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Date : 20161221


Dossier : T-1391-14

Référence : 2016 CF 1400

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 décembre 2016

En présence de monsieur le juge Barnes

ENTRE :

1395804 ONTARIO LTD., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE BLACKLOCK’S REPORTER

demanderesse

et

LE CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES

[1]  Le 10 novembre 2016, j’ai rejeté la présente action et j’ai différé mon jugement sur la question des dépens jusqu’à ce que les parties soumettent des observations écrites supplémentaires. J’ai maintenant reçu ces observations et je les ai examinées.

[2]  Le défendeur ayant eu totalement gain de cause dans la défense de cette affaire de violation du droit d’auteur, il a droit aux dépens. Toutefois, les parties ne s’entendent aucunement sur le montant juste de l’indemnisation. Le défendeur fonde ses réclamations subsidiaires d’une part sur les sommes effectivement engagées pour se défendre contre l’action et, de l’autre, sur le tarif en fonction duquel la Cour calcule les dépens. Quant à elle, la demanderesse se réclame de diverses considérations de politique générale pour faire valoir que les dépens doivent être fixés à un montant symbolique de 5 000 $.

[3]  Le défendeur cherche à obtenir des dépens de 115 702,30 $, dont 70 % représentent la valeur réelle des heures consacrées par des professionnels pour assurer sa défense, y compris des débours de 7 020,98 $. Subsidiairement, il demande que les dépens soient adjugés en fonction de l’échelon supérieur de la colonne IV en plus des débours, pour un total de 84 584,98 $.

[4]  Pour justifier le montant élevé des dépens sollicités, le défendeur invoque principalement le refus par la demanderesse d’une offre de règlement rapide de 2 000 $, soit plus du double du prix des abonnements individuels des fonctionnaires du ministère des Finances qui ont reçu et lu les articles à l’égard desquels Blacklock fait valoir des droits d’auteur.

[5]  Après l’avoir examinée, j’ai écarté la revendication du défendeur fondée sur le relevé d’honoraires de ses avocats. Je suis incapable d’apprécier le caractère raisonnable de ce relevé truffé d’inscriptions inexpliquées ou insuffisamment détaillées et, quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas ici d’un cas où l’application du tarif priverait le défendeur d’un dédommagement adéquat.

[6]  L’instance ne présente pas une complexité excessive sur le plan de la preuve ou du droit. Dans ces circonstances, il convient de taxer les dépens selon le milieu de la colonne III. En principe, la demanderesse semble reconnaître qu’il peut s’agir d’une base valable pour le calcul de l’indemnisation, mais elle ne justifie guère sa prétention selon laquelle elle aurait droit à des [traduction] « dépens symboliques de 5 000 $ ».

[7]  La demanderesse soutient que le défendeur a compliqué et prolongé indûment l’instance en faisant valoir l’abus du droit d’auteur. Toutefois, cette prétention n’est d’aucun secours pour la demanderesse sur le plan juridique. La décision que j’ai prise de ne pas trancher cette question n’a rien à voir avec l’absence de fondement du plaidoyer. La protonotaire Mireille Tabib a correctement autorisé la modification et adjugé les dépens afférents à la requête. Il n’existe aucune raison valable d’écarter la réclamation du défendeur à l’égard des dépens puisque la question à trancher était celle de l’utilisation équitable. Le montant des dépens adjugés ne peut être réduit pour ce motif du moment que la partie gagnante n’a pas fait valoir d’arguments frivoles ou spécieux (voir Bristol-Meyers Squibb Canada Co c Mylan Pharmaceuticals ULC, 2013 CF 48, au paragraphe 4, [2013] ACF no 1201 (confirmée par 2014 CAF 231, [2013] ACF no 1139, et Sanofi-Aventis Inc. c Apotex Inc., 2009 CF 1138, au paragraphe 10, [2009] ACF no 1626. Je ne puis non plus me rallier à l’argument de la demanderesse selon lequel la présente affaire soulève [traduction] « d’importantes considérations d’intérêt public ». Il appert au contraire que la demanderesse cherchait à recouvrer des dommages-intérêts excessifs sans vraiment se préoccuper du bien-fondé juridique de sa demande ni des coûts qui en ont découlé pour les contribuables canadiens.

