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Date : 20161026


Dossier : T-407-14

Référence : 2016 CF 1193

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Montréal (Québec), le 26 octobre 2016

EN PRÉSENCE DE : monsieur le juge Locke

ENTRE :

POLLARD BANKNOTE LIMITED

Demanderesse/
défenderesse reconventionnelle

et

BABN TECHNOLOGIES CORP. et SCIENTIFIC GAMES PRODUCTS (CANADA) ULC

Défenderesses/
demanderesses reconventionnelles

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Cette décision concerne les dépens consécutifs à un procès dans une action en invalidation de brevet intentée par Pollard Banknote Limited (Pollard) contre Scientific Games Products (Canada) ULC (SG). Dans une décision rendue le 28 juillet 2016, j’ai tranché en faveur de Pollard, concluant que les revendications concernant le brevet faisant l’objet de l’action (brevet canadien no 2 752 551, ci-après le « brevet 551 ») n’étaient pas valides. Dans cette décision, j’ai jugé que les dépens devraient suivre l’issue de la cause et invité les parties (Pollard d’abord et SG ensuite) à présenter des observations sur les dépens, sans dépasser 15 pages. Pollard a ensuite eu l’occasion de présenter des observations en réponse, sans dépasser cinq pages.

I.                   Observations de Pollard

[2]               Dans ses premières observations, Pollard demande un montant forfaitaire de dépens reflétant ses dépenses réelles dans l’action en invalidation, au lieu d’un montant établi selon le Tarif B des Règles des cours fédérales, DORS/98-106 [les « Règles »]. Pollard affirme que ses dépenses réelles comprennent des honoraires de 1 348 315,00 $ et des débours de 208 001,72 $. Pollard demande des dépens de 882 159,22 $, ce qui représente 50 % de ses frais d’honoraires et 100 % de ses débours.

[3]               Polard fait valoir que les dépens calculés selon le Tarif B ne représenteraient que 17 % (si l’échelon supérieur de la colonne IV était appliqué) ou 22 % (si l’échelon supérieur de la colonne V était appliqué) de ses frais juridiques. Pollard cite également une [traduction] « tendance dans la jurisprudence récente favorisant l’attribution d’un montant forfaitaire basé sur un pourcentage des coûts réels pour la partie lorsque les parties en causes sont des plaideurs commerciaux mieux éduqués qui ont clairement les moyens de payer pour les choix juridiques qu’ils font » (Eli Lilly and Company c. Apotex Inc, 2011 CF 1143, au paragraphe 36). Pollard cite également les décisions suivantes à l’appui de cette tendance : Air Canada c. Toronto Port Authority, 2010 CF 1335; Philip Morris Products SA c. Marlboro Canada Ltd, 2014 CF 2, [2014] FCJ no 1370 (QL); The Dow Chemical Company c. Nova Chemical Corporation, 2016 CF 91.

[4]               Pollard cite le paragraphe 400(3), qui énonce différents facteurs pouvant être appliqués dans l’attribution des dépens, et donne différentes raisons pour lesquelles les dépens dans cette affaire devraient être élevés.

II.                Observations de SG

[5]               SG fait valoir qu’il ne s’agit pas d’une affaire justifiant de s’écarter des dépens par défaut établis selon la colonne III du Tarif B, comme le prévoit l’article 407. SG fait également valoir que rien dans la « tendance » affirmée par Pollard ne suggère que la Cour devrait ignorer le Tarif B. SG fait valoir que même si Pollard avait le droit de payer ce qu’elle voulait à ses avocats, elle ne devrait pas avoir le droit d’imposer le coût de ce choix à SG. Citant Wihksne c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 356, au paragraphe 11, SG fait aussi valoir que si le recouvrement des dépens selon le Tarif B est jugé inadéquat, la solution n’est pas de l’ignorer, mais de demander au gouverneur en conseil de modifier les Règles.

[6]               SG aborde les différents facteurs mentionnés au paragraphe 400(3) et fait valoir (i) que les dépens élevés ne sont pas justifiés et (ii) que les dépens selon le Tarif B devraient en fait être réduits, pour plusieurs raisons. SG donne ensuite une réponse détaillée au mémoire de dépens de Pollard, en s’appuyant sur le Tarif B.

