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Date : 20160113


Dossier : T-807-16

Référence : 2017 CF 47

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 13 janvier 2017

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

PETER BRIAN STOYEK

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire en application du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, d’une décision prise par le comité de réexamen de l’admissibilité du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) le 24 mars 2016, confirmant la décision du 22 avril 2015 rendue par le Tribunal, agissant en qualité de comité d’appel de l’admissibilité. Le comité de réexamen de l’admissibilité a confirmé que le demandeur était admissible à une allocation d’incapacité exceptionnelle, conformément à l’article 72 de la Loi sur les pensions, LRC 1985, c P-6 (la Loi ou la Loi sur les pensions) à partir du 1er mars 2011, et non à partir du 17 février 2009, comme le soutenait le demandeur.

[2]  Pour avoir droit à une allocation d’incapacité exceptionnelle aux termes de l’article 72 de la Loi, le demandeur doit satisfaire à deux critères. Premièrement, il doit être un membre des forces qui « reçoit » la pension prévue à la catégorie 1, au sens où ce terme est employé à l’article 72. Deuxièmement, il doit souffrir d’une « incapacité exceptionnelle » aux termes de la Loi. Il est reconnu que la date à laquelle la personne a commencé à souffrir d’une incapacité exceptionnelle, condition donnant droit à une allocation d’incapacité exceptionnelle (pour faciliter la lecture, j’utiliserai l’expression « date de début de l’incapacité exceptionnelle »), ne peut précéder la date à laquelle la personne commence à recevoir une pension prévue à la catégorie 1 (la date de début de la pension). En d’autres termes, la date de début de la pension devient la date de délimitation servant à établir la date de début du paiement d’une allocation d’incapacité exceptionnelle (pour faciliter la lecture, je l’appellerai la « date de l’allocation d’incapacité exceptionnelle » pour la distinguer de la « date de début de l’incapacité exceptionnelle »). La question en litige consiste à établir la date de l’allocation d’incapacité exceptionnelle appropriée, laquelle à son tour dépend de la détermination et de l’application de la date de début de l’incapacité exceptionnelle et de la date de début de la pension.

[3]  La date de début de la pension dépend de l’interprétation de la date à laquelle le demandeur « reçoit » la pension prévue à la catégorie 1. Une pension prévue à la catégorie 1 lui a été accordée le 25 mars 2010 (la date de décision), mais cette décision a été jugée rétroactive à partir du 17 février 2009 (la « date d’entrée en vigueur » à partir de laquelle les paiements ont été effectués). Le demandeur prétend que l’interprétation correcte de la date à laquelle il « reçoit » la pension est la date d’entrée en vigueur, tandis que le défendeur soutient que c’est à juste titre la date de décision de la pension.

[4]  En l’espèce, la question importante qui transcende la situation particulière du demandeur est celle de savoir si les paiements d’allocation d’incapacité exceptionnelle devraient être délimités par la date d’entrée en vigueur à partir de laquelle la pension a été versée (qui est la date la plus ancienne), ou par la date de la décision, soit la date à laquelle la pension a été accordée (qui est la date la plus récente). Par exemple, si l’argument du défendeur est retenu, et même s’il devait être déterminé que le demandeur a commencé à souffrir d’une incapacité exceptionnelle avant la date de décision de sa pension prévue à la catégorie 1, la date de décision l’emporterait pour établir la date de l’allocation d’incapacité exceptionnelle. Le résultat priverait le demandeur, et tous les pensionnés qui sont dans une situation similaire, d’une allocation pour une période durant laquelle ils ont souffert d’une incapacité exceptionnelle.

[5]  Deuxièmement, le demandeur soutient que selon une évaluation raisonnable, la date de début de son incapacité exceptionnelle remonte au moins au 17 février 2009, qui est également, selon lui, la date délimitant la date d’entrée en vigueur de sa pension prévue à la catégorie 1. Le défendeur soutient que la preuve établit de manière raisonnable que l’incapacité exceptionnelle du demandeur n’a pas débuté avant qu’il ne commence à souffrir d’un cancer du rein. Il est entendu que dans ce cas, la date de début de l’incapacité exceptionnelle serait le 1er mars 2011, soit après la date de début de la pension, dans un cas comme dans l’autre.

[6]  Comme la date à laquelle il reçoit la pension prévue à la catégorie 1 et la date de début de l’incapacité exceptionnelle sont en cause, trois résultats possibles sont envisageables :

  • la date de début de l’incapacité exceptionnelle et la date de début de la pension correspondent toutes deux au 17 février 2009 (la date de l’allocation d’incapacité exceptionnelle est alors le 17 février 2009, comme le soutient le demandeur);

  • la date de début de l’incapacité exceptionnelle est le 17 février 2009, mais la date de début de la pension est le 25 mars 2010 (la date de l’allocation d’incapacité exceptionnelle est alors la date de début de la pension du 25 mars 2010 – la décision du comité serait modifiée pour indiquer cette date);

  • indépendamment des dates de début de la pension qui précèdent, la date de début de l’incapacité exceptionnelle est le 1er mars 2011 (la date de l’allocation d’incapacité exceptionnelle est alors la date de début de l’incapacité exceptionnelle du 1er mars 2011, conclusion à laquelle en sont arrivés les comités).

[7]  La Cour rejette la demande de contrôle judiciaire. Ce faisant, la Cour confirme la décision du comité de réexamen de l’admissibilité, relativement à la décision du comité d’appel de l’admissibilité, selon laquelle la date de l’allocation d’incapacité exceptionnelle est le 1er mars 2011, ce qui représente une évaluation raisonnable de la date de début de l’incapacité exceptionnelle (le troisième scénario). À l’inverse, la Cour conclut que le comité de réexamen de l’admissibilité et le comité d’appel de l’admissibilité (ensemble, les comités) ont à tort déterminé que la date à laquelle un demandeur reçoit une pension prévue à la catégorie 1 aux termes de l’article 72 est la date de la décision. La seule interprétation raisonnable de la date à laquelle un pensionné « reçoit » la pension prévue à la catégorie 1 est la date d’entrée en vigueur. Il s’agit également de la date de présentation de la demande de pension à partir de laquelle les paiements doivent commencer.

II.  Résumé des faits

[8]  Le demandeur est un vétéran de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), à la retraite depuis janvier 2010.

[9]  Depuis 2007, le demandeur a eu droit à des évaluations pour acouphènes, discopathie cervicale, discopathie lombaire et enfin, état de stress post-traumatique et trouble dépressif majeur. Ce sont les évaluations concernant les affections d’état de stress post-traumatique et de trouble dépressif majeur qui ont permis au demandeur de recevoir une évaluation totale de 98 p. 100 et de satisfaire au premier critère de l’article 72 ouvrant droit à une pension prévue à la catégorie 1. Le demandeur a présenté sa demande relativement aux affections d’état de stress post-traumatique et de trouble dépressif majeur le 17 février 2009 (la date de présentation de la demande de pension). Une évaluation provisoire datée du 29 juillet 2009 a permis de ramener son évaluation totale à 68 p. 100. Une autre évaluation datée du 25 mars 2010 a permis de majorer l’évaluation de son état de stress post-traumatique et de son trouble dépressif majeur, portant son évaluation totale à 107 p. 100, satisfaisant ainsi au premier critère de l’article 72. La date d’entrée en vigueur de cette évaluation, aux fins de calcul des paiements de pension, a toutefois été fixée au 17 février 2009, soit la date de présentation de la demande de pension.

[10]  Le 29 octobre 2012, le demandeur a rempli et soumis sa demande pour une allocation d’incapacité exceptionnelle. Le 17 décembre 2012, le Ministère a accordé au demandeur une allocation d’incapacité exceptionnelle de catégorie 3, en vigueur à partir du 29 octobre 2012, soit la date de sa demande d’allocation d’incapacité exceptionnelle.

[11]  Lors du réexamen de cette décision, le comité de réexamen de l’admissibilité a décidé, dans une décision datée du 5 juillet 2013, d’accorder au demandeur une allocation d’incapacité exceptionnelle de catégorie 2, mais a confirmé la date d’entrée en vigueur du 29 octobre 2012. Le 2 juillet 2014, le comité d’appel de l’admissibilité a confirmé la décision (la première décision d’appel).

[12]  Le 28 août 2014, le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire de la première décision d’appel devant notre Cour. Conformément à une ordonnance sur consentement datée du 27 février 2015 (l’ordonnance sur consentement), le dossier a été renvoyé au comité d’appel de l’admissibilité pour un nouvel examen, avec instruction d’appliquer à la décision la Table des invalidités de 2006, et d’établir comme date de l’allocation d’incapacité exceptionnelle la première date à laquelle le demandeur a pu établir qu’il répondait aux deux critères de l’article 72. La date à laquelle le demandeur a présenté sa demande pour une allocation d’incapacité exceptionnelle a été jugée non pertinente à la détermination.

