Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20161114


Dossier : T-1056-16

Référence : 2016 CF 1267

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2016

En présence de madame la protonotaire Mireille Tabib

ENTRE :

APOTEX INC.

demanderesse

et

SHIRE LLC ET

SHIRE PHARMA CANADA ULC

défenderesses

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Je suis saisie, dans le contexte de la présente action en invalidation de brevet, d’une requête présentée par les défenderesses Shire LLC et Shire Pharma Canada ULC (Shire) pour faire radier des parties de la réponse d’Apotex Inc.

[2]               Le paragraphe 20 et les parties contestées du paragraphe 42 de la réponse visent à soulever un nouveau motif d’invalidité fondé sur l’article 53 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c. P‑4. Il est évident et manifeste que ces arguments n’avancent pas suffisamment de faits importants pour révéler une cause d’action valable.

[3]               Les allégations fondées sur l’article 53 renvoient essentiellement à de la fraude et à un état d’esprit. Aux termes de l’article 181 des Règles des Cours fédérales, de telles allégations doivent être étayées par des précisions. Les actes de procédures n’identifient pas exactement qui a fait quelles déclarations au Bureau des brevets, et ne contiennent aucun détail factuel qui autoriserait la Cour à conclure que la ou les personnes en question savaient alors que les déclarations étaient fausses, ou encore qu’elles voulaient induire en erreur le Bureau des brevets en les faisant. Les allégations contenues dans la réponse font seulement valoir de manière vague que Shire a fait des [traduction] « affirmations » quant à l’utilité de l’invention, et qu’elle nierait à présent que ces affirmations équivalent à une revendication d’utilité. Les allégations contenues dans la réponse, prises seules ou conjointement avec celles de la déclaration introductive d’instance, sont insuffisantes pour être comprises comme faisant valoir de manière implicite que l’auteur des [traduction] « affirmations » savait alors qu’elles étaient fausses ou trompeuses, surtout que Shire n’était pas la demanderesse initiale relativement au brevet en cause. Il est bien entendu que les allégations implicites de fraude ne constituent pas des actes de procédure adéquats. Cependant, lorsque les faits importants peuvent être inférés des actes de procédure ou des observations présentés par la partie à une requête en radiation, l’acte de procédure lacunaire peut subsister en ordonnant la production de précisions ou en accordant une autorisation de modifier. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

[4]               Les parties contestées des paragraphes 20 et 42 seront radiées sans autorisation de les modifier. Si Apotex souhaite modifier ses actes de procédures pour soulever un nouveau motif d’invalidité aux termes de l’article 53 de la Loi sur les brevets, elle devra s’employer à modifier sa demande introductive d’instance, et non sa réponse.

[5]               S’agissant de la partie contestée du paragraphe 48 de la réponse, l’allégation que Shire souhaite faire radier énonce seulement les conclusions juridiques à tirer des faits déjà plaidés dans la demande introductive d’instance. Apotex a convenu et reconnu à l’audience que les deux phrases en cause ne lui permettent pas d’invoquer ou d’effectuer des interrogatoires préalables relativement à des faits qui ne sont pas déjà spécifiquement avancés aux paragraphes 104 à 116 de sa demande introductive d’instance, pour faire valoir l’ambiguïté d’une ou de l’ensemble des revendications du brevet.

[6]               Les parties peuvent, sans toutefois y être obligées, soulever des points de droit dans leurs actes de procédure. Quand bien même elles le feraient, ni elle ni la Cour ne sont liées par l’issue ou les termes juridiques plaidés. Les parties sont libres de faire valoir leurs arguments et la Cour est libre de statuer sur les conséquences juridiques justifiées par les faits plaidés (Conahan c Cooperators, 2002 CAF 60, au paragraphe 15). Pour ce motif, ce serait faire perdre son temps à la Cour que de demander la radiation d’une conclusion juridique, surtout lorsque, comme en l’espèce, la présence de l’allégation est peu susceptible d’avoir des conséquences sur les plaidoiries, le déroulement des interrogatoires préalables ou la durée du procès. Cette partie de la requête de Shire sera rejetée.

[7]               Le gain de cause quant à cette requête est partagé, mais Shire a réclamé à l’audience des dépens dans une fourchette élevée. Les parties conviennent que les dépens relatifs à cette requête devraient [traduction] « normalement » s’élever à 1 500 $ plus les débours. Shire a demandé 3 000 $ plus les débours, invoquant la décision de la Cour dans Eli Lilly Canada Inc. c Apotex Inc., 2008 CF 142, au paragraphe 63, pour soutenir que le défaut de donner suite ou de prouver une allégation de fraude fondée sur l’article 53 après l’avoir soulevée devrait avoir de graves conséquences au chapitre des dépens. L’allégation de fraude fondée sur l’article 53 soulevée par Apotex a pour le moment tôt fait d’être étouffée dans l’œuf par la requête de Shire, mais il a fallu une requête. En outre, Apotex a fait, de manière désinvolte et inconsidérée, ces allégations aux allures de déclarations oiseuses ou de défense inachevée. Les allégations de fraude aux termes de l’article 53 de la Loi sur les brevets sont graves; lorsqu’une partie décide de les soulever, elle doit le faire avec sérieux et de manière réfléchie. Il convient ici d’accorder des dépens élevés, même si Shire n’a eu que partiellement gain de cause sur cette requête. La somme accordée se veut par ailleurs une mise en garde additionnelle à l’intention des parties pour leur rappeler que la Cour désapprouve les manœuvres procédurales et n’hésitera pas à sanctionner un tel comportement au moment d’adjuger les dépens.


ORDONNANCE

LA COUR STATUE que :

1.                  La requête de Shire est accueillie en partie.

2.                  Le paragraphe 20 de même que les deuxième et troisième phrases du paragraphe 42 sont par la présente radiés, sans autorisation de les modifier. Si Apotex souhaite soulever l’article 53 de la Loi sur les brevets à titre de motif d’invalidité du brevet en cause, elle doit le faire en modifiant sa demande introductive d’instance.

3.                  Apotex versera à Shire des dépens s’élevant à 2 000 $ plus les débours.

« Mireille Tabib »

Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1056-16

 

INTITULÉ :

APOTEX INC. c SHIRE LLC ET SHIRE PHARMA CANADA ULC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 novembre 2016

 

MOTIFS DE L’ordonnance ET ordonnance :

LA protonotaire TABIB

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

LE 14 NOVEMBRE 2016

 

COMPARUTIONS :

Jenene Roberts

 

pour la demanderesse

 

Alex Gloor

Jennifer Wilkie

 

pour les défenderesses

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Goodmans LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA demanderesse

 

Gowling WLG (Canada) LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES défenderesseS

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.