[7]               Avant d’aller plus loin, je dois souligner que les observations de SG ne semblent pas se conformer aux Règles. Elles semblent utiliser une police de caractères de taille 10 points (au lieu de la taille 12 points exigée par l’article 65) et être présentée à simple interligne, (dépassant ainsi la limite de 30 lignes par page, à l’exclusion des titres). En ne se conformant pas aux Règles, les quinze pages des observations de SG contiennent au total 116 paragraphes, contre 47 pour les observations principales de Pollard. SG a effectivement dépassé la limite du nombre de pages de plus du double, sans avoir demandé la permission de le faire. J’ai examiné et tenu compte de l’ensemble des observations de SG sur les dépens, et je tiendrai compte du défaut de SG de respecter les Règles dans la détermination des dépens en l’espèce.

III.             Réponse de Pollard

[8]               Dans sa réponse, Pollard répète sa position selon laquelle un montant forfaitaire pour les dépens serait approprié et répond à certains commentaires de SG concernant (i) les différents facteurs mentionnés au paragraphe 400(3) et (ii) le mémoire de dépens de Pollard, selon le Tarif B.

IV.             Analyse

[9]               En cherchant à accorder des dépens appropriés, la Cour doit exercer sa discrétion avec prudence, ne serait-ce que pour éviter que des parties dont la conduite n’a rien de répréhensible se voient condamner à des dépens dont l’ampleur était imprévisible : Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 157, au paragraphe 14.

[10]           Bien qu’il y ait des motifs (présentés ci-après) pour lesquels je conclus qu’il est justifié d’accorder des dépens élevés en l’espèce, je ne suis pas convaincu que la conduite de SG a été si répréhensible que cela justifie l’octroi de dépens au niveau demandé par Pollard.

A.                Facteurs dans l’octroi des dépens

[11]           J’ai examiné les facteurs dont la liste apparaît au paragraphe 400(3) et qui pourraient être pris en compte dans l’octroi des dépens. Dans les paragraphes qui suivent, je traiterai de certaines questions soulevées par les parties à l’égard de ces facteurs.

(1)               Le résultat de l’instance.

[12]           Pollard a eu un succès incontesté en l’espèce. Ce facteur favorise clairement Pollard.

(2)               L’importance et la complexité des questions examinées.

[13]           Cette affaire avait clairement une importance considérable pour les parties. Elles ont consacré les ressources importantes nécessaires à la préparation et à la conduite d’un procès de 11 jours durant lequel sept témoins ont été appelés à la barre. Bien que la matière n’ait pas été aussi complexe sur le plan technique que dans certains dossiers de brevets dans le domaine pharmaceutique, les questions de brevets ont une complexité inhérente et des témoins experts ont été appelés par les deux parties. Alors que Pollard avait quatre avocats présents durant la plus grande partie du procès, SG s’est contenté d’un avocat principal et d’un avocat adjoint.

(3)               Détails des allégations d’invalidité faites par Pollard.

[14]           SG allègue que Pollard devrait être critiquée pour ne pas avoir plaidé avec suffisamment de particularité au début de l’instance, et pour n’avoir fourni des détails que lorsque pressée de le faire par le juge chargé de la gestion de l’instance. SG allègue qu’il s’agit d’un abus de procédure, puisque Pollard aurait entrepris l’instance sans bien comprendre les allégations la soutenant. SG critique également Pollard pour des changements tardifs dans ses allégations d’invalidité.

[15]           Je ne suis pas prêt à conclure que les plaidoyers de Pollard constituaient un abus de procédure. C’est une décision qui aurait appartenu au juge chargé de la gestion de l’instance en vertu d’une requête en radiation de procédure. Je n’ai aucune information concernant une telle requête. Je note également qu’il n’est pas inhabituel pour les parties de plaider de façon plus générale au début des procédures dans une cause de brevet et de circonscrire ensuite la preuve à mesure que des renseignements sont obtenus par la divulgation de la preuve et par les témoignages d’experts. Les parties devraient être encouragées à préciser les questions en litige à mesure que l’affaire progresse vers le procès. Je ne voudrais pas, dans le cadre de l’adjudication des dépens, dissuader les parties de le faire.

(4)               La conduite alléguée de SG, qui aurait contribué à allonger et compliquer les procédures avant le procès

[16]           Pour sa part, Pollard allègue que SG a compliqué les choses sans raison, d’abord en refusant de coopérer avec les efforts de Pollard pour obtenir une gestion préliminaire de l’instance et une date de procès rapprochée, puis en faisant défaut de compléter son interrogatoire préalable dans des délais raisonnables et en poursuivant avec un succès limité des requêtes en vue d’obtenir des réponses en divulgation de preuve.

