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Date : 20160122


Dossier : T-2051-10

Référence : 2016 CF 91

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2016

En présence de monsieur le juge O’Keefe

ENTRE :

THE DOW CHEMICAL COMPANY,

DOW GLOBAL TECHNOLOGIES INC. et

DOW CHEMICAL CANADA ULC

demanderesses

et

NOVA CHEMICAL CORPORATION

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Lorsque la décision relative à la présente affaire a été rendue, les demanderesses, The Dow Chemical Company, Dow Global Technologies Inc. et Dow Chemical Canada ULC se sont vues accorder les dépens de l’instance. Un jugement déclaratoire a été prononcé en faveur des demanderesses indiquant que la défenderesse [NOVA] avait contrefait le brevet canadien no 2,160,705 en fabriquant au Canada et en distribuant, en mettant en vente, en vendant ou en mettant d’une façon ou d’une autre à la disposition du public des polymères destinés à la fabrication de pellicules sous le nom de SURPASS.

[2]               L’étape du procès portant sur la responsabilité en l’espèce s’est échelonnée sur une période de 32 jours et était une affaire de brevet extrêmement complexe qui a nécessité la participation de témoins plutôt experts.

[3]               Une quantité importante d’essais ont été effectués par les deux parties. Les demanderesses prétendent avoir effectué au delà de 180 jours d’essais.

[4]               En ce qui a trait aux honoraires des avocats, les demanderesses ont demandé qu’une somme forfaitaire soit accordée fondée sur un pourcentage de leurs honoraires d’avocats réels. Les demanderesses ont également demandé que leur soient accordés les débours raisonnables liés au litige.

[5]               À titre subsidiaire, les demanderesses ont demandé ce qui suit au paragraphe 8 de leurs observations :

À titre subsidiaire, Dow demande que lui soit accordée une somme forfaitaire de l’ordre de 6,5 millions de dollars et 4,7 millions de dollars  en remboursement de ses honoraires et de tous les débours raisonnables et nécessaires. La limite supérieure de la fourchette comprend 2,9 millions de dollars en honoraires, lesquels représentent 30 % de la totalité des honoraires juridiques de Dow, et de 3,6 millions de dollars en remboursement de ses débours raisonnables et nécessaires. La limite inférieure comprend 1,1 million de dollars en remboursement des honoraires de Dow, fondés sur la Colonne V du tarif, et de 3,6 millions de dollars en remboursement de ses débours raisonnables et nécessaires.

[souligné dans l’original]

[6]               Au paragraphe 150 de ses observations, la défenderesse a demandé ce qui suit :

Nova demande respectueusement une ordonnance voulant que soit effectuée la taxation servant à quantifier les dépens de Dow et que l’officier taxateur soit instruit des directives présentées ci-dessous :

a)         Les honoraires et les débours autorisés doivent être recouvrés uniquement en ce qui a trait aux procédures liées à la tenue du procès et sont distincts de ceux liés à la demande reconventionnelle liée à la Loi sur la concurrence;

b)         Le recouvrement des débours autorisés pour les déplacements, l’hébergement et les dépenses connexes ne peut avoir lieu que s’ils peuvent être considérés comme modestes. Toutes les dépenses liées aux déplacements doivent être fondées sur le tarif de classe économique, et elles ne peuvent s’étendre à un deuxième, troisième ou quatrième avocat en ce qui a trait aux articles visés par le tarif si l’autorisation relative à un deuxième, troisième ou quatrième avocat n’a pas été précisément obtenue. Les dépenses d’hôtel doivent être fondées sur des prix modérés. Les dépenses liées à l’alcool, le cinéma et autre activité de divertissement ne peuvent être remboursées;

c)         Les honoraires ne peuvent être remboursés en ce qui a trait à la période de la pause repas lors des audiences ou des examens préliminaires;

d)         La taxation des dépens de Dow doit être effectuée selon le sommet de la Colonne IV du Tarif B;

e)         Les honoraires d’un avocat pour participer à une mise à l’essai sont acceptés aux fins de la taxation des frais en fonction de 1unité/heure suivant l’article 27 du Tarif B;

f)          Sauf lorsqu’il s’agit de préparer les témoins experts et les témoins de faits, où, seuls, les frais d’un premier avocat sont des honoraires acceptés, et des débours raisonnables liés à un premier et à un deuxième avocat sont acceptés à des fins de procédures préalables à l’instruction :

