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Date : 20170126


Dossier : T-668-16

Référence : 2017 CF 97

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 janvier 2017

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

DENNIS MCGUFFIN,

MARK LEMAISTRE et

CHARLES SCOTT

demandeurs

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 23 mars 2016 aux termes de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7 par Stephen Foster, arbitre de niveau II, conformément à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R-10 (Loi sur la GRC) et aux Consignes du commissaire (griefs), DORS/2003-181, telles qu’elles ont été abrogées par les Consignes du commissaire (administration générale), DORS/2014-293 (Consignes (AG) 2003).

I.  Aperçu

[2]  Les demandeurs sont des membres retraités de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Durant la période visée, ils étaient officiers brevetés, plus particulièrement commandants des interventions critiques. Les officiers brevetés n’étaient pas admissibles à une rémunération pour leur « mise en disponibilité » avant 2009 conformément à la politique concernant l’indemnisation de la mise en disponibilité (la politique de mise en disponibilité) pour leur mise en disponibilité opérationnelle (DO) ou en état de préparation opérationnelle (EPO) immédiate. En juillet 2009, les demandeurs ont appris que la politique de mise en disponibilité avait été remplacée par la prime pour mise en DO et en EPO (la prime). Ils ont réclamé celle-ci pour le temps de mise en disponibilité en DO et en EPO depuis 2009. Leurs revendications ont été refusées au motif que le Conseil du Trésor (CT) n’avait toujours pas rendu sa décision.

[3]  Les demandeurs ont déposé un grief à la suite du refus de leur réclamation. Le grief n’a pas été réglé pendant le processus de règlement rapide, mais celui-ci a permis de cerner les faits non contestés et de circonscrire les questions à être tranchées par l’arbitre.

[4]  L’arbitre de niveau I a déterminé que les commandants des interventions critiques figuraient sur la liste des personnes « mises en disponibilité » à joindre en cas d’incident majeur ou de crise. Elle a conclu que l’inspecteur qui avait refusé les réclamations de demandeurs n’était pas habilité à prendre cette décision et que le processus n’avait pas respecté la politique de la GRC. Elle a déterminé que les demandeurs avaient droit à ce que leur réclamation soit tranchée par l’autorité compétente, et l’a déférée au commandant divisionnaire.

[5]  L’arbitre de niveau II a rejeté le grief pour un motif différent : les demandeurs n’ont pas été désignés pour recevoir la prime. Le fait que les demandeurs avaient été mis en disponibilité durant les périodes pertinentes, que le CT a approuvé les changements à la politique, et que les officiers avaient le droit de demander et de recevoir la prime n’est pas contesté. Or, l’arbitre de niveau II a conclu que les demandeurs auraient dû être désignés pour la recevoir et a conclu qu’il n’y avait aucune preuve au dossier à cet effet.

[6]  La demande de contrôle judiciaire est accueillie pour les motifs qui suivent.

L’arbitre de niveau II a enfreint le principe d’équité procédurale en soulevant une nouvelle question et en fondant sa décision sur celle-ci sans en aviser les parties et en ne sollicitant aucune observation sur l’interprétation du Manuel des opérations (MO) et du Manuel d’administration (MA). Ce manquement au principe d’équité procédurale est évident, peu importe la qualification de la décision de niveau II à titre d’appel ou de processus de novo.

[7]  De plus, la décision de l’arbitre de niveau II n’est pas raisonnable, ce qui est, dans une certaine mesure, une conséquence du manquement au principe d’équité procédurale.

[8]  La décision est fondée sur l’interprétation personnelle par l’arbitre des dispositions de la politique, sans preuve au dossier quant à la raison d’être de la politique ou à sa juste interprétation, ainsi que sur une mauvaise compréhension du fond du grief.

[9]  Les arguments du défendeur quant à la présente demande de contrôle judiciaire visaient à étayer tant la position du défendeur au grief que les motifs de l’arbitre de niveau II, mais rien n’indique dans le dossier que l’arbitre se soit fondé sur ceux-ci pour rendre sa décision.

II.  Le contexte factuel

[10]  Les demandeurs étaient commandants des interventions critiques en 2009, jusqu’à leur date de retraite respective. Ils expliquent que la division « D » comprend six commandants des interventions critiques. Chaque semaine, il y a deux commandants mis en disponibilité, l’un à titre de personne-ressource principale, l’autre à titre de remplaçant. Les commandants des interventions critiques déploient le Groupe tactique d’intervention (GTI) ainsi que l’Équipe d’endiguement, au besoin, avant que le GTI arrive sur place.

[11]  Les demandeurs ont expliqué qu’on soumettait régulièrement la liste des commandants sur appel au centre de télécommunications opérationnelles et à l’agent de la Police criminelle.

[12]  Jusqu’à 2009, les officiers brevetés n’avaient pas droit à une rémunération pour leur « mise en disponibilité ». En 2009, la politique de mise en disponibilité a été modifiée à la suite d’une décision du CT, puis remplacée par la prime pour mise en DO et en EPO. En 2010, un bulletin de la GRC informait ses membres que, contrairement à l’ancienne politique, tous les officiers brevetés étaient admissibles à la prime pour mise en DO et en EPO.

[13]  Les demandeurs ont vérifié leurs dossiers, puis ont présenté des réclamations remontant au 3 juillet 2009.

La première décision

[14]  Le surintendant Asp a répondu aux demandeurs le 7 juillet 2010, indiquant avoir été informé par le dirigeant principal des Ressources humaines et sous-commissaire, A. Nause, que le CT n’avait pas rendu de décision officielle permettant aux officiers de réclamer une prime pour mise en DO et en EPO et que le processus était toujours en cours. Le surintendant Asp a conclu que [traduction] « ne disposant d’aucune autorisation à ce jour permettant d’accorder une prime pour mise en DO et en EPO aux membres du grade d’officier, je suis dans l’impossibilité de signer et d’approuver vos demandes du 15 mai 2010. Elles vous sont donc retournées. »

Le grief

[15]  Les demandeurs ont soumis leur grief le 4 juillet 2010. La décision faisant l’objet du grief est décrite comme suit :

[traduction]

Refus de paiement de réclamations de primes pour disponibilité opérationnelle ou pour état de préparation opérationnelle de la part de commandants des interventions de la division « D » ayant été mis en disponibilité pour la période allant du 3 juillet 2009 au 31 mars 2010 et de primes subséquentes. Refus d’ajouter les commandants des interventions à la « liste des membres autorisés à recevoir la prime pour disponibilité opérationnelle ».

Les observations présentées à l’arbitre de niveau I

[16]  Les demandeurs (appelés « plaignants » par l’arbitre), dans leurs observations de mai 2011 présentées à l’arbitre de niveau I, énoncent les faits et mentionnent ce qui suit :

  • les conclusions de 2007 du groupe de travail Brown (Groupe de travail sur la gouvernance et le changement culturel à la GRC, Rétablir la confiance (Gouvernement du Canada, 2007));
  • le changement à la politique en 2009 concernant la prime pour mise en DO et en EPO;
  • le message daté du 31 juillet 2009, envoyé par le commandant divisionnaire de la division « D », informant les membres de son personnel qu’il avait l’intention de s’assurer que ses employés allaient tous être rémunérés équitablement pour leur disponibilité et leur état de préparation;
  • l’annonce de mars 2010 du Programme des représentants des relations fonctionnelles (PRRF) au sujet de l’approbation par le CT de la prime pour les officiers brevetés. Les plaignants ont souligné que le commissaire n’a pas réfuté les commentaires formulés dans le cadre de l’annonce du PRRF;
  • la réponse aux allégations du défendeur au grief (le surintendant Asp) selon lesquelles les officiers brevetés n’avaient pas droit à la prime pour mise en DO/EPO, citant diverses dispositions du MO et du MA.

[17]  Le surintendant Asp a répondu brièvement par courriel et a joint un énoncé tiré du site du Secrétariat du Conseil du Trésor décrivant les documents confidentiels du Cabinet. Le surintendant Asp a indiqué ceci :

[traduction]

À ce jour, aucune modification des politiques en vigueur ou directive officielle n’a été émise par le commissaire autorisant quelque forme de rémunération officielle que ce soit pour ces officiers autre que la rémunération des cadres prévue à leur retraite de la GRC.