[17]           Je ne suis pas convaincu que le procès a été retardé par des choses que SG a faites ou n’a pas faites. Qui plus est, je ne suis pas disposé à sanctionner SG, au-delà de ce qui est prévu au Tarif B, pour avoir demandé une journée d’interrogatoire préalable supplémentaire. Enfin, les sanctions relatives aux requêtes visant à forcer des réponses lors de l’interrogatoire, s’il en était, relevaient du juge chargé de la gestion de l’instance qui a entendu ces requêtes. Je comprends que des dépens n’ont été accordés pour aucune des requêtes en vue d’obtenir des réponses.

(5)               Les arguments de SG concernant la demande 2

[18]           Pollard fait valoir qu’il était [traduction] « absolument inutile et impardonnable » pour SG de continuer, tout au long du procès, d’affirmer la violation du brevet 551 et de défendre la validité de la revendication 2 relative à ce brevet, jugée non valide en raison de son ambiguïté. À mon avis, cela n’a pas ajouté de façon significative à la durée ou à la complexité du procès. Je suis aussi conscient que les allégations d’ambiguïté des revendications en matière de brevets sont rarement retenues. Par conséquent, il n’était pas déraisonnable pour SG de maintenir ces allégations. SG a perdu sa cause sur la revendication 2 et devrait payer les dépens y afférents. Je suis cependant d’avis que le fait de maintenir ses arguments concernant la revendication 2 est insuffisant, en l’absence d’autres éléments, pour justifier l’attribution de dépens élevés.

(6)               La preuve de SG sur la fraude par les détaillants plutôt que la fraude par les consommateurs.

[19]           Pollard critique SG pour avoir présenté un volume de preuve important concernant des questions relatives à la fraude par les détaillants dans l’industrie des loteries, alors que j’ai conclu que le Brevet 551 portait plutôt sur la question distincte de la fraude par les consommateurs. Bien que ma décision n’ait pas retenu la lecture faite par SG du Brevet 551, il n’était pas déraisonnable pour SG de défendre cet argument, et je ne suis pas prêt à sanctionner SG de manière disproportionnée pour l’avoir fait.

(7)               Position de Pollard

[20]           SG fait valoir que les dépens devraient être réduits afin de refléter les allégations suivantes, que Pollard n’a pas réussi à prouver ou pour lesquelles il n’a pas présenté de preuve lors du procès : (i) que le Brevet 551 pourrait avoir eu une incidence négative sur ses affaires, et (ii) que le prédécesseur de SG a menacé plusieurs clients de Pollard de les poursuivre ou tenté de leur faire acheter une licence. Il est évident que Pollard a fait ces allégations afin de démontrer qu’elle avait qualité pour contester la validité du Brevet 551. Pollard répond complètement aux arguments de SG en soulignant que SG a déposé une demande reconventionnelle contre Pollard pour violation de brevet et allégué que Pollard avait incité ses clients à violer le brevet. À partir du moment où SG dépose une demande reconventionnelle, la question de savoir si Pollard a qualité ne se pose même plus. L’allégation d’incitation implique que SG voit aussi une violation par les clients de Pollard. À la lumière de la demande reconventionnelle, il n’est plus nécessaire pour Pollard de présenter quelque preuve que ce soit en soutien à ces allégations. Les dépens ne devraient donc pas être réduits pour cette raison.

(8)               Admissibilité du témoignage d’expert de John Trask

[21]           SG fait valoir que dans la mesure où les arguments non retenus de SG sont sanctionnés par des dépens élevés, l’échec de Pollard dans sa contestation du témoignage d’expert de James Trask devrait être sanctionné par une réduction des dépens. Je ne suis pas d’accord, au motif qu’il n’était pas déraisonnable de la part de Pollard de chercher à faire exclure les opinions d’un expert ayant des liens étroits avec l’une des parties. De plus, le temps consacré à la question de la preuve présentée par M. Trask n’était pas important.

(9)               Extraits

[22]           Durant le procès, SG a demandé que certains passages de l’interrogatoire préalable de son représentant soient lus dans le cadre de la preuve présentée par Pollard en tant qu’extraits pertinents aux passages que Pollard a choisi de lire. À cet effet, la Cour a entendu une requête de Pollard en vertu de l’article 289. La Cour a rejeté cette requête de SG. Pollard fait valoir que cette requête n’avait aucune chance de succès et était une perte de temps.