(i)         Les frais du premier et du deuxième avocat sont remboursables uniquement si Dow a été représenté par plusieurs avocats;

(ii)        Dow peut seulement obtenir le remboursement de frais liés aux conférences de gestion de cas dans la mesure où celles-ci portaient sur des requêtes au sujet desquelles le remboursement de frais a été accordé à Dow. Si les frais liés à une requête étaient fixes, il se peut que Dow ne puisse obtenir le remboursement lié aux conférences de gestion de cas portant sur une requête donnée; et

(iii)       Les frais liés aux témoins de faits de Dow, Paul Margolis, et à ses dépenses de déplacement ne peuvent être remboursés.

g)         Les frais relatifs à deux premiers avocats et à deux deuxièmes avocats sont acceptés pour permettre la préparation en vue d’un procès et la participation audit procès, alors que Dow était représenté par quatre d’entre eux. Les frais des deux premiers avocats et deux deuxièmes avocats sont acceptés pour permettre la préparation et le dépôt des observations par écrit en vue du procès;

(h)        Aucun frais ne sera accepté en ce qui a trait aux déplacements, l’hébergement, et autres dépenses connexes engagées par l’avocat-conseil de Dow, M.  Garland, en vue de participer ou de se présenter au procès;

i)          Des honoraires et des débours raisonnables sont acceptés dans le cas des Drs Soares, Young, Scott et Mehdiabadi pour la préparation de leurs rapports d’expert, être présents lors des mises à l’essai, et pour les jours de témoignage au procès. Les frais et les débours liés aux essais expérimentaux qui n’ont pas été produits par Dow au procès ne sont pas acceptés.

j)          Aucuns frais liés à l’analyse interne effectuée par Dow ne sont acceptés;

k)         Aucuns frais liés à la préparation de nouveaux outils graphiques destinés au procès qui n’ont pas été utilisés dans le cadre du litige américain ne peuvent être remboursés;

l)          Aucuns frais liés à la gestion de la production et à l’hébergement ne sont acceptés.

m)        Les frais les moins élevés entre les frais réels engagés par Dow ou 16 ¢ la copie pour des photocopies essentielles sont acceptés;

n)         Des débours raisonnables liés à la participation de témoins des faits au procès sont acceptés;

o)         Les frais et les débours raisonnables d’un (1) avocat liés à la préparation en vue de la taxation des frais et de la participation à la taxation des frais sont acceptés;

p)         Aucuns frais supplémentaires liés aux taxes fédérales ou provinciales ne sont accordés.

[7]               L’article 400 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, est en partie libellé ainsi :

400. (1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer.

400. (1) The Court shall have full discretionary power over the amount and allocation of costs and the determination of by whom they are to be paid.

(2) Les dépens peuvent être adjugés à la Couronne ou contre elle.

(2) Costs may be awarded to or against the Crown.

(3) Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs suivants :

(3) In exercising its discretion under subsection (1), the Court may consider

a) le résultat de l’instance;

(a) the result of the proceeding;

b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées;

(b) the amounts claimed and the amounts recovered;

c) l’importance et la complexité des questions en litige;

(c) the importance and complexity of the issues;

d) le partage de la responsabilité;

(d) the apportionment of liability;

e) toute offre écrite de règlement;

(e) any written offer to settle;

f) toute offre de contribution faite en vertu de la règle 421;

f) any offer to contribute made under rule 421;

g) la charge de travail;

(g) the amount of work;

h) le fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens;

(h) whether the public interest in having the proceeding litigated justifies a particular award of costs;

i) la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance;

(i) any conduct of a party that tended to shorten or unnecessarily lengthen the duration of the proceeding;

j) le défaut de la part d’une partie de signifier une demande visée à la règle 255 ou de reconnaître ce qui aurait dû être admis;

