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Date : 20170127


Dossier : IMM-2719-16

Référence : 2017 CF 107

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2017

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

YING QIANG TANG

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  En mai 2006, Ying Qiang Tang est venu au Canada en provenance de la Chine, dans le cadre d’une demande de parrainage de conjoint, et il a obtenu le statut de résident permanent au cours du même mois. En 2015, M. Tang a été déclaré interdit de territoire au Canada pour fausses déclarations. Il sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration concluant qu’il n’a pas établi de considérations d’ordre humanitaire suffisant à justifier qu’il demeure au Canada. Il soutient que la Section d’appel de l’immigration a commis des erreurs en examinant l’intérêt supérieur de son enfant de deux ans né au Canada et qu’elle a accordé un poids excessif aux fausses déclarations concernant sa situation financière dans les formulaires de demande préparés pour lui permettre de parrainer sa mère et sa sœur afin qu’elles puissent venir au Canada.

[2]  Par les motifs qui suivent, je ne retiens pas l’argument selon lequel la Section d’appel de l’immigration a commis des erreurs et la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

I.  Résumé des faits

[3]  M. Tang est arrivé au Canada en 2006, lorsqu’il a été parrainé par son ex-épouse. Ils ont divorcé en juillet 2007.

[4]  En octobre 2007, avec l’aide d’un consultant en immigration, M. Tang a préparé des demandes de parrainage pour sa mère et sa sœur. Elles sont arrivées au Canada et on leur a accordé le statut de résidentes permanentes en janvier 2013.

[5]  En 2012, M. Tang a commencé à fréquenter une autre femme et ils ont eu un enfant en août 2014. L’enfant est citoyen canadien. M. Tang et la mère de son enfant ont cessé de se fréquenter et M. Tang a assumé la garde principale de leur enfant.

[6]  En 2015, M. Tang a été frappé d’interdiction de territoire au Canada pour fausses déclarations, conformément à l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), pour avoir fait de fausses déclarations concernant son revenu et son expérience professionnelle dans la demande de parrainage qu’il a présentée pour parrainer sa mère et sa sœur.

[7]  M. Tang a interjeté appel de sa mesure de renvoi auprès de la Section d’appel de l’immigration pour des considérations d’ordre humanitaire (alinéa 67(1)c) de la LIPR).

[8]  Dans son analyse des facteurs d’ordre humanitaire, la Section d’appel de l’immigration a pris acte, parmi les facteurs positifs, que M. Tang se trouvait au Canada depuis 10 ans et qu’il occupait un emploi. Cependant, la Section d’appel de l’immigration a souligné que la preuve concernant des actifs ou des liens sociaux était limitée. La Section d’appel de l’immigration a également tenu compte du fait que M. Tang avait la garde principale de son fils de deux ans et que la mère semblait peu impliquée dans les soins de l’enfant. En définitive, la Section d’appel de l’immigration a conclu que l’intérêt supérieur de l’enfant et les considérations d’ordre humanitaire ne l’emportaient pas sur la conclusion de fausses déclarations.

II.  Questions en litige

[9]  M. Tang soulève deux principaux arguments qui peuvent être énoncés comme suit :

  1. La Section d’appel de l’immigration a-t-elle accordé trop de poids aux fausses déclarations?
  2. La Section d’appel de l’immigration a-t-elle commis des erreurs dans l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant?

III.  Norme de contrôle

[10]  La norme de contrôle applicable à la décision de la Section d’appel de l’immigration de ne pas accorder une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire est la norme de la décision raisonnable (Uddin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 314; Tian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1148, aux paragraphes 18 et 19; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, aux paragraphes 58 et 59).

[11]  Le demandeur soutient que la norme de contrôle applicable à l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant est la norme de la décision correcte. Cependant, la Cour suprême du Canada (CSC), dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 [Kanthasamy], a appliqué la norme de la décision raisonnable. D’autres décisions de notre Cour faisant jurisprudence appuient l’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable lorsqu’il s’agit de savoir si le critère juridique approprié a été appliqué aux considérations d’ordre humanitaire (Roshan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1308).

A.  La Section d’appel de l’immigration a-t-elle accordé trop de poids aux fausses déclarations?

[12]  M. Tang fait valoir que la Section d’appel de l’immigration a accordé un poids excessif aux fausses déclarations relatives à sa situation financière dans les formulaires de demande de parrainage des membres de sa famille. Il fait valoir que ses fausses déclarations sur sa situation financière se trouvent à l’échelon inférieur du spectre des fausses déclarations et n’équivalent pas à des [traduction] « fausses déclarations graves ».

