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Date : 20161117


Dossier : T-649-16

Référence : 2016 CF 1282

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2016

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

DANNY PARADIS

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Danny Paradis travaillait comme grutier spécialisé en montage de lignes électriques en Alberta. Souffrant d’insomnie, il consommait du cannabis le soir pour s’endormir. Rien ne laisse croire qu’il en consommait pendant les heures de travail ou qu’il ait travaillé avec des facultés affaiblies. Il a toutefois été congédié après qu’une analyse d’urine a révélé la présence de tétrahydrocannabinol (THC) dans son système. M. Paradis a réclamé de l’assurance-emploi, qui lui a été refusée. Le Tribunal de la sécurité sociale a maintenu la décision d’exclusion du bénéfice des prestations. Sa demande d’interjeter appel de la décision a été rejetée. Le demandeur, se représentant lui-même, a déposé la présente demande de contrôle judiciaire de cette décision.

I.                   CONTEXTE

[2]               M. Paradis a 27 ans. Du 26 mai 2014 au 4 avril 2015, il a travaillé comme grutier pour Forbes Bros. Ltd. Le 4 avril 2015, il s’est évanoui au travail parce que, allègue-t-il, il était déshydraté et avait inhalé des gaz d’échappement. Par mesure de précaution, M. Paradis a été envoyé à l’hôpital. Comme il manœuvrait de la machinerie lourde, il a dû se soumettre à un test de dépistage de drogues ultérieur à un incident, conformément à la politique de l’employeur. Le test a révélé la présence de THC, l’un des ingrédients actifs de la marijuana. La politique de l’employeur interdit à tous les employés d’être sous l’effet d’une drogue illicite ou de l’alcool, ou d’avoir une dépendance à une drogue illicite ou à l’alcool sur le lieu de travail. M. Paradis a été congédié sur-le-champ pour non-respect de la politique. Rien dans le dossier n’indique qu’il ait manœuvré de l’équipement avec des facultés affaiblies. Il tente de se prévaloir des recours prévus par la législation de l’Alberta régissant les relations de travail pour contester son congédiement.

[3]               Le 19 avril 2015, M. Paradis a réclamé de l’assurance-emploi. Le 18 mai 2015, la Commission de l’assurance-emploi (la Commission) a rejeté sa demande au motif que sa cessation d’emploi était le fruit de sa propre inconduite. La Commission a ainsi imposé au demandeur une exclusion indéterminée du bénéfice des prestations prenant effet le 5 avril 2015. Sa demande de réexamen de la décision a été rejetée. M. Paradis a alors interjeté un appel auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (TSS-DG).

[4]               Le TSS-DG a tenu une audience par téléconférence le 15 octobre 2015. Dans la décision communiquée au demandeur le 1er décembre 2015, le TSS-DG a confirmé la conclusion de la Commission comme quoi les agissements du demandeur constituaient une inconduite et a rejeté l’appel.

[5]               M. Paradis a déposé une demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision du TSS‑DG auprès de la division d’appel (TSS-DA). Le 15 avril 2016, le TSS-DA a refusé d’accorder au demandeur la permission d’interjeter appel aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34 (la LMEDS). Le demandeur sollicite un contrôle judiciaire de cette décision en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7.

[6]               Dans une communication envoyée à la Cour quelques jours avant l’audience, M. Paradis a demandé qu’un dossier médical datant de son enfance soit déposé en preuve. Il a produit le dossier en question à l’audience. Le défendeur a contesté la production et l’inclusion dans le dossier du demandeur de plusieurs documents que le TSS-DG n’avait pas en main au moment de rendre sa décision. Parmi ces documents se trouvaient une copie de la lettre de congédiement rédigée par l’employeur datant du 1er juin 2015, ainsi qu’une copie de la politique sur les dépendances à la drogue et à l’alcool en milieu de travail en Alberta en application de l’Alberta Human Rights Act.

[7]               Les éléments de preuve médicale consistaient en un rapport d’un pédiatre qui avait évalué M. Paradis lorsqu’il avait 12 et 15 ans, ainsi qu’une ordonnance récente de cannabis. Le rapport indique que, étant enfant, M. Paradis souffrait d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Il affirme toujours être atteint d’un TDAH et que le cannabis lui a été prescrit pour en contrôler les symptômes.

