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Date : 20161129

Dossier : T-283-13

Référence : 2016 CF 1322

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 novembre 2016

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

(défendeur dans la requête)

et

KPMG s.r.l./S.E.N.C.R.L.

défenderesse

(demanderesse dans la requête)

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Dans la présente requête, qui est jugée sur dossier, KPMG s.r.l./S.E.N.C.R.L. souhaite casser ou annuler une ordonnance du juge Noël datée du 18 février 2013. Cette ordonnance autorisait le ministre du Revenu national à imposer à la société KPMG une exigence en vertu du paragraphe 231.2(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) [la Loi] aux fins de la divulgation de renseignements confidentiels liés à certains de ses clients non désignés, notamment leur identité et la documentation liée à leur participation à une structure fiscale appelée « structure de société étrangère » [l’exigence relative aux personnes non désignées].

[2]               KPMG prétend que l’exigence relative aux personnes non désignées devrait être cassée ou annulée parce que l’article 208 du Code of Professional Conduct [le Code] du Chartered Professional Accountants of Ontario prévoit que, sous réserve d’exceptions énumérées, [traduction] « un membre ou une firme ne doit divulguer aucun renseignement confidentiel concernant les affaires d’un client, d’un ancien client, d’un employeur ou d’un ancien employeur ». Je crois comprendre que KPMG est soumise à une règle analogue dans plusieurs autres provinces.

[3]               Le ministre répond que l’obligation de confidentialité de KPMG, notamment en application de l’article 208 du Code, n’empêche pas le ministre d’exiger et d’obtenir les renseignements qui sont décrits dans une ordonnance rendue par la Cour conformément au paragraphe 231.2(3) de la Loi. Je suis d’accord.

[4]               KPMG ne semble pas s’opposer à la position du ministre relativement à la présente affaire. Cependant, elle invite la Cour à exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder la dispense qu’elle a demandée, en raison de l’existence de l’obligation en vertu de l’article 208 du Code (et des règles semblables qui sont en vigueur ailleurs au Canada), et parce que le paragraphe 231.2(3) de la Loi a été modifié le 26 juin 2013 pour éliminer la capacité de la Cour de rendre des ordonnances ex parte en vertu de cette disposition. Selon KPMG, l’exigence relative aux personnes non désignées semble être l’une des dernières, sinon la dernière, des exigences rendues en vertu du paragraphe 231.2(3) de la Loi, avant sa modification en 2013.

[5]               À l’appui de sa demande, KPMG note que le commentaire 2 de l’article 208 du Code reconnaît que [traduction] « l’obligation de confidentialité n’excuse pas un membre ou une firme de se conformer à une exigence juridique relative à la divulgation des renseignements ». KPMG fait également remarquer que le commentaire 2 ajoute que [traduction] « les tribunaux ont conclu qu’un membre ou une firme confrontés à une assignation à témoigner ou à une autre demande visant la divulgation de renseignements devrait connaître l’obligation de mentionner à la cour ou à une autre compétence son obligation de confidentialité envers son client », et qu’ultimement, c’est à la cour de déterminer [traduction] « si la confidentialité des renseignements devrait être protégée ».

[6]               Je ne suis pas persuadé qu’il convient en l’espèce d’accorder la dispense demandée par KPMG.

[7]               Une des exceptions prévues au principe général de la confidentialité énumérée à l’article 208 du Code permet la divulgation de renseignements confidentiels en l’absence du consentement du client lorsque [traduction] « ces renseignements doivent être divulgués en vertu d’une ordonnance d’une autorité légitime » (alinéa 208.1c) du Code).

[8]               L’ordonnance du juge Noël datée du 18 février 2013 était une ordonnance d’une autorité légitime. KPMG n’a rien suggéré de contraire et n’a pas déterminé de principe juridique ni de jurisprudence qui pourrait appuyer la proposition selon laquelle l’article 208 du Code fournit un fondement valable à l’exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire pour casser ou annuler une ordonnance rendue conformément à une loi dûment édictée par le législateur.

[9]               À mon avis, le libellé du paragraphe 231.2(3) de la Loi est clair et il l’emporte sur la règle générale de confidentialité imposée par l’article 208 du Code. Le simple fait que l’article 208 du Code et d’autres articles semblables dans les autres provinces existent ne constituerait pas normalement un fondement suffisant pour justifier que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire pour annuler une ordonnance rendue de manière valide conformément au paragraphe 231.2(3) de la Loi. Rien dans les faits en l’espèce ne justifie l’exercice du pouvoir discrétionnaire. En effet, l’annulation ou la modification de l’ordonnance du juge Noël fondée sur les préoccupations de KPMG en matière de confidentialité semble incompatible avec l’intention du législateur de promulguer l’article 231.2 de la Loi (R c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 RCS 627, aux paragraphes 36 à 38; M.R.N. c. Sand Exploration Ltd., [1995] ACF no 780 (QL), aux paragraphes 17 et 18 (1re inst.)).

[10]           Comme KPMG a informé ses clients non désignés, et comme le reconnaît le ministre, toute revendication de secret professionnel qu’elle souhaite déposer peut être soulevée au moment de la conformité de KPMG avec l’exigence sur les personnes non désignées.

[11]           Le fait que le paragraphe 231.2(3) de la Loi ait été modifié afin de supprimer la capacité du ministre à obtenir les renseignements qui y sont décrits ex parte ne change pas l’analyse précédente.

[12]           Pour les motifs précédents, la requête est rejetée avec dépens.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.      La requête de KPMG en vue d’annuler ou de modifier l’ordonnance du juge Noël datée du 18 février 2013 est rejetée avec dépens.

« Paul S. Crampton »

Juge en chef


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

T-283-13

 

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL c. KPMG s.r.l./S.E.N.C.R.L

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) EN VERTU DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 29 NOVEMBRE 2016

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Neva Beckie

Carl Januszczak

Lise Walsh

 

Pour le demandeur

Mahmud Jamal

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Bureau régional de la Colombie-Britannique

840, rue Howe, bureau 900

Vancouver (Colombie-Britannique)  V6Z 2S9

 

Pour le demandeur

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L., s.r.l.

100, rue King Ouest

1 First Canadian Place

Bureau 6200, case postale 50

Toronto (Ontario)  M5X 1B8

Pour la défenderesse

 

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