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Date : 20170124


Dossier : IMM-2544-16

Référence : 2017 CF 77

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 janvier 2017

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

PATRIK STOJKA

PATRICIA STOJKOVA

ROMEO STOJKA

ESPERANZA STOJKOVA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS MODIFIÉS

I.                    Résumé

[1]               [traduction] La discrimination cumulative constitue de la persécution lorsqu’elle est examinée en tant que telle; elle est considérée, selon la fréquence des sévices et la nature de la discrimination, et avec le temps, comme de la persécution puisqu’elle s’accumule par sa présence consciente maligne et cruelle. [Souligné dans l’original]

[2]               Si un processus de plainte ne fonctionne pas, comme il se doit, il n’y a pas de recours. L’historique de comportements violents à l’égard des Roms, sans mesures adéquates pour empêcher de tels actes, est évident dans le témoignage personnel des demandeurs : ils sont tous, de leur propre point de vue et en association à l’élément de preuve sur la situation dans le pays auquel les récits respectifs font référence, liés sur le fond.

[3]               [traduction] De plus, la discrimination cumulative à l’égard des Roms a été démontrée à la fois dans le système d’éducation et par les autorités médicales pour ce qui est des soins de santé. Cette discrimination, exercée de manière graduelle, et par sa fréquence, apparaît clairement mener à de la persécution pure et simple, selon les éléments de preuve au dossier (il est fait référence à Pinter c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1119; aussi au dossier certifié du tribunal à la page 277; en plus de Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, au paragraphe 53, qui fait référence à Divakaran c. Canada, 2011 CF 633). [Souligné dans l’original]

[4]               [traduction] Par conséquent, lorsque des éléments de preuve volumineux et détaillés en profondeur démontrent que la protection de l’État est assurée au mieux de façon sporadique, et, plus rarement, le plus souvent, au pire (il est fait référence à Graff c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 437), on ne peut pas dire que la protection de l’État en tant que telle existe si la théorie (selon la loi) n’est pas conforme à la réalité (paragraphe 16 ci-dessous). [Souligné dans l’original]

II.                 Décision

[5]               Les demandeurs sont les membres d’une même famille. Le père est citoyen de la Slovaquie et détient également la citoyenneté de la République tchèque. La mère, née en Slovaquie, détient la citoyenneté slovaque et est une résidente de la République tchèque; les enfants, qui sont mineurs, sont des citoyens des deux pays, et sont nés et ont été élevés, jusqu’à présent, en République tchèque.

[6]               Ainsi, les demandeurs sont tous des citoyens de la Slovaquie; tous sont citoyens tchèques à l’exception de la mère qui n’est que résidente tchèque.

[7]               Les demandeurs ont demandé l’asile à leur arrivée en octobre 2011 en raison de leur origine rome et de l’incapacité de l’État à assurer leur protection.

[8]               Placés sur la voie du renvoi par les autorités de l’immigration, avec une possibilité d’évaluation des risques avant renvoi (ERAR), ils ont choisi de se soumettre à une ERAR.

[9]               L’issue de l’ERAR fut défavorable pour tous les demandeurs, tant à l’égard de la République tchèque que de la Slovaquie, sauf pour la mère qui n’est qu’une citoyenne de la Slovaquie, mais pas de la République tchèque.

[10]           Plusieurs séries d’observations ont été envoyées à l’agent d’ERAR aux fins d’examen et même de réexamen à la suite desquels il a reconfirmé son évaluation défavorable initiale.

[11]           Les demandeurs ont fait valoir que l’erreur de l’agent d’ERAR est de ne pas avoir évalué la preuve de façon raisonnable. Ils soutiennent que les mesures gouvernementales, dans les deux pays, ne peuvent pas les protéger puisqu’il n’y a aucune volonté sur le terrain d’appliquer la loi.

[12]           Toutes les mesures de protection prétendument en place dans les deux pays, ne peuvent protéger les Roms, puisque même le processus de plainte n’est « pas efficace » à quelque niveau que ce soit, et qu’il n’y a pas non plus de volonté ni de capacité de protéger adéquatement ou même efficacement les Roms.

