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Date : 20170125


Dossier : IMM-2401-16

Référence : 2017 CF 94

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2017

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

MOHAMMAD JEWEL HOSSAIN GAZI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de la question

[1]  La Cour est saisie d’une demande présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), en vue d’obtenir le contrôle judiciaire du refus par un agent principal d’immigration (l’agent), le 16 mai 2016, d’accorder au demandeur, Mohammad Jewel Hossain Gazi, la résidence permanente à titre de personne protégée au motif de son interdiction de territoire sous le régime des alinéas 34(1)f) [appartenance à une organisation] et c) [terrorisme] de la Loi (la décision).

[2]  Le 2 décembre 2016, le juge Noël a rendu une ordonnance de non-divulgation en application de l’article 87 de la Loi.

[3]  La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

II.  Exposé des faits

[4]  Le demandeur est un citoyen du Bangladesh. Il est arrivé au Canada le 18 janvier 2013 et il a présenté une demande d’asile le même jour. Le 26 septembre 2013, il a obtenu la qualité de réfugié en application de la Loi. Le 27 février 2014, il a déposé une demande de résidence permanente. Le 28 avril 2015, la demande a franchi la première étape de l’évaluation. À la deuxième étape, des préoccupations relatives à la sécurité ont retardé le traitement de la demande. Finalement, le demandeur a été déclaré interdit de territoire aux termes de l’alinéa 34(1)f) de la Loi en raison de son appartenance au Parti nationaliste du Bangladesh (PNB).

[5]  Il a d’ailleurs confirmé à plusieurs reprises qu’il avait été membre du PNB. Dans l’exposé circonstancié de son formulaire Fondement de la demande d’asile, le demandeur a déclaré qu’il avait adhéré à l’aile étudiante du PNB au milieu de 1997 alors qu’il étudiait dans un collège de Dhaka. Durant ses études, il a participé à diverses activités politiques, y compris à des manifestations, à des séminaires et à des réunions. En 2004, il s’est rendu en Corée pour poursuivre ses études. À son retour au Bangladesh, il a constaté que le climat politique s’était détérioré. En 2005, il est parti vivre au Japon, d’où il [traduction] « observait de loin » l’évolution de la situation dans son pays. En 2008, après l’expiration de son visa, il a été arrêté et expulsé vers le Bangladesh. À la fin de 2008, il a adhéré au mouvement Sechashebak Dal (parti des volontaires) du chapitre de Mirpur du PNB, pour qui il a milité durant la campagne électorale. Il était également membre du parti politique. Le demandeur a affirmé que [traduction] « [t]ous les dirigeants locaux de la Ligue Awami, du PNB et des autres partis politiques importants me connaissaient personnellement et savaient que j’étais un employé dévoué du PNB, auquel je vouais un attachement sincère et sans réserve ».

[6]  Comme le demandeur l’a lui-même avouée, la question de son appartenance au PNB est considérée comme ayant été tranchée de façon concluante. La question n’est pas en litige, puisque c’est une évidence.

[7]  Le 27 octobre 2015, la Division du filtrage pour la sécurité nationale de l’Agence des services frontaliers du Canada a procédé à une évaluation de l’interdiction de territoire fondée sur le paragraphe 34(1) et a résumé ainsi les remarques du demandeur concernant les activités du PNB :

[traduction]

Selon le demandeur, le PNB est un parti qui recourt aux luttes armées et à la violence pour atteindre des objectifs politiques. Il déclenche des grèves au cours desquelles il utilise des munitions et des armes. Le PNB, à l’instar du parti d’opposition, recourt aux armes comme s’il était en guerre. Son arsenal peut se composer aussi bien de bombes artisanales, de pistolets que de grandes épées pour attaquer les membres du gouvernement au pouvoir lors des grèves ou des défilés. Quand une grève est déclenchée, les gens sont confinés chez eux, les bureaux sont fermés, le transport public s’arrête et les routes sont barricadées. Le demandeur précise que ces actes sont commandités par le parti de l’opposition.

Dans le formulaire IMM 5669, il explique plus en détail les pratiques violentes du PNB et déclare qu’il faisait partie d’une organisation qui se livre ou s’est livrée à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles. Il confirme que cette définition s’applique au PNB puisque ses militants peuvent frapper des gens à coups de bâtons, utiliser des pistolets et lancer des grenades à main. Ils peuvent aussi incendier des commerces. Quand on lui a demandé s’il avait pris part à ce genre de pratiques, le demandeur a répondu par la négative, et qu’il essayait de s’en tenir loin. Il a ajouté qu’il était un membre « ordinaire » du parti. Il participait aux réunions et aux défilés, et il n’avait pas le choix, à titre de membre du PNB, d’être sur le terrain lors des grèves. Cependant, même si on le lui a demandé maintes et maintes fois, il a toujours refusé de lancer des cocktails et s’est toujours borné à un rôle d’accompagnement. Il a participé à des grèves à Gabtoli (Mirpur). Il a aussi avoué qu’il avait été témoin d’incidents durant lesquels des personnes ont été blessées par des membres du PNB. Par exemple, environ deux mois avant son arrivée au Canada, il a vu des membres du PNB suivre une voiture, forcer les passagers à sortir et les rouer de coups. Le demandeur a affirmé que dans ce genre de situations, son réflexe était de se cacher parce que la police était présente aussi. Il a fait savoir au parti qu’il ne voulait pas être mêlé à ses activités violentes, mais on lui a répondu qu’il n’avait pas le choix parce que les élections approchaient. Il leur aurait alors annoncé qu’il ne voulait plus être membre parce qu’il avait peur d’être arrêté. Au dire du demandeur, le PNB tentera de l’assassiner et de faire disparaître son corps.

[8]  Le 21 janvier 2016, il a reçu une demande de mise à jour de sa demande de résidence permanente. Dans la réponse transmise le 22 février 2016, il a déclaré que le PNB n’était pas une organisation terroriste. Au soutien de cette affirmation, il a invoqué une décision de juillet 2015 d’un tribunal de l’immigration des États-Unis selon laquelle le PNB n’est pas devenu une organisation terroriste. Selon le demandeur, le raisonnement derrière cette décision confirme de manière convaincante que le PNB n’est pas une organisation terroriste et que, par conséquent, il ne peut pas être interdit de territoire aux termes des alinéas 34(1)f) et c) de la Loi. La question de savoir si le PNB a été l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force et ainsi déclenché l’application de l’alinéa 34(1)b) de la Loi était initialement en litige, mais cette allégation avait été abandonnée devant notre Cour.

III.  Décision

[9]  Le 16 mai 2016, le demandeur a été déclaré non admissible à la résidence permanente en tant que personne protégée en raison de son appartenance à une organisation dont il y avait des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte terroriste, conformément à l’alinéa 34(1)f), ainsi qu’à l’alinéa c) [se livrer au terrorisme] de la Loi.

[10]  Citant les arrêts Poshteh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 85 [Poshteh], et Al Yamani c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 1457 [Yamani], l’agent a souligné le sens large qui est attribué au terme « membre ». Comme le demandeur l’a lui-même admis, l’agent a conclu qu’il existait des [traduction] « motifs raisonnables de croire qu’il a été membre du PNB ».