Les plaignants, tout au long de leurs observations, mentionnent des renseignements issus du PRRF et d’autres philosophies de gestion; or, aucun de ces documents ne constitue une directive ou des politiques administratives officielles qui permettraient de verser la rémunération officielle demandée.

La décision de niveau I

[18]  La décision de niveau I a été rendue le 19 janvier 2012 par l’arbitre Jennie Greer.

[19]  Mme Greer a résumé la preuve, indiquant ce qui suit :

[TRADUCTION]

  • les plaignants ont rempli leurs formulaires de demande de prime pour mise en DO et en EPO (pour la période allant du 3 juillet 2009 au 31 mars 2010) à la suite de l’annonce du 30 mars 2010 du PRRF indiquant que le CT avait confirmé que tous les membres étaient admissibles à la prime, y compris ceux ayant le grade d’inspecteur et d’officier breveté;
  • le défendeur au grief (le surintendant Asp) a renvoyé les demandes au motif qu’il n’y avait aucune autorisation à ce jour permettant le versement de la prime aux membres de grade d’officier breveté et qu’il n’était pas en mesure de signer et d’approuver les demandes;
  • les plaignants ont présenté un grief collectif;
  • le surintendant Asp a informé les plaignants qu’il n’avait pas l’autorité nécessaire pour traiter le grief et que ces réclamations devaient être soumises au commandant divisionnaire;
  • les parties ont entrepris un processus de règlement rapide;
  • les plaignants ont soumis leurs demandes au commandant divisionnaire, qui n’a pas répondu;
  • les plaignants ont indiqué qu’ils souhaitaient poursuivre leur grief;
  • le surintendant Asp a présenté un « document sur les résultats » faisant état des faits entendus au cours du processus de résolution rapide.

[20]  Le document sur l’issue mentionne que les commandants des interventions critiques sont mis en disponibilité et qu’ils sont des officiers au grade d’inspecteur. Le document indique ce qui suit :

[traduction]

Les officiers sont mis en disponibilité en qualité de commandants des interventions critiques; ils sont tenus de travailler des heures supplémentaires. La rémunération des cadres est la seule rémunération offerte. Les commandants des interventions critiques estiment avoir droit à une autre forme de rémunération pécuniaire ou des HCC [heures de congé compensatoires (HCC)]. Aucun processus ou politique actuel ne vient permettre ceci.

[...] 

J’étais, et je demeure, incapable de traiter les demandes de versement de primes pour mise en DO et en EPO, en raison de l’absence d’une autorisation ou d’un mécanisme permettant un autre type de rémunération.

L’EMS (État-major supérieur (EMS)) ayant le pouvoir décisionnaire quant à la rémunération des cadres pour les heures supplémentaires devant être exécutées par tous les officiers, les plaignants recevront leur prime pour mise en DO et en EPO de cette façon. Toute autre question serait laissée à la discrétion du commandant.

[sic dans le texte intégral]

[21]  Le document sur les résultats fait état des questions ou des faits devant être abordés en arbitrage [traduction] : « Les officiers ont droit à un paiement ou des HCC [DO/EPO]. Aucune autorisation n’existe permettant le paiement ou les options de HCC pour les officiers » [sic dans le texte intégral].

[22]  Mme Greer précise que le statut des plaignants en qualité de commandants des interventions critiques au grade d’inspecteur ainsi que l’inscription de commandants des interventions critiques sur une liste de personnes-ressources mises en disponibilité ne sont pas contestés.

[23]  Elle a également remarqué que le commandant divisionnaire devait désigner les membres hors service devant être mis en DO ou EPO, au besoin, et examiner toutes les demandes de rémunération pour le service de DO ou EPO immédiat. Elle a conclu que le défendeur au grief n’avait pas respecté cette politique et avait refusé les demandes sans avoir l’autorisation ni de les accepter ni de les refuser. Par conséquent, elle a conclu que les plaignants avaient démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le refus de leur demande ne respectait pas la politique de la GRC et qu’ils avaient subi un préjudice. Mme Greer a conclu que les plaignants avaient droit à ce que leur réclamation soit tranchée par l’autorité compétente, et a remis la décision d’approuver ou de refuser les demandes au commandant divisionnaire, conformément aux politiques pertinentes. Elle a également précisé que les plaignants avaient déjà présenté leur demande au commandant divisionnaire, mais qu’ils n’avaient toujours pas reçu de réponse.

Les observations des parties présentées à l’arbitre de niveau II

[24]  Les demandeurs, dans leurs observations du 8 avril 2012, ont abordé l’historique de leur demande, les questions préliminaires et incidentes, le manque de divulgation des documents demandés ainsi que les questions sur le fond.

[25]  Les demandeurs estiment que l’arbitre de niveau I a commis une erreur en ne tranchant pas toutes les questions et qu’elle aurait dû statuer sur leur admissibilité à la prime de mise en DO et en EPO. Les demandeurs ont renvoyé à la Loi sur la GRC, à la Loi sur la gestion des finances publiques, LRC (1985), c F-11, et à la jurisprudence. Les demandeurs soutiennent que seul le CT a la compétence d’établir le salaire et les primes pour les membres de la GRC; par conséquent, la GRC n’avait pas l’autorité nécessaire pour refuser leur prime de mise en DO ou en EPO, une fois celle-ci autorisée par le CT.

[26]  Les demandeurs ont soutenu qu’ils avaient droit à la prime de mise en DO et en EPO à partir du moment où elle a été approuvée par le SCT et de l’entrée en vigueur de la politique de la GRC concernant celle-ci.

[27]  Les observations du défendeur (aujourd’hui l’inspecteur Garth Patterson) consistaient en un bref courriel. L’inspecteur Patterson a déclaré qu’il avait lu la décision de l’arbitre de niveau I et la réponse des demandeurs, et qu’il n’avait aucune nouvelle information à ajouter.

[28]  L’inspecteur Patterson était du même avis que l’arbitre de niveau I, selon lequel le défendeur au grief devait transmettre les demandes au commandant divisionnaire afin qu’il les examine et qu’il rende une décision quant à l’approbation ou au refus du paiement.

Les dispositions réglementaires pertinentes

[29]  Les dispositions pertinentes des Consignes (griefs) 2003, de la version actuelle des Consignes (AG) 2003 (c.-à-d. Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289) (Consignes (GA) 2014), et du MA et du MO figurent à l’annexe A.

III.  La décision faisant l’objet du contrôle judiciaire; la décision de l’arbitre de niveau II

[30]  La décision de niveau II a été rendue par Stephen Foster le 23 mars 2016, soit quatre ans après les premières demandes. La décision fait état de la chronologie du grief, y compris le document sur l’issue du processus de résolution rapide ainsi que les présentations des parties devant l’arbitre de niveau I; elle décrit le processus de traitement des griefs de façon générale; elle traite de plusieurs questions préliminaires.

[31]  Dans sa décision, M. Foster a souligné que [traduction] « en raison de la complexité des circonstances, il a tenu compte d’éléments ne provenant pas du grief, tel qu’il avait été présenté à l’origine ». Il a indiqué avoir pour mandat de trancher le grief à titre d’audience de novo et que le processus de niveau II ne constituait pas un mécanisme d’appel. Il a appuyé cette décision de tenir une audience de novo sur les dispositions des articles 13 et 18 des Consignes (griefs) 2003, qui étaient en vigueur au moment du grief.

[32]  M. Foster a reconnu que la définition du mot « membre », aux fins de la Loi sur la GRC, inclut les membres au grade d’inspecteur. Cependant, il a conclu que le fait d’être membre n’était qu’une partie du critère à satisfaire pour obtenir la prime, soulignant que :

[traduction]

Conformément à la partie I.8.b. de la rubrique II.4 du MA, un membre sera rémunéré lorsqu’il est désigné soit pour disponibilité opérationnelle (DO), soit pour état de préparation opérationnelle (EPO) immédiat. Après avoir examiné le dossier, il ne semble pas que les plaignants aient inclus leur désignation pour recevoir cette prime ou qu’ils y fassent référence.