[13]  Le 22 avril 2015, à la suite de l’ordonnance sur consentement, le comité d’appel de l’admissibilité a conclu que la date de l’allocation d’incapacité exceptionnelle du demandeur était le 1er mars 2011 (la décision de 2015). Le comité a interprété la date à laquelle le demandeur « reçoit » une pension prévue à la catégorie 1 comme étant à la date de décision de la pension, soit le 25 mars 2010. Toutefois, la date de l’allocation d’incapacité exceptionnelle a été déterminée en fonction de l’évaluation faite par le comité d’appel de l’admissibilité selon laquelle la date de début de l’incapacité exceptionnelle du demandeur était le 1er mars 2011, date à laquelle il a commencé à souffrir de symptômes importants en lien avec son cancer du rein.

[14]  Le 24 mars 2016, dans ce qui constitue la décision contestée (la décision de 2016), le comité de réexamen de l’admissibilité a rejeté la demande présentée par le demandeur en vue du réexamen de la deuxième décision d’appel, confirmant ainsi la décision du comité d’appel de l’admissibilité.

III.  Dispositions législatives applicables

[15]  Les dispositions pertinentes de la Loi sur les pensions et de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), LC 1995, c 18 (LTACRA), ainsi que les politiques et règlements pertinents, sont donnés en annexe.

IV.  Questions en litige

[16]  La présente demande soulève les questions suivantes :

  1. L’interprétation par les comités de la date à laquelle le demandeur « reçoit » une pension prévue à la catégorie 1 était-elle raisonnable?

  2. L’évaluation faite par le comité de réexamen de l’admissibilité, concernant la date de l’incapacité exceptionnelle du demandeur, était-elle raisonnable?

V.  Norme de contrôle

[17]  Le demandeur cite la jurisprudence concernant la norme de contrôle applicable aux décisions d’interprétation d’un comité d’appel de l’admissibilité appliquant la norme de la décision correcte aux erreurs de droit alléguées, y compris à l’évaluation de la date à laquelle le demandeur reçoit une pension prévue à la catégorie 1 (Cole c Canada (Procureur général), 2015 CAF 119, aux paragraphes 50 à 53; Arial c Canada (Procureur général), 2010 CF 184, au paragraphe 17, et Phelan c Canada (Procureur général), 2014 CF 56, au paragraphe 25). Toutefois, il a été déterminé que la norme de contrôle applicable à une décision en réexamen au titre de l’article 32 de la LTACRA est celle de la décision raisonnable, peu importe que la décision soit liée à l’interprétation d’une disposition de la Loi sur les pensions ou à une question de fait (Newman c Canada (Procureur général), 2014 CAF 218, aux paragraphes 11 à 13 [Newman]; Thomson c Canada (Procureur général), 2015 CF 985, aux paragraphes 35 et 36; McAllister c Canada (Procureur général), 2014 CF 991, aux paragraphes 38 à 40 [McAllister]; Cossette c Canada (Procureur général), 2011 CF 416, aux paragraphes 11 et 12).

[18]  Le juge De Montigny a examiné la jurisprudence sur cette question dans la décision McAllister, aux paragraphes 38 à 40 :

[38]  D’après la jurisprudence, les réexamens effectués par le TAC sont soumis à la norme de la raisonnabilité : McAllister, au paragraphe 30; Bullock c Canada (Procureur général), 2008 CF 1117, aux paragraphes 11 à 13, 336 FTR 73; Rioux c Canada (Procureur général), 2008 CF 991, aux paragraphes 15 et 17, [2008] ACF no 1231; Dugré c Canada (Procureur général), 2008 CF 682, au paragraphe 19, [2008] ACF no 849; Lenzen c Canada (Procureur général), 2008 CF 520, au paragraphe 33, 361 FTR 16; Beauchene c Canada (Procureur général), 2010 CF 980, au paragraphe 21, 375 FTR 13.

[39]  La question de savoir si le TAC a bien appliqué l’article 39 de la Loi sur le TAC appelle aussi la norme de la raisonnabilité (Wannamaker c Canada (Procureur général), 2007 CAF 126, au paragraphe 13, 361 NR 266).

[40]  Ainsi, lors de l’examen d’une décision du TAC suivant cette norme, la Cour ne doit pas intervenir si celle-ci est transparente, justifiable et qu’elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Il ne revient pas au tribunal de révision de réévaluer la preuve dont disposait le décideur : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59, [2009] 1 RCS 339.

[19]  Le juge Dawson, au paragraphe 13 de l’arrêt Newman, a affirmé qu’à la lumière de l’article 32 de la LTACRA, « la décision en réexamen rendue par le comité d’appel n’est pas raisonnable si sa décision initiale reposait sur une erreur de droit ou de fait qu’il aurait dû corriger, mais ne l’a pas fait ».

[20]  Cela étant dit, un contrôle selon la norme de la décision raisonnable peut parfois ressembler à un contrôle selon la norme de la décision correcte dans les situations où les options raisonnables sont peu nombreuses, par exemple, lorsqu’une question d’interprétation législative ne laisse qu’une seule option raisonnable (McLean c Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, au paragraphe 38).

I.  Discussion

A.  L’interprétation par les comités de la date à laquelle le demandeur « reçoit » une pension prévue à la catégorie 1 était-elle raisonnable?

1)  Principes d’interprétation applicables à l’interprétation de la Loi sur les pensions

[21]  L’on peut trouver dans l’arrêt R v Appulonappa, 2014 BCCA 163 (Cour d’appel de la Colombie-Britannique, par la juge Neilson), un bref énoncé des principes d’interprétation législative, aux paragraphes 58 et 59 :

[traduction]

[58]  La Cour suprême adhère au « principe moderne » d’interprétation des lois maintes fois répété, formulé par Elmer Driedger : Németh c Canada (Justice), 2010 CSC 56, au paragraphe 26. Ce paragraphe prévoit que :

les termes [d’une Loi] doivent s’interpréter dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

[59]  Le processus d’analyse téléologique, dont l’on traite au chapitre 8 de l’ouvrage de Ruth Sullivan intitulé Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd. (Markham: LexisNexis, 2008), est un autre outil essentiel permettant de garantir l’objectivité législative des dispositions de la loi. Cet exercice permet de déterminer l’objet de la loi examinée et, en bout de ligne, de garantir que toute l’attention nécessaire est accordée à l’interprétation qui permet le mieux d’atteindre cet objectif. L’objet d’une loi peut être établi par un élément de preuve direct, comme une description explicite de l’objectif de la loi en soi, ou par son historique législatif, ou par une autre source faisant autorité. Il peut également être établi indirectement, en faisant référence à des éléments extrinsèques qui fournissent un fondement factuel à partir duquel il est possible de tirer une inférence quant à l’objet de la loi. Ces éléments peuvent inclure des rapports de commissions parlementaires ou des débats, des déclarations des ministères qui administrent la loi, des décisions nationales qui ont valeur de précédent, des articles universitaires qui font autorité, des textes et des régimes législatifs, et l’examen des méfaits que la disposition est supposée corriger.

[Non souligné dans l’original]

[22]  L’exercice consistant à déterminer l’objet de la Loi sur les pensions est facilité par une [traduction] « description explicite de l’objectif de la loi en soi ». L’article 2 de la Loi sur les pensions dispose que les dispositions de la loi « s’interprètent d’une façon libérale afin de donner effet à l’obligation reconnue du peuple canadien et du gouvernement du Canada d’indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides [...] » [non souligné dans l’original]. Selon la Cour, cette disposition laisse entendre que toute ambiguïté dans la Loi concernant l’indemnisation des membres des forces jugés invalides devrait être résolue en faveur du demandeur, à moins que d’autres considérations stratégiques prioritaires ne s’appliquent.

[23]  Il est également souligné que les énoncés de politiques et la manière avec laquelle la loi a été administrée peuvent constituer des éléments de preuve par présomption utiles pour déterminer l’objet de la Loi.

2)  La date de décision représente une interprétation déraisonnable de la date à laquelle un demandeur « reçoit » une pension prévue à la catégorie 1 aux termes de l’article 72.

a)  Lacunes dans la méthodologie d’interprétation utilisée par les comités

[24]  L’article 72 semble avoir été rédigé afin d’établir les conditions pour recevoir une allocation d’incapacité exceptionnelle, sans préciser les principes permettant de déterminer la date à laquelle le versement de l’allocation devrait commencer. En fait, les auteurs de la disposition ont omis de préciser la date de début de la pension prévue à la catégorie 1, qui aurait permis d’établir la date à laquelle l’allocation d’incapacité exceptionnelle devrait commencer. De même, ils n’ont pas parlé de la date à partir de laquelle une allocation d’incapacité exceptionnelle devait être versée à quelqu’un qui souffre d’une incapacité exceptionnelle, laquelle constituait l’objet de la première ordonnance sur consentement de la Cour fédérale. Néanmoins, la date à laquelle débute le versement de l’allocation d’incapacité exceptionnelle, c’est-à-dire la date de l’allocation d’incapacité exceptionnelle, doit être établie. Cette question demande nécessairement de déterminer la date à laquelle débute une pension prévue à la catégorie 1, étant donné que cette date représente la date de délimitation utilisée pour établir la date de l’allocation d’incapacité exceptionnelle. Il faut donc pour cela attribuer un sens au terme « reçoit », puisqu’il s’agit du terme le plus apte à établir la date de début de la pension.