[11]  En ce qui concerne la participation du PNB à des actes de terrorisme ou visant au renversement d’un gouvernement, l’agent cite plusieurs rapports, articles de presse et études, ainsi que des [traduction] « renseignements généraux » trouvés en ligne dans Wikipédia. Pour sa recherche de renseignements généraux, il a utilisé le terme d’interrogation [traduction] « parti nationaliste Bangladesh actes terroristes ». Il n’a toutefois pas transmis cette information au demandeur puisqu’elle est [traduction] « publique ». Plusieurs extraits des résultats de cette recherche sont reproduits dans la présente décision, notamment pour ce qui concerne les frappes aériennes et les grèves générales (hartals) commanditées par le PNB; les répercussions économiques des barrages routiers et des sièges dans le cadre des hartals; les attentats à la bombe incendiaire et la chronologie du violent conflit opposant le PNB et la Ligue Awami :

Le PNB et la Ligue Awami sont les deux principaux partis politiques du Bangladesh. L’avocat du demandeur a parlé du climat de violence dans lequel baigne la politique au Bangladesh et auquel contribuent également les tactiques des deux partis. Par exemple, tous les deux recourent aux grèves générales (hartals) comme outil de protestation politique. L’objectif sous-jacent des hartals est de perturber l’économie et de contraindre le gouvernement à agir dans un dessein précis. Elles peuvent aussi dégénérer et, très souvent, elles conduisent à des actes violents de la part des activistes et des membres du PNB, qui eux aussi sont devenus un moyen de faire pression sur le gouvernement.

[12]  L’agent a cherché à établir si les actes du PNB sont visés au paragraphe 83.01(1) du Code criminel, LRC (1985), c C-46, et il est parvenu à la conclusion suivante :

Les hartals organisées par le PNB ébranlent fortement l’économie du Bangladesh, et elles peuvent mener les activistes et les membres à causer des dommages considérables à des biens, la mort ou des lésions corporelles graves, ainsi que la perturbation des services. Il est arrivé que des dirigeants du PNB nient toute responsabilité à l’égard de certaines activités et qu’ils condamnent la violence. Toutefois, la persistance du PNB à recourir aux hartals pour forcer le gouvernement à se plier à son programme et les épisodes de violence qui en résultent donnent à croire que ces tactiques vont bien au-delà de la protestation ou de la défense d’une cause par des moyens justes et pacifiques.

[13]  L’agent souligne par ailleurs que la définition du terrorisme est plus large au Canada qu’aux États-Unis, du moins telle qu’elle figure au Code criminel : [traduction] « La définition d’une organisation terroriste et la norme de preuve appliquée pour trancher la question divergent de plusieurs façons entre la Loi et la jurisprudence du tribunal de l’immigration des États-Unis invoquée par le demandeur. »

[14]  L’agent conclut ainsi :

[traduction]

La preuve dont je dispose ne me permet pas de conclure que le demandeur a lui-même perpétré des actes violents à titre de membre du PNB. Néanmoins, la persistance du PNB à déclencher des hartals comme outil de coercition contre le gouvernement en raison des graves perturbations économiques qui en résultent, de même que les actes de violence auxquels se sont livrés des membres du PNB durant ces hartals suffisent pour justifier une conclusion qu’il a été l’auteur d’actes terroristes.

Je conclus par conséquent qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le demandeur est interdit de territoire au Canada au sens de l’alinéa 34(1)f) du fait de son appartenance au Parti nationaliste du Bangladesh, une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’actes terroristes.

[15]  Cette décision fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

IV.  Questions en litige

[16]  La question à trancher est celle de savoir si l’agent était justifié de conclure à l’existence de motifs raisonnables de croire que le PNB est, a été ou sera l’auteur d’actes terroristes.

V.  Norme de contrôle

[17]  Par l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a établi, aux paragraphes 57 et 62, qu’il n’est pas nécessaire de se livrer à une analyse pour arrêter la bonne norme de contrôle si « la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ». Les constats fondés sur le paragraphe 34(1) de la Loi sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Najafi c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2014 CAF 262, au paragraphe 56, autorisation d’interjeter appel devant la CSC refusée, 36241 (23 avril 2015) [Najafi (CAF)].

[18]  Au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada explique la démarche que doit suivre la cour de révision appelée à appliquer la norme de la décision raisonnable :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[19]  J’ajouterai d’emblée que les agents principaux de l’immigration possèdent une expertise reconnue en cette matière : Pzarro Gutierrez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 623, au paragraphe 21 [Gutierrez] :

[21]  La Cour d’appel fédérale a déjà jugé que la question de savoir si une personne est « membre » d’une organisation visée par l’alinéa 34(1)f) de la LIPR est une question mixte de fait et de droit susceptible de contrôle selon la norme du caractère raisonnable : Poshteh, précité. Il en va de même lorsqu’il s’agit plutôt de déterminer s’il existe des motifs raisonnables de croire que les organisations en question se sont livrées, se livrent ou se livreront à des actes de terrorisme. En fait, ces deux aspects sont intimement liés et soulèvent tous deux des questions mixtes de droit et de fait sur lesquelles les agents d’immigration ont une certaine expertise, comme l’a également reconnu notre Cour à plusieurs occasions : voir, entre autres, Jalil c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 246, aux paras 19-20, [2006] 4 RCF 471 [Jalil]; Daud c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 701, au para 6, (disponible sur CanLII) [Daud]; Omer c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 478, aux para 8- 9, 157 ACWS (3d) 601.

[Non souligné dans l’original.]

[20]  Qui plus est, la Cour d’appel fédérale a affirmé au sujet de l’alinéa 34(1)b) qu’il existe une présomption selon laquelle l’interprétation que fait la Section d’appel de l’immigration de sa propre loi constitutive commande une certaine retenue : Najafi (CAF), précité, au paragraphe 56. Comme, à mon avis, rien ne justifierait qu’un agent principal d’immigration qui agit sous l’autorité de l’alinéa 34(1)c) de la Loi soit soustrait au bénéfice de cette présomption de retenue, je conclus qu’elle s’applique à sa décision.

[21]  Dans la décision Gutierrez, notre Cour analyse la norme de contrôle applicable en fonction de la norme de preuve prévue à l’alinéa 34(1)f) :

[22]  D’autre part, il convient de rappeler que la norme de preuve que doit appliquer l’agent d’immigration dans le contexte des articles 34 à 37 de la LIPR est celle des « motifs raisonnables de croire » que les faits mentionnés à ces articles sont survenus, surviennent ou peuvent survenir (LIPR, art 33). Il est bien établi que cette norme exige davantage qu’un simple soupçon, mais n’équivaut pas à la prépondérance des probabilités exigée en matière civile : Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, au para 114, [2005] 2 RCS 100; Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, au para 39, [2007] 1 RCS 350. Par conséquent, le rôle de cette Cour lorsqu’elle est appelée à réviser la décision d’un agent d’immigration prononçant l’interdiction de territoire n’est pas de déterminer s’il y avait bel et bien des motifs raisonnables de croire que l’individu visé s’est livré ou a été membre d’une organisation qui s’est livrée aux actes qu’on lui reproche, mais bien plutôt de se demander si la conclusion de l’agent selon laquelle il y avait des motifs raisonnables de croire peut elle-même être considérée comme raisonnable.

[22]  La Cour suprême du Canada a conclu dans l’arrêt Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, au paragraphe 114, que la norme de preuve correspondant à l’existence de « motifs raisonnables de penser » exige davantage qu’un simple soupçon, bien qu’elle reste moins stricte que la prépondérance des probabilités :

La CAF a déjà statué, à juste titre selon nous, que cette norme exigeait davantage qu’un simple soupçon, mais restait moins stricte que la prépondérance des probabilités applicable en matière civile [citations omises]. La croyance doit essentiellement posséder un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi.