(j) the failure by a party to admit anything that should have been admitted or to serve a request to admit;

k) la question de savoir si une mesure prise au cours de l’instance, selon le cas :

(k) whether any step in the proceeding was

(i) était inappropriée, vexatoire ou inutile,

(i) improper, vexatious or unnecessary, or

(ii) a été entreprise de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection;

(ii) taken through negligence, mistake or excessive caution;

l) la question de savoir si plus d’un mémoire de dépens devrait être accordé lorsque deux ou plusieurs parties sont représentées par différents avocats ou lorsque, étant représentées par le même avocat, elles ont scindé inutilement leur défense;

(l) whether more than one set of costs should be allowed, where two or more parties were represented by different solicitors or were represented by the same solicitor but separated their defence unnecessarily;

m) la question de savoir si deux ou plusieurs parties représentées par le même avocat ont engagé inutilement des instances distinctes;

(m) whether two or more parties, represented by the same solicitor, initiated separate proceedings unnecessarily;

n) la question de savoir si la partie qui a eu gain de cause dans une action a exagéré le montant de sa réclamation, notamment celle indiquée dans la demande reconventionnelle ou la mise en cause, pour éviter l’application des règles 292 à 299;

(n) whether a party who was successful in an action exaggerated a claim, including a counterclaim or third party claim, to avoid the operation of rules 292 to 299;

n.1) la question de savoir si les dépenses engagées pour la déposition d’un témoin expert étaient justifiées compte tenu de l’un ou l’autre des facteurs suivants :

 (n.1) whether the expense required to have an expert witness give evidence was justified given

(i) la nature du litige, son importance pour le public et la nécessité de clarifier le droit;

(i) the nature of the litigation, its public significance and any need to clarify the law

(ii) le nombre, la complexité ou la nature technique des questions en litige,

(ii) the number, complexity or technical nature of the issues in dispute, or

(iii) la somme en litige;

(iii) the amount in dispute in the proceeding; and

o) toute autre question qu’elle juge pertinente.

(o) any other matter that it considers relevant.

(4) La Cour peut fixer tout ou partie des dépens en se reportant au tarif B et adjuger une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés.

(4) The Court may fix all or part of any costs by reference to Tariff B and may award a lump sum in lieu of, or in addition to, any assessed costs

(5) Dans le cas où la Cour ordonne que les dépens soient taxés conformément au tarif B, elle peut donner des directives prescrivant que la taxation soit faite selon une colonne déterminée ou une combinaison de colonnes du tableau de ce tarif.

(5) Where the Court orders that costs be assessed in accordance with Tariff B, the Court may direct that the assessment be performed under a specific column or combination of columns of the table to that Tariff.

[8]               L’article 407 des Règles des Cours fédérales indique :

407. Sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens partie-partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B.

407. Unless the Court orders otherwise, party-and-party costs shall be assessed in accordance with column III of the table to Tariff B.

[9]               Les demanderesses ont ajouté un mémoire de dépens à leurs observations relatives aux dépens (indiqué comme annexe A ci-joint), les détails des débours (indiqués comme annexe B ci-joint, et indiqués comme annexe C ci-joint, les détails des honoraires.

[10]           Dans Philip Morris Products S.A. v Marlboro Canada Ltd., 2011 FC 1113, le juge de Montigny a statué aux paragraphes 11 et 12 :

[traduction]

11        Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit prendre plusieurs facteurs en considération lorsqu’il s’agit d’adjuger des frais. L’adjudication des frais entre parties ne constitue pas un exercice exact, ni un exercice comptable. Il ne s’agit que d’une estimation du montant que la Cour juge approprié à titre de contribution aux dépens avocat-client de la partie qui a obtenu gain de cause. Règle générale, l’allocation de dépens représente un compromis entre l’indemnisation de la partie qui a gain de cause et la non-imposition d’une charge excessive à la partie qui succombe. (Apotex Inc c. Wellcome Foundation Ltd (1998) 159 FTR 233, 84 ACWS (3d) 641, aff’d 199 FTR 320, 103 ACWS (3d) 269). Qui plus est, l’adjudication de frais ne doit pas servir d’indemnité partielle à la partie qui a gain de cause, elle doit plutôt encourager le règlement des différends et décourager un comportement abusif (Consorzio del Prosciutto di Parma v Maple Leaf Meats Inc, précité, paragraphes 8-10; Sherman c Minister of National Revenue 2003 CAF 202, paragraphe 46, [2003] 4 CF 865).