[23]           Je suis porté à convenir avec Pollard que la requête de SG en vertu de l’article 289 était une perte de temps. Cependant, la perte de temps et de ressources n’était pas si importante au regard des autres questions discutées ci-après.

(10)           Norme de contrôle de la décision du Bureau des brevets d’accorder le Brevet 551

[24]           Dans sa défense contre l’attaque de Pollard sur la validité du Brevet 551, SG fait valoir qu’au vu des nombreuses poursuites dont la demande de brevets a fait l’objet sur une période de 17 ans, une certaine déférence devrait être marquée envers la décision du Bureau des brevets d’accorder ce brevet. Les parties ont fait référence à cette question en invoquant l’argument de la norme de contrôle.

[25]           Pollard fait valoir qu’une action en invalidation de brevet ne constitue pas un contrôle judiciaire, et que la jurisprudence indique clairement qu’aucune déférence n’est due au Bureau des brevets à l’égard de sa décision d’octroyer un brevet. Pollard fait valoir que l’argument de la norme de contrôle avancé par SG a peu de chances d’aboutir, sinon aucune. Pour sa part, SG fait valoir que les circonstances inhabituelles entourant le Brevet 551 (Pollard a déposé 12 contestations) ont transformé la poursuite contre la demande en une opposition par un tiers.

[26]           Je n’ai pas été convaincu par l’argument de SG. SG n’a pas, au procès ou dans le présent argument sur les dépens, offert de motif valable de ne pas appliquer la jurisprudence établie concernant la présomption de validité d’un brevet émis et les critères juridiques applicables pour invalider un brevet. Je conviens avec Pollard que l’argument de SG concernant la norme de contrôle a peu de chance de succès, sinon aucune, et que ceci devrait être pris en compte dans la détermination des dépens. De plus, à mon avis, il n’y avait rien d’incorrect, même de loin, dans les contestations répétées de Pollard. De façon générale, elles étaient fondées et ont été accueillies. Essentiellement, les contestations de Pollard ont été rendues nécessaires par le dépôt répété de plaintes inadmissibles auprès du Bureau des brevets par SG.

(11)           Fred Finnerty

[27]           Fred Finnerty a témoigné au procès à titre d’expert pour SG. Son témoignage est notable parce qu’il a admis, en contre-interrogatoire, avoir [traduction] « grossièrement mal interprété » la principale référence artistique antérieure en l’espèce (la Demande Camarato) après l’avoir mal comprise. Il a indiqué avoir voulu retirer la totalité de la partie de son rapport traitant de cette référence. Au paragraphe 53 de mes motifs au terme du procès, j’ai exprimé certaines préoccupations, comme suit :

L’admission par M. Finnerty, en contre-interrogatoire, qu’il avait totalement mal compris ce qui était clairement la référence artistique antérieure la plus importante dans ce dossier est certes surprenante. Je ne comprends cependant pas pourquoi la rétractation de M. Finerty n’a pas été abordée pendant son interrogatoire principal. Selon le témoignage de M. Finnerty, il appert qu’il avait reconnu son erreur bien avant le procès, après avoir lu les documents préparés par les experts de Pollard, et qu’il a alors porté cela à l’attention de l’avocat de SG; il a témoigné qu’on lui a dit qu’il n’était plus possible de modifier ou de clarifier son rapport. Le défaut d’aborder cette erreur durant l’interrogatoire principal, laissant le rapport de M. Finnerty inaltéré, constitue non seulement un faux-pas stratégique de la part de SG, mais suggère également qu’il aurait pu y avoir un espoir que la confusion de M. Finnerty passe inaperçue et que son rapport soit pris en compte sans modifications. Une telle façon de faire serait incorrecte, puisqu’elle induirait la Cour en erreur quant à l’opinion véritable de l’expert. L’avocat de Pollard a indiqué (correctement) qu’il aurait pu choisir de ne poser aucune question sur la demande Camarato en contre-interrogatoire, auquel cas la confusion de M. Finnerty serait certainement passée inaperçue. Il se peut qu’il y ait une explication raisonnable au fait que le rapport de M. Finnerty n’ait pas été corrigé dès le début de son témoignage, mais aucune n’a été présentée.