[23]  La Cour suprême du Canada prescrit que le contrôle judiciaire ne constitue pas une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur; la décision doit être considérée comme un tout : Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34. De plus, une cour de révision doit examiner la décision dans son ensemble et dans le contexte du dossier pour déterminer si elle est raisonnable : Construction Labour Relations c Driver Iron Inc., 2012 CSC 65; voir aussi Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62.

VI.  Dispositions pertinentes

[24]  L’article 33 et le paragraphe 34(1) de la Loi disposent ainsi :

marginale : Interprétation

Rules of interpretation

33 Les faits — actes ou omissions — mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir.

33 The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.

Sécurité

Security

34 (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

34 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

a) être l’auteur de tout acte d’espionnage dirigé contre le Canada ou contraire aux intérêts du Canada;

(a) engaging in an act of espionage that is against Canada or that is contrary to Canada’s interests;

b) être l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force;

(b) engaging in or instigating the subversion by force of any government;

b.1) se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada;

(b.1) engaging in an act of subversion against a democratic government, institution or process as they are understood in Canada;

c) se livrer au terrorisme;

(c) engaging in terrorism;

d) constituer un danger pour la sécurité du Canada;

(d) being a danger to the security of Canada;

e) être l’auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui au Canada;

(e) engaging in acts of violence that would or might endanger the lives or safety of persons in Canada; or

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b), b.1) ou c).

(f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b), (b.1) or (c).

[25]  Le paragraphe 83.01(1) du Code criminel dispose ainsi :

Définitions

Definitions

83.01 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

83.01 (1) The following definitions apply in this Part.

(EN BLANC/BLANK)

activité terroriste

terrorist activity means

...

b) soit un acte — action ou omission, commise au Canada ou à l’étranger :

(b) an act or omission, in or outside Canada,

(i) d’une part, commis à la fois :

(i) that is committed

(A) au nom — exclusivement ou non — d’un but, d’un objectif ou d’une cause de nature politique, religieuse ou idéologique,

(A) in whole or in part for a political, religious or ideological purpose, objective or cause, and

(B) en vue — exclusivement ou non — d’intimider tout ou partie de la population quant à sa sécurité, entre autres sur le plan économique, ou de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation nationale ou internationale à accomplir un acte ou à s’en abstenir, que la personne, la population, le gouvernement ou l’organisation soit ou non au Canada,

(B) in whole or in part with the intention of intimidating the public, or a segment of the public, with regard to its security, including its economic security, or compelling a person, a government or a domestic or an international organization to do or to refrain from doing any act, whether the public or the person, government or organization is inside or outside Canada, and

(C) compromet gravement la santé ou la sécurité de tout ou partie de la population,

(C) causes a serious risk to the health or safety of the public or any segment of the public,

(D) cause des dommages matériels considérables, que les biens visés soient publics ou privés, dans des circonstances telles qu’il est probable que l’une des situations mentionnées aux divisions (A) à (C) en résultera,

(D) causes substantial property damage, whether to public or private property, if causing such damage is likely to result in the conduct or harm referred to in any of clauses (A) to (C), or

(E) perturbe gravement ou paralyse des services, installations ou systèmes essentiels, publics ou privés, sauf dans le cadre de revendications, de protestations ou de manifestations d’un désaccord ou d’un arrêt de travail qui n’ont pas pour but de provoquer l’une des situations mentionnées aux divisions (A) à (C).

(E) causes serious interference with or serious disruption of an essential service, facility or system, whether public or private, other than as a result of advocacy, protest, dissent or stoppage of work that is not intended to result in the conduct or harm referred to in any of clauses (A) to (C),

Sont visés par la présente définition, relativement à un tel acte, le complot, la tentative, la menace, la complicité après le fait et l’encouragement à la perpétration; il est entendu que sont exclus de la présente définition l’acte — action ou omission — commis au cours d’un conflit armé et conforme, au moment et au lieu de la perpétration, au droit international coutumier ou au droit international conventionnel applicable au conflit ainsi que les activités menées par les forces armées d’un État dans l’exercice de leurs fonctions officielles, dans la mesure où ces activités sont régies par d’autres règles de droit international. (terrorist activity)

and includes a conspiracy, attempt or threat to commit any such act or omission, or being an accessory after the fact or counselling in relation to any such act or omission, but, for greater certainty, does not include an act or omission that is committed during an armed conflict and that, at the time and in the place of its commission, is in accordance with customary international law or conventional international law applicable to the conflict, or the activities undertaken by military forces of a state in the exercise of their official duties, to the extent that those activities are governed by other rules of international law. (activité terroriste)

groupe terroriste

terrorist group means

a) Soit une entité dont l’un des objets ou l’une des activités est de se livrer à des activités terroristes ou de les faciliter;

(a) an entity that has as one of its purposes or activities facilitating or carrying out any terrorist activity, or

b) soit une entité inscrite.

(b) a listed entity,

Est assimilé à un groupe terroriste un groupe ou une association formé de groupes terroristes au sens de la présente définition. (terrorist group)

and includes an association of such entities. (groupe terroriste)

VII.  Discussion

[26]  À mon avis, l’agent était justifié de conclure à l’existence de motifs raisonnables de croire que le PNB est, a été ou sera l’auteur actes terroristes en faisant valoir la preuve concernant la définition large du terme « terrorisme » en droit canadien. Cela dit, la présente affaire n’est pas réglée pour autant. Le demandeur peut encore invoquer l’exception prévue au paragraphe 42.1(1) de la Loi pour obtenir que le ministre lui accorde la qualité de résident permanent compte tenu de sa situation personnelle. Je mentionne par ailleurs que l’agent a indiqué que la preuve à sa disposition ne lui permettait pas de conclure que le demandeur avait lui-même commis des actes violents à la solde du PNB.

[27]  En premier lieu, je vais examiner la définition du terrorisme. Cette définition ne figure pas dans la Loi. L’agent s’est fondé sur la définition susmentionnée du terme « activité terroriste » telle qu’elle figure au paragraphe 83.01(1) du Code criminel, et cette référence n’a pas été contestée. Le paragraphe 83.01 (1), aux fins de la présente instance, vise les actes et les omissions commis au Canada ou à l’étranger (et donc, dans le cas qui nous occupe, des activités et, surtout, des omissions commises au Bangladesh) au nom – exclusivement ou non – d’un but, d’un objectif ou d’une cause de nature politique, en vue – exclusivement ou non – d’intimider tout ou partie de la population quant à la sécurité, entre autres sur le plan économique, ou de contraindre une personne ou un gouvernement à accomplir un acte ou à s’en abstenir soit ou non au Canada, lorsque cet acte ou cette omission cause intentionnellement des blessures graves à une personne ou la mort de celle-ci par l’usage de la violence, met en danger la vie d’une personne, compromet gravement la santé ou la sécurité de tout ou partie de la population, cause des dommages matériels considérables, ou perturbe gravement ou paralyse des services, installations ou systèmes essentiels [non souligné dans l’original].