12        Une liste non exhaustive de facteurs que la Cour peut considérer lors de l’adjudication des dépens est prévue au paragraphe 400(3) des Règles. Les facteurs possiblement pertinents sont, notamment :

(3)  idem l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs suivants :

a)  le résultat de l’instance;

c)  l’importance et la complexité des questions en litige;

[...]

g)   la charge de travail;

h)  le fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens;

i)   la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance;

[...]

o)  toute autre question qu’elle juge pertinente.

[...]

[11]           Il ne fait aucun doute qu’en l’espèce, les demanderesses ont eu gain de cause, et par conséquent des dépens leur seront accordés, mais il faut trancher les questions suivantes : quel montant doit être accordé et comment ce montant doit-il être établi?

[12]           En ce qui a trait à la complexité de l’affaire, tout le monde s’entend pour tire qu’il s’agissait d’un cas très complexe traitant de questions et de concepts compliqués. Le cas portait sur plusieurs aspects complexes de chimie. Au moins 22 allégations d’invalidité ont été soulevées par la défenderesse. La période du procès a été prolongée de 20 jours à 32 jours. Les observations écrites à la fin du procès dépassaient les 700 pages et l’argumentation orale a pris environ trois jours.

[13]           À la lumière des faits présentés au paragraphe 12 ci-dessus, le montant de travail que cette affaire a nécessité était colossal. Selon l’information qui a également été communiquée à la Cour, les parties ont tenu 33 jours d’interrogatoires préalables au Canada.

[14]           De plus, la mise à l’essai exhaustive de matériaux a été effectuée par les parties aussi loin qu’en Hollande et au Texas.

[15]           J’estime que les facteurs soulevés ci-dessus militent en faveur d’une augmentation des dépens à accorder aux demanderesses.

[16]           À cette étape, il serait intéressant d’examiner certaines décisions relatives aux dépens rendues par cette Cour.

[17]           Dans Air Canada v Toronto Port Authority, 2010 FC 1335, le juge Hughes a indiqué, aux paragraphes 14 à 16, que :

[traduction]

[14]      Traditionnellement, la Cour fédérale du Canada n’a pas agi en chef de file en comparaison avec les autres cours supérieures canadiennes, comme en Ontario, en ce qui a trait au barème à appliquer pour calculer adéquatement les dépens. Très souvent, les parties en cause devant la Cour fédérale sont des personnes qui disposent de moyens limités qui intentent une action contre le gouvernement fédéral concernant un litige quelconque. L’échelle des frais est habituellement modeste dans de telles circonstances et habituellement non existante dans les cas d’immigration. Les cas d’affaires commerciales complexes sont souvent des questions de propriété intellectuelle découlant notamment d’actions en contrefaçon de brevet ou des demandes présentées en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 tel que modifié. Quoi qu’il en soit, les frais relatifs à ces questions sont taxés essentiellement en se fondant sur les niveaux les plus élevés du Tarif comme à la Colonne IV ou V.

[15]      D’autres administrations, comme en Ontario, se sont éloignées du tarif pour privilégier des concepts de l’indemnité entière et partielle fondée sur les frais et les débours réels engagés dans le cadre de l’instance. La théorie qui sous-tend cette approche se résume au fait que la partie qui a gain de cause ne devrait pas être pénalisée simplement parce qu’elle a intenté une action, ou qu’elle a dû avoir recours tribunaux. Pour ce faire, la Cour doit cependant prendre en compte le fait qu’une partie, bien qu’elle eut gain de cause, peut avoir obtenu que partiellement gain de cause, ou que la décision n’avait pas été facile à trancher, ou qu’il s’agissait d’une affaire qui n’aurait pu être réglée sans l’intervention de la Cour. Par conséquent, la partie qui n’a pas gain de cause, ne doit pas être indûment punie en devant assumer non seulement ses propres frais, mais également ceux engagés par l’autre partie.