[33]  M. Foster a remarqué que le MO prévoit que les commandants divisionnaires de la division « D » autorisent les détachements et les unités à désigner des membres hors service pour mise en DO et en EPO. Il a conclu qu’un membre doit être [traduction] « désigné pour être autorisé à recevoir la prime »; or, il a rappelé que le dossier ne fait aucunement état d’une telle désignation des plaignants. Il a ajouté que le courriel du CT confirmant que les membres au grade d’inspecteur et de surintendant étaient admissibles à la prime n’était pas pertinent à la question de savoir si les plaignants étaient, ou non, admissibles à la prime, car ils devaient avoir été désignés à ce titre.

[34]  M. Foster a remarqué que les demandeurs, dans leurs présentations, ont mentionné que les commandants des interventions critiques ne figuraient pas sur la liste des membres admissibles à la prime pour mise en DO et en EPO au moment de l’annonce du remplacement de la politique de mise en disponibilité par celle-ci au sein de la division « D ». Il a ainsi estimé que [traduction] « les plaignants reconnaissent également qu’ils ne figurent pas sur la liste du personnel autorisé les rendant admissibles à la prime […] ».

[35]  M. Foster a conclu que pour être admissibles à la prime, les demandeurs doivent satisfaire à deux conditions [traduction] : « être autorisé, par voie de désignation, et figurer sur la liste des membres de garde ». Il a ajouté [traduction] : « malgré l’inclusion du grade d’inspecteur à la définition de “membre” aux fins de la prime, les plaignants [les demandeurs] n’ont pas reçu la désignation nécessaire ».

[36]  M. Foster a conclu que le défendeur au grief n’aurait pas pu autoriser les demandes des demandeurs sans contrevenir à la politique de la GRC. Par conséquent, le défendeur au grief n’avait pas enfreint la politique en n’approuvant pas les demandes de prime.

IV.  Thèse générale des demandeurs

[37]  Que la décision soit qualifiée d’appel ou d’audience de novo, les demandeurs font valoir que l’arbitre de niveau II a commis une erreur de droit, a manqué au principe d’équité procédurale et a rendu une décision déraisonnable en soulevant une nouvelle question qui n’a pas été traitée par l’arbitre de niveau I, pour laquelle aucune observation n’a été faite et pour laquelle il n’existe aucune preuve au dossier.

[38]  Les demandeurs avancent également que l’arbitre de niveau II a mal interprété la politique (c.-à-d. le MA et le MO) et a commis une erreur en rejetant le grief au motif que les plaignants n’avaient pas été désignés pour recevoir la prime. La politique exige que les membres soient désignés pour l’exécution d’une fonction, et non pour être admissibles à la prime.

[39]  Les demandeurs soulignent que le fond de leur grief porte sur le fait qu’ils ne figuraient pas sur la liste des membres « désignés », puisque les commandants des interventions critiques n’avaient pas droit à la prime auparavant. Cependant, les commandants des interventions critiques ont désormais droit à la prime depuis la modification de la politique par le CT. Les demandeurs avancent que le fondement de la décision de l’arbitre de niveau II concernant leur absence de la liste des membres désignés à recevoir la prime contourne le fond du grief.

[40]  Les demandeurs soutiennent que la décision de l’arbitre de niveau II devrait être annulée et soumise à un nouvel examen avec des directives formulées selon les motifs de la Cour, si elle accueille la présente demande. Cependant, si la Cour estime que la décision est raisonnable, elle devrait conclure que les demandeurs sont admissibles à la prime pour mise en DO et en EPO et qu’il incombe à la GRC d’en calculer le montant.

[41]  De plus, les demandeurs avancent que la Cour devrait ordonner un règlement rapide du dossier dans les 60 jours, bien qu’ils reconnaissent qu’une telle directive soit sans précédent. Les demandeurs indiquent qu’ils ont attendu six ans pour obtenir une décision, un délai inexpliqué.

V.  La thèse fondamentale du défendeur

[42]  Le défendeur avance que la décision de l’arbitre de niveau II, quoique brève, est raisonnable et que l’équité procédurale a été respectée.

[43]  Le défendeur estime que la décision de l’arbitre de niveau II est une décision de novo; par conséquent, l’arbitre n’est pas limité à examiner les questions dont il ou elle est saisi.

[44]  Le défendeur soutient qu’il n’y a eu aucun manquement au principe d’équité procédurale relativement à la décision de l’arbitre de niveau II, laquelle était fondée sur des motifs différents que ceux avancés par l’arbitre de niveau I, car les demandeurs étaient tout à fait informés du fait que la politique était au centre du litige.

[45]  Le défendeur soutient que la question en litige n’était pas la modification de la politique du CT, mais plutôt celle de savoir si la politique de la GRC permettait le versement de la prime. L’arbitre de niveau II a raisonnablement conclu que les demandeurs n’étaient pas admissibles à la prime pour mise en DO et en EPO, car, aux termes de la politique, les membres devaient d’abord avoir été désignés pour recevoir la prime, ce que les demandeurs n’avaient pu démontrer.

[46]  Le défendeur avance que, si la Cour conclut que la décision n’est pas raisonnable, elle ne devrait pas statuer sur l’admissibilité des demandeurs à la prime. Plutôt, le dossier devrait être renvoyé à un nouvel arbitre de niveau II, conformément aux motifs de la Cour, car cette dernière ne dispose pas de la preuve au dossier afin d’être en mesure d’ordonner à la GRC de verser la prime aux demandeurs. Le défendeur ajoute que l’imposition d’une limite dans le temps pour l’obtention d’une nouvelle décision n’est pas possible, car il pourrait être nécessaire d’obtenir et d’examiner de nouveaux éléments de preuve.

VI.  Questions en litige

[47]  Les demandeurs ont fait valoir plusieurs éléments, tous reliés à deux points principaux, à savoir : (i) l’arbitre de niveau II a-t-il manqué au principe d’équité procédurale en fondant sa décision sur une question non soulevée par les parties, en l’absence d’observations sur celle-ci et sans accorder, ni à l’une ni à l’autre des parties, l’occasion d’y répondre? et ii) la décision de l’arbitre de niveau II était-elle raisonnable?

VII.  Norme de contrôle applicable

[48]  Les questions d’équité procédurale doivent être examinées selon la norme de la décision correcte : (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43). Il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue à l’égard du décideur en présence de manquement à l’équité procédurale.

[49]  Les parties reconnaissent que la norme de contrôle pour les décisions relatives à des griefs présentés aux termes de la Loi sur la GRC concernant l’interprétation d’une politique de la GRC et des questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable (Irvine c Canada (Procureur général), 2012 CF 1370, au paragraphe 27, conf. par 2013 CAF 286 [Irvine CF]).

[50]  Pour déterminer si une décision est raisonnable, la Cour doit s’intéresser « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » et examiner « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]).

[51]  L’insuffisance des motifs d’une décision n’est pas, en soi, un motif suffisant pour entreprendre le contrôle judiciaire d’une décision, mais elle fait partie de l’évaluation du caractère raisonnable de celle-ci. Dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland Nurses], la Cour suprême du Canada a donné des détails sur les exigences stipulées dans l’arrêt Dunsmuir en déclarant au paragraphe 14 que les motifs « doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles ». De plus, au besoin, la cour peut examiner le dossier « pour apprécier le caractère raisonnable du résultat » (au paragraphe 15).

[52]  À ce titre, le juge Rennie, dans Komolafe c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 431, au paragraphe 10 [Komolafe], a remarqué que la Cour suprême, dans l’arrêt Newfoundland Nurses, permet aux tribunaux de consulter le dossier pour maintenir une décision, mais non pour en réécrire les motifs :

Lorsqu’elles sont manifestes, les lacunes de la preuve peuvent être comblées s’il est possible de le faire en s’appuyant sur la preuve et sur des inférences logiques, virtuellement comprises dans le résultat, mais non expressément tirées. La cour de révision examine le dossier dans le but de confirmer la décision.

[53]  Le juge Rennie a poursuivi sur ce point au paragraphe 11 :

L’arrêt Newfoundland Nurses ne donne pas à la Cour toute la latitude voulue pour fournir des motifs qui n’ont pas été donnés, ni ne l’autorise à deviner quelles conclusions auraient pu être tirées ou à émettre des hypothèses sur ce que le tribunal a pu penser. [...] L’arrêt Newfoundland Nurses permet aux cours de contrôle de relier les points sur la page quand les lignes, et la direction qu’elles prennent, peuvent être facilement discernées.