[25]  Le comité d’appel de l’admissibilité affirme dans sa décision « que le terme “reçoit” est employé sciemment et doit être interprété selon son sens ordinaire ». Il a rejeté l’argument du demandeur concernant la date d’entrée en vigueur de la pension et a plutôt opté pour la date de la décision d’accorder la pension, affirmant que « [c]ette conclusion repose sur le fait que l’expression “date depuis laquelle une pension est payable” est employée ailleurs dans la Loi sur les pensions ». Comme la Cour est d’avis que les auteurs de la Loi n’ont pas abordé la question de la date de l’allocation d’incapacité exceptionnelle, je ne suis pas d’accord pour affirmer que le terme « reçoit » a un sens ordinaire ou sans ambiguïté dans le contexte de l’article 72. De plus, je ne crois pas qu’un terme ait un sens ordinaire quand pour son interprétation, il est nécessaire de considérer le terme dans son contexte, en faisant référence à d’autres termes contenus dans la Loi.

[26]  La Cour conclut également que le comité d’appel de l’admissibilité, dans son interprétation contextuelle, aurait dû tenir compte du fait que le terme à interpréter était « reçoit », et non « date d’entrée en vigueur ». L’interprétation contextuelle des termes utilisés ailleurs dans le même document législatif est plus utile quand le terme à interpréter (c’est-à-dire « reçoit ») est utilisé dans différentes circonstances, habituellement pour faire contrepoids à un terme concurrent à interpréter. La valeur probante de l’interprétation est bien moindre quand l’autre terme utilisé dans la loi représente la seule formulation acceptable pouvant soutenir une autre interprétation, et que le terme interprété ne se retrouve pas ailleurs dans la loi.

[27]  En fait, le raisonnement des comités peut être appliqué de différentes manières pour en arriver à différentes interprétations du terme « reçoit » dans l’établissement de la date de la pension. Par conséquent, la phrase « il reçoit : (i) soit la pension » pourrait être remplacée par « à la date de la décision (i) d’une pension […] ». Cette substitution fournirait un énoncé sans ambigüité appuyant l’interprétation du comité, selon laquelle la date de la pension est la date de décision utilisée pour déterminer la date de l’allocation d’incapacité exceptionnelle. À l’inverse, la phrase pourrait être remplacée par l’expression « à la date d’entrée en vigueur (i) d’une pension […] ». Le fait est que c’est justement cette absence de formulation claire, absence qui aurait pu être évitée par des rédacteurs chevronnés, qui soutient la conclusion de la Cour selon laquelle il n’y a jamais eu une intention de préciser le moment du paiement dans le terme « reçoit ». En fait, la Cour présume que ce n’était pas nécessaire, puisque les rédacteurs ont probablement pensé que le début de l’admissibilité à une allocation d’incapacité exceptionnelle était évidente, étant la même que la date d’entrée en vigueur utilisée pour établir le début du versement des prestations de catégorie 1. Il ne semble exister aucun motif pour utiliser toute autre date.

[28]  De plus, la Cour est d’accord avec l’argument du demandeur, selon lequel la référence que fait le comité d’appel de l’admissibilité à des dispositions dans la Loi employant l’expression « date depuis laquelle une pension est payable » est inexacte (en référence à l’alinéa 21(1)g) et au paragraphe 21(3.1)). En outre, lorsque l’expression est utilisée aux alinéas 21(1)i) et 21(2)d) et au paragraphe 45(3.1), la date depuis laquelle une pension est payable a un lien avec l’article 56 de la Loi. Cette disposition concerne la date à partir de laquelle la pension pour décès est payable, et elle varie selon l’identité du survivant. Les rédacteurs n’ont utilisé l’expression « date depuis laquelle une pension est payable » que lorsqu’il était nécessaire de le faire. Les différentes dates d’entrée en vigueur doivent par conséquent être différenciées des différents scénarios auxquels il est fait référence dans cet article. En conclusion, la Cour rejette la méthodologie d’analyse employée par le comité d’appel de l’admissibilité pour soutenir sa conclusion selon laquelle la date de décision d’une pension prévue à la catégorie 1 devrait s’appliquer pour délimiter la date de réception d’une allocation d’incapacité exceptionnelle.

b)  Les comités n’ont pas tenu compte de l’absurdité des résultats de leur interprétation de l’article 72

[29]  La Cour a conclu que l’interprétation que fait le comité d’appel de l’admissibilité de l’article 72 est déraisonnable à plusieurs égards. D’abord et avant tout, la Cour est d’accord avec l’argument du demandeur selon lequel :

[traduction] interpréter « reçoit » comme étant la date à laquelle le processus administratif est terminé mène à un résultat absurde : les membres pour qui le processus administratif est moins long auraient un avantage sur ceux dont les demandes prennent plus de temps à traiter.

[Non souligné dans l’original]

[30]  En interprétant la date à laquelle le membre reçoit la pension comme étant la date de la décision d’accorder la pension, les comités s’assurent que la pension des demandeurs souffrant d’une incapacité exceptionnelle à une date précédant la date de la décision sera calculée en fonction de facteurs qui varieront nécessairement d’un demandeur à l’autre. Cette différence de traitement des pensionnés n’a aucun lien avec leur incapacité exceptionnelle, et sur laquelle ils ont peu ou pas de contrôle. Autrement dit, en plus du fait que l’interprétation des comités manque de fondement rationnel, elle entraîne un résultat irrationnel que n’a vraisemblablement pas voulu le législateur.

[31]  Les éléments qui pourraient avoir une incidence sur le délai de traitement et retarder la date de décision d’une pension prévue à la catégorie 1, influant ainsi sur la date à laquelle débute le versement de l’allocation d’incapacité exceptionnelle, pourraient inclure : des arriérés de traitement, une pénurie ou un changement de personnel, les vacances, les maladies, les arrêts de travail, les divers niveaux d’efficacité des membres du personnel, et la complexité de la demande, comme les délais nécessaires pour obtenir les rapports médicaux pertinents et autres documents.

[32]  En plus, les demandeurs ne seraient pas informés, au moment de présenter leur demande pour obtenir une pension prévue à la catégorie 1, que le délai de traitement de cette demande influera sur le montant de toute allocation d’incapacité exceptionnelle qu’ils pourraient recevoir dans le futur. C’est seulement lorsqu’ils seront informés, plus tard, de leur admissibilité à présenter une demande pour obtenir une allocation d’incapacité exceptionnelle qu’ils apprendront que l’allocation ne sera pas nécessairement déterminée en fonction de la date à laquelle aura réellement débuté leur incapacité exceptionnelle, mais plutôt en fonction de la date de la décision de leur accorder une pension de catégorie 1, même si la date de début de l’incapacité exceptionnelle précède la date de la pension.

[33]  Il est clair qu’il serait déraisonnable d’interpréter l’article 72 de manière à influer sur le montant de l’allocation d’incapacité exceptionnelle, qui dépendra d’une date de décision dépendante des exigences relatives à l’administration des demandes pour obtenir une pension de catégorie 1. Par conséquent, je n’ai pas besoin d’un autre motif pour annuler la décision du comité de réexamen de l’admissibilité, siégeant en qualité de comité d’appel de l’admissibilité.

c)  Les comités ont agi de manière déraisonnable en omettant d’examiner et d’appliquer les principes d’interprétation énoncés à l’article 2 de la Loi

[34]  La Cour souligne que dans leur interprétation de l’article 72 de la Loi, aucun des comités n’a fait référence aux règles d’interprétation énoncées à l’article 2 de la Loi, ou à l’article 3 de la LTACRA. La Cour conclut que cette omission est déraisonnable d’un point de vue méthodologique. Ces dispositions font état de l’obligation du gouvernement du Canada d’indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides par suite de leur service militaire. Dans de telles circonstances, les organes décisionnels sont tenus d’interpréter la Loi d’une manière libérale afin de s’assurer que le gouvernement s’acquitte de son obligation envers les membres des forces souffrant d’une incapacité exceptionnelle.

[35]  L’interprétation que fait le comité du terme « reçoit », lequel signifierait dans son sens ordinaire de priver de leur indemnité les membres des forces qui souffrent d’une incapacité exceptionnelle, est incompatible avec l’objet de la Loi et avec la règle voulant que l’on interprète les dispositions de la Loi de manière libérale pour en respecter l’objet. J’entends par là qu’une interprétation de l’article 72 est à première vue déraisonnable si elle entraîne un résultat qui mine l’objectif explicite de donner effet à l’obligation du Canada d’indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides par suite de leur service militaire. Lorsque c’est là le résultat manifeste de l’interprétation que fait le comité de la Loi, une seconde réflexion plus modérée s’impose afin de prendre en considération tous les facteurs qui influent sur l’interprétation de la disposition avant de rendre une décision. Selon la Cour, si cela avait été fait, le comité n’aurait pas pu interpréter l’article 72 de manière à priver les pensionnés d’une partie de l’allocation d’incapacité exceptionnelle qui leur est versée pour les indemniser.

d)  Le comité n’a pas tenu compte des plus récentes politiques du ministère des Anciens Combattants concernant l’application de l’article 72

[36]  Le demandeur soutient que les comités ont commis une erreur en écartant la Table des invalidités de 2006 (la Table de 2006). Bien que le comité d’appel de l’admissibilité se soit fondé sur la Table des invalidités de 1995 (la Table de 1995) dans sa décision rendue en 2014, l’ordonnance sur consentement rendue par notre Cour en 2015 demandait expressément au comité d’appliquer la Table de 2006 pour déterminer la date de l’allocation d’incapacité exceptionnelle dans sa seconde décision d’appel.