[16]      En l’espèce, je suis convaincu que l’approche de l’indemnisation est la bonne, et je dois simplement décider s’il faut une indemnisation entière ou partielle, et dans le dernier cas, quelle doit être la répartition. Comme je l’ai indiqué plus tôt il ne semble pas y avoir de véritable contestation en ce qui a trait au quantum des coûts et des débours réels. Je suis convaincu que Toronto Port Authority et Porter Airlines Inc. devraient, de part et d’autre, recouvrer la totalité des débours d’Air Canada.

[18]           Dans Philip Morris Products SA c. Marlboro Canada Ltd, 2015 CAF 9, au paragraphe 4, la juge Gauthier s’est adressée à la Cour en ces termes :

Les appelantes font valoir que le juge de Montigny a invoqué des considérations inapplicables et insuffisantes pour déroger au tarif B. Nous ne sommes pas d’accord. Étant donné que le paragraphe 400(4) des Règles prévoit expressément la dérogation au tarif B, le juge n’a commis aucune erreur de principe en accordant une somme globale au lieu du montant prévu par le tarif. Les appelantes ont convenu à l’audience qu’il existe effectivement une tendance judiciaire à l’adjudication, autant que possible, d’une somme globale (voir, par exemple, l’Avis aux parties et à la communauté juridique sur les dépens donnés par la Cour fédérale le 30 avril 2010 et l’arrêt Consorzio del Prosciutto di Parma c. Maple Leaf Meats Inc., 2002 CAF 417, [2003] 2 C.F. 451). À mon avis, dans le cas de parties commerciales averties, il n’est pas rare d’adjuger une somme globale calculée selon un pourcentage des dépens payés.

[19]           Dans Philip Morris Products S.A. and Rothmans, Benson & Hedges Inc. v Marlboro Canada Limited and Imperial Tobacco Canada Limited, 2014 CF 2, le juge de Montigny a déclaré au paragraphe 6 :

[traduction]

J’ai déjà relevé les principes qui régissent l’adjudication des frais dans la décision que j’ai rendue antérieurement, ainsi que les motifs justifiant le montant forfaitaire comme un moyen approprié dans les circonstances en l’espèce. Je ne vois pas pourquoi je ne devrais pas souscrire à ce raisonnement. Plus particulièrement, je demeure convaincu qu’une adjudication en vertu du Tarif B, même au sommet de l’échelle de la Colonne V, ne permettrait pas de s’approcher des frais réels engendrés par ce litige. Cette affaire était complexe et importante pour les deux parties parties, soulevant des questions de faits et de droit compliquées. Ce facteur, en tant que tel, milite en faveur d’une augmentation de l’adjudication des frais, et cette réalité n’a pas changé depuis que la décision du procès a été partiellement infirmée par la Cour d’appel fédérale. Je souscris entièrement à la position de mon collègue le juge Hughes dans Air Canada v Toronto Port Authority, 2010 FC 1335, paragraphe 15, quand il affirme que : [traduction] « [...] la partie qui a gain de cause ne devrait pas être pénalisée simplement parce qu’elle a intenté une action, ou qu’elle a dû avoir recours tribunaux ».

[20]           La défenderesse soutient que les dépens qu’il convient d’adjuger sont une taxation des frais indiquant la direction à prendre. Elle soutient qu’il ne convient pas d’adjuger une somme globale en raison de l’insuffisance de renseignements au dossier et de l’absence de détails pertinents dans le mémoire de dépenses. La défenderesse indique qu’aucun élément de preuve n’appuie l’existence des débours réclamés de 3,6 millions de dollars et elle cite le paragraphe 1(4) du Tarif B des Règles des Cours fédérales. Les objections de la défenderesse relatives au mémoire de dépens sont soulevées dans la table des matières des représentations des frais présentées par écrit par la défenderesse et les détails relatifs à ses objections sont soulignées dans ses représentations écrites relatives aux frais.