VIII.  L’arbitre de niveau II a-t-il manqué au principe d’équité procédurale?

Les observations des demandeurs

[54]  Les demandeurs avancent que l’arbitre de niveau II a commis une erreur en abordant une nouvelle question et en rejetant le grief en raison de celle-ci.

[55]  Les demandeurs soulignent que le défendeur au grief n’a jamais soutenu que les demandeurs n’étaient pas admissibles à la prime au motif qu’ils n’avaient pas été désignés. Le processus de résolution rapide a permis de circonscrire le point en litige : soit la question de savoir si les officiers brevetés, en tant que groupe, étaient admissibles à la prime pour mise en DO et en EPO. La GRC, en qualité de défenderesse au grief, était du même avis que les demandeurs selon lequel la décision du CT quant à la prime pour les officiers brevetés et la politique relative aux heures supplémentaires étaient les seuls points en litige. Les demandeurs affirment que le défendeur au grief est lié par l’entente intervenue au cours du processus de résolution rapide. Par ailleurs, aucun élément dans les observations, très succinctes, du défendeur au grief présentées à l’arbitre n’allait dans le sens contraire.

[56]  Les demandeurs ajoutent que l’arbitre de niveau II n’est qu’un simple gestionnaire au sein de la GRC, à l’instar de l’arbitre de niveau I. Ils estiment que le processus de règlement doit permettre de lier l’administration de la GRC, faute de quoi, le processus est rendu stérile.

[57]  Les demandeurs soulignent dans leurs arguments que l’arbitre s’est concentré sur les points cernés au cours du processus de résolution rapide et les faits admis par les parties.

[58]  Subsidiairement, les demandeurs avancent que si l’arbitre de niveau II n’était pas lié par l’entente, il devait néanmoins inviter les parties à soumettre leurs observations sur la question de la désignation, cet élément n’ayant pas été cerné comme étant pertinent ou en litige.

[59]  Les demandeurs estiment également que l’arbitre de niveau II a commis une erreur en caractérisant son mandat comme une audience de novo et en affirmant qu’il n’était pas saisi d’un appel. La Loi sur la GRC et les Consignes (griefs) 2003 doivent être modifiées afin de prévoir un libellé plus fort et plus clair si l’intention est de rendre une décision de novo (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, au paragraphe 46).

[60]  Les demandeurs soulignent que les Consignes (griefs) 2003 ne définissent pas la norme de contrôle applicable à un arbitrage de niveau II. Bien que l’article 13 dispose que l’arbitre de niveau II puisse trancher tous les litiges en lien avec ceux-ci, l’article 18 dispose que le décideur de niveau II peut renvoyer le grief au décideur de niveau I si de nouveaux éléments de preuve indiquent que la décision aurait été différente ou s’il s’avère que le décideur de niveau I a commis une erreur en concluant qu’il n’avait pas la compétence requise. Les demandeurs avancent que la possibilité de renvoyer la décision au décideur de première instance n’abonde pas dans le sens de la thèse voulant que le niveau II constitue une décision de novo.

[61]  Les demandeurs remarquent que la version actuelle des Consignes (griefs) 2003 (c.-à-d. Consignes (griefs et appels) 2014) précise que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable. Ceci suggère que la phase de niveau II est un appel interjeté à l’encontre de la décision de niveau I. Les Consignes (griefs et appels) 2014, à l’article 10, comprennent également la même disposition que dans la version précédente (c.-à-d. que l’arbitre de niveau II peut examiner toutes les questions liées au grief).

[62]  Néanmoins, les demandeurs estiment que l’arbitre de niveau II, dans l’exercice de sa fonction d’appel, a commis une erreur en soulevant une nouvelle question de son propre chef, puis en fondant sa décision sur celle-ci (R. c Mian, 2014 CSC 54, aux paragraphes 41, 51 et 52, 54 à 59 [Mian]).

[63]  Une instance d’appel peut seulement s’attarder sur un point en litige non soulevé par le décideur de première instance si la preuve au dossier et l’intérêt de la justice viennent appuyer une exception à la règle générale voulant qu’aucune nouvelle question ne puisse être soulevée dans le cadre d’un appel (Bernard c Canada (Procureur général), 2014 CSC 13, au paragraphe 93, le juge Rothstein, dissident en partie [Bernard]). Les demandeurs avancent que cette exception n’existe pas dans l’espèce, car rien au dossier ne permet de traiter la question de désignation d’une façon ou d’une autre.

[64]  Au surplus, ils soutiennent que si un arbitrage de niveau II constitue un processus de novo, il y a eu manquement au principe d’équité procédurale, car les demandeurs n’ont pas eu la possibilité de débattre de la question de la désignation.

Observations du défendeur

[65]  Le défendeur soutient que l’arbitre du niveau II n’était pas lié par l’entente issue du processus de résolution rapide. Le document sur l’issue indique que le litige provient du fait [traduction] « [qu]’aucune autorisation n’existe qui permet le paiement ou les options de HCC pour les officiers ». Le défendeur avance que la question à trancher concernait l’autorisation de permettre ce paiement aux officiers brevetés, et que cela signifie plus que la seule politique du CT et inclut la politique de la GRC (c.-à-d. le MO et le MA). Le défendeur estime que, bien que le CT ait donné à la GRC l’autorisation de verser la prime, celle-ci a choisi de ne pas y recourir.

[66]  Le défendeur avance que le décideur de niveau II n’a pas commis d’erreur en traitant le dossier comme une audience de novo. L’article 13 des Consignes (griefs) 2003 prévoit que « le niveau saisi du grief tranche toutes les questions relatives au grief ». Par conséquent, l’arbitre n’était pas limité aux questions soulevées dans la décision suivante. Le défendeur conteste l’interprétation proposée par les demandeurs de l’article 18 des Consignes (griefs) 2003 voulant que le niveau II soit l’instance d’appel du niveau I. En outre, il souligne que l’article 18 prévoit seulement le renvoi du grief à l’arbitre du niveau I dans deux cas précis.

[67]  Le défendeur reconnaît que l’arbitre de niveau II s’est fondé sur un autre argument que celui avancé par les plaignants et le défendeur au grief; néanmoins, il estime que l’interprétation de la politique et la question de la désignation ne sont pas une nouvelle question.

[68]  Le défendeur rajoute qu’il n’y a eu aucun manquement au principe d’équité procédurale fondé sur le fait qu’aucune des parties n’a eu l’occasion de faire des observations quant à la question de la désignation, car celles-ci avaient déjà soumis des arguments en lien avec cette question.

[69]  À ce titre, le défendeur souligne les observations des demandeurs concernant l’autorité du CT en matière de fixation de la rémunération et des primes pour la GRC ainsi que la reconnaissance par ceux-ci du fait qu’ils ne figuraient pas sur la liste des membres désignés dans le Manuel des opérations de la division « D ».

[70]  Le défendeur souligne également le document sur les résultats préparé par le défendeur au grief (le surintendant Asp) faisant état de l’absence de politiques de la GRC autorisant le versement de la prime aux demandeurs. Le défendeur fait également référence aux observations du défendeur au grief; en outre, il y soulève des questions concernant l’autorité du CT ainsi que l’interprétation des politiques pertinentes de la GRC. Le défendeur avance que ces éléments ont été examinés dans le cadre de la décision de l’arbitre de niveau II.

Le manquement de l’arbitre de niveau II au principe d’équité procédurale

[71]  Les Consignes (griefs) 2003 n’établissent pas la norme de contrôle. Elles disposent d’abord que l’arbitre examinant un grief peut trancher toutes les questions s’y reliant, peu importe son niveau. En contrepartie, elles permettent à l’arbitre de renvoyer le dossier aux fins d’un nouvel examen au niveau I si la présence de nouveaux éléments de preuve avait pu entraîner un résultat différent ou si l’arbitre de niveau I a commis une erreur en estimant ne pas avoir la compétence nécessaire pour trancher le dossier. La version actuelle, les Consignes (griefs et appels) 2014, prévoit le renvoi du dossier dans un plus grand nombre de circonstances, ce qui s’apparente plus à un processus d’appel.