[13]  La Section d’appel de l’immigration a conclu que les fausses déclarations relatives à sa situation d’emploi et à son niveau de revenu étaient graves, car elles minaient l’intégrité du système d’immigration et avaient eu une incidence directe sur l’issue de ses demandes de parrainage. Le but des fausses déclarations était d’accroître son revenu au minimum requis pour se qualifier en tant que répondant. M. Tang n’a pas contesté cette allégation.

[14]  La Section d’appel de l’immigration a également rejeté l’affirmation de M. Tang selon laquelle il était une victime du consultant en immigration. Cet argument omet de reconnaître que M. Tang a signé les formulaires et en a attesté la véracité du contenu. En outre, la Section d’appel de l’immigration a conclu que M. Tang n’a démontré aucun remords à l’égard de sa conduite.

[15]  La Section d’appel de l’immigration a examiné les facteurs décrits dans la décision Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] DSAI no 4, pour décider si « des considérations d’ordre humanitaire justifiaient, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales ». Cependant, la Section d’appel de l’immigration a conclu que M. Tang n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve. Par exemple, il y avait une [traduction] « preuve limitée » de son établissement au Canada, des [traduction] « circonstances incertaines » et [traduction] « aucun élément de preuve » à propos de l’incidence sur sa mère et sa sœur de son éventuel renvoi en Chine. La Section d’appel de l’immigration a également souligné les [traduction] « éléments de preuve documentaire limités et entièrement insuffisants » selon lesquels la mère ne voulait pas de son fils, l’absence de [traduction] « preuve crédible » concernant les conditions dans le pays qui auraient une incidence sur l’enfant et, enfin, l’absence de [traduction] « preuve crédible d’obstacles l’empêchant d’amener son enfant en Chine avec lui ».

[16]  La Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, souligne, au paragraphe 5, que le demandeur a « le fardeau de prouver toute allégation sur laquelle il fonde sa demande pour des raisons humanitaires ». Par voie de conséquence, si un demandeur ne soumet aucun élément de preuve à l’appui de sa demande, l’agent est en droit de conclure qu’elle n’est pas fondée.

[17]  Dans le cas présent, la Section d’appel de l’immigration a conclu que M. Tang n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour justifier sa demande de dispense pour considérations d’ordre humanitaire. Il s’agit d’une conclusion raisonnable.

B.  La Section d’appel de l’immigration a-t-elle commis des erreurs dans l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant?

[18]  M. Tang fait valoir que la Section d’appel de l’immigration a commis une erreur dans son analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il soutient que la Section d’appel de l’immigration n’a pas examiné de manière appropriée l’intérêt supérieur de son fils né au Canada et il fait valoir que la Section d’appel de l’immigration a omis de suivre les directives énoncées par la Cour suprême dans l’arrêt Kanthasamy.

[19]  Dans l’arrêt Kanthasamy, la Cour suprême du Canada souligne que les décideurs doivent examiner tous les facteurs pertinents dont ils sont saisis, et qu’ils ne doivent pas appliquer la notion de « difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées » en guise de seuil pour accorder une dispense. Dans l’arrêt Kanthasamy, la juge déclare ce qui suit au paragraphe 25 :

Ce qui justifie une dispense dépend évidemment des faits et du contexte du dossier, mais l’agent appelé à se prononcer sur l’existence de considérations d’ordre humanitaire doit véritablement examiner tous les faits et les facteurs pertinents portés à sa connaissance et leur accorder du poids (Baker, par. 74 et 75).

[20]  Dans le cas qui nous occupe, la Section d’appel de l’immigration a soupesé les facteurs d’ordre humanitaire par rapport à l’intérêt supérieur de l’enfant et a examiné l’ensemble de la preuve relative aux difficultés de la manière la plus large possible. La Section d’appel de l’immigration a fait remarquer que M. Tang prétend assumer la garde principale de l’enfant, car la mère de l’enfant n’est pas en mesure de prendre soin de lui en raison de son état de santé. Cependant, la Section d’appel de l’immigration a indiqué que, dans la preuve incohérente déposée postérieurement à l’audience, la mère de l’enfant a fourni peu d’éléments corroborant les allégations de M. Tang sur les arrangements réels en matière de garde, de soins et de logement de l’enfant.