[21]           Dans Apotex Inc c. Syntex Pharmaceuticals International Ltd et al (1999), 2 CPR (4 th) 368 (FCTD) aux paragraphes 2 à 4, le juge Reed a indiqué :

2          L’avocat de la demanderesse fait valoir, à juste titre, qu’il y a lieu de trancher la requête suivant l’esprit des modifications apportées en 1995 aux dispositions relatives aux dépens contenues dans les Règles de la Cour fédérale (DORS/95-282). L’adjudication des dépens à la partie qui a gain de cause vise deux fins : décourager les litiges mal fondés et indemniser partiellement la partie qui a gain de cause des frais supportés pour se défendre ou pour engager l’action, selon le cas.

3          Bien qu’il soit possible que l’adjudication des dépens n’ait jamais visé une indemnisation totale, il est à noter que ces dernières années, le tarif des Règles de la Cour fédérale, et ceux d’autres ressorts ont conduit à des adjudications ridiculement peu élevées.

4          Les modifications apportées en 1995 aux Règles de la Cour fédérale ont établi un barème de dépens, nouveau et souple, et ont conféré à la Cour un large pouvoir discrétionnaire pour fixer, dans les cas appropriés, des dépens additionnels dépassant les montants prévus au tarif. Selon certains, les Règles de la Cour fédérale reflètent maintenant le principe selon lequel les dépens adjugés raisonnablement correspondre aux coûts réels entraînés par la conduite du litige :

La nouvelle règle institue une nouvelle façon d’aborder la taxation des dépens. Sous l’ancien régime, la jurisprudence était claire : les parties ne pouvaient s’attendre à recouvrer tous leurs dépens en vertu du tarif des dépens entre parties.  La nouvelle règle pose pour principe général que les dépens entre parties doivent avoir un rapport raisonnable avec le coût réel du litige.

Cette nouvelle tendance consiste à faire en sorte que les parties soient en mesure de recouvrer les frais réels de l’instance, mais toujours sous le contrôle discrétionnaire de la Cour. Les procédures et les retards qu’une partie pourrait raisonnablement éviter seront pris en compte dans la taxation des dépens. Autrement dit, un avertissement sans équivoque a été donné aux parties : celle qui ne fait pas diligence en supportera les conséquences. [Non souligné dans l’original.]

Sanmammas Compania Maritima S.A. c. Netuno et al. (1995), 102 F.T.R. 181 à la page 184 (1re inst.)

[22]           Après avoir pris en considération les observations des parties, et la jurisprudence de cette Cour, j’estime qu’il convient d’adjuger un montant global de dépens en l’espèce.

[23]           Selon les observations des parties, le total réel des dépens de Dow était de 9,6 millions de dollars. Les détails relatifs à ces honoraires sont indiqués à l’Annexe C des détails relatifs aux honoraires des demanderesses.

[24]           De plus, selon les observations des demanderesses, si leurs honoraires étaient taxés suivant la Colonne V du Tarif B, ils totaliseraient seulement 1 099 725 $, ce qui représente 11 % de la totalité des honoraires juridiques des demanderesses.

[25]           Dans ses observations la défenderesse n’a produit aucune donnée relative à la totalité de ses honoraires juridiques réels  liés à cette action.

[26]           J’estime qu’en l’espèce, il serait tout à fait inapproprié d’adjuger en faveur des demanderesses des frais de seulement 1 099 725 $ en suivant la Colonne V du Tarif B. Recouvrer uniquement 11 % de vos frais dans une affaire aussi complexe est inacceptable.

[27]           J’estime également qu’ordonner une taxation des frais en l’espèce n’est pas la bonne approche. Les frais que cela engendrait pour les parties et le temps requis pour effectuer cette taxation seraient considérables. En fait, les observations portant sur les frais dont j’ai été saisi étaient exhaustives et le dossier relatif à une taxation le serait encore davantage.

[28]           Par conséquent, je conclus qu’il convient mieux d’adjuger un montant global de dépens aux demanderesses. Il ne servirait à rien d’effectuer une taxation des frais.