[28]           Pollard fait valoir que des dépens substantiels devraient être imposés en raison de cet incident. SG répond comme suit :

Malheureusement, M. Finnerty est devenu nerveux dans le contexte de la salle d’audience et a fait, en contre-interrogatoires, des déclarations que n’avaient pas prévues Scientific Games ou son avocat. L’avocat ne peut intervenir, parler au témoin ou le diriger durant le contre-interrogatoire. Avant de recevoir le jugement de la Cour, l’avocat ne savait pas que la Cour aurait pu percevoir la situation de façon différente. Pris dans le contexte global de la cause, ce facteur ne devrait pas avoir un poids important, si tant qu’il devrait en avoir un, en ce qui concerne les dépens, particulièrement au vu du fait que Pollard s’est en fin de compte appuyé sur certains aspects du témoignage de M. Finnerty.

[Non souligné dans l’original.]

[29]           En ce qui concerne la phrase soulignée ci-dessus, il m’apparaît inconcevable que l’avocat de SG ait pu ne pas percevoir que la Cour aurait de graves préoccupations face au témoignage de M. Finnerty. Je ne comprends pas comment la Cour « aurait pu percevoir la situation de façon différente ». SG a échoué à traiter la situation de quelque façon que ce soit durant le procès, que ce soit en réinterrogatoire ou en plaidoirie. Même si SG affirme que ni elle ni son avocat n’avaient prévu les déclarations faites par M. Finnerty en contre-interrogatoire, ceci ne signifie pas qu’ils nient avoir été informés des réserves de M. Finnerty avant le procès. La suggestion de M. Finnerty à cet effet durant son témoignage n’a pas été contredite. Selon la preuve, il appert que SG ou son avocat savait avant le procès qu’elle n’avait pas de preuve d’expert fiable à faire valoir contre la contestation fondée sur l’évidence de Pollard à l’égard de la demande Camarato.

[30]           En raison de mes profondes préoccupations face à cette situation, et du fait qu’elle est liée à la question centrale en l’espèce, je suis d’avis que les dépens doivent être augmentés de façon substantielle pour dissuader ce type de comportement.

(12)           Position modifiée de SG sur la construction de la revendication

[31]           J’ai noté dans ma décision sur le mérite de l’affaire que la position de SG sur la construction de la revendication 1 du Brevet 551 était contraire à celle prise durant la poursuite sur la demande de brevet. En m’appuyant sur une jurisprudence clairement contraignante pour moi, j’ai ignoré la position prise par SG durant la poursuite. J’ai plutôt adopté la position sur la construction de la revendication plaidée par SG durant le procès. J’ai cependant fait remarquer qu’il était [traduction] « stupéfiant » de voir SG adopter cette position sur la construction de la revendication sans aborder le fait qu’elle réintroduisait le problème d’évidence qu’elle avait surmonté durant la poursuite en affirmant la position contraire sur la construction de la revendication.

[32]           Mes préoccupations concernant le témoignage de M. Finnerty et l’argument de SG sur la norme de contrôle s’ajoutent au fait que SG ne semble avoir aucun argument raisonnable pour expliquer comment le Brevet 551, selon la construction que SG a fait valoir lors du procès, pourrait résister à une attaque fondée sur l’évidence. SG a tenté d’amener la Cour à faire preuve de déférence envers la décision du Bureau des brevets d’autoriser l’émission du Brevet 551, tout en ignorant les circonstances qui ont mené à cette décision.

(13)           Intérêt public

[33]           Pollard fait valoir qu’elle a agi dans l’intérêt public, sans espoir de compensation financière, en contestant un brevet qui était utilisé contre différentes loteries et qui a éventuellement été jugé invalide. Pollard fait valoir que des dépens élevés devraient être accordés afin de refléter les efforts menés par Pollard dans l’intérêt public.

[34]           Je serais davantage enclin à être d’accord avec Pollard si elle s’était engagée dans ce processus coûteux sans attentes de récompense financière. Mais je ne suis pas convaincu que ce soit le cas. J’ai l’impression que Pollard a gagné des clients en s’engageant envers eux à traiter la question du Brevet 551. Je suppose que Pollard, une entreprise à but lucratif, n’aurait pas pris un tel engagement si elle n’avait pas cru que c’était dans son intérêt financier à long terme. À mon avis, ce n’est pas le type de cause qui justifie des dépens élevés parce que Pollard a agi dans l’intérêt public.