[28]  Outre les actes et les omissions, le Code criminel étend la définition d’« activité terroriste » au complot, à la tentative, à la menace, à la complicité après le fait et à l’encouragement à la perpétration eu égard auxdits actes et omissions. La définition comporte des restrictions, mais ce sont les grandes lignes.

[29]  En l’espèce, l’agent a mis l’accent sur les grèves générales, ou hartals, organisées par le PNB comme moyen de protestation politique. L’agent a déterminé que ces hartals ont comme objectifs sous-jacents [traduction] « de perturber l’économie et de contraindre le gouvernement à agir dans un dessein précis. Elles peuvent aussi dégénérer et, très souvent, elles conduisent à des actes violents de la part des activistes et des membres du PNB, qui eux aussi sont devenus un moyen de faire pression sur le gouvernement. »

[30]  Je trouve que les motifs de l’agent sont suffisamment explicites quant aux éléments de preuve pris en compte. Dans le passage pertinent de ses motifs, l’agent indique ce qui suit :

[traduction]

EST-CE QUE LE PARTI NATIONALISTE DU BANGLADESH (PNB) EST UNE ORGANISATION QUI EST, A ÉTÉ OU SERA L’AUTEUR D’ACTES DE SUBVERSION OU DE TERRORISME?

Voici les renseignements généraux que l’on trouve sur le PNB dans Wikipédia :

« Le parti a été fondé le 1er septembre 1978 par un noyau formé de l’ancien président du Bangladesh, Ziaur Rahman, du politicien et médecin A. Q. M. Badruddoza Chowdhurv, du militant des droits de la personne et avocat Moudud Ahmed, et du politicien de gauche Mashiur Rahman.

À ce jour, le PNB a remporté les deuxièmes, cinquièmes, sixièmes et huitièmes élections nationales, ainsi que les élections présidentielles de 1978 et de 1981. Il a aussi formé la plus importante opposition depuis que le pays tient des élections parlementaires en remportant 116 sièges lors de la septième élection nationale de 1996.

Le parti prône une idéologie centrée sur le nationalisme bangladais, et son manifeste présente un programme en 19 points qui vise à [traduction] “récolter le fruit doré de la guerre de libération du Bangladesh”. »

Le PNB et la Ligue Awami sont les deux principaux partis politiques du Bangladesh. L’avocat du demandeur a parlé du climat de violence dans lequel baigne la politique au Bangladesh et auquel contribuent également les tactiques des deux partis. Par exemple, tous les deux recourent aux grèves générales (hartals) comme outil de protestation politique. L’objectif sous-jacent des hartals est de perturber l’économie et de contraindre le gouvernement à agir dans un dessein précis. Elles peuvent aussi dégénérer et, très souvent, elles conduisent à des actes violents de la part des activistes et des membres du PNB, qui eux aussi sont devenus un moyen de faire pression sur le gouvernement.

La recherche de base menée dans Internet avec le terme d’interrogation [traduction] « parti nationaliste Bangladesh actes terroristes » a donné les résultats suivants. Cette information n’a toutefois pas été transmise au demandeur parce qu’elle est publique.

Extrait d’un article de BBC News intitulé [traduction] « Frappe aérienne meurtrière du PNB au Bangladesh » :

« La frappe, débutée à 6 h (minuit, temps universel) et orchestrée par le principal parti d’opposition, le Parti nationaliste du Bangladesh (PNB), et son allié islamiste Jamaat-e-Islami visait à paralyser le pays

et à contraindre la première ministre à confier la supervision du processus électoral à une administration provisoire neutre. »

Extrait d’un rapport de l’Institute of Commonwealth Studies intitulé [traduction] « Notes sur les barrages routiers et les sièges durant les hartals » :

« Les grèves politiques fréquentes nuisent considérablement à l’économie du pays. Un ancien conseiller financier du gouvernement provisoire, A. B. Mirza Azizul Islam, a estimé que cette instabilité politique pourrait faire chuter le PIB de 0,5 ou 0,6 %. “Cette instabilité perturbe les exportations, la production et le transport”, indique-t-il.

Selon l’Association des fabricants et exportateurs de vêtements bangladais, le principal secteur d’exportation du pays, les grèves se traduisent pour les usines par des pertes quotidiennes pouvant aller jusqu’à 17 millions de livres sterling en 2013. Les troubles civils ont des répercussions particulièrement nuisibles au secteur du prêt-à-porter parce que le facteur temps joue un rôle crucial dans les exportations destinées aux chaînes d’approvisionnement modernes.

Les hartals ont aussi l’effet à long terme de décourager les investissements étrangers et locaux. Diverses tentatives ont été faites pour estimer la croissance qu’aurait pu avoir le pays sans ces grèves. Les économistes déplorent qu’en l’absence de données fiables sur les journées de hartal, il est difficile d’en mesurer les incidences. On ignore aussi si le coût des hartals doit être calculé en fonction de la perte de productivité d’une journée complète ou moins étant donné que certaines activités économiques sont maintenues. Par ailleurs, les répercussions sur le développement du pays à long terme pourraient dépasser largement les pertes commerciales journalières.

Selon les calculs de la Banque mondiale, les hartals auraient fait reculer le PIB de 5 % par année dans les années 1990. Une autre étude menée en 2005 par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a cependant évalué que cette perte était plutôt de l’ordre de 3 ou 4 %. L’étude du PNUD indique notamment que les hartals d’envergure régionale et localisée sont plus fréquentes et durent plus longtemps que les hartals nationales. De plus, les hartals tendent à coïncider avec les changements de régime. »

Extrait d’un article de BBC News intitulé [traduction] « Des attentats à la bombe incendiaire contre un autobus et un camion font neuf morts au Bangladesh » :

La police soupçonne des activistes de l’opposition pour ces actes meurtriers, qui ont aussi fait 30 blessés. Les attentats ont fait au moins 70 victimes depuis le début du mouvement de protestation contre le gouvernement le mois dernier.

En janvier, le Parti nationaliste du Bangladesh (PNB), qui siège actuellement à l’opposition, en a appelé à un arrêt complet du pays pour marquer le premier anniversaire des élections contestées de l’an dernier.

Le PNB a boycotté ces élections qui selon lui étaient truquées; il tente maintenant de contraindre la première ministre, Sheikh Hasina, à démissionner et à déclarer la tenue d’un nouveau scrutin.

La police fait état de six morts à la suite d’un attentat à la bombe à pétrole perpétré vendredi contre un autobus bondé sur le trajet Gaibandha-Dhaka, dans le district nord.

L’incendie d’un camion à la suite d’un attentat semblable a fait trois autres morts tôt samedi matin dans le district de Barisol au sud, ajoute la police.

La semaine dernière, elle a porté des accusations contre la dirigeante du PNB, Khaleda Zia, pour avoir causé la mort de sept personnes dans un attentat incendiaire contre un camion.

Mme Zia a nié toute responsabilité dans cet attentat et elle a condamné la violence.

Depuis le mois dernier, le PNB bloque des routes, des chemins de fer et des voies maritimes pour protester contre le gouvernement, et il a fait savoir qu’il continuera ses actions tant que le gouvernement ne démissionnera pas.

Plus de 7 000 activistes de l’opposition ont été arrêtés depuis le début des protestations.

Le PNB en a appelé à une autre grève générale de 72 heures à partir de dimanche, ainsi qu’à la fermeture des écoles et des commerces.