[29]           Comme il a été antérieurement souligné, les demanderesses veulent que leur soit adjugé un montant global de 2,9 millions de dollars pour leurs honoraires juridiques. Cette somme représente environ 30 % des honoraires juridiques réels. En raison de la complexité de la présente affaire et des nombreuses questions soulevées, j’estime que cette somme est raisonnable. Une somme de 12,9 millions de dollars est adjugée aux demanderesses au titre des frais juridiques liés à leurs honoraires juridiques.

[30]           En ce qui a trait aux débours, je suis convaincu que le mémoire de dépens et les annexes produites par les demanderesses fournissent assez de détails pour accorder les débours demandés. Les débours étaient raisonnables.

[31]           La défenderesse a soutenu qu’un affidavit aurait dû être produit à l’appui de la réclamation des débours et qu’en l’absence d’un affidavit, les débours n’ont pas été établis.

[32]           Le paragraphe 1(4) du Tarif B des Règles des Cours fédérales est ainsi formulé.

1. (4) À l’exception des droits payés au greffe, aucun débours n’est taxé ou accepté aux termes du présent tarif à moins qu’il ne soit raisonnable et que la preuve qu’il a été engagé par la partie ou est payable par elle n’est fournie par affidavit ou par l’avocat qui comparaît à la taxation.

1. (4) No disbursement, other than fees paid to the Registry, shall be assessed or allowed under this Tariff unless it is reasonable and it is established by affidavit or by the solicitor appearing on the assessment that the disbursement was made or is payable by the party.

[33]           J’estime que, si la question des frais avait fait l’objet d’une taxation, l’avocat aurait pu établir le montant des débours au moment d’adjuger un montant forfaitaire qui traite des débours. J’estime que le même raisonnement s’applique en l’espèce.

[34]           Le mémoire de dépens et les annexes me convainquent du caractère raisonnable et de montant des débours. Bien que certaines sommes puissent être remises en question, dans l’ensemble, je suis convaincu, comme je l’ai indiqué ci-dessus, qu’elles sont de nature à permettre d’accueillir la réclamation relative aux débours.

[35]           Je soulignerais qu’en ce qui a trait aux débours relatifs aux essais liés au polymère fabriqué dans son premier réacteur [Réacteur 1], la défenderesse a indiqué à l’origine qu’elle n’était pas en mesure de reproduire aucun des éléments du Réacteur 1, mais lors du contre-interrogatoire, le témoin de Nova, le Dr Kelusky, a avoué que NOVA  pouvait reproduire des éléments du Réacteur 1, et qu’elle l’avait fait.

[36]           En conclusion, je vais accorder un montant forfaitaire de 6,5 millions de dollars aux demanderesses pour les frais liés à cette affaire. La somme comprend 2,9 millions de dollars en honoraires juridiques et 3,6 millions de dollars pour les débours raisonnables et nécessaires des demanderesses.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. Il sera prononcé un jugement déclaratoire portant que les revendications nos 11, 15, 29, 30, 33, 35, 36, 41 et 42 du brevet canadien no 2160705 sont valides et que Nova Chemicals Corporation a contrefait ces revendications en fabriquant au Canada et en distribuant, en mettant en vente, en vendant ou en mettant d’une façon ou d’une autre à la disposition du public des polymères destinés à la fabrication de pellicules sous le nom de SURPASS.
  2. Les demanderesses ont le choix, après enquête et communication intégrale, entre une comptabilisation des profits de la défenderesse et des dommages-intérêts les indemnisant en totalité du préjudice subi par suite du manque à gagner qui découle directement pour elles de la contrefaçon par la défenderesse du brevet susmentionné. Ces dommages-intérêts ou les profits en question seront calculés dans le cadre d’un renvoi précédé par une communication préalable au besoin.
  3. Les demanderesses ont droit, en vertu du paragraphe 55(2) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, à une indemnité raisonnable pour tout acte de la défenderesse leur ayant fait subir un dommage entre la date à laquelle la demande du brevet canadien no 2160705 est devenue accessible au public pour consultation et celle à laquelle le brevet en question a été octroyé. Cette indemnité sera calculée dans le cadre d’un renvoi précédé par une communication préalable au besoin.
  4. Les demanderesses ont droit aux intérêts avant jugement sur le montant de l’indemnité raisonnable qui leur sera accordée en vertu du paragraphe 55(2) de la Loi sur les brevets pour les actes de la défenderesse ainsi que sur le montant des dommages-intérêts qui leur seront octroyés (dans le cas où elles choisiraient d’être indemnisées par voie de dommages-intérêts), intérêts non composés, d’un taux d’intérêt à calculer séparément pour chaque année à compter du début de l’année de l’activité contrefaisante, égal au taux bancaire annuel moyen établi par la Banque du Canada comme taux minimum auquel elle consent des avances à court terme aux banques énumérées à l’annexe I de la Loi sur les banques, LC 1991, ch 46. Cependant, cette décision est subordonnée à la condition que le juge chargé du renvoi n’accorde pas d’intérêts en vertu d’un droit visé à l’alinéa 36(4)f) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, ch. F-7.
  5. Si les demanderesses choisissent la comptabilisation des profits, le juge chargé du renvoi établira les intérêts applicables.
  6. Les demanderesses ont droit à des intérêts après jugement, non composés, au taux annuel de cinq pour cent (5 %) (dans le cas où elles choisiraient d’être indemnisées par voie de dommages-intérêts). Ces intérêts commenceront à courir au moment de la taxation définitive du montant des dommages-intérêts ou des profits à restituer. Jusqu’à ce moment, les intérêts avant jugement seront applicables.
  7. Les demanderesses ont droit à leurs dépens et les parties peuvent présenter des observations sur le montant des dépens de la manière suivante :