[21]  La Section d’appel de l’immigration a examiné l’allégation de M. Tang selon laquelle il ne pouvait pas emmener l’enfant en Chine avec lui, en raison de préoccupations en matière de santé et de sécurité. Cependant, la Section d’appel de l’immigration a conclu que M. Tang n’avait présenté aucun élément de preuve crédible concernant la situation dans le pays. M. Tang conteste la mention par la Section d’appel de l’immigration relative à des [traduction] « incidences négatives excessives », cependant, après avoir examiné le contexte de l’utilisation de cette expression, il est manifeste que la Section d’appel de l’immigration faisait référence au fait que M. Tang avait omis de fournir un élément de preuve quelconque pour démontrer en quoi son renvoi causerait des difficultés particulières à son enfant. La Section d’appel de l’immigration a conclu que M. Tang n’avait fourni que des [traduction] « éléments de preuve documentaire limités et entièrement insuffisants pour corroborer » les différentes affirmations qu’il a fait à propos de son enfant. Il a également omis de fournir une preuve quant aux préoccupations en matière de santé et de sécurité qui l’empêchaient d’emmener son enfant en Chine. Enfin, la Section d’appel de l’immigration a conclu qu’il ne semblait y avoir aucun obstacle empêchant M. Tang d’emmener l’enfant en Chine avec lui.

[22]  Même si l’intérêt supérieur de l’enfant est important, ce facteur n’est pas déterminant. Il était raisonnable pour la Section d’appel de l’immigration de conclure que l’intérêt supérieur de l’enfant ne l’emportait pas sur les facteurs défavorables découlant de ses fausses déclarations. Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Kisana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 189, au paragraphe 24 :

[...] un demandeur ne peut s’attendre à une réponse favorable à sa demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire simplement parce que l’intérêt supérieur de l’enfant milite en faveur de ce résultat. La plupart du temps, il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant de résider avec ses parents au Canada, mais ce facteur n’est qu’un de ceux dont il y a lieu de tenir compte. Il n’appartient pas aux tribunaux de procéder à un nouvel examen du poids accordé aux différents facteurs par l’agent chargé de se prononcer sur les raisons d’ordre humanitaire.

[23]  L’agent n’a pas défini les « difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées » en tant que seuil. Au lieu de cela, l’agent a examiné les facteurs, mais il a conclu qu’il manquait d’éléments de preuve pour conclure que l’intérêt supérieur de l’enfant penchait en faveur de l’octroi d’une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire.

[24]  M. Tang a essentiellement fait valoir que le fait d’exiger que son fils quitte le Canada constituait une preuve suffisante en soi. Cependant, comme la Cour suprême du Canada l’a réitéré dans l’arrêt Kanthasamy, au paragraphe 23 :

L’obligation de quitter le Canada comporte inévitablement son lot de difficultés, mais cette seule réalité ne saurait toutefois généralement justifier une dispense pour considérations d’ordre humanitaire suivant le par. 25(1) (voir Rizvi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 463, par. 13 (CanLII); Irimie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16640 (C.F. 1re inst.), par. 12). De plus, ce paragraphe n’est pas censé constituer un régime d’immigration parallèle (Chambre des communes, Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, Témoignages, no 19, 3e sess., 40e lég., 27 mai 2010, 15 h 40 (Peter MacDougall); voir également Témoignages, n3, 1re sess., 37e lég., 13 mars 2001, 9 h 55 à 10 h (Joan Atkinson)).

[25]  Dans le cas présent, la Section d’appel de l’immigration n’a écarté aucun élément de preuve et a expliqué pourquoi la preuve était insuffisante. La Section d’appel de l’immigration n’a commis aucune erreur dans son analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant.

IV.  Conclusion

[26]  Dans l’ensemble, dans son analyse des considérations d’ordre humanitaire, la Section d’appel de l’immigration a soupesé les facteurs dont elle était saisie et a décidé que la preuve ne suffisait pas pour qu’elle accorde une dispense pour des considérations humanitaires. La décision est justifiée, transparente et intelligible. La décision de la Section d’appel de l’immigration était raisonnable.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de l’immigration est rejetée.

  2. Aucune question grave de portée générale n’a été certifiée.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 26e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2719-16

INTITULÉ :

YING QIANG TANG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 décembre 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

LE 27 JANVIER 2017

COMPARUTIONS :

Sumeya Mulla

Pour le demandeur

Nimanthika Kaneira

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lorne Waldman

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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