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Date : 20170118


Dossier : IMM-3140-16

Référence : 2017 CF 60

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 18 janvier 2017

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

RAMNARINE NARAIN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Homère, le poète grec, parle du paradoxe du mariage dans L’Odyssée. Cette maxime est-elle toujours vraie ou crédible? Tout dépend du mariage, du couple et des circonstances, externes ou internes, qui définissent l’essence de la relation.

[2]  Le paradoxe réside dans la fragilité de la condition humaine, sa vulnérabilité, les désirs, la souffrance, le bonheur et le temps qui passe. Il tire sa logique du cours des événements qui le traversent.

II.  Décision

[3]  En 2008, le demandeur a quitté la Guyane, il a obtenu le statut de réfugié au Canada, puis il est devenu résident permanent en 2011. Il est maintenant citoyen canadien et cherche à parrainer son épouse avec qui il a eu un fils, qui est décédé.

[4]  Le demandeur a présenté une demande tardive de contrôle judiciaire du refus de la Section d’appel de l’immigration de sa demande de parrainage de son épouse après que l’agent des visas en eut fait de même.

[5]  Comme il a déposé sa demande en retard à la Cour fédérale, le demandeur a sollicité une prorogation de délai, qui lui a été accordée.

[6]  La demande a pour toile de fond un mariage contracté en 1978 par le demandeur. Ce mariage a pris fin, mais les deux époux font des récits divergents des événements. Beaucoup d’éléments de preuve portent sur la perte de l’enfant, avec comme fil conducteur l’aide financière que le mari n’a jamais cessé de verser à son épouse restée en Guyane.

[7]  Cependant, il subsiste une contradiction de fond dans le fait que la relation a été difficile après le départ du demandeur de la Guyane. L’épouse ne sait pas exactement pourquoi son mari souhaite la parrainer; elle se demande si c’est pour combler ses besoins affectifs et domestiques. Elle n’en est pas certaine.

[8]  Toutefois, il est clair que les repères de la relation ont été brouillés quand elle a été frappée en plein cœur par la tragédie de la perte d’un enfant, pour laquelle les partenaires se sont blâmés mutuellement, et l’expérience intime de la souffrance qui filtre de manière évidente de la preuve. Les époux tentent de trouver des raisons logiques de se réconcilier après une longue période où ils ont plus ou moins perdu de vue ce qui les unissait.

[9]  Il s’agit d’un cas d’espèce dont le point de départ est une perte tragique qui semble maintenant nourrir la volonté des époux malheureux de se retrouver pour guérir ensemble.

[10]  C’est sur cela que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) doit centrer son analyse, en prenant en compte 1) que le demandeur a toujours maintenu son soutien financier; 2) le désir des époux d’être réunis en raison et en dépit de leur perte tragique.

[11]  L’éloignement pourrait expliquer les contradictions, mais après toutes ces années, les époux ont mûri et la perte tragique de leur enfant semble aujourd’hui les rapprocher.

[12]  Il n’est pas rare de constater qu’un mariage se heurte à un paradoxe. C’est ce qu’ont vécu un premier ministre du Canada et sa femme qui, frappés par la tragédie de la perte d’un fils, sont devenus un exemple extraordinaire pour tous. C’est pourquoi la présente affaire doit être renvoyée à la Commission afin qu’un nouveau tribunal procède à un nouvel examen.

[13]  La décision qui a été rendue n’est pas raisonnable si l’on tient compte de la preuve abondante concernant le soutien financier versé de manière ininterrompue par le demandeur à son épouse et leur souffrance après la perte de leur enfant.

[14]  L’affaire doit être renvoyée à la Commission étant donné que l’analyse fondant la décision en cause ne tient pas compte de ces deux éléments et n’est donc pas raisonnable.


JUGEMENT

LA COUR accueille la demande de contrôle judiciaire et l’affaire est renvoyée à un autre tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada afin qu’il procède à un nouvel examen. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 7e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3140-16

 

INTITULÉ :

RAMNARINE NARAIN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 janvier 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 18 janvier 2017

 

COMPARUTIONS :

Saidaltaf Patel

 

Pour le demandeur

 

Eleanor Elstub

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SP Law Office

Société professionnelle

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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