[72]  Je ne suis pas convaincue que le texte des dispositions pertinentes des Consignes (griefs) 2003 indique clairement que l’arbitrage de niveau II est une audience de novo au point que l’arbitre de dernier niveau puisse écarter le grief tel qu’il est soumis, l’entente issue du processus de résolution rapide ainsi que la décision du niveau I. Je suis du même avis que les demandeurs selon lequel il faudrait clarifier le texte afin de statuer sur le processus à suivre par l’arbitre de niveau II, soit un appel ou une audience de novo. Cependant, il n’est pas nécessaire de déterminer la fonction remplie par l’arbitre de niveau II. Que ce soit un appel ou une audience de novo, les mêmes principes s’appliquent et mènent à la même conclusion : l’arbitre a manqué au principe d’équité procédurale en fondant sa décision sur une nouvelle question dont les demandeurs n’étaient pas informés et à laquelle ils n’ont pas pu répondre.

[73]  Dans l’arrêt Mian, précité, la Cour suprême définit ce qu’est une « nouvelle question », dans le contexte d’un appel au paragraphe 30 :

Une question est nouvelle lorsqu’elle constitue un nouveau fondement sur lequel on pourrait s’appuyer – autre que les moyens d’appel formulés par les parties – pour conclure que la décision frappée d’appel est erronée. Les questions véritablement nouvelles sont différentes, sur les plans juridique et factuel, des moyens d’appel soulevés par les parties (voir Quan c Cusson, 2009 CSC 62, [2009] 3 R.C.S. 712, par. 39) et on ne peut pas raisonnablement prétendre qu’elles découlent des questions formulées par les parties. Vu cette définition, dans le cas de nouvelles questions, il faudra aviser les parties à l’avance pour qu’elles puissent en traiter adéquatement.

[Non souligné dans l’original.]

[74]  Bien qu’une instance d’appel puisse soulever une nouvelle question dans des circonstances appropriées, il faut chercher à atteindre un équilibre. La Cour a ajouté, au paragraphe 41 :

La question qui se pose alors est celle de savoir comment établir un juste équilibre entre ces principes opposés. Une cour d’appel doit avoir le pouvoir discrétionnaire de soulever une nouvelle question, mais ce pouvoir ne doit être exercé que dans de rares situations. En effet, elle ne doit soulever une telle question que si son omission de le faire risquait d’entraîner une injustice. La cour doit aussi se demander si suffisamment d’éléments au dossier justifient de soulever la question et si, le faisant, elle causerait un préjudice d’ordre procédural à l’une ou l’autre des parties. Ce test est suffisamment souple, tout en offrant un degré approprié de retenue pour régler les tensions inhérentes au rôle d’une cour d’appel.

[75]  Aux paragraphes 50 à 52, la Cour a fait état des facteurs encadrant la discrétion des instances d’appel dans l’évocation d’une nouvelle question, notamment : la compétence du tribunal à l’examiner, la présence d’une preuve suffisante au dossier pour la trancher, et le préjudice procédural éventuel subi par l’une ou l’autre des parties. La Cour a également mis l’accent sur la nécessité que, le cas échéant, l’instance d’appel avise les parties de la nouvelle question et leur donne l’occasion d’y répondre (aux paragraphes 54 et 55).

[76]  Je suis du même avis que les demandeurs selon lequel l’arbitre de niveau II a commis une erreur en soulevant une nouvelle question de son propre chef et en tranchant le grief sur celle-ci, étant donné les principes établis dans l’arrêt Mian. Comme je l’ai noté dans la décision Ching c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 725, au paragraphe 66, « [l]’arrêt Mian portait sur une affaire pénale, mais les principes ont été appliqués à d’autres types d’instances, y compris en matière administrative ». Au surplus, les mêmes principes de base s’appliquent à l’espèce, même si l’arbitrage de niveau II doit être une audience de novo.

[77]  Dans l’espèce, l’arbitre de niveau II a conclu que l’arbitre de niveau I avait tort et que les réclamations auraient dû être refusées, car les demandeurs n’étaient pas désignés. Or, cette question n’a pas été soulevée ni dans le grief ni dans le document sur l’issue, ni dans les observations des parties, ni au niveau I. Les demandeurs ont soutenu qu’ils avaient droit à la prime. Ils ont souligné qu’ils ne figuraient pas sur la liste des membres désignés, mais n’ont pas reconnu que ceci équivalait à une inadmissibilité à la prime. Au contraire, le grief est fondé sur le fait qu’ils étaient absents de cette liste malgré le changement de la politique du CT, passant de la rémunération de mise en disponibilité à la prime et après l’approbation par le CT de l’ajout des officiers brevetés, en dépit du fait qu’ils étaient de garde pour mise en DO et en EPO et qu’ils n’étaient plus exclus en qualité d’officiers brevetés.

[78]  Les demandeurs n’ont pas fait d’observation sur l’interprétation de la politique du MA ou du MO concernant l’exigence d’une désignation officielle ou sur les deux conditions mentionnées par l’arbitre. Leurs observations portaient sur les questions cernées durant le processus de résolution rapide, la décision de niveau I et les réponses du défendeur au grief.

[79]  Je ne suis pas de l’avis du défendeur que la question de la désignation officielle n’était pas une nouvelle question et que les parties avaient abordé la question de l’admissibilité à la prime, qui comprenait la désignation. Je suis également en désaccord avec le défendeur que la question sous-jacente était la politique de la GRC, qui est plus vaste que celle du CT et comprend les MO et MA de la GRC ainsi que l’exigence de désignation. Le document sur l’issue ne cerne pas la politique de la GRC comme étant le point en litige. Les réclamations ont été refusées au motif que le CT n’avait pas encore approuvé le changement de la politique pour inclure les officiers brevetés, et non que la politique de la GRC devait être modifiée davantage. En outre, la politique avait déjà été modifiée pour passer de la rémunération pour mise en disponibilité à la prime pour mise en DO et en EPO.

[80]  Les défendeurs au grief n’ont fait aucune observation quant à l’interprétation du MO et du MA, comme le soutient maintenant le défendeur. L’arbitre de niveau II a fait référence aux observations effectuées aux niveaux I et II par les défendeurs au grief, mais seulement dans son exposé de l’historique du grief. Il n’a ni reconnu ni interprété les observations issues du niveau I selon lesquelles ni le MO ni le MA ne permet le versement de la prime aux demandeurs. Dans leurs observations au niveau II, les défendeurs au grief n’ont rien dit, hormis qu’ils souscrivaient à la décision de l’arbitre de niveau I.

[81]  Le défendeur affirme désormais que les observations du défendeur au grief au niveau I faisaient état de la nécessité de modifier la politique de la GRC et celle du CT. Or, cet argument n’a été avancé par le défendeur que dans le cadre du présent contrôle judiciaire; le défendeur au grief n’en a pas fait mention dans ses observations à l’arbitre de niveau II. L’argument du défendeur voulant que la mention [traduction] « aucune autorisation n’existe […] » signifie qu’il n’y avait aucune politique de la GRC permettant de verser le paiement n’est pas conforme à ce qui a été énoncé ni aux commentaires de l’arbitre de niveau II. Au surplus, le défendeur ne peut pas soutenir deux positions contraires : soit de ne pas être lié par les questions et les faits entendus au cours du processus de résolution rapide et que ce document vienne appuyer son interprétation que la politique de la GRC était le nœud du litige.

[82]  L’arbitre de niveau II a admis avoir examiné d’autres questions en raison de la complexité de la situation. Le grief n’était pas si complexe; et je suis du même avis que les demandeurs à ce chapitre. En pratique, si l’arbitre estimait que le dossier était complexe, il lui revenait alors d’inviter les parties à lui soumettre des observations sur les questions qu’il soulevait et à les examiner. L’arbitre a reçu les observations en 2011 et n’a pas rendu sa décision avant 2016. Il a eu amplement le temps d’obtenir d’autres observations pour traiter de la complexité du dossier.