[37]  Le comité d’appel de l’admissibilité a plutôt affirmé que la Table de 2006 ne s’appliquait pas à la question à trancher :

Le comité conclut que la Table des invalidités de 2006 n’est pas pertinente lorsqu’il s’agit d’établir le droit à une AIE. La Table vise unique [sic] à estimer le degré d’invalidité. Elle n’a pas pour objet de déterminer l’admissibilité d’un demandeur. Si le comité effectuait cette détermination en se fondant sur la Table, il ferait ainsi indûment entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré.

[Non souligné dans l’original]

[38]  Le défendeur soutient d’abord que la Cour n’est pas à juste titre saisie de cette question, étant donné que le demandeur n’a pas soulevé la question de l’applicabilité de la Table de 2006 avant que le comité de réexamen de l’admissibilité ne rende la décision contestée. Néanmoins, le défendeur affirme que le comité de réexamen de l’admissibilité a établi la date de l’allocation d’incapacité exceptionnelle d’une manière cohérente avec la Table de 2006.

[39]  Je n’ai pas à trancher la question, dans la mesure où j’ai plus que suffisamment de motifs pour conclure que l’interprétation faite par le comité était déraisonnable. Je vais néanmoins présenter mes commentaires sur la question, qui a été pleinement débattue par les deux parties.

[40]  Même si le paragraphe 35(2) indique que la table des invalidités a pour but de permettre l’estimation du degré d’invalidité, la Table de 2006 (et d’autres politiques administratives pertinentes) fournit néanmoins de précieux éléments de preuve extrinsèques facilitant l’interprétation de l’article 72. Le fait que le Ministère ait modifié sa politique il y a plus d’une décennie, et administre maintenant la disposition portant sur la question même que devait trancher le comité, représente une forme de « déclarations des ministères qui administrent la loi », qui devrait être prise en considération par un décideur interprétant la disposition. Auparavant, le Ministère utilisait la date de décision pour déterminer la date à laquelle débute le versement de l’allocation d’incapacité exceptionnelle, alors qu’à la suite des modifications à la politique apportées en 2006, la date d’entrée en vigueur de la pension est dorénavant utilisée pour déterminer la date à laquelle débute rétroactivement l’allocation d’incapacité exceptionnelle.

[41]  Les tribunaux décideurs et les cours doivent faire preuve d’une retenue considérable envers ceux qui sont responsables d’interpréter et d’appliquer quotidiennement la Loi. C’est précisément pourquoi les orientations données quant à l’administration d’une loi sont considérées comme des outils d’interprétation extrinsèques. Les administrateurs de programmes sont dépositaires de connaissances pratiques et applicables importantes qui viennent avec la responsabilité de faire en sorte que les mots des législateurs atteignent les objectifs voulus. Qui plus est, dans la mesure où l’administration d’une disposition portant sur les mesures d’aide sociale soulève les commentaires et les objections des bénéficiaires qu’elle vise, les administrateurs de programmes ont une compréhension globale des réalités pratiques de l’application de la loi.

[42]  Ces réalités démontrent l’importance d’une modification infirmant une procédure administrative utilisée autrefois. Il faut qu’il y ait eu de solides considérations stratégiques sous-jacentes au changement dans l’administration de ces allocations qui reflètent l’expérience du Ministère. De l’avis de la Cour, il était déraisonnable que le comité ne tienne pas compte des modifications aux politiques, pour leur importance interprétative substantielle à titre de précieux éléments de preuve intrinsèques, et qu’il choisisse plutôt de les rejeter en fonction d’un jugement formaliste qui outrepassait la compétence du Ministère.

[43]  Compte tenu de cette modification des politiques, la Cour rejette également l’argument du défendeur selon lequel il faudrait suivre la décision précédente de la Cour dans Macleod c Canada (Veterans Review and Appeal Board), [1998] ACF no 428 (CF) [MacLeod]. Dans cette affaire, la Cour a rejeté l’argument selon lequel « l’allocation pour incapacité exceptionnelle devrait être établie rétroactivement » à compter de la date d’entrée en vigueur de la pension prévue à la catégorie 1. Toutefois, la Cour a fondé sa décision sur le libellé du précédent Manuel des politiques – Pension, selon lequel le demandeur est admissible à l’allocation d’incapacité exceptionnelle à la date « à laquelle il est devenu un pensionné de catégorie 1 », laquelle semble faire référence à la date de la décision.

[44]  En rétrospective, il semble très probable que si l’absurdité de l’interprétation proposée (selon laquelle les retards administratifs dans le traitement d’une demande de pension peuvent influer sur le montant de l’allocation d’incapacité exceptionnelle versée) avait été portée à l’attention de la Cour dans la décision MacLeod, cette dernière aurait réexaminé son interprétation de l’ancien énoncé de politique, et s’en serait écarté. Toutefois, le problème est que, dans la décision MacLeod, la décision reposait sur une ancienne politique, qui a été abrogée en 2006 et remplacée par une directive précisant qu’un demandeur est admissible à l’allocation d’incapacité exceptionnelle à partir de la date d’entrée en vigueur de la pension prévue à la catégorie 1.

[45]  De plus, la décision MacLeod semblerait miner l’argument susmentionné du comité, selon lequel la politique sur les pensions ne pouvait traiter du droit à l’allocation. Il est évident que dans la décision MacLeod, la Cour a considéré que la politique constituait un outil valable pour évaluer à quel moment un demandeur est admissible à l’allocation d’incapacité exceptionnelle, ce qu’aurait dû faire aussi le comité en l’espèce.

3)  Conclusion rejetant l’interprétation faite par le comité de la date à laquelle débute une allocation d’incapacité exceptionnelle

[46]  En résumé, la Cour conclut que la décision du comité est déraisonnable dans son interprétation de l’article 72, selon laquelle le pensionné de catégorie 1 deviendrait admissible à une allocation d’incapacité exceptionnelle à partir de la date de décision de la pension. L’interprétation qui garantit le respect des objectifs de la Loi et qui s’harmonise le mieux avec son contexte est la suivante : le versement de l’allocation d’incapacité exceptionnelle devrait débuter à la date d’entrée en vigueur de la pension prévue à la catégorie 1.

B.  L’évaluation faite par le comité de réexamen de l’admissibilité, concernant la date de l’incapacité exceptionnelle du demandeur, était-elle raisonnable?

[47]  Pour établir si les décisions du Tribunal étaient raisonnables, il est nécessaire de comprendre quels éléments de preuve lui avaient été présentés, et à quel moment. Dans l’analyse qui suit, je vais séparer les éléments de preuve pertinents présentés au comité d’appel avant qu’il ne rende sa décision en 2015 de ceux présentés au comité avant qu’il ne rende sa décision en 2016, et j’examinerai le caractère raisonnable de chaque décision compte tenu des éléments de preuve disponibles.

1)  La décision de 2015

a)  Éléments de preuve présentés au comité d’appel de l’admissibilité en 2015

[48]  Le comité d’appel de l’admissibilité a examiné les déclarations du demandeur présentées avec sa première demande le 17 février 2009. Il y décrit notamment l’effet de l’état de stress post-traumatique sur sa qualité de vie, et explique que ce trouble l’empêche de participer normalement à ses activités régulières, à l’exception de la conduite d’un véhicule et de l’utilisation des transports publics.

[49]  Le Dr Genest, le psychologue du demandeur, a fourni de nombreuses lettres et des rapports. Le premier rapport, daté du 7 octobre 2008, et rédigé à la suite de six consultations, indique que le demandeur [traduction] « ne devrait clairement pas retourner au travail avant un certain temps » et que son état de stress post-traumatique est [traduction] « grave et complexe ». Le deuxième rapport, daté du 15 décembre 2008, et rédigé à la suite d’environ une dizaine de consultations additionnelles, indique que [traduction] « l’humeur [du demandeur] s’est stabilisée considérablement », que [traduction] « plusieurs mois de traitement seront nécessaires avant qu’un retour au travail soit envisageable » et [traduction] « qu’il serait prudent de prévoir que le Sgt Stoyek devra attendre au moins jusqu’à la mi-février avant que nous réexaminions son état ». Dans une lettre datée du 16 février 2009, le Dr Genest affirme que le demandeur [traduction] « a fait l’expérience d’une exacerbation de son humeur dépressive, mais il s’en est bien remis ». Il a recommandé un congé de deux mois additionnels, déclarant qu’il avait [traduction] « espoir que d’ici là, un plan de retour au travail pourrait être envisagé ».