Extrait d’un article publié sur le site Foreign Policy.com :

[traduction]

« Le PNB, le parti de l’opposition, a pris les rues d’assaut plus tôt cette année dans un mouvement de protestation qui a dégénéré en violences lorsqu’il a lancé le mot d’ordre de bloquer les transports et attaqué des autobus à la bombe incendiaire pour faire respecter la grève. En 4 mois, les affrontements politiques ont fait plus de 120 victimes. Une certaine accalmie règne actuellement, mais l’impasse politique et les tensions larvées n’ont toujours pas été dénouées. »

Extrait d’un article paru dans The Economist le 2 février 2015 :

[traduction]

« Depuis un mois, la population de près de 160 millions d’habitants du Bangladesh est à nouveau prise en otage. La chef de l’opposition, Khaleda Zia, a été confinée dans un bureau du parti dans la capitale Dhaka. Sa formation, le Parti nationaliste du Bangladesh (PNB) a érigé des barricades sur les routes, les chemins de fer et les voies maritimes à l’échelle au pays. Les troubles ont éclaté après l’interdiction d’une protestation visant à souligner le premier anniversaire des élections du 5 janvier et la victoire facile, à la suite du boycottage de l’opposition, de la première ministre, Sheikh Hasina, et de son parti, la Ligue Awami. Près de 50 personnes ont perdu la vie et plus de 10 000 activistes de l’opposition ont été arrêtés. La plupart des dirigeants du PNB sont en prison, en exil ou cachés, et font face à des accusations criminelles qui les empêcheront probablement de se présenter aux prochaines élections. Les événements de cette semaine semblent marquer un tournant. Le gouvernement a temporairement coupé le courant et la connexion Internet au refuge de Mme Zia. En plus des barrages qui paralysent le pays, Mme Zia en a appelé à une grève nationale de trois jours à compter du 1er février. »

[…]

Après avoir pris connaissance des documents susmentionnés, j’ai consulté un rapport du Congressional Research Service intitulé [traduction] « Rapport du CRS à l’intention du Congrès – Historique des relations entre le Bangladesh et les États-Unis ».
Extrait du rapport du CRS :

« Quand ils sont dans l’opposition, la Ligue Awami et le PNB ont tour à tour cherché à faire tomber le parti au pouvoir en multipliant les boycottages parlementaires, les protestations et les grèves. Ces grèves donnent souvent le résultat escompté de paralyser le gouvernement et de perturber l’activité économique. Les pouvoirs du président sont essentiellement de nature protocolaire, mais ils sont élargis quand le pays est dirigé par un gouvernement provisoire. »

Extrait d’un rapport de l’International Relations and Security Network intitulé [traduction] « Bangladesh – Évolution de la situation politique et stratégique et intérêts des États-Unis » :

« En dépit des troubles, le Bangladesh s’est forgé une réputation de pays à majorité musulmane essentiellement modéré et démocratique. Cette situation est cependant fragile. Lorsqu’ils se retrouvent du côté de l’opposition, les deux partis ont tenté de reprendre le pouvoir à coups de protestations, de grèves syndicales et de blocus des transports. On s’attend à ce que le PNB multiplie ses frappes parce que sa représentation actuelle au Parlement est insuffisante pour offrir une opposition digne de ce nom au gouvernement en place. C’est pourquoi il est crucial pour la Ligue Awami de maintenir sa mainmise sur les forces armées pour assurer la stabilité et contrôler les rues. »

Dans le même rapport :

« La politique au Bangladesh se caractérise par une lutte acharnée entre le PNB et la Ligue Awami, et plus particulièrement entre leurs deux dirigeantes, l’ancienne première ministre Khaleda Zia (de 1991 à 1996 et de 2001 à 2006) et l’actuelle première ministre Sheikh Hasina Wajed (1996 à 2001 et 2009 à ce jour). Mme Zia est la veuve de l’ancien président et homme fort des forces armées Ziaur Rahman, assassiné en 1981. Sheikh Hasina est la fille de Sheikh Mujibur Rahmanmdu, assassiné en 1975. Il a été le leader de l’indépendance bangladaise et le premier à occuper le poste de premier ministre. Quand ils sont dans l’opposition, la Ligue Awami et le PNB ont tour à tour cherché à faire tomber le parti au pouvoir en multipliant les boycottages parlementaires, les protestations et les grèves. Ces grèves donnent souvent le résultat escompté de paralyser le gouvernement et de perturber l’activité économique. Les pouvoirs du président sont essentiellement de nature protocolaire, mais ils sont élargis quand le pays est dirigé par un gouvernement provisoire. »

Extrait d’un rapport sur le Bangladesh de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) intitulé [traduction] « Évolution de la situation politique de décembre 1996 à avril 1998 » :

« Selon des chiffres provenant du Conseil de coordination des droits de la personne au Bangladesh (le Conseil), le pays a connu 6 grèves générales (hartals) d’envergure nationale et 99 d’envergure plus localisée en 1997 (Bangladesh Observer, 31 décembre 1997, 12). La plupart des hartals ont été organisées par des partis politiques d’opposition et leurs ailes étudiantes, ou par diverses entreprises et organisations locales (ibid., 31 décembre 1997, 12). Le PNB a déclenché cinq des six hartals nationales pour infléchir la position du gouvernement dans divers dossiers politiques (ibid., 31 décembre 1997, 12). De juillet à septembre 1997, les hartals ont été particulièrement nombreuses, soit 4 d’envergure nationale et 40 plus localisées (ibid., 31 décembre 1997, 12), mais elles ont été beaucoup moins nombreuses qu’en 1996 (Rapports par pays 1997, 1998, 1626). Tant le gouvernement que les partisans des partis d’opposition ont recouru à la violence armée et à l’intimidation pour faire respecter les grèves ou perturber les manifestations ou les rassemblements populaires des partis rivaux, faisant au total 18 morts au moins et des centaines de blessés (ibid., 1998, 1615). Ainsi, du 27 au 30 novembre 1997 à Chittagong, au moins sept personnes ont été tuées et 200 autres ont été blessées dans une série d’affrontements entre les partisans de la Ligue Awami et du PNB (Bangladesh Observer, 1er janvier 1998, 3; rapports par pays 1997, 1998, 1615, 1616).

En 1997 et au début de 1998, le gouvernement a invoqué des impératifs de sécurité publique pour imposer des restrictions quant aux moments et aux lieux de rassemblement et de manifestation politiques (ibid., 1998, 1620; AFP, 9 octobre 1997). Le 31 août 1997, Muhammad Hanif, le maire de Dhaka et représentant la Ligue Awami, a interdit les rassemblements politiques dans les rues (rapports par pays 1997, 1998, 1620; AFP, 9 octobre 1997). Même si les marches et les défilés politiques sont restés permis dans les rues de Dhaka, les rassemblements et les manifestations politiques étaient autorisés seulement dans l’un des sept lieux en plein air désignés par le conseil municipal (ibid.; The Hindu, 26 septembre 1997). Le gouvernement a nié que l’interdiction avait des motifs politiques, et a affirmé que son but était de prévenir les embouteillages. Cependant, les partis d’opposition ont dénoncé cette mesure qui selon eux brimait indûment la liberté de rassemblement (AFP, 9 octobre 1997; rapports par pays 1997, 1998, 1620). Certains partis d’opposition qui n’étaient pas d’accord avec l’interdiction ont néanmoins tenu leurs manifestations dans les endroits désignés par le gouvernement (AFP, 9 octobre 1997), mais le PNB s’est fait un point d’honneur de défier les ordres (The Hindu, 26 septembre 1997; Bangladesh Observer, 23 septembre 997, 1; AFP, 25 septembre 1997). Les 22 et 25 septembre 1997, le PNB a appelé à la grève générale afin de contraindre le gouvernement à faire machine arrière (The Hindu, 26 septembre 1997; Bangladesh Observer, 23 septembre 1997, 1; AFP, 25 septembre 1997), mais sans succès. L’entêtement du gouvernement à faire appliquer strictement l’interdiction a mené à plusieurs affrontements violents entre la police et les manifestants de l’opposition (Bangladesh Observer, 23 septembre 1997, 1; AFP, 25 septembre 1997; rapports par pays 1997, 1998, 1620). À la fin de septembre, le maire de Dhaka a suivi le conseil du président Shahabuddin Ahmed et a convoqué une réunion en vue de trouver des solutions de rechange, mais le PNB et le Jamaat ont décliné l’invitation (AFP, 9 octobre 1997; rapports par pays 1997, 1998, 1620; The Hindu, 26 septembre 1997). La première ministre Sheikh Hasina a déclaré que le gouvernement ne lèverait pas l’interdiction (AFP, 9 octobre 1997). »