II.                QUESTIONS EN LITIGE

[8]               Les parties s’entendent sur le fait que la norme de contrôle qui s’applique à l’examen d’une décision du TSS-DA d’accueillir ou de rejeter une demande d’autorisation d’interjeter appel est la norme de la décision raisonnable : Canada (Procureur général) c. Hines, 2016 CF 112, [2016] ACF no 84, au paragraphe 28; voir aussi Canada (Procureur général) c. Hoffman, 2015 CF 1348, [2015] ACF no 1511, aux paragraphes 26 et 27, ainsi que Bergeron c. Canada (Procureur général), 2016 CF 220, au paragraphe 6.

[9]               En premier lieu, la Cour doit déterminer s’il y a lieu d’admettre les nouveaux éléments de preuve que M. Paradis a inclus à son dossier de demande et produits à l’audience.

[10]           Outre l’admissibilité des nouveaux éléments de preuve, la seule autre question en litige se rapporte au caractère raisonnable de la décision du TSS-DA de rejeter la demande d’autorisation d’interjeter appel. La Cour doit se prononcer sur « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] ACS no 9, au paragraphe 57.

III.             DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[11]           Les dispositions pertinentes de la LMEDS sont rédigées comme suit :

Moyens d’appel

Grounds of appeal

58 (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

58 (1) The only grounds of appeal are that

a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

(a) the General Division failed to observe a principle of natural justice or otherwise acted beyond or refused to exercise its jurisdiction;

b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

(b) the General Division erred in law in making its decision, whether or not the error appears on the face of the record; or

c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(c) the General Division based its decision on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it.

[12]           Les dispositions pertinentes de la Loi sur l’assurance-emploi [la LAE] sont rédigées comme suit :

Interprétation

Interpretation

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

29 For the purposes of sections 30 to 33,

a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;

(a) employment refers to any employment of the claimant within their qualifying period or their benefit period;

b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;

(b) loss of employment includes a suspension from employment, but does not include loss of, or suspension from, employment on account of membership in, or lawful activity connected with, an association, organization or union of workers;

Exclusion : inconduite ou départ sans justification

Disqualification — misconduct or leaving without just Cause

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

30 (1) A claimant is disqualified from receiving any benefits if the claimant lost any employment because of their misconduct or voluntarily left any employment without just cause, unless

a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;

(a) the claimant has, since losing or leaving the employment, been employed in insurable employment for the number of hours required by section 7 or 7.1 to qualify to receive benefits; or

b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(b) the claimant is disentitled under sections 31 to 33 in relation to the employment.

IV.             DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

A.                Décision du TSS-DG

[13]           Le TSS-DG devait uniquement décider s’il y avait lieu d’imposer une exclusion du bénéfice des prestations aux termes des articles 29 et 30 de la LAE au motif que le demandeur a perdu son emploi en raison de sa propre « inconduite ».

[14]           Étant donné que la LAE ne définit pas la notion d’« inconduite », le membre s’est reposé sur plusieurs jugements analysant l’application de ce terme. Il ne s’agit pas de trancher si le congédiement injuste de son employé constitue une inconduite de la part de l’employeur, mais si l’employé est coupable d’une inconduite ayant donné lieu à son congédiement : Canada (Procureur général) c. McNamara, 2007 CAF 107, [2007] ACF no 364 [McNamara]; Fleming c. Canada (Procureur Général), 2006 CAF 16, [2006] ACF no 31.

[15]           Le membre du TSS-DA a fait valoir que l’inconduite doit avoir provoqué le congédiement et en être la cause essentielle. Qui plus est, l’inconduite du demandeur doit s’être produite alors qu’il était un employé, et elle doit constituer un manquement à une obligation expressément ou implicitement prévue au contrat de travail : Canada (Procureur général) c. Cartier, 2001 CAF 274, [2001] ACF no 1422. Le membre a conclu qu’en agissant comme il l’a fait, le demandeur aurait dû savoir qu’il s’exposait à un congédiement : Canada (Procureur général) c. Kaba, 2013 CAF 208; Canada (Procureur général) c. Hastings, 2007 CAF 372. En l’espèce, le membre a tranché que les actes du demandeur étaient délibérés au point où il aurait dû ou pu s’attendre à ce qu’ils lui vaillent un congédiement.

[16]           Le membre a également conclu que le résultat positif du test de dépistage de drogues était à l’origine du congédiement. La prétention de congédiement abusif du demandeur n’a pas été retenue comme facteur pertinent puisque la conduite de l’employeur n’est pas en cause. À l’audience, le demandeur a admis qu’il consommait de la marijuana tous les soirs pour mieux dormir. En s’appuyant sur cet élément de preuve, le membre a observé que le demandeur aurait dû ou aurait pu s’attendre à ce qu’il subsiste des traces de marijuana dans son système et qu’il contreviendrait ainsi à la politique de l’employeur en matière de drogues et d’alcool.