[50]  Pour en arriver à sa conclusion, le comité d’appel de l’admissibilité a explicitement fait référence aux deux rapports du Dr Genest datés d’avril 2009. Le 24 avril 2009, le Dr Genest a affirmé ce qui suit :

[traduction] Le Sgt Stoyek continue de travailler avec diligence en thérapie, et a fait de bons progrès. Son humeur s’est améliorée considérablement, et bien que son état ait connu des reculs occasionnels, ces reculs ne dépassent pas ce à quoi on pouvait s’attendre.

[...]

J’ai bon espoir que bientôt, nous pourrons envisager des possibilités pour un retour au travail, et en fait, nous en avons déjà discuté un peu. Toutefois, il reste encore un certain travail d’exposition à réaliser, et nous devons assurer une stabilité émotive soutenue avant de faire des plans précis. Je recommande une prolongation de deux autres mois de son congé de maladie, pour que nous puissions travailler dans cette direction.

[51]  Le 28 avril 2009, le Dr Genest décrit la réponse du demandeur au traitement dans ces termes : [traduction] « Sa réponse est excellente. Le Sgt Stoyek a respecté tous les aspects du traitement et a fait de très bons progrès. » Il poursuit sa description de la perspective d’un retour au travail ainsi :

[traduction] Le retour au travail n’est pas prévu pour l’instant. Bientôt, toutefois, je m’attends à ce qu’il soit prêt à commencer la planification de son retour au travail. Au cours des deux prochains mois, je prévois qu’il entrera en contact avec la GRC concernant un retour. À ce moment, les détails de son retour devront être réglés, mais je crois que nous devons terminer la phase actuelle de thérapie avant de nous intéresser à ces questions.

Comme vous le savez, le travail a été long. Je suis extrêmement heureux, toutefois, des progrès du Sgt Stoyek, et je crois qu’il en ressortira en meilleure santé qu’il ne l’a été depuis plusieurs années.

[Non souligné dans l’original]

[52]  En mai 2009, le demandeur devait se présenter pour une évaluation médicale indépendante. Le Dr Genest, en réponse à ce développement, a écrit aux services de santé de la GRC le 1er juin 2009. Voici ce qu’il affirme, en faisant référence à ses commentaires précédents :

[traduction] Mon évaluation tient toujours – soit qu’il faudrait plus de temps pour terminer cette phase très intensive du travail thérapeutique; avant cela, exposer le Sgt Stoyek au type de questions auxquelles il devra répondre durant l’évaluation médicale indépendante pourrait occasionner une détérioration importante de son état de santé. En fait, le seul fait de l’envisager a malheureusement éveillé certaines réactions émotionnelles liées aux expériences traumatisantes que nous essayons de neutraliser, et il fallu s’éloigner un peu de notre parcours thérapeutique.

[53]  Lorsque les services de santé de la GRC ont décidé d’aller de l’avant avec l’évaluation médicale indépendante, le Dr Genest a écrit ce qui suit, dans une lettre datée du 6 juillet 2009 :

[traduction] Néanmoins, envisager la perspective de devoir relater des détails de son passé traumatique l’a amené à craindre, non sans raison, un nouveau traumatisme. En fait, l’anticipation de l’enquête diagnostique, avant que nous ayons pu terminer le travail d’exposition qui lui a demandé tellement d’efforts, a déjà entraîné une augmentation importante de ses symptômes d’anxiété, au point que les progrès accomplis ont été annulés.

[...]

Étant donné que le Sgt Stoyek envisage depuis peu de prendre sa retraite maintenant, peut-être que cet examen n’est pas nécessaire.

Si le Sgt Stoyek devait être forcé de retourner au travail, il est clair qu’il ne pourrait retourner aux fonctions policières opérationnelles dans un avenir prévisible, ni à son poste précédent à quelque titre que ce soit. Agir ainsi l’exposerait à un risque inacceptable que son incapacité s’aggrave.

[54]  Le demandeur a pris sa retraite en janvier 2010.

[55]  Par la suite, un questionnaire médical additionnel rempli par le Dr Genest, daté du 1er mars 2010, indiquait qu’aucune amélioration médicale n’était attendue, que le demandeur [traduction] « continuera à lutter contre ses symptômes à long terme » et que [traduction] « toute amélioration au-delà de ce point sera probablement marginale et très lente ». Il poursuit en indiquant que le demandeur [traduction] « a décidé de quitter la GRC parce qu’il ne pouvait retourner aux fonctions policières opérationnelles, et qu’il ne voulait pas compromettre les progrès accomplis ou risquer d’exacerber son état en tentant un retour au travail ». Cela dit, le Dr Genest a indiqué que le demandeur avait fait [traduction] « de bons progrès en thérapie », que ses [traduction] « symptômes lui semblent maintenant plus gérables, bien qu’ils soient toujours présents et l’importunent régulièrement », et qu’il s’attendait à ce que son état « continue de s’améliorer, mais lentement et très graduellement ».

[56]  Au moment de présenter sa demande pour obtenir une allocation d’incapacité exceptionnelle le 29 octobre 2012, le demandeur a inclus un exposé des faits à jour. Dans son exposé, il mentionne que son diagnostic de cancer du rein a [traduction] « aggravé » le stress lié aux symptômes concernant son état de stress post-traumatique. Il souligne ce qui suit 

[traduction] Il m’est impossible d’avoir de l’espoir ou d’être enthousiaste quant à l’avenir, sachant que j’ai fait une crise cardiaque à l’âge de 48 ans, que j’ai une coronopathie, que j’ai eu un cancer, que je dois vivre quotidiennement avec un diabète de type 1 avec insulino-dépendance, que je souffre d’une perte auditive, que je lutte contre la dépression et autres symptômes liés à mon état de stress post-traumatique et à mon trouble dépressif majeur.

[Non souligné dans l’original]

[57]  Il continue de parler en détail de l’incidence de ses affections non indemnisées (y compris le cancer) sur ses affections indemnisées. Il conclut en ces termes :

[traduction] Les effets et symptômes physiques et psychologiques dont je souffre en raison de mes affections non indemnisées, comme ma condition cardiaque, ma maladie coronarienne, mon diabète, et mon cancer, nuisent énormément à ma qualité de vie et à ma capacité d’effectuer les tâches de la vie quotidienne. Je vis avec le stress lié au fait de me demander si j’aurai une autre crise cardiaque ou si le cancer reviendra.

[Non souligné dans l’original]

[58]  Le 1er novembre 2012, une conseillère de secteur a effectué l’évaluation obligatoire à inclure dans la demande d’allocation d’incapacité exceptionnelle, et a recommandé une allocation d’incapacité exceptionnelle de catégorie 2 à compter du 25 mars 2010. Dans ses motifs, toutefois, elle a pris note de toutes les affections existantes du demandeur au moment du rapport, affirmant que le demandeur [traduction] « a vu apparaître quatre affections majeures », sans inclure le cancer.

[59]  Enfin, le comité d’appel de l’admissibilité a examiné un autre rapport du Dr Genest, daté du 30 mai 2013. Concernant l’état de stress post-traumatique, le Dr Genest affirme ce qui suit :

[traduction] Depuis le début de 2011, il a moins de souvenirs envahissants, ce qui lui permet de commencer à envisager de rebâtir d’autres aspects de sa vie. Il vivait certaines difficultés familiales et connaissait certaines périodes d’humeur maussade où son énergie était faible. À l’époque, la diminution très récente des souvenirs envahissants lui semblait très fragile, et il exprimait sans cesse ses inquiétudes concernant la réapparition des symptômes d’état de stress post-traumatique.

Il convient également de souligner que M. Stoyek n’était pas bien physiquement à l’époque, et qu’il a subi des tests entre mars et juin 2011, qui ont confirmé un diagnostic de cancer du rein, suivi d’une intervention chirurgicale en octobre de cette même année. La hausse de la fréquence de ses rendez-vous avec moi pendant ce printemps et cet été-là atteste d’une augmentation de sa détresse.

[Non souligné dans l’original]

b)  Interprétation de l’article 39

[60]  L’article 39 de la LTACRA vise à aider les demandeurs à satisfaire au fardeau de preuve nécessaire pour prouver leur admissibilité à une allocation. Le Tribunal doit tirer des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible pour le demandeur, accepter tout élément de preuve produit par le demandeur comme étant vrai, crédible et digne de foi, et trancher en faveur du demandeur toute incertitude quant à son examen de la preuve. Même si cette disposition n’inverse pas le fardeau de preuve, l’on a interprété qu’elle prévoit « qu’il convient de trancher toute incertitude raisonnable en faveur des demandeurs. » (Metcalfe c Canada (1999), 160 FTR 281, au paragraphe 17, confirmé dans l’arrêt Elliot c Canada (Procureur général), 2003 CAF 298, au paragraphe 6). Encore une fois, même si cette disposition ne signifie pas que le Tribunal doit accepter toutes les prétentions d’un demandeur, « il doit plutôt accepter la preuve si elle est vraisemblable et non contredite » (Macdonald c Canada (Procureur général) (1999), 164 FTR 42, au paragraphe 22).

c)  La décision de 2015 était raisonnable

[61]  En tenant compte de tous ces éléments de preuve, le comité d’appel de l’admissibilité a conclu que c’est le diagnostic de cancer du rein du demandeur qui a entraîné un changement fondamental de son état de santé; ainsi, en tranchant toute incertitude en faveur du demandeur, il a conclu qu’il a commencé à souffrir d’une incapacité exceptionnelle en mars 2011, date à laquelle les symptômes physiques menant au diagnostic de cancer se sont manifestés pour la première fois.