[13]           [traduction] De plus, la discrimination cumulative à l’égard des Roms a été démontrée à la fois dans le système d’éducation et par les autorités médicales pour ce qui est des soins de santé. Cette discrimination, exercée de manière graduelle, et par sa fréquence, apparaît clairement mener à de la persécution pure et simple, selon les éléments de preuve au dossier (il est fait référence à Pinter c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1119; aussi au dossier certifié du tribunal à la page 277; en plus de Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, au paragraphe 53, qui fait référence à Divakaran c. Canada, 2011 CF 633). [Souligné dans l’original]

[14]           [traduction] Par conséquent, lorsque des éléments de preuve volumineux et détaillés en profondeur démontrent que la protection de l’État est assurée au mieux de façon sporadique, et, plus rarement, le plus souvent, au pire (il est fait référence à Graff c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 437), on ne peut pas dire que la protection de l’État en tant que telle existe si la théorie (selon la loi) n’est pas conforme à la réalité (paragraphe 16 ci-dessous). [Souligné dans l’original]

[15]           En correspondance avec la Direction de la recherche de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, un expert indépendant de la Commission elle-même a clairement écrit que l’actuel processus de plainte à la police n’est « pas efficace » (il est fait référence à Anna Porter, 17 février 2015).

[16]           [traduction] Les demandeurs ont été interrogés sur la République tchèque, mais pas sur la Slovaquie. La preuve documentaire rappelle que les Roms sont victimes de discrimination et de violence en Slovaquie en plus des mauvais traitements que les policiers infligent aux Roms suspects et détenus. [Souligné dans l’original]

[17]           En outre, des organisations néonazies harcèlent et attaquent les Roms.

[18]           [traduction] La discrimination cumulative constitue de la persécution lorsqu’elle est examinée en tant que telle; elle est considérée, selon la fréquence des sévices et la nature de la discrimination, et avec le temps, comme de la persécution puisqu’elle s’accumule par sa présence consciente maligne et cruelle. [Souligné dans l’original]

[19]           Si un processus de plainte ne fonctionne pas, comme il se doit, il n’y a pas de recours. L’historique de comportements violents à l’égard des Roms, sans mesures adéquates pour empêcher de tels actes, est évident dans le témoignage personnel des demandeurs : ils sont tous, de leur propre point de vue et en association à l’élément de preuve sur la situation dans le pays auquel les récits respectifs font référence, liés sur le fond.

[20]           Les éléments de preuve au dossier à l’égard de chacun des indicateurs démontrent qu’une situation de persécution prévaut, et que les statuts respectifs des demandeurs dans les deux pays en font des cibles, plus particulièrement dans le cas de la mère demanderesse puisqu’elle n’est qu’une résidente de la Slovaquie et ne détient pas la citoyenneté slovaque.

[21]           La preuve, à la fois de nature personnelle ou subjective, de façon cumulative dans le cas des demandeurs, et liée à la preuve au dossier, objective, volumineuse et claire sur la situation dans le pays, n’a pas été prise en considération par l’agent en ce qui a trait à la persécution à laquelle est exposée chacun des demandeurs; et cette situation prévaut dans tous les domaines et dimensions de la vie dans les deux pays, comme relaté dans leurs récits respectifs personnels.

[22]           Chaque cas est un cas d’espèce et il convient donc d’examiner à la fois la preuve personnelle subjective et la preuve objective sur la situation dans le pays, même brièvement, ce qui n’a pas été fait. Par conséquent, la décision de l’agent est déraisonnable; l’affaire doit être renvoyée afin de faire l’objet d’un nouvel examen par un autre agent.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. L’affaire doit être instruite à nouveau par un autre agent d’ERAR. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2544-16

 

INTITULÉ :

PATRIK STOJKA, PATRICIA STOJKOVA ROMEO STOJKA, ESPERANZA STOJKOVA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 janvier 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 20 janvier 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS MODIFIÉS :

Le 24 janvier 2017

COMPARUTIONS

Micheal Crane

 

Pour les demandeurs

 

Stephen Jarvis

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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