Extrait d’un autre rapport du Congressional Research Service intitulé [traduction] « Bangladesh – Évolution de la situation politique et stratégique et intérêts des États-Unis » :

« En dépit des troubles, le Bangladesh s’est forgé une réputation de pays à majorité musulmane essentiellement modéré et démocratique. Cette situation est cependant fragile. Lorsqu’ils se retrouvent du côté de l’opposition, les deux partis ont tenté de reprendre le pouvoir à coups de protestations, de grèves syndicales et de blocus des transports. On s’attend à ce que le PNB multiplie ses frappes parce que sa représentation actuelle au Parlement est insuffisante pour offrir une opposition digne de ce nom au gouvernement en place. C’est pourquoi il est crucial pour la Ligue Awami de maintenir sa mainmise sur les forces armées pour assurer la stabilité et contrôler les rues. »

Dans le même rapport :

« La politique au Bangladesh se caractérise par une lutte acharnée entre le PNB et la Ligue Awami, et plus particulièrement entre leurs deux dirigeantes, l’ancienne première ministre Khaleda Zia (de 1991 à 1996 et de 2001 à 2006) et l’actuelle première ministre Sheikh Hasina Wajed (1996 à 2001 et 2009 à ce jour). Mme Zia est la veuve de l’ancien président et homme fort des forces armées Ziaur Rahman, assassiné en 1981. Sheikh Hasina est la fille de Sheikh Mujibur Rahmanmdu, assassiné en 1975. Il a été le leader de l’indépendance bangladaise et le premier à occuper le poste de premier ministre. Quand ils sont dans l’opposition, la Ligue Awami et le PNB ont tour à tour cherché à faire tomber le parti au pouvoir en multipliant les boycottages parlementaires, les protestations et les grèves. Ces grèves donnent souvent le résultat escompté de paralyser le gouvernement et de perturber l’activité économique. Les pouvoirs du président sont essentiellement de nature protocolaire, mais ils sont élargis quand le pays est dirigé par un gouvernement provisoire. »

Dans la même décision, le juge de l’immigration reconnaît ce qui suit :

Toutefois, certains des incidents rapportés par des sources crédibles comme Human Rights Watch et d’autres sources un peu moins crédibles correspondent à la définition d’une activité terroriste. [...] En l’espèce, plusieurs des actes rapportés par des sources crédibles correspondent à la définition. À titre d’exemple, les attaques dans les villages dont fait état le rapport de Human Rights Watch, une source réputée fiable, sont visées par la disposition traitant de l’usage d’une arme ou d’un quelconque dispositif dangereux (autrement que pour un simple gain pécuniaire personnel) dans l’intention de compromettre, directement ou indirectement, la sécurité d’une personne ou plus (Immigration and Nationality Act, § 212(a)(3)(B)(iii)(V)). Lorsque des membres de l’aile étudiante du PNB incitent des enfants des rues à lancer des bombes de pétrole sur des autobus, ils commettent aussi un geste visé par cette disposition, ainsi que par celle qui concerne les tentatives et les complots. [...] La définition s’applique aussi à un certain nombre d’incidents signalés sur le South Asian Terrorism Portal, et notamment ceux qui mettent en cause la fabrication et la détonation d’explosifs.

[…]

Les hartals organisées par le PNB ébranlent fortement l’économie du Bangladesh, et elles peuvent mener les activistes et les membres à causer des dommages considérables à des biens, la mort ou des lésions corporelles graves, ainsi que la perturbation des services. Il est arrivé que des dirigeants du PNB nient toute responsabilité à l’égard de certaines activités et qu’ils condamnent la violence. Toutefois, la persistance du PNB à recourir aux hartals pour forcer le gouvernement à se plier à son programme et les épisodes de violence qui en résultent donnent à croire que ces tactiques vont bien au-delà de la protestation ou de la défense d’une cause par des moyens justes et pacifiques. Très peu d’éléments de preuve indiquent que les dirigeants du PNB ont cherché à décourager le recours à la violence durant les hartals; tout au plus, ils ont à quelques reprises condamné la violence après le fait pour détourner les soupçons. Étant donné que le PNB demeure un parti politique légitime au Bangladesh, il ne serait pas à son avantage d’annoncer publiquement qu’il organise et dirige des affrontements violents dans l’objectif avoué de déstabiliser le gouvernement. Néanmoins, la persistance du PNB à recourir aux hartals et les épisodes de violence qui en résultent me donnent à croire qu’il existe des motifs raisonnables de penser qu’il cautionne la violence et qu’il ne décourage pas ses membres d’en faire usage. Cela me semble d’autant plus évident dans les cas où la violence a été utilisée pour faire respecter les hartals. Voici un extrait du document BGD105262.EF de la CISR, soumis en preuve par le demandeur :
[traduction]

« Selon certaines sources, l’opposition dirigée par le PNB a exhorté ses troupes à ériger des barrages routiers (abarudh) (Human Rights Watch, avril 2014, 13; New Age, 14 juin 2015) et a déclenché des grèves générales (hartals) en octobre 2013, soit un peu avant les élections de octobre 2013 (ibid.). Il a aussi été rapporté que des partisans du PNB et du Jamaat-e-Islami auraient utilisé des bombes de pétrole pour faire respecter les barrages routiers (Human Rights Watch, 29 janvier 2015; The Diplomat, 22 mai 2015). D’après Human Rights Watch, des partisans du PNB et du Jamaat ont été identifiés par des voisins comme étant les auteurs d’attaques contre des résidences et des commerces tenus par des hindous, y compris une attaque menée dans le village de Kornai dans le district de Dinajpur (Human Rights Watch, avril 2014, 19, 20). La violence politique qui a précédé les élections de janvier 2014 aurait fait près de 500 victimes (AFP, 5 janvier 2015; Andersen, 4 mai 2015). Selon Human Rights Watch, les élections de janvier 2014 ont été les plus violentes de l’histoire du pays (avril 2014, 1).