V.                Conclusions

[35]           Sur la base des résultats des procédures ainsi que de l’importance et de la complexité de cette affaire, et avant de tenir compte des autres questions traitées ci-dessus, j’accorderais à Pollard des dépens calculés selon l’échelon supérieur de la colonne IV du Tarif B. Je permettrais également d’ajouter des honoraires pour la préparation et la présence d’un avocat adjoint (à la moitié du montant demandé pour l’avocat principal) pour chacune des étapes suivantes à laquelle les deux avocats ont participé : l’interrogatoire préalable, le procès et toutes les rencontres préparatoires au procès à l’égard desquelles des dépens ont été accordés. Je n’accorderais pas de dépens pour plus d’un avocat principal et un avocat adjoint. En outre, je conviens avec SG qu’aucuns dépens ne devraient être accordés à l’égard de la médiation ou de toute requête pour laquelle des dépens n’ont pas été accordés. Je permettrais également à Pollard de réclamer tous les débours raisonnables qu’elle peut établir.

[36]           J’ai examiné l’argument de Pollard, selon qui les dépens devraient être accordés en un montant forfaitaire basé sur ses frais juridiques réels, mais je ne suis pas convaincu que des dépens fondés sur le Tarif B seraient inadéquats. Toutefois, en raison de mes préoccupations face à la conduite de SG durant l’instance, je conclus que la portion des dépens relative aux honoraires devrait être augmentée de 50 % au-delà de ce qui est prévu au paragraphe précédent. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, je suis particulièrement préoccupé par (i) l’argument de SG sur la norme de contrôle, (ii) la manière dont SG a traité le témoignage de M. Finnerty, et (iii) l’argument de SG pour une construction de revendication qui fait déférence à la décision du Bureau des brevets de permettre l’émission du Brevet 551, tout en ignorant simultanément son observation durant la procédure qui a mené à cette décision.

[37]           Parce que SG n’a pas respecté les règles sur la taille de police de caractères et l’interlignage danses observations sur les coûts, j’accorde à Pollard des dépens de 2 500,00 $ pour les dépens associés aux présentes observations.

[38]           Je n’ai pas calculé le montant total des dépens qui doivent être accordés pour l’ensemble de la procédure. Ce montant pourrait être déterminé par un officier taxateur en vertu de l’article 405 et conformément à mes instructions aux présentes, en supposant que les parties ne sont pas en mesure de convenir d’un montant. L’officier taxateur pourrait traiter tout argument soulevé par les parties et que je n’aurai pas abordé dans les présents motifs. Les parties peuvent s’appuyer sur les observations faites devant moi et peuvent présenter des éléments de preuve et/ou des observations supplémentaires à l’appui de leurs arguments respectifs, sans toutefois pouvoir présenter de nouveaux arguments ou de nouvelles revendications. Les dépens pour l’évaluation devant l’officier taxateur pourraient être déterminés et accordés par l’officier taxateur, séparément des dépens des présentes observations, selon son bon jugement.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.      les dépens auxquels Pollard a droit en l’espèce seront calculés à un niveau élevé de 50 % au-delà de l’échelon supérieur de la colonne IV du Tarif B;

2.      Pollard aura également le droit de réclamer des dépens pour la préparation et la présence d’un avocat adjoint (à la moitié du montant demandé pour l’avocat principal) pour chacune des étapes suivantes à laquelle deux avocats auront participé : l’interrogatoire préalable, le procès et toutes les rencontres préparatoires au procès à l’égard desquelles des dépens ont été accordés;

3.      Pollard aura droit aux débours raisonnables;

4.      SG devra payer les coûts de Pollard pour les présentes observations, d’une somme de 2 500,00 $;

5.      si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur le montant des dépens, ce montant pourra être déterminé par un officier taxateur en vertu de l’article 405 et conformément à mes instructions aux présentes.

« George R. Locke »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-407-14

INTITULÉ DE LA CAUSE :

POLLARD BANKNOTE LIMITED c. BABN TECHNOLOGIES CORP. et SCIENTIFIC GAMES PRODUCTS (CANADA) ULC

OBSERVATIONS SUR LES DÉPENS PRÉSENTÉES À L’ÉCRIT EXAMINÉES À OTTAWA, EN ONTARIO.

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

DATE DES MOTIFS :

Le 26 octobre 2016

COMPARUTIONS :

Ronald E. Dimock

Angela M. Furlanetto

Alan Macek

Michal Kasprowicz

Pour la demanderesse

(défenderesse reconventionnelle)

Susan D. Beaubien

Pour les défenderesses

(demanderesses reconventionnelles)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dimock Stratton, S.E.N.C.R.L.

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

(défenderesse reconventionnelle)

Macera & Jarzyna LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

Pour les défenderesses

(demanderesses reconventionnelles)

 

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