[62]  Je conclus qu’il était raisonnable pour le comité d’appel de l’admissibilité d’en arriver à cette décision. Il n’y avait aucune preuve médicale au dossier appuyant une demande pour obtenir une allocation d’incapacité exceptionnelle avant mars 2011. L’opinion non professionnelle de la conseillère de secteur en 2012, qui appuyait une demande plus hâtive d’allocation d’incapacité exceptionnelle, manquait de crédibilité, parce qu’en tirant cette conclusion, elle a omis d’établir une distinction entre l’incidence du cancer du rein et les affections existantes avant mars 2011. Les éléments de preuve disponibles appuient plutôt la conclusion du comité d’appel de l’admissibilité, selon laquelle ce n’est qu’après l’apparition du cancer du rein que le demandeur a commencé à souffrir d’une incapacité exceptionnelle. La preuve médicale de 2008 à 2010 indique une amélioration à venir ou actuelle. Dans sa demande d’allocation d’incapacité exceptionnelle de 2012, le demandeur reconnaît lui-même l’incidence du diagnostic de cancer du rein de 2011 sur son état de santé. En 2013, le Dr Genest le confirme dans sa lettre, soulignant un changement au début de 2011, alors que le demandeur est passé d’une trajectoire de guérison positive à une exacerbation de ses problèmes à la suite du diagnostic de cancer.

[63]  Contrairement à ce que prétend le Dr Genest dans sa lettre de 2015, le comité d’appel de l’admissibilité n’a pas retenu les éléments de preuve qui appuyaient sa conclusion, mais semble plutôt en être arrivé à sa décision de 2015 en s’appuyant sur un examen raisonnable des éléments de preuve disponibles, qui montraient une amélioration de l’état de santé du demandeur, au point d’envisager un retour au travail. Le comité d’appel de l’admissibilité a souligné que « [i]l semble que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ait voulu accélérer le processus de retour au travail de manière inacceptable. Par conséquent, l’appelant a choisi de prendre sa retraite. » Dans son exposé des faits accompagnant sa demande d’allocation d’incapacité exceptionnelle de 2012, il indique que [traduction] « compte tenu du nombre d’années de service à mon actif à ce moment, j’ai pris la décision de prendre ma retraite sans tenter de retourner au travail pour ne pas nuire à mon rétablissement ». Par conséquent, rien ne laisse croire que son retour au travail a été empêché par une rechute ou que sa situation ne s’améliorait pas jusqu’à ce que tombe le diagnostic de cancer.

2)  La décision de 2016

[64]  Obligation de tenir compte des nouveaux éléments de preuve fournis par le Dr Genest. Quand il a déposé sa demande en vue du réexamen de la décision de 2015, le demandeur a déposé trois nouveaux éléments de preuve. Il a joint des copies de rapports de consultations médicales et de diagnostic médical qui n’avaient pas été déposées précédemment devant le Tribunal, une lettre du Dr Silburt datée du 22 juin 2015, et une lettre du Dr Genest datée du 7 juillet 2015. Seule la lettre du Dr Genest est pertinente.

[65]  Le comité de réexamen de l’admissibilité a souligné que la situation ressemblait à celle d’un demandeur insatisfait qui pense à certains renseignements ou éléments de preuve additionnels, ou à une nouvelle variante d’un argument, dans le but d’essayer de redonner vie à un argument qui n’a pas été retenu lors du premier appel. Toutefois, le comité n’a pas explicitement rejeté le témoignage principal du Dr Genest. Le défendeur, d’un autre côté, a soutenu que les éléments de preuve devraient être jugés non admissibles. En l’espèce, compte tenu de la situation spéciale de la Loi, je ne suis pas d’accord.

[66]  La disposition portant sur les principes d’interprétation contenue dans la LTACRA demande au comité d’adopter une interprétation libérale. Cette idée est renforcée par l’article 39, qui demande de trancher toute incertitude dans l’appréciation de la preuve en faveur du demandeur. Ces dispositions appuient l’idée que le comité devrait éviter d’adopter une approche trop technique quand il rend ses décisions. Elles placent le Tribunal quelque peu à part des autres tribunaux dont la loi habilitante contient des dispositions similaires en matière de réexamen ou de contrôle.

[67]  Toutefois, de manière plus substantielle, j’estime que dans ces appels portant sur le début de l’incapacité exceptionnelle du demandeur, les comités ont à juste titre mis l’accent sur le court laps de temps entre l’octroi d’une pension de catégorie 1 au demandeur et le début des symptômes associés à son diagnostic de cancer. La question principale est de savoir s’il souffrait d’une incapacité exceptionnelle avant que ne débute le cancer. Les médecins du demandeur ne semblent pas avoir été pleinement conscients de cette question, puisqu’aucun rapport médical traitant de ce scénario précis n’a été déposé devant le comité d’appel de l’admissibilité. Le demandeur s’est peut-être fié à la décision de la conseillère de secteur qui a inclus le diagnostic de cancer au nombre des affections ayant mené à l’incapacité exceptionnelle du demandeur en 2009.

[68]  Quoi qu’il en soit, le rapport additionnel du Dr Genest visait précisément répondre à la question déterminante de l’état de santé du demandeur avant le diagnostic de cancer. L’intention du Dr Genest était de corriger ce qu’il considérait comme une mauvaise interprétation de ses rapports précédents qui, selon ce qu’il affirme, n’ont jamais été rédigés pour répondre en premier lieu à cette question. Dans de telles circonstances, je conclus que le comité aurait commis une erreur en n’admettant pas ce nouveau rapport portant sur une question déterminante, qui n’était peut-être pas apparente ou traitée dans ses rapports précédents. En bout de ligne, le comité a tenu compte de ces rapports dans son examen, alors il ne s’agit pas d’une erreur susceptible de révision en l’espèce.

a)  Nouveaux éléments de preuve présentés au comité en 2016

[69]  La lettre du Dr Genest datée du 7 juillet 2015, qui traite le mieux de ses opinions sur l’état de santé du demandeur avant le diagnostic de cancer, cherche à corriger l’usage qu’a fait le comité de ses opinions de 2009, alors qu’il soulignait un certain optimisme et envisageait même un éventuel retour au travail. Il affirme ce qui suit :

[traduction] Par conséquent, alors qu’il en était encore aux premières étapes de sa thérapie, j’ai pensé que ses progrès seraient beaucoup plus rapides et complets qu’ils ne l’ont été en réalité. Comme je l’ai souligné dans ma lettre du 24 avril 2009, j’étais optimiste à l’époque, mais je savais aussi qu’il restait du travail à faire, et que l’on ne pouvait prendre pour acquise la stabilité émotionnelle de M. Stoyek à ce moment.

Mon rapport du 1er mars 2010 remis au ministère des Anciens Combattants explique clairement que mon évaluation précédente avait malheureusement été excessivement optimiste. Dans ce rapport, je documente des symptômes « persistants » d’état de stress post-traumatique et des symptômes « récents » de trouble dépressif majeur. Je souligne également que M. Stoyek « continuera à lutter contre ses symptômes à long terme » et que « toute amélioration au-delà de ce point sera probablement marginale et très lente ». Et je lui ai accordé une cote de 58 sur l’Échelle d’évaluation globale du fonctionnement

Il est clair que M. Stoyek n’était pas moins invalide entre le début de 2009 et mars 2011 qu’il ne l’était après cette période. Le fait que le comité ait extrait une brève note rédigée de ma main parmi tous les documents disponibles offre un portrait imprécis de la gravité de l’état de santé de M. Stoyek à cette époque, et il est difficile de croire qu’il ne s’agissait pas là d’une déclaration inexacte délibérée.

Par contre, si le comité a été, d’une manière ou d’une autre, induit en erreur en lisant ma lettre du 24 avril 2009, je me dois de préciser maintenant sans aucune ambiguïté que l’état de stress post-traumatique de M. Stoyek était très grave dès le début de notre travail ensemble, et que mon espoir que nous pourrions bientôt « commencer » à examiner des options pour un retour au travail en 2009 était une erreur.

[Non souligné dans l’original]

b)  La décision de 2016 était raisonnable

[70]  L’opinion du Dr Silburt, datée du 22 juin 2015, a été jugée non crédible. En fait, elle n’était pas pertinente étant donné qu’elle n’établissait pas de distinction entre l’état de santé du demandeur lorsqu’il a reçu un diagnostic de cancer du rein et son état de santé antérieur, qui forme le fondement de sa demande de réexamen. La lettre indique plutôt que [traduction] « toutes les affections examinées (que le tribunal a considéré comme suffisamment pertinentes pour que son incapacité soit jugée exceptionnelle) peuvent en fait être retracées comme remontant au moins à février 2009 », regroupant ainsi le diagnostic de cancer du demandeur, qui avait de toute évidence été jugé pertinent par le Tribunal, avec ses autres affections. Comme la lettre manquait de pertinence, il était raisonnable que le comité ne lui accorde pas de poids.

