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Date : 20161110


Dossier : IMM-2268-16

Référence : 2016 CF 1258

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 10 novembre 2016

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

ALEXANDER CORREA URBANO

JUAN ESTEBAN CORREA RENGIFO

MARIA FERNANDA RENGIFO VELASCO

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Les demandeurs, Alexander Correa Urbano et Maria Fernanda Rengifo Velasco, et leur jeune garçon, Juan Esteban, sont des citoyens de la Colombie qui présentent une demande d’asile au Canada fondée sur une crainte de persécution par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés (SAR) du 13 mai 2016 qui a maintenu la décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR), concluant que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. Il s’agissait de la deuxième décision de la SAR pour ces demandeurs. La décision antérieure de la SAR a été annulée par la Cour. La présente demande est accueillie pour les motifs qui suivent. La conclusion de la SAR selon laquelle les demandeurs devaient fournir une preuve de l’identité de leurs agents de persécution n’est pas raisonnable.

I.                   Norme de contrôle

[3]               Les décisions de la SAR sont examinées selon la norme de la décision raisonnable (voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Huruglica [Huruglica], 2016 CAF 93, au paragraphe 35 et Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 48 et 47).

II.                Les questions en litige

[4]               La question déterminante consiste à déterminer si la SAR a agi de façon raisonnable dans son approche du fardeau de la preuve imposé aux demandeurs relativement à l’identification de leurs agents de persécution.

III.             Analyse

[5]               Les demandeurs d’asile doivent uniquement prouver qu’il y a une « possibilité raisonnable » ou « plus qu’une simple possibilité » ou « de bonnes raisons de croire » qu’ils seront persécutés (voir Alam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [Alam], 2005 CF 4, au paragraphe 5, et Adjei c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [Adjei], [1989] 2 C.F. 680, au paragraphe 8).

[6]               La preuve présentée à la SAR était que pendant qu’ils habitaient en Colombie, les demandeurs adultes étaient des membres actifs d’une organisation de défense des droits de la personne (Fundeci ou Funddeci) et ils ont travaillé dans des communautés rurales avec des personnes marginalisées et déplacées dans leur propre pays, la majorité l’ayant été par les FARC, une organisation de guérilla. Leurs activités incluaient la distribution d’aide humanitaire ainsi qu’informer les gens de leurs droits juridiques et prendre part à des marches et des actions pour la paix. La SAR a accepté cette preuve.

[7]               La SAR possédait également des éléments de preuve de la violence et des menaces envers les demandeurs comme suit :

                En 2011, le demandeur a été victime d’une attaque et d’un vol;

                En février 2014, le demandeur a reçu des menaces verbales;

                Le 1er mai 2014, les pneus du véhicule du demandeur ont été crevés;

                Le 19 mai 2104, les demandeurs ont reçu une enveloppe à leur domicile qui contenait une menace et une photographie d’eux lors de leur participation à une manifestation;

                Le 22 mai 2104, pendant qu’ils se rendaient à une autre ville, les demandeurs ont reçu un appel téléphonique menaçant.

[8]               Les demandeurs ont quitté la Colombie en juin 2014 et allèguent qu’ils ont été la cible de menaces et d’actes de violence par les FARC ou des agents des FARC, en raison de leur engagement envers Funddeci.

[9]               Selon l’examen par la SPR, la SAR était tenue d’effectuer sa propre analyse des éléments de preuve (Huruglica, paragraphe 103). Ici, la SAR conclut au paragraphe 19 [traduction« …ils ne présentent aucun élément de preuve que les personnes qui les ont menacés ou ont endommagé leur propriété s’identifiaient comme des membres des FARC. » Le témoignage des demandeurs et la preuve documentaire contrastent avec la conclusion de la SAR qu’il n’y avait « aucun » élément de preuve. La SAR n’explique pas pourquoi les éléments de preuve des demandeurs ne sont pas acceptés ou pourquoi ils sont insuffisants pour démontrer qu’ils ont « plus qu’une simple possibilité » ou « de bonnes raisons de croire » qu’ils seront persécutés par les FARC (voir : Alam et Adjei).

[10]           En concluant qu’il n’y avait « aucun » élément de preuve, la SAR a imposé un fardeau de la preuve plus grand aux demandeurs. Ceci rend la décision de la SAR déraisonnable.

[11]           En outre, la conclusion de la SAR selon laquelle les demandeurs ont une possibilité de refuge intérieur est également déraisonnable, puisqu’elle est fondée sur la conclusion que les FARC ne sont pas les agents de persécution.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.             La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la SAR est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour un nouvel examen.

2.             Aucune question de portée générale n’est proposée par les parties et aucune n’est soulevée.

« Ann Marie McDonald »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-2268-16

 

 

INTITULÉ :

ALEXANDER CORREA URBANO ET AL. c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 novembre 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

 

DATE DES MOTIFS :

Le 10 novembre 2016

COMPARUTIONS :

Meera Budovitch

 

Pour les demandeurs

 

Christopher Crighton

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Patricia Wells Immigration Lawyers

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

 

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