a.                   Les demanderesses déposeront et signifieront leurs observations au sujet du montant des dépens dans les 20 jours ouvrables du prononcé des présents motifs du jugement.

b.                  NOVA déposera et signifiera ses observations au sujet du montant des dépens dans les 20 jours ouvrables du prononcé des présents motifs du jugement;

c.                   Dow déposera et signifiera ses observations en réplique au sujet du montant des dépens 20 jours après le dépôt et la signification des observations en réponse de NOVA.

  1. La demande reconventionnelle de la défenderesse est rejetée, avec dépens, à taxer conformément à mes motifs.
  2. Les paragraphes suivants des rapports d’experts ne sont pas admissibles en preuve :

Rapports d’experts

Paragraphes

Rapport de réfutation de l’expert DJoao Soares (15 juillet 2013)

182 à 185 (fractions de la composante B de SURPASS)

Rapport en réplique de l’expert DRobert Young (3 septembre 2013)

88 à 93

Rapport en réplique de l’expert DJoao Soares (3 septembre2013)

31 à 34

  1. Un montant forfaitaire de 6,5 millions de dollars est accordé aux demanderesses pour les frais liés à cette affaire La somme comprend 2,9 millions de dollars en honoraires juridiques et 3,6 millions de dollars pour les débours raisonnables et nécessaires des demanderesses.

« John A.  O’Keefe »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2051-10

 

INTITULÉ :

THE DOW CHEMICAL COMPANY, DOW GLOBAL TECHNOLOGIES INC. ET DOW CHEMICAL CANADA ULC c NOVA CHEMICAL CORPORATION

 

LES OBSERVATIONS SUR LES DÉPENS ONT ÉTÉ FAITES PAR ÉCRIT ET EXAMINÉES À OTTAWA (ONTARIO)

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

Le juge O’KEEF

 

DATE DES MOTIFS :

LE 22 JANVIER 2016

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Ronald E. Dimock

Michael D. Crinson

Angela M. Furlanetto

Ryan T. Evans

Pour les demanderesses

THE DOW CHEMICAL COMPANY,

DOW GLOBAL TECHNOLOGIES INC. et

DOW CHEMICAL CANADA ULC

 

Robert H. C. MacFarlane

Michael E. Charles

Joshua W. Spicer

Pour la défenderesse

NOVA CHEMICAL CORPORATION

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dimock Stratton LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Smart & Biggar/Fetherstonhaugh

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les demanderesses

THE DOW CHEMICAL COMPANY,

DOW GLOBAL TECHNOLOGIES INC. et

DOW CHEMICAL CANADA ULC

 

Bereskin & Parr LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour la défenderesse

NOVA CHEMICAL CORPORATION

 

 

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