[71]  Le comité a conclu que la lettre du Dr Genest datée du 7 juillet 2015 ne présentait aucun intérêt pour la question en litige, parce qu’elle traitait uniquement de la gravité de l’état de stress post-traumatique du demandeur, une question qui, selon la conclusion du comité de réexamen de l’admissibilité, n’avait pas été soumise au Tribunal. La Cour ne sait pas s’il existe des formulaires ou directives pour aider les médecins à expliquer à quel point un patient souffre d’une incapacité exceptionnelle, mais j’estime qu’il n’est pas aisé d’établir une distinction entre la gravité d’une affection et l’incapacité exceptionnelle ou non d’un demandeur à un moment donné, si l’on n’a pas auparavant été mis au courant de la nécessité d’établir cette distinction. Je soupçonne que plusieurs médecins traitants n’indiqueront pas précisément à quel moment une incapacité exceptionnelle est apparue, à moins qu’on leur demande de le faire. Un médecin légiste aborderait bien sûr la question, puisque c’est là le type de question pour laquelle on sollicite leur avis lors de l’examen d’une loi.

[72]  Quoi qu’il en soit, le comité d’appel de l’admissibilité a de manière raisonnable accordé de l’importance à la situation du demandeur qui s’améliorait en 2010, et s’il a commis une erreur en adoptant cette approche, ce serait là un facteur important pour annuler la décision parce qu’elle serait déraisonnable. Ce que je comprends des rapports du Dr Genest, c’est que bien qu’il ait pensé, à un certain moment, que l’état de santé du demandeur s’améliorait et qu’un retour au travail pourrait être envisagé, ce dernier demeurait, en réalité, gravement invalide et tout optimisme quant à un éventuel retour au travail était sans fondement.

[73]  Le demandeur affirme que le Tribunal a omis d’agir conformément à l’article 39 de la LTACRA en rejetant cette preuve non contredite de ses médecin à l’appui de sa demande. Deux points contredisent cet argument. Premièrement, le comité n’a pas commis d’erreur en s’appuyant sur l’opinion précédente du Dr Genest qui exprimait l’espoir d’une amélioration compte tenu de son évaluation de l’état de santé du demandeur. La preuve médicale exhaustive citée ci-dessus et la lettre de 2015 du Dr Genest en disent long. Par conséquent, le comité de réexamen de l’admissibilité ne peut pas être accusé, comme il l’a été, d’extraire une brève note parmi tous les documents disponibles pour offrir un portrait imprécis, au point où il peut constituer une [traduction] « déclaration inexacte délibérée ». Deuxièmement, un état mental dépressif (qui constituait le principal problème de santé du demandeur) qui tend à s’améliorer, au point où il est permis d’espérer un éventuel retour au travail, n’est pas un indicateur raisonnable d’une incapacité extraordinaire. En effet, d’après ce que comprend la Cour du fonctionnement des pensions pour invalidité, un retour au travail met non seulement fin à toute possibilité d’obtenir une allocation d’incapacité exceptionnelle, mais il influe également sur la pension elle-même.

[74]  Par conséquent, la lettre de 2015 du Dr Genest manque de crédibilité en ce sens qu’elle n’est pas cohérente et contredit ses lettres antérieures, écrites avant le diagnostic de cancer, et en particulier sa lettre de 2013. Toutes ces lettres soulignent une amélioration générale de l’état de santé du demandeur entre mars 2010 et le début de 2011, suivie d’une détérioration de son état de santé au moment du diagnostic de cancer du rein. Cette amélioration contredit la déclaration du Dr Genest dans sa lettre de 2015, selon laquelle [traduction] « M. Stoyek n’était pas moins invalide entre le début de 2009 et mars 2011 qu’il ne l’était après cette période ». Le Dr Genest ne fait également aucunement mention de sa lettre de 2013 dans sa lettre de 2015, et de l’amélioration continue du demandeur jusqu’en 2011, quand le diagnostic de cancer est tombé.

[75]  En outre, dans sa lettre du 1er mars 2010, qui selon ce qu’affirme le Dr Genest dans sa lettre de 2015 était [traduction] « excessivement optimiste », il indique néanmoins que le demandeur a fait « de bons progrès en thérapie », que ses [traduction] « symptômes lui semblent maintenant plus gérables, bien qu’ils soient toujours présents et l’importunent régulièrement », et qu’il s’attendait à ce que son état [traduction] « continue de s’améliorer, mais lentement et très graduellement ». Sa lettre de 2013 indique que, quels qu’aient été ses problèmes en 2010, le demandeur a décidé de prendre sa retraite, et ses problèmes semblaient avoir diminué un an plus tard au début de 2011, alors que [traduction] « il a moins de souvenirs envahissants, ce qui lui permet de commencer à envisager de rebâtir d’autres aspects de sa vie ». L’anxiété du demandeur semblait découler de « ses inquiétudes concernant la réapparition des symptômes d’état de stress post-traumatique », et non de ces symptômes eux-mêmes. Par la suite, la lettre de 2013 traitait principalement de l’incidence négative qu’a eue le diagnostic de cancer sur sa santé mentale.

[76]  Bien que le comité soit lié par l’article 39 de la LTACRA et qu’il soit tenu d’examiner la preuve du demandeur sous le jour lui étant le plus favorable possible, il doit quand même être convaincu que les nouveaux éléments de preuve sont crédibles et raisonnables, et établissent une erreur de droit ou de faits dans la décision du comité d’appel de l’admissibilité. En l’espèce, la Cour conclut que le Tribunal a jugé, de manière raisonnable, que les nouveaux éléments de preuve n’étaient pas suffisamment crédibles et, par conséquent, qu’il ne réexaminerait pas sa conclusion concernant cette question factuelle, conformément aux principes d’examen énoncés dans l’arrêt Dunsmuir qui s’appliquent (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9).

II.  Conclusion

[77]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucuns dépens ne sont adjugés, puisque les deux parties ont eu partiellement gain de cause devant notre Cour.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande, sans dépens.

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 29e jour de juin 2020

Lionbridge


ANNEXE

Loi sur les pensions, LRC 1985, c P-6

Règle d’interprétation

Construction

 

2 Les dispositions de la présente loi s’interprètent d’une façon libérale afin de donner effet à l’obligation reconnue du peuple canadien et du gouvernement du Canada d’indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides ou sont décédés par suite de leur service militaire, ainsi que les personnes à leur charge.

 

2 The provisions of this Act shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to provide compensation to those members of the forces who have been disabled or have died as a result of military service, and to their dependants, may be fulfilled.

Estimation du degré d’invalidité

How extent of disability assessed

 

35 (2) Les estimations du degré d’invalidité sont basées sur les instructions du ministre et sur une table des invalidités qu’il établit pour aider quiconque les effectue.

 

35 (2) The assessment of the extent of a disability shall be based on the instructions and a table of disabilities to be made by the Minister for the guidance of persons making those assessments.

 

Montant de l’allocation

Amount of allowance

 

72 (1) A droit à une allocation d’incapacité exceptionnelle au taux fixé par le ministre en conformité avec les minimums et maximums de l’annexe III, en plus de toute autre allocation, pension ou indemnité accordée en vertu de la présente loi, le membre des forces qui, à la fois :

72 (1) In addition to any other allowance, pension or compensation awarded under this Act, a member of the forces shall be awarded an exceptional incapacity allowance at a rate determined by the Minister in accordance with the minimum and maximum rates set out in Schedule III if the member of the forces

 

a) reçoit :

(a) is in receipt of

(i) soit la pension prévue à la catégorie 1 de l’annexe I,

(i) a pension in the amount set out in Class 1 of Schedule I, or

 

(ii) soit, d’une part, une pension moindre et, d’autre part, l’indemnité prévue par la présente loi, l’indemnité d’invalidité prévue par la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes ou ces deux indemnités, lorsque la somme des pourcentages ci-après est au moins égale à quatre-vingt-dix-huit pour cent :

(ii) a pension in a lesser amount than the amount set out in Class 1 of Schedule I as well as compensation paid under this Act or a disability award paid under the Canadian Forces Members and Veterans Re-establishment and Compensation Act, or both, if the aggregate of the following percentages is equal to or greater than 98%:

 

(A) le degré d’invalidité pour lequel la pension lui est versée,

 

(A) the extent of the disability in respect of which the pension is paid,

 

(B) le pourcentage de la pension de base auquel l’indemnité lui est versée,

 

(B) the percentage of basic pension at which basic compensation is paid, and

 

(C) le degré d’invalidité pour lequel l’indemnité d’invalidité lui est versée;

(C) the extent of the disability in respect of which the disability award is paid; and

 

b) souffre d’une incapacité exceptionnelle qui est la conséquence de l’invalidité pour laquelle il reçoit la pension ou l’indemnité d’invalidité prévue par cette loi ou qui a été totalement ou partiellement causée par celle-ci.