[83]  En résumé, l’arbitre de niveau II a soulevé une nouvelle question, de son propre aveu, sans offrir aux parties la possibilité d’y répondre ou de présenter des arguments sur celle-ci. Ni le grief ni aucun des documents, soit le document sur l’issue, la décision de niveau I et les observations des parties, n’ont abordé la question de la désignation officielle ou de l’interprétation des politiques de la GRC. Il s’agit d’un manquement au principe d’équité procédurale.

IX.  La décision de l’arbitre de niveau II était-elle raisonnable?

Observations du demandeur

[84]  Les demandeurs avancent que l’arbitre de niveau II a commis une erreur dans son interprétation de la politique en concluant qu’un membre doit être formellement désigné pour recevoir la prime et en rejetant leur grief. Les demandeurs remarquent qu’il n’y a eu aucune observation sur la question de la désignation officielle et qu’aucune preuve ne figure au dossier dont a été saisi l’arbitre de niveau II quant à l’interprétation de la politique.

[85]  Les demandeurs reconnaissent que l’arbitre de niveau II a admis que les officiers brevetés étaient admissibles à recevoir la prime, que le défendeur au grief avait l’autorité d’approuver ou de refuser la demande, et que le CT avait approuvé le versement de la prime aux officiers brevetés en 2009.

[86]  À ce titre, les demandeurs soulignent l’énoncé erroné de l’arbitre sur lequel il s’est appuyé [traduction] : « le SCT a autorisé la GRC à rémunérer les membres pour leur disponibilité opérationnelle et leur état de préparation opérationnelle, mais le montant, ainsi que la façon dont celui-ci sera versé, est une décision organisationnelle. C’est pour cette raison que la disposition II.4.I.8 du MA a été édictée ». La Loi sur la GRC dispose que « le Conseil du Trésor établit la solde et les indemnités à verser aux membres de la Gendarmerie ». Ce montant est indiqué dans le MA, lequel prévoit, aux dispositions II.4.8 B 1 et 2 que la prime dépend de la désignation pour mise en DO et en EPO (c.-à-d. chaque bloc de quatre heures de DO équivaut à une heure de paie et chaque bloc de huit heures d’EPO équivaut à une heure de paie). Les demandeurs estiment que la GRC ne peut pas refuser de leur verser la prime.

[87]  Les demandeurs avancent que l’administration de la GRC ne dispose d’aucune discrétion quant à la détermination de leur admissibilité à la prime, car le CT avait déjà statué sur celle-ci. Les demandeurs remarquent que la prétention du défendeur voulant que la direction puisse décider des personnes qui vont recevoir la prime n’a pas été avancée par l’arbitre de niveau II et n’a pas été le motif de refus de leur demande. Le surintendant Asp a refusé leur demande en raison de son point de vue erroné voulant que le CT n’ait toujours pas décidé d’inclure les officiers brevetés aux membres admissibles à la prime.

[88]  Les demandeurs affirment que leur admissibilité à la prime ne dépend pas d’une désignation à la recevoir, mais bien d’une désignation à s’acquitter de la fonction. L’arbitre de niveau II a mal interprété la politique. En l’occurrence, il n’est pas nécessaire d’être désigné pour recevoir la prime; cette prime découle plutôt de la désignation à accomplir les fonctions. Les demandeurs figuraient sur les listes « de garde » approuvées par leurs commandants divisionnaires et soumises au centre de télécommunications opérationnelles et à l’agent de la Police criminelle, ce qui est suffisant pour témoigner de leur désignation.

[89]  Les demandeurs soutiennent que l’arbitre de niveau II a mal interprété leur admission quant à leur absence de la liste des membres recevant la prime. Ils remarquent qu’ils figuraient sur la liste des membres « de garde » et qu’ils étaient tenus de répondre au besoin, qu’ils eurent été formellement désignés ou non. En l’occurrence, l’absence de désignation n’aurait pas été une excuse valable pour ne pas répondre en cas de besoin. Les demandeurs soulignent que le fond de leur grief repose sur le fait qu’ils auraient dû figurer sur la liste des membres désignés dès le changement de la politique en 2009, mais que ce ne fut pas le cas.

[90]  Subsidiairement, les demandeurs font valoir que si une telle désignation était requise, c’était leur cas, car ils étaient soit explicitement, soit implicitement « désignés » à ces fonctions. Les demandeurs soutiennent que la notion de désignation implicite, laquelle est reconnue par les arbitres, a été adoptée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Brooke c Canada (Sous‑commissaire de la Gendarmerie royale du Canada) (1993), 152 NR 231, aux paragraphes 7 à 10 (CA) [Brooke]. Dans l’arrêt Brooke, la Cour d’appel a conclu que le point de vue du membre tenu d’agir sur ordre est déterminant, et non l’exactitude de l’ordre; conséquemment, la rémunération ne devrait pas être refusée.

[91]  Les demandeurs soutiennent que la décision Irvine CF, citée par le défendeur, se distingue de l’espèce, car les membres ont reconnu qu’ils ne répondaient pas à la définition du « niveau II de disponibilité ». Par ailleurs, la décision Irvine CF ne vient pas appuyer la position du défendeur. Contrairement à la conclusion de l’arbitre de niveau II, ils n’ont pas reconnu ne pas être admissibles à la prime. Ils ont reconnu ne pas l’avoir reçue et ne pas figurer sur la liste des membres la recevant, bien que la politique ait été modifiée pour y inclure les officiers brevetés.

Observations du défendeur

[92]  Le défendeur avance que l’arbitre de niveau II est un expert dans l’interprétation des politiques de la GRC et il y a lieu de faire preuve de retenue à son égard. L’arbitre de niveau II a raisonnablement conclu que le défendeur au grief avait la compétence requise pour refuser les demandes et que les demandes devaient être refusées, car les demandeurs n’étaient pas désignés pour recevoir la prime. Le défendeur soutient que l’arbitre de niveau II a conclu, de façon raisonnable, que bien que le CT ait confirmé que les inspecteurs et les surintendants étaient admissibles à la prime, il n’en va pas nécessairement de même pour les demandeurs.

[93]  Le défendeur reconnaît que les deux arbitres ont admis que le CT avait autorisé la GRC à verser la prime à tous les membres, mais il estime que cette autorisation n’est pas suffisante. La GRC peut, à sa discrétion, restreindre la rémunération des membres désignés et cette désignation est nécessaire conformément à la politique pertinente.

[94]  Le défendeur maintient que l’arbitre de niveau II a fondé sa décision sur les dispositions pertinentes du MA et du MO. Cette politique indique que la désignation pour la mise en DO et en EPO doit être fondée sur les besoins, les différentes possibilités, ainsi que sur les considérations et les priorités financières. Un nombre limité d’officiers sont désignés, cette désignation étant laissée à la discrétion du commandant divisionnaire.

[95]  Le défendeur reconnaît que l’arbitre de niveau II n’a pas abordé le raisonnement sous-jacent à la politique régissant le paiement, mais il estime que ceci n’était pas requis. La politique indique qu’il est nécessaire d’être désigné par le commandant divisionnaire pour obtenir le versement de la prime. Cette exigence répond aux impératifs de contrôle du budget en permettant à la GRC de décider, à sa discrétion, qui recevra la prime. Ainsi, l’arbitre de niveau II a conclu, de façon raisonnable, que le versement de la prime aux demandeurs n’était pas conforme à la politique.

[96]  Le défendeur remarque qu’une question semblable a été tranchée dans la décision Irvine CF, précitée, aux paragraphes 12, 33 et 73. Dans cette affaire, la Cour a conclu que l’arbitre avait rendu une décision raisonnable en jugeant que la nécessité d’être désigné pour recevoir la rémunération pour mise en disponibilité répondait à la nécessité pour la direction de soupeser les répercussions de cette rémunération sur le budget.

[97]  Le défendeur avance que l’arrêt Brooke n’appuie pas le point de vue voulant qu’aucune désignation ne soit requise ou que celle-ci puisse être implicite. Dans l’arrêt Brooke, l’ordre autorisant la rémunération pour mise en disponibilité des membres n’a pas été bien donné, mais les membres étaient tout de même admissibles à la mise en disponibilité.