[8]  Aucun journaliste le moindrement au fait du régime législatif sur le droit d’auteur ne peut raisonnablement conclure qu’une utilisation aussi limitée des articles de presse visés au sein du Ministère constitue une violation du droit d’auteur. Les faits reconnus en l’espèce font si manifestement jouer l’exception liée à l’utilisation équitable de l’article 29 de la Loi sur le droit d’auteur, LRC, 1985, c C-42, que l’instance n’aurait jamais dû être introduite, et encore moins instruite.

[9]  Je suis également troublé par la réclamation de dommages-intérêts excessifs de la part de la demanderesse, à commencer par sa demande d’indemnisation qui n’a absolument rien à voir avec l’utilisation limitée des deux articles visés au sein du Ministère. Même si les pertes subies par Blacklock ne pouvaient en aucun cas excéder le prix d’un abonnement individuel des six fonctionnaires qui ont lu les articles, la demanderesse a réclamé des redevances d’utilisation équivalant au tarif d’un abonnement collectif, soit plus de 17 000 $. Apparemment, il s’agit d’un stratagème dont Blacklock use fréquemment : elle soumet des demandes d’accès à l’information pour débusquer de prétendus contrefacteurs à qui elle réclame une indemnisation fondée sur des allégations intéressées et injustifiées de violation systématique et répandue. Selon le dossier, il est arrivé souvent que des ministères versent la totalité des indemnités réclamées pour des raisons opérationnelles. En l’espèce, le Ministère a adopté une ligne dure et a eu gain de cause.

[10]  Je suis d’avis que les dépens doivent refléter les préoccupations de la Cour à l’égard de la stratégie d’instance de la demanderesse. Il s’impose également de tenir compte du fait qu’elle a décliné l’offre de règlement très raisonnable de 2 000 $ du Ministère. En refusant un règlement avantageux qui aurait mis un terme à l’affaire, Blacklock a fait augmenter considérablement les frais judiciaires imposés aux contribuables canadiens.

[11]  Selon le paragraphe 420(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, le défendeur a droit au double des dépens prévus au tarif qui sont courus après la date de son offre, y compris les comparutions de l’avocat à l’instruction. Même si l’offre de règlement du défendeur venait à échéance au début de l’instruction, les Règles prévoient le versement du double de l’indemnité « jusqu’à la date du jugement » pourvu que l’offre ne soit pas révoquée et n’expire pas avant le début de l’instruction. J’accorde les dépens liés à la présence de deux avocats à l’instruction, mais seulement les dépens d’un avocat pour toutes les comparutions avant l’instruction.

[12]  Je refuse les réclamations concernant l’intervention de plusieurs avocats dans la préparation d’affidavits de documents supplémentaires. À moins de circonstances exceptionnelles, le tarif prévoit une indemnisation globale pour l’ensemble du processus de communication – elle ne peut être ventilée entre les différentes étapes du processus (voir Janssen Inc. c Teva Canada Limited, 2012 CF 48, au paragraphe 19, [2012] ACF no 44). Étant donné qu’une défense modifiée n’a pas été rendue nécessaire par la modification de la déclaration de la demanderesse, comme l’exige le tarif, je n’accorderai aucune indemnisation pour cette étape.

[13]  J’ai également rajusté les valeurs unitaires indiquées sur la demande et établi les dépens soit en fonction du milieu de la colonne III, soit en arrondissant le montant au nombre entier le plus près. Après avoir pris en considération les préoccupations formulées par la demanderesse quant aux débours, j’ai également fait des rajustements à la baisse. Pour plus de clarté, j’ai joint à l’annexe A une synthèse des dépens adjugés plus les débours de 6 000 $, pour un montant total arrondi de 65 000 $.


JUGEMENT

LA COUR ordonne que le défendeur recouvre sur la demanderesse des dépens dont le montant global s’établit à 65 000 $, majoré d’intérêts de 2,5 % par année à compter de la date du présent jugement jusqu’à la date de paiement.

