait autorité. Il s’ensuit que la décision du protonotaire était correcte et que, par conséquent, l’appel de cette décision est rejeté.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 20e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1537-15

 

INTITULÉ :

ALEXION PHARMACEUTICALS INC. c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 NOVEMBRE 2016

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 JANVIER 2017

 

COMPARUTIONS :

Malcolm Ruby

David T. Woodfield

POUR LA DEMANDERESSE

 

Joseph Cheng

Christine Mohr

John Bricker

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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