[98]  Le défendeur estime également que le défendeur au grief (le surintendant Asp) a répondu au niveau I que les politiques n’avaient pas été modifiées et qu’aucune directive n’avait été formulée par le commandant permettant d’autoriser une rémunération autre que la « rémunération des cadres » prévue au moment de leur retraite. Le défendeur réitère que, selon le défendeur au grief, il devait y avoir des politiques ou des directives de la GRC pour permettre le versement de la prime, en plus de l’autorisation du CT. Par conséquent, il n’y a aucun argument quant aux questions de politiques au dossier devant l’arbitre de niveau II.

La décision n’est pas raisonnable

[99]  Les demandeurs ont présenté des arguments pertinents et exhaustifs à chaque étape du processus de grief. Les défendeurs au grief, par contre, ont répondu de façon très brève et incohérente. Le défendeur au grief (le surintendant Asp) a d’abord refusé la demande, car, à son avis, aucune décision n’avait été rendue par le CT autorisant le versement de la prime aux officiers. Ce point de vue est inexact, car cette décision avait été prise et communiquée à la GRC en 2009. Lors de l’arbitrage de niveau I, le défendeur au grief a encore affirmé qu’aucun changement n’avait été apporté aux politiques en vigueur permettant le versement de la prime aux plaignants. Finalement, lors de l’arbitrage de niveau II, le défendeur au grief a affirmé être du même avis que l’arbitre de niveau I voulant que les demandes soient soumises au commandant divisionnaire.

[100]  Il a déjà été souligné précédemment que l’arbitre de niveau II a manqué au principe d’équité procédurale en soulevant une nouvelle question, en omettant de permettre aux parties (particulièrement les demandeurs) de soumettre leurs observations au regard de celle-ci, et en fondant sa décision sur cette nouvelle question malgré l’absence de preuve au dossier à son sujet. La constatation d’un manquement au principe d’équité procédurale emporte la conclusion que la décision n’est pas raisonnable.

[101]  Dans le présent contrôle judiciaire, les prétentions du défendeur à l’appui de la décision de niveau II visent à étayer cette décision par des motifs autres que ceux énoncés par l’arbitre. Comme le reconnaît le défendeur, il ne s’agit pas de la décision la plus intelligible qui soit. La Cour a eu du mal à comprendre la décision en raison de l’absence de documentation à l’appui des conclusions de l’arbitre et de son interprétation de la politique.

[102]  La Cour ne peut pas déterminer, en l’absence de preuve au dossier, si la décision d’un arbitre est raisonnable. Les motifs fournis par l’arbitre, lesquels concluent simplement que les membres doivent être désignés pour recevoir la prime, ne permettent pas d’expliquer comment il est parvenu à sa décision. Au surplus, la conclusion voulant que les demandeurs n’aient fourni aucune preuve quant à leur désignation officielle contourne le fond du grief.

[103]  Le défendeur a avancé des justifications à la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire, mentionnant le MO et le MA, le budget ainsi que les autres facteurs dont le commandant divisionnaire doit tenir compte avant de désigner des membres, mais celles-ci sont les siennes et non celles de l’arbitre.

[104]  Le défendeur reconnaît que l’arbitre de niveau II n’a pas abordé le raisonnement sous‑jacent à la politique régissant le paiement.

[105]  Le défendeur a également fait valoir que, si la Cour devait accueillir le contrôle judiciaire, elle ne tranche pas la question de l’admissibilité des demandeurs à la prime, car le dossier ne comprend aucun élément de preuve concernant à la raison d’être des politiques pertinentes ou du choix de la GRC de refuser d’user de son autorité ou de son pouvoir discrétionnaire pour verser la prime. À mon sens, ceci confirme davantage que l’arbitre n’avait pas à sa disposition un dossier lui permettant de parvenir à une conclusion concernant le raisonnement sous-jacent à la politique ou à l’interprétation de celle-ci, si l’on présume que le MO et le MA sont même des questions importantes à l’espèce. Par ailleurs, ceci vient également étayer le caractère déraisonnable de la décision puisqu’elle n’est pas fondée sur la preuve au dossier.

[106]  En outre, la Cour, comme elle l’a indiqué dans la décision Komolafe, précitée, au paragraphe 10, peut consulter un dossier pour maintenir une décision, mais elle ne peut pas aller jusqu’à en réécrire les motifs. La décision de l’arbitre de niveau II est une bonne illustration de la situation décrite par le juge Rennie au paragraphe 11 : « L’arrêt Newfoundland Nurses permet aux cours de contrôle de relier les points sur la page quand les lignes, et la direction qu’elles prennent, peuvent être facilement discernées. Ici, il n’y a même pas de points sur la page. »

[107]  J’estime que ni la décision Irvine CF, ni l’arrêt Brooke n’offrent de conseils pertinents en l’espèce, car les faits ne sont pas semblables.

[108]  L’arbitre de niveau II a remarqué que les demandeurs ont mentionné que les commandants des interventions critiques ne figuraient pas sur la liste des membres admissibles à la prime pour mise en DO et en EPO au moment de l’annonce du remplacement de la politique de mise en disponibilité par celle-ci au sein de la division « D ». Il a estimé que ceci venait appuyer le fait que [traduction] « les plaignants reconnaissent également qu’ils ne figurent pas sur la liste des personnes autorisées les rendant admissibles à la prime […] ». Cependant, ceci n’est qu’une partie du résumé des faits figurant dans les observations des demandeurs, en voici la suite [traduction] : « [n]ul ne conteste que les plaignants figurent sur la liste des membres “de garde” fournie au centre de télécommunications opérationnelles afin qu’il soit possible de joindre un commandant des interventions critiques en cas d’incident majeur ou de crise et ont été mis en disponibilité pour répondre à des appels ou à des demandes, malgré le fait qu’ils n’ont pas été ajoutés à l’annexe 16-12-1 du MOM. Le défendeur reconnaît également ceci dans le document sur les résultats du processus de résolution rapide. » Non seulement l’arbitre de niveau II a cité cette phrase hors contexte, mais il semble qu’il ait complètement omis ou mal compris le fondement du grief.

X.  La mesure de redressement

[109]  La demande de contrôle judiciaire est accueillie. Le grief sera renvoyé en vue d’un nouvel examen par un arbitre de niveau II différent, suivant un processus équitable sur le plan de la procédure. Le défendeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer du traitement rapide du grief. Bien qu’il ne soit pas pratique d’exiger une décision dans les 60 jours, comme le proposent les demandeurs, la décision doit être néanmoins rendue au plus tard quatre mois après la réception de tout document supplémentaire des deux parties. Le défendeur n’a fourni aucune explication quant au délai anormal de traitement du dossier par l’arbitre de niveau II; cette situation peut seulement être évitée à l’avenir par l’imposition d’une certaine limite dans le temps.

[110]  Le défendeur devra payer les dépens de la présente demande de contrôle judiciaire; les parties se sont entendues sur une somme de 5 500 $.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. Le grief sera renvoyé en vue d’un nouvel examen par un arbitre de niveau II différent, suivant un processus équitable sur le plan de la procédure.

  3. La décision sera rendue au plus tard quatre mois après la réception de tout document supplémentaire des deux parties.

  4. Des dépens de 5 500 $ seront versés aux demandeurs.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 8e jour de juin 2020

Lionbridge


ANNEXE A

Les sections pertinentes du MA et du MO

[traduction]

Manuel d’administration

AM II.4.

I.8 Prime pour intervention opérationnelle

I.8.a. Définitions

1. État de préparation opérationnelle (EPO) immédiat : s’entend des répondants désignés pour l’exécution de fonctions policières opérationnelles lorsqu’une intervention immédiate est nécessaire.

2. Disponibilité opérationnelle (DO) : s’entend de la mise en disponibilité ou la disponibilité à exécuter toute fonction opérationnelle ou de soutien opérationnel lorsqu’une intervention opérationnelle immédiate n’est pas requise.

[...] 

I.8.b Dispositions générales

1. Un membre désigné pour assurer l’état de préparation opérationnelle (EPO) à l’extérieur de ses heures de travail sera rémunéré au taux d’une heure au salaire de base pour chaque bloc de quatre heures. Ce temps sera cumulé à la fin de chaque période de travail de 28 jours durant laquelle le membre a été désigné pour la fonction d’état de préparation opérationnelle immédiat.

[...] 