« R.L. Barnes »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 5e jour de septembre 2019

Lionbridge


Annexe A

[En blanc]

SERVICE

DESCRIPTION

UNITÉS

Dépens simples [1]

Dépens doublés

2.

Préparation et dépôt de toutes les défenses, entre autres

Défense –

juillet 2014

6

840 $

1 680 $

7.

Communication de documents

Affidavit de documents –

janvier 2015

4

560 $

1 120 $

8.

Préparation de l’interrogatoire

Korski – 9 février 2015

4

560 $

1 120 $

[En blanc]

[En blanc]

Halley – 9 février 2015

4

560 $

1 120 $

[En blanc]

[En blanc]

Korski – 8 décembre 2015

4

560 $

1 120 $

9.

Présence aux interrogatoires

Korski – 2 h x 2 unités

4

560 $

1 120 $

[En blanc]

[En blanc]

Halley – 1,25 h x 2 unités

2,5

350 $

700 $

[En blanc]

[En blanc]

Korski – 5,5 h x 2 unités

11

1 540 $

3 080 $

10.

Préparation à une conférence

Conférence préparatoire –

10 mars 2016

5

700 $

1 400 $

[En blanc]

[En blanc]

Conférence de gestion de l’instruction – 16 septembre 2016

5

700 $

1 400 $

11.

Présence à une conférence

Conférence préparatoire –

0,5 h x 2 unités

1

140 $

280 $

[En blanc]

[En blanc]

Conférence de gestion de l’instruction – 20 min x 2 unités

0,66

92,40 $

184,80 $

12.

Avis de demande d’admission

Requête en admission des faits

2

280 $

560 $

27.

Autres services

Préparation de l’exposé conjoint des faits

2

280 $

560 $

13. a)

Honoraires d’avocat pour la préparation

Jour 1

4

560 $

1 120 $

13. b)

Honoraires d’avocat pour la préparation après le premier jour

Jour 2

3

420 $

840 $

[En blanc]

[En blanc]

Jour 3

3

420 $

840 $

[En blanc]

[En blanc]

Jour 4

3

420 $

840 $

[En blanc]

[En blanc]

Jour 5

3

420 $

840 $

14.

Honoraires d’avocat – audience

Jour 1 – 6,5 h x 3 unités

19,5

2 730 $

5 460 $

[En blanc]

[En blanc]

Second avocat à 50 %

9,75

1 365 $

2 730 $

[En blanc]

[En blanc]

Jour 2 – 6 h x 3 unités

18

2 520 $

5 040 $

[En blanc]

[En blanc]

Second avocat à 50 %

9

1 260 $

2 520 $

[En blanc]

[En blanc]

Jour 3 – 6 h x 3 unités

18

2 520 $

5 040 $

[En blanc]

[En blanc]

Second avocat à 50 %

9

1 260 $

2 520 $

[En blanc]

[En blanc]

Jour 4 – 6,5 h x 3 unités

19,5

2 730 $

5 460 $

[En blanc]

[En blanc]

Second avocat à 50 %

9,75

1 365 $

2 730 $

[En blanc]

[En blanc]

Jour 5 – 5,5 h x 3 unités

16,5

2 310 $

4 620 $

[En blanc]

[En blanc]

Second avocat à 50 %

8,25

1 155 $

2 310 $

25.

Services après jugement

[En blanc]

1

140 $

140 $

26.

Taxation des frais

[En blanc]

4

560 $

560 $

 

Total des unités selon les dépens doublés :

208,41

Sous-total

59 054,80 $

Total des unités selon les dépens simples :

5

[En blanc]

[En blanc]

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1391-14

 

INTITULÉ :

1395804 ONTARIO LTD., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE BLACKLOCK’S REPORTER c LE CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)

 

OBSERVATIONS ÉCRITES EXAMINÉES À OTTAWA (ONTARIO)

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES :

LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :

Le 21 décembre 2016

 

COMPARUTIONS :

Yavar Hameed

 

Pour la demanderesse

 

Alex Kaufman

Orlagh O’Kelly

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hameed Law

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

 



[1] À raison de 140 $ l’unité.

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