Des sources signalent que des partisans de l’opposition auraient attaqué des bureaux de scrutin pendant les élections de 2014 (ibid., 13; AFP, 5 janvier 2015). D’après le rapport de surveillance pour 2014 préparé par Odhikar, le vote a été suspendu dans une école de Digharpar parce que des partisans du PNB auraient fait main basse sur des boîtes de scrutin et des bulletins de vote (Odhikar, 1er juillet 2014, 15). Selon la même source, des militants du PNB et du Jamaat auraient attaqué les bureaux de scrutin de Palpara et de Sahapur (ibid.). Human Rights Watch rapporte que les médias locaux ont signalé que le 4 janvier 2014, de 100 à 150 partisans du PNB et du Jamaat ont attaqué le bureau de scrutin installé à l’école primaire Molani Cheprikura à Thakurgaon (Human Rights Watch, avril 2014, 18). »

[Notes de bas de page omises; souligné dans l’original.]

[31]  À mon humble avis, ces motifs indiquent que tous les éléments de preuve ont été bien soupesés. Plus important encore pour les fins qui nous concernent, les éléments de preuve cités et invoqués par l’agent justifient sa conclusion de l’existence de motifs raisonnables de croire que le PNB est, a été ou sera l’auteur d’actes terroristes. L’argument du demandeur selon lequel le dossier ne corrobore pas cette conclusion m’apparaît sans fondement.

[32]  Il conteste la décision pour un certain nombre d’autres raisons.

[33]  Tout d’abord, il souligne le rôle important du PNB au Bangladesh, ainsi que la relation que le Canada entretient avec ce pays. Le demandeur insiste, et je suis d’accord, sur le fait que le PNB et la Ligue Awami sont les deux principaux partis politiques au Bangladesh et que, depuis une vingtaine d’années, le PNB a été au pouvoir ou dans l’opposition. Je souscris aussi à l’affirmation voulant que le PNB soit la seule et principale force d’opposition au gouvernement. Actuellement, il n’a aucun élu au Parlement parce qu’il a boycotté les dernières élections, mais il avait obtenu 30 sièges aux élections précédentes. Par surcroît, le PNB a formé le gouvernement du Bangladesh de 1991 à 1996 et plus récemment, de 2001 à 2006. Ces éléments de preuve se retrouvent pour l’essentiel dans les motifs de l’agent.

[34]  Il est vrai également que le Canada entretient des relations diplomatiques avec le Bangladesh depuis 1972. Nous échangeons des hauts-commissaires, et des ministres des deux pays se sont rencontrés dans le cadre de visites officielles. Voici un extrait d’un site Web du gouvernement du Canada qui figure au dossier : [traduction] « Fondées sur des valeurs communes de démocratie et de pluralisme, les relations entre le Canada et le Bangladesh sont axées sur la coopération au développement, le commerce et l’investissement, ainsi que l’établissement de liens interpersonnels. » La valeur des échanges bilatéraux entre le Canada et le Bangladesh s’établissait à 1,7 milliard de dollars en 2012.

[35]  Bien que ces facteurs mettent en évidence le rôle important des agents pour ce qui concerne l’appréciation des éléments de preuve produits aux fins de l’examen des demandes, ils ne soustraient pas le PNB à l’application des dispositions sur l’appartenance à une organisation terroriste de la Loi comme motif de rejet d’une demande de résidence permanente au Canada.

[36]  Je suis d’accord avec l’analyse de l’agent, qui a d’ailleurs été corroborée par le demandeur lui-même, quant aux tactiques violentes des deux partis politiques et au [traduction] « climat de violence dans lequel baigne la politique au Bangladesh ». Bref, je parviens moi aussi à la conclusion que tant les partisans du PNB que ceux du parti au pouvoir ont usé de violence pour influencer le public et le gouvernement de diverses façons et à divers moments. Je ne suis toutefois pas convaincu que, parce que les deux partis usent de violence, le PNB ne peut pas être considéré comme une organisation terroriste en application de la Loi et les autorités canadiennes de l’immigration ne peuvent pas rejeter des demandes de résidence permanente de ressortissants étrangers qui en sont ou en ont été membres.

[37] En l’espèce, la seule question qui se posait à l’agent consistait à déterminer si des motifs raisonnables lui permettaient de conclure que le PNB est une organisation terroriste au sens des alinéas 34(1)f) et c) de la Loi. Après un examen rigoureux et attentif aux détails, il a conclu, à l’instar du Canada, qu’il existait des motifs raisonnables de croire que le PNB est ou a été une organisation terroriste au sens de la définition donnée dans la Loi.

[38]  Je trouve important de rappeler que la définition très large que le Canada donne au terrorisme peut raisonnablement, à mon sens, être considérée comme englobant les hartals. Tel qu’il a été exposé précédemment, la définition du Canada du terme « terrorisme » englobe, aux fins de la présente instance, les actes et les omissions commis à l’étranger (p. ex., au Bangladesh), qui comportent des éléments d’intimidation de tout ou partie de la population (les hartals, peut-être) quant à sa sécurité, entre autres sur le plan économique (les hartals, peut-être), qui contraignent un gouvernement à accomplir un acte ou à s’en abstenir (les hartals, peut-être), lorsque l’acte ou l’omission cause des blessures graves à une personne ou la mort de celle-ci, par l’usage de la violence, met en danger la vie d’une personne, compromet gravement la santé ou la sécurité de tout ou partie de la population (les hartals, peut-être), ou cause des dommages matériels considérables (les hartals, peut-être), ou perturbe gravement ou paralyse des services, installations ou systèmes (les hartals, peut-être).

[39]  Compte tenu du dossier et de la définition large que le Canada donne au terrorisme, l’agent a conclu qu’il avait des motifs raisonnables de croire que le PNB, à titre d’organisateur de hartals, est l’auteur d’actes terroristes au sens du Code criminel. Il s’agit selon moi d’une conclusion qui se tient au vu des éléments de preuve présentés en l’espèce.

[40]  Le demandeur soutient que l’absence du PNB sur la liste des entités terroristes répertoriées par le gouvernement canadien aurait dû peser dans la décision. En toute déférence, le processus menant à l’inscription d’un pays sur cette liste relève du gouverneur en conseil (le Cabinet canadien) et, tel que l’a souligné l’avocat, des considérations politiques peuvent entrer en jeu. Je ne suis pas convaincu, et cet argument n’a d’ailleurs pas été plaidé, que l’absence d’une organisation sur la liste était déterminante de la question à trancher par l’agent.

[41]  Le demandeur affirme que les actes terroristes de certains membres d’un parti ne permettent pas de conclure que ce parti, en l’occurrence le PNB, s’est livré au terrorisme. Cet énoncé est juste du point de vue du principe général. Cependant, il perd toute pertinence en l’espèce puisque l’agent a conclu à l’existence de motifs raisonnables de croire que le PNB s’est adonné à des activités terroristes. Toute l’analyse de l’agent visait à déterminer s’il existait des motifs raisonnables de croire que le PNB lui-même était l’auteur d’actes terroristes, et il a établi que c’était le cas. J’ai moi-même établi, au vu du dossier, qu’il était loisible à l’agent de tirer cette conclusion.