2. Un membre désigné pour assurer la fonction de disponibilité opérationnelle (DO) à l’extérieur de ses heures de travail sera rémunéré au taux d’une heure au salaire de base pour chaque bloc de huit heures. Ce temps sera cumulé à la fin de chaque période de travail de 28 jours durant laquelle le membre a été désigné pour la fonction de disponibilité opérationnelle.

[...] 

Manuel des opérations

Le MO comprend les mêmes définitions pour la DO et l’EPO.

2. Dispositions générales

2.1 Lorsqu’on a envisagé toute autre possibilité et qu’il demeure nécessaire d’offrir une protection en assurant la disponibilité de membres à l’extérieur des heures de service, un CD ou son délégué peut autoriser la désignation de membres pour la disponibilité opérationnelle ou l’état de préparation opérationnelle.

L’article 3 conseille au commandant d’éviter de recourir à la mise en DO ou en EPO, à moins que toutes les autres possibilités ne puissent être mises en pratique. En l’absence d’autres possibilités, les commandants sont invités à demander l’autorisation de désigner des membres hors service auprès du CD ou de son délégué.

L’article 4 invite les CD et leurs délégués à examiner d’autres solutions pour éviter de désigner des membres hors service pour assurer l’EPO ou la DO en cas d’urgence ou en prévision de celle-ci.

De plus, le CD et son délégué sont invités à examiner toutes les demandes de rémunération découlant de la mise en disponibilité opérationnelle et de l’état de préparation opérationnelle.

Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289

Arbitre

Pouvoirs de l’arbitre

10 L’arbitre qui étudie un grief peut décider de toute question s’y rattachant, il peut notamment :

  • a) rejeter le grief qui est sans intérêt, futile, vexatoire ou qui constitue un abus de procédure, ou dont il a déjà été disposé;

  • b) rendre une seule décision à l’égard du grief et de tout autre grief essentiellement similaire qui lui est présenté;

  • c) joindre le grief à d’autres griefs qui lui sont présentés par différents plaignants s’ils y consentent tous et désigner l’intimé pour le grief issu de la jonction;

  • d) joindre le grief à d’autres griefs qui lui sont présentés par le plaignant et désigner l’intimé pour le grief issu de la jonction;

  • e) scinder le grief en plusieurs griefs distincts;

  • f) décider si la demande d’un plaignant d’avoir accès à de la documentation vise un test standardisé ou un document énuméré à l’article 5.

[...] 

Décision

Décision au premier niveau

16 (1) L’arbitre qui dispose d’un grief de premier niveau peut rendre une décision :

  • a) le rejetant et confirmant la décision, l’acte ou l’omission à l’origine du grief;

  • b) l’accueillant et :

  • (i) renvoyant l’affaire avec des directives relatives au réexamen de la décision, de l’acte ou de l’omission à l’intimé ou à la personne chargée de faire un tel réexamen,

  • (ii) ordonnant la réparation qui s’impose.

Éléments à considérer

(2) Lorsqu’il rend la décision, l’arbitre évalue si la décision, l’acte ou l’omission qui fait l’objet du grief est conforme à la législation pertinente ou à la politique pertinente du Conseil du Trésor ou de la Gendarmerie et si, en cas de non-conformité, un préjudice a été causé au plaignant.

Décision — non-respect des directives

(3) Malgré le paragraphe (2) l’arbitre peut, sous réserve des principes d’équité procédurale, disposer du grief à l’encontre des intérêts de la partie qui ne respecte pas l’une de ses directives.

[...] 

Décision au dernier niveau

18 (1) L’arbitre qui dispose d’un grief de dernier niveau peut rendre une décision

  • a) le rejetant et confirmant la décision de premier niveau;

  • b) l’accueillant et :

  (i)  renvoyant l’affaire avec des directives relatives au réexamen de la décision, de l’acte ou de l’omission à l’intimé ou à la personne chargée de faire un tel réexamen,

  (ii)  renvoyant l’affaire à l’arbitre qui a rendu la décision au premier niveau ou à un autre arbitre, avec des directives en vue d’une nouvelle décision,

  (iii)  ordonnant la réparation qui s’impose.

Éléments à considérer

(2) Lorsqu’il rend la décision, l’arbitre évalue si la décision de premier niveau contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

Décision — non-respect des directives

(3) Malgré le paragraphe (2) l’arbitre peut, sous réserve des principes d’équité procédurale, disposer du grief à l’encontre des intérêts de la partie qui ne respecte pas l’une de ses directives.

Soumission des observations

19 (1) Avant d’annuler ou de modifier sa décision conformément au paragraphe 32 (3) de la Loi, l’arbitre de dernier niveau donne aux parties la possibilité de soumettre des observations.

Signification

(2) Si l’arbitre annule ou modifie sa décision, il fait signifier aux parties copie de l’avis d’annulation ou copie de la décision modifiée.

Restitution des éléments de preuve

20 Après la disposition du grief, le BCGA veille à ce que soient restitués aux parties les éléments de preuve qu’elles ont produits.

Version antérieure

Consignes du commissaire (griefs), DORS/2003-181 [abrogées].

Niveau I

2 (1) Le membre qui constitue le niveau I est :

  • a) dans le cas d’un grief portant sur la cessation de la solde et des indemnités en application de l’article 2 du Règlement sur la cessation de la solde et des allocations des membres de la Gendarmerie royale du Canada, un sous-commissaire;

  • b) dans le cas d’un grief portant sur une décision, un acte ou une omission d’un répondant qui est un sous-commissaire, un autre sous-commissaire désigné par le commissaire;

  • c) dans le cas d’un grief, autre que celui visé aux alinéas a) ou b), portant sur une décision, un acte ou une omission survenu dans une région, un officier ou cadre supérieur désigné par le commissaire pour la région;

  • d) dans le cas d’un grief, autre que celui visé aux alinéas a) ou b), portant sur une décision, un acte ou une omission survenu au quartier général, un officier ou cadre supérieur désigné par le commissaire pour le quartier général;

  • e) dans tout autre cas, un officier ou cadre supérieur désigné par le commissaire.

(2) En cas d’empêchement du membre constituant le niveau I, son remplaçant est l’officier ou le cadre supérieur désigné par le commissaire.

[...] 

13 Le niveau saisi du grief tranche toutes les questions relatives au grief, y compris celles portant sur sa compétence.

[...] 

17 (1) Si le niveau saisi du grief juge qu’il a compétence à l’égard du grief au titre des paragraphes 31 (1) et (2) de la Loi, il décide si la décision, l’acte ou l’omission qui fait l’objet du grief est compatible avec la législation applicable et les politiques applicables du Conseil du Trésor et de la Gendarmerie royale du Canada.

(2) Si le niveau saisi du grief décide que la décision, l’acte ou l’omission est incompatible avec la législation applicable ou les politiques applicables du Conseil du Trésor ou de la Gendarmerie royale du Canada et a causé un préjudice au requérant, il détermine quelles sont les mesures correctives indiquées dans les circonstances.

18 (1) Le niveau II renvoie le grief au niveau I pour une nouvelle étude dans les cas suivants :

  • a) il reçoit un nouvel élément de preuve qui aurait pu donner lieu à une décision différente au niveau I s’il lui avait été présenté;

  • b) le niveau I a commis une erreur en jugeant qu’il n’avait pas compétence à l’égard du grief.

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas aux griefs qui sont renvoyés au Comité aux termes de l’article 33 de la Loi.

19 Le requérant peut se désister en tout temps de son grief en transmettant un avis écrit au niveau saisi du grief.

20 Tout grief présenté en vertu de l’article 31 de la Loi qui est en cours de traitement à la date d’entrée en vigueur des présentes consignes est continué sous le régime des Consignes de 1990 du commissaire (griefs).

21 Les Consignes de 1990 du commissaire (griefs) sont abrogées.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-668-16

 

INTITULÉ :

DENNIS MCGUFFIN, MARK LEMAISTRE et CHARLES SCOTT c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 novembre 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE KANE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 janvier 2017

 

COMPARUTIONS :

Christopher Rootham

 

Pour les demandeurs

DENNIS MCGUFFIN

 

Kevin Palframan

 

Pour le défendeur

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nelligan O’Brien Payne s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour les demandeurs

DENNIS MCGUFFIN

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

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