(b) is suffering an exceptional incapacity that is a consequence of or caused in whole or in part by the disability for which the member is receiving a pension or a disability award under that Act.

 

Détermination d’incapacité exceptionnelle

Determination of exceptional incapacity

 

72 (2) Sans que soit limitée la portée générale de l’alinéa (1)b), pour déterminer si l’incapacité dont est frappé un membre des forces est exceptionnelle, il est tenu compte du degré auquel l’invalidité pour lequel le membre reçoit soit une pension, soit l’indemnité d’invalidité prévue par la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes l’a laissé dans un état d’impotence ou dans un état de souffrance et de malaise continus, a entraîné la perte de jouissance de la vie ou a réduit son espérance de vie.

 

72 (2) Without restricting the generality of paragraph (1)(b), in determining whether the incapacity suffered by a member of the forces is exceptional, account shall be taken of the extent to which the disability for which the member is receiving a pension or a disability award under the Canadian Forces Members and Veterans Re-establishment and Compensation Act has left the member in a helpless condition or in continuing pain and discomfort, has resulted in loss of enjoyment of life or has shortened the member’s life expectancy.

 

Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), LC 1995, c 18

Nouvel examen

Reconsideration of decisions

 

32 (1) […] le comité d’appel peut, de son propre chef, réexaminer une décision rendue en vertu du paragraphe 29(1) ou du présent article et soit la confirmer, soit l’annuler ou la modifier s’il constate que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées; il peut aussi le faire sur demande si l’auteur de la demande allègue que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées ou si de nouveaux éléments de preuve lui sont présentés.

32 (1) … an appeal panel may, on its own motion, reconsider a decision made by it under subsection 29(1) or this section and may either confirm the decision or amend or rescind the decision if it determines that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law, or may do so on application if the person making the application alleges that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law or if new evidence is presented to the appeal panel.

 

[Je souligne]

 

[Emphasis added]

 

Règles régissant la preuve

Rules of evidence

 

39 Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

 

39 In all proceedings under this Act, the Board shall

 

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

 

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

 

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

 

Date de paiement – Prestations d’invalidité, allocations et indemnité de prisonnier de guerre/de captivité, articles 21 et 22 (politique actuelle)

Allocation d’incapacité d’exceptionnelle (Loi sur les pensions)

 

Exceptional Incapacity Allowance (Pension Act)

 

21. L’allocation d’incapacité exceptionnelle (AIE) ou son augmentation est payable à compter de la première des deux dates suivantes :

21. An award or increase for an exceptional incapacity allowance (EIA) may be payable from the earlier of;

 

a. La date à laquelle il a été prouvé médicalement que le pensionné était atteint d’une incapacité exceptionnelle, ou dans le cas d’une augmentation, la date à laquelle il a été prouvé médicalement que l’augmentation était justifiée; ou

a. the date that it is medically shown that the pensioner became exceptionally incapacitated, or in the case of an increase, the date it is medically shown that the increase is warranted; or

 

b. À défaut d’éléments probants de ce type, la date d’entrée en vigueur à laquelle le pensionné a fait la démarche requise pour obtenir l’AIE ou une augmentation de celle-ci.

b. in the absence of such evidence, the date that the pensioner first took action to obtain the EIA or an increase thereof.

 

22. La date d’entrée en vigueur de l’AIE ne doit en aucun cas précéder la date d’entrée en vigueur de la décision accordant une pension de catégorie 1 aux termes de la Loi sur les pensions ou une combinaison de pension d’invalidité et d’indemnités aux termes de la Loi sur les pensions et d’une indemnité d’invalidité aux termes de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes (LMRIMVFC) totalisant au moins 98 %.

 

22. In no case shall the effective date of the EIA predate the effective date of the decision awarding a Class 1 pension under the Pension Act or a combination of disability pension and compensation under the Pension Act and disability award under the Canadian Forces Members and Veterans Re-establishment and Compensation Act (CFMVRCA) that total 98% or more.

paragraphe 72(1) – Allocation d’incapacité exceptionnelle, article 5 (politique en vigueur à l’époque de la décision MacLeod)

5. Date d’entrée en vigueur

5. Effective Date

a) Généralités : La date d’entrée en vigueur du droit à l’allocation d’incapacité exceptionnelle ne précède pas la date de la décision donnant droit à la pension de la catégorie 1.

a) General: The effective date of an Exceptional Incapacity Allowance award shall not pre-date the date of the decision awarding a Class 1 pension.

b) Première et nouvelle demande :

b) First application and reapplication

(i) Une allocation d’incapacité exceptionnelle peut être versée à compter de la date à laquelle le membre indique au Ministère qu’il a l’intention de présenter une demande (soit, entre autres, par téléphone ou télécopieur, suivi de la soumission d’un formulaire de demande d’allocation d’incapacité exceptionnelle, dûment rempli). Si la demande est envoyée par le représentant du membre, la date d’entrée en vigueur retenue est celle à laquelle le Ministère la reçoit ou y appose le timbre-dateur.

 

(i) An award of Exceptional Incapacity Allowance may be payable from the date an application is made to the Department (including by facsimile or a telephone call followed by a signed application) by a Class 1 pensioner. If the application is received from a representative, the effective date will be the date the application is received or date stamped by the Department.

(ii) Si une décision favorable est rendue à la suite d’une nouvelle demande d’allocation d’incapacité exceptionnelle, la date d’entrée en vigueur de l’allocation est réputée être la date à laquelle le Ministère reçoit la nouvelle demande.

 

(ii) If a favourable decision is reached based on a reapplication for Exceptional Incapacity Allowance, the effective date of the award would be the date the reapplication was received by the Department.

Table des invalidités de 2006, chapitre 7, section 7.08

Dat[e] d’entrée en vigueur

 

Effective Date

Le ministre informera les nouveaux pensionnés de la catégorie 1 de leur droit de présenter une demande pour cette allocation, et il en reviendra aux pensionnés de présenter ou non une demande. La date à laquelle le pensionné indique son désir de présenter une demande pour une allocation d’incapacité exceptionnelle sera considérée comme la « date de la
demande ». Si le pensionné souffre d’une incapacité exceptionnelle qui est la conséquence de l’invalidité pour laquelle il reçoit une pension ou une indemnité d’invalidité (au taux prévu à la catégorie 1) ou qui a été causée par celle-ci, la date d’entrée en vigueur d’une allocation d’incapacité exceptionnelle ne peut pas être antérieure à celle de la décision accordant une pension de catégorie 1 aux termes de la Loi sur les pensions ou une combina[is]on pension d’une d’invalidité et une indemnité aux termes de la Loi sur les pensions et une indemnité d’invalidité aux termes de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes totalisant au moins 98 %.

 

The Minister will notify new Class 1 pensioners of their eligibility to apply for this allowance, at which time they may choose whether or not to apply for it. The date the pension indicates his/her wish to apply for an Exceptional Incapacity Allowance would be considered the “date of application”. If the pensioner is found to be suffering an exceptional incapacity that is a consequence of or caused by the disability or disabilities for which s/he receives pension and an award at Class 1 rates, the effective date of an Exceptional Incapacity Allowance cannot pre-date the effective date of the decision awarding a Class 1 pension under the Pension Act or a combination of Disability Pension and compensation under the Pension Act and Disability Award under the Canadian Forces Members and Veterans Re-establishment and Compensation Act that total 98% or more.

[En blanc / Blank]

[Emphasis in original]

 

Table des invalidités de 1995, chapitre 7, section 7.08

Dat[e] d’entrée en vigueur

 

Effective Date

Le ministre informera les nouveaux pensionnés de la catégorie 1 de leur droit de présenter une demande pour cette allocation, et il en reviendra aux pensionnés de présenter ou non une demande. La date à laquelle le pensionné indique son désir de présenter une demande pour une allocation d’incapacité exceptionnelle sera considérée comme la « date de la demande ». Si on découvre que le pensionné souffre d’une incapacité exceptionnelle causée ou consécutive à l’invalidité ou aux invalidités pour lesquelles il reçoit une pension au taux de la catégorie 1, la date d’entrée en vigueur de cette allocation sera la date de la demande. En aucun cas la date d’entrée en vigueur d’une allocation d’incapacité exceptionnelle ne doit être antérieure à la date de la décision octroyant une pension à la catégorie 1.

The Minister will notify new Class 1 pensioners of their eligibility to apply for this allowance, at which time they may choose whether or not to apply for it. The date the pensioner indicates his/ her wish to apply for an Exceptional Incapacity Allowance would be considered the “date of application.” If the pensioner is found to be suffering an exceptional incapacity that is a consequence of or caused by the disability or disabilities for which s/he receives pension at Class 1 rates, the effective date of the award would be the date of application. In no case shall the effective date of an Exceptional Incapacity Allowance pre- date the date of the decision awarding a Class 1 pension.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-807-16

 

INTITULÉ :

PETER BRIAN STOYEK c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDITION :

Le 1er décembre 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 13 janvier 2017

 

COMPARUTIONS :

Natalia Rodriguez

Pour le demandeur

 

Daniel Caron

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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