[42]  Le demandeur affirme que le PNB condamne la violence, mais je suis loin d’en être convaincu. Il fonde cette affirmation sur la constitution du PNB. Certes, elle traite vaguement de thèmes comme l’action antisociale, les organisations politiques clandestines et les membres armés, mais elle ne condamne pas expressément la violence. Le demandeur soutient que des membres du parti ont fait l’objet de mesures disciplinaires pour avoir désobéi à la constitution du PNB. Effectivement, le dossier contient des documents attestant de l’expulsion de certains membres, mais les motifs de celles-ci ne sont pas expliqués. Ces éléments de preuve n’étayent donc pas cet argument du demandeur. Du reste, le petit nombre d’expulsions dont atteste la preuve est loin de faire le poids devant la myriade d’incidents violents et de hartals dont fait état l’agent. Par conséquent, les éléments de preuve concernant les expulsions ne sont d’aucun secours pour le demandeur.

[43]  En fait, comme l’avocat du ministre l’a observé, le seul élément de preuve fourni pour montrer que le PNB condamne la violence est une déclaration faite par une dirigeante visée par des accusations criminelles après un attentat à la bombe incendiaire qui a fait sept morts parmi les passagers endormis d’un autobus bondé. Cette information m’apparaît fondamentale. Outre cette réaction de défense dans la foulée d’accusations criminelles graves, le dossier ne contient aucun élément de preuve d’une quelconque volonté du PNB de désavouer ou de condamner les actes violents de ses membres. Le fait que le PNB n’a pas découragé la violence est important puisque la définition du terrorisme inclut les actes, mais les « omissions » d’une présumée organisation terroriste.

[44]  Le demandeur fait valoir qu’il est exagéré [traduction] « de mettre tous les membres du PNB dans le même sac. Le PNB et la Ligue Awami sont les principaux partis du pays, et les deux ont des membres qui commettent des actes violents. S’il est décrété à cause de ces personnes que le PNB et la Ligne Awami sont des organisations terroristes, alors chaque politicien de premier plan au Bangladesh deviendrait automatiquement un complice d’actes terroristes, de même que tous les membres et les partisans de ces partis. » Je ne vois pas en quoi cet argument militerait en faveur du demandeur. L’agent devait déterminer si le PNB, et non la Ligue Awami au pouvoir, est une organisation terroriste selon la définition large que donne le Canada à cette expression. En l’espèce, La Ligue Awami n’intéresse pas notre Cour.

[45]  Le demandeur soutient que l’analyse du tribunal de l’immigration des États-Unis selon laquelle le PNB n’est pas une entité terroriste est convaincante et devrait être appliquée au Canada. Cet argument soulève plusieurs réserves. Premièrement, le Canada et les États-Unis ne donnent pas la même définition au terrorisme et ils n’appliquent pas les mêmes normes de preuve. Dans la loi américaine, la définition du terrorisme telle qu’elle est citée par l’éminent juge de l’immigration – que le demandeur n’a pas contredite – n’englobe pas la sécurité économique, ni la perturbation grave ou la paralysie de services, d’installations ou de services essentiels. Ces différences sont cruciales considérant que ces éléments sont la cible des hartals déclenchées par le PNB. La définition des États-Unis, beaucoup plus étroite, vise le détournement ou le sabotage d’un réseau de transport, l’enlèvement d’une personne et la menace de la tuer afin de contraindre un tiers à agir ou à s’abstenir d’agir, les attaques violentes, les assassinats, l’utilisation d’armes biologiques, chimiques ou nucléaires dans l’intention de compromettre la sécurité d’une personne ou plus ou de causer des dommages considérables, y compris les complots.

[46]  À cet égard, je relève que le défendeur a mentionné que la loi antiterroriste des États-Unis prescrit des limites temporelles, alors que la loi canadienne prévoit que l’ensemble des activités passées, présentes ou futures (telles qu’elles sont définies) d’une organisation peuvent être prises en considération pour déterminer si elle est l’auteur d’actes terroristes au sens des alinéas 34(1)f) et c). En toute déférence, je refuse de tirer une conclusion sur ce point qui ne soit pas corroborée par le texte législatif en vigueur aux États-Unis. Quoi qu’il en soit, je précise que l’agent a pris en considération les différences entre les définitions du terrorisme et les normes de preuve, et qu’il n’a pas fondé le rejet de cet aspect de l’argumentation du demandeur sur les différences liées aux limites temporelles.

[47]  Je conviens toutefois que les normes de preuve semblent diverger entre les États-Unis et le Canada. Tel qu’il a été relevé, la Loi exige qu’il y ait des « motifs raisonnables de croire », alors qu’aux États-Unis, tel que l’énonce l’éminent juge de l’immigration, c’est la prépondérance de la preuve qui prévaut. Par conséquent, compte tenu du libellé clair de la loi canadienne, il était loisible à l’agent de conclure que les normes de preuve des deux pays sont différentes.

[48]  Par surcroît, l’éminent juge de l’immigration des États-Unis a tenu une instance de novo. Ce n’est pas ce qui m’est demandé ici. Notre Cour doit procéder au contrôle judiciaire non pas selon la norme de la décision correcte, mais selon celle de la décision raisonnable.

[49]  J’ai examiné l’argument du demandeur comme quoi la décision de l’éminent juge de l’immigration des États-Unis est convaincante mais, en toute déférence, j’ai jugé qu’il était raisonnablement loisible à l’agent de ne pas y faire droit au vu du dossier.

[50]  Le demandeur affirme aussi que les différences entre les normes de preuve n’ont aucune incidence pour ce qui concerne les grèves générales, ou hartals. Cet argument fait abstraction du fait que l’agent pouvait tirer des conclusions à partir des éléments de preuve, et notamment de ceux qui concernent la violence, les pertes économiques et l’absence de preuve concluante de l’allégation comme quoi le PNB décourage la violence puisqu’il a retenu des témoignages contraires. La conclusion raisonnable de l’agent est la suivante :

[traduction]

Très peu d’éléments de preuve indiquent que les dirigeants du PNB ont cherché à décourager le recours à la violence durant les hartals; tout au plus, ils ont à quelques reprises condamné la violence après le fait pour détourner les soupçons. Étant donné que le PNB demeure un parti politique légitime au Bangladesh, il ne serait pas à son avantage d’annoncer publiquement qu’il organise et dirige des affrontements violents dans l’objectif avoué de déstabiliser le gouvernement. Néanmoins, la persistance du PNB à recourir aux hartals et les épisodes de violence qui en résultent me donnent à croire qu’il existe des motifs raisonnables de penser qu’il cautionne la violence et qu’il ne décourage pas ses membres d’en faire usage. Cela me semble d’autant plus évident dans les cas où la violence a été utilisée pour faire respecter les hartals.

[51]   J’ai pris en considération les principales réserves du demandeur à l’égard de la décision et je suis parvenu à cette conclusion. Toutefois, un contrôle judiciaire ne consiste pas à additionner les éléments positifs et à soustraire les éléments négatifs; il doit porter sur la décision dans son intégralité. À mon humble avis, si elle est considérée dans son intégralité, la décision satisfait au critère établi dans l’arrêt Dunsmuir parce qu’elle appartient aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

VIII.  Question certifiée

[52]  Les parties n’ont pas proposé de question à certifier et aucune question n’a été soulevée.

IX.  Conclusion

[53]  La demande de contrôle judiciaire doit être rejetée et aucune question ne sera certifiée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire, sans aucune question à certifier et aucune ordonnance quant aux dépens.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 8e jour de juin 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2401-16

 

INTITULÉ :

MOHAMMAD JEWEL HOSSAIN GAZI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 janvier 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 25 janvier 2017

 

COMPARUTIONS :

Douglas Lehrer

Pour le demandeur

 

Ian Hicks

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Douglas Lehrer

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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