B.                 Décision du TSS-DA

[17]           Le demandeur fonde son appel sur le refus de son employeur de reconnaître que la toxicomanie fait partie des motifs de discrimination [traduction] « interdits par l’Alberta Human Rights Act ». Cet argument, aux yeux du TSS-DA, est trop vague pour l’admettre comme l’un des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Le TSS-DA a demandé à deux reprises au demandeur de lui fournir un énoncé détaillé du motif de son appel et de lui fournir des exemples de celui-ci.

[18]           En réponse, le demandeur a répondu qu’il ne pouvait pas être congédié pour inconduite liée à la consommation de drogue parce qu’il était toxicomane. Le demandeur a admis qu’il consommait régulièrement de la marijuana, mais il a nié en avoir consommé avant ou pendant ses heures de travail. Le demandeur a de plus refusé d’admettre que sa fréquente consommation de drogue avait une quelconque incidence sur ses habiletés [traduction] « de grutier hors pair ».

[19]           Selon la LMEDS, la demande d’autorisation d’interjeter appel peut être rejetée s’il n’y a « aucune chance raisonnable de succès ». Le TSS-DA a conclu que les allégations du demandeur concernant sa toxicomanie et son invocation de l’Alberta Human Rights Act ne suffisaient pour que l’appel ait une chance raisonnable de succès. En l’absence d’erreur susceptible de contrôle, le TSS-DA a jugé qu’il ne pouvait pas intervenir puisqu’il ne lui appartenait pas d’entendre l’affaire de novo. En conséquence, la demande d’autorisation d’interjeter appel du demandeur a été rejetée.

V.                ANALYSE

Les nouveaux éléments de preuve sont-ils admissibles?

[20]           Comme il est mentionné précédemment, tant dans son dossier de demande qu’au cours de l’audition de celle-ci, M. Paradis a tenté de produire des éléments de preuve dont le TSS-DA ne disposait pas au moment de rendre ses décisions.

[21]           Or, dans le cas d’une demande de contrôle judiciaire, le dossier devrait comprendre uniquement les éléments dont le tribunal décideur a été saisi : Lemiecha (Tuteur à l’instance) c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 1333 (CF 1re inst.), au paragraphe 4. Voir aussi Bernard v Professional Institute of the Public Service of Canada, 2015 FCA 263 [Bernard].

[22]           Comme le souligne le juge Stratas dans Bernard, précité, il en est ainsi pour une raison bien connue : l’admission dans le cadre d’un contrôle judiciaire d’éléments de preuve dont le décideur ne disposait pas transformerait l’instance en un procès de novo. Tel n’est pas l’objectif. Il existe des exceptions à ce principe, notamment l’existence d’allégations de manquement à l’équité procédurale ou de craintes raisonnables de partialité : Ordre des architectes de l’Ontario c. Assn. of Architectural Technologists of Ontario, 2002 CAF 218, [2002] ACF no 813, au paragraphe 30; McFadyen c. Canada (Procureur Général), 2005 CAF 360, [2005] ACF no 1817; Nametco Holdings Ltd. c. Canada (Ministre du revenu national), 2002 CAF 149, [2002] ACF no 592.

[23]           En l’espèce, rien ne donne à penser que le Tribunal ait manqué à l’équité procédurale ou qu’il pourrait raisonnablement être taxé de partialité. Le demandeur tente de produire de nouveaux éléments de preuve pour renforcer son argument selon lequel l’imposition par le TSS‑DG d’une exclusion du bénéfice des prestations et le rejet par le TSS-DA de sa demande de permission d’interjeter appel constituent des erreurs.

[24]           De nouveaux éléments de preuve peuvent aussi être admis lorsqu’ils contiennent ce qui peut être considéré comme des renseignements généraux de base pouvant être utiles à la Cour. Voir notamment Chopra c. Canada, [1999] ACF no 835, 168 FTR 273, au paragraphe 9. À cet égard, je serais d’avis que la lettre de congédiement rédigée par l’employeur contient des renseignements généraux de base pertinents et admissibles.

[25]           En revanche, la politique en matière de dépendances à la drogue et à l’alcool en milieu de travail en Alberta en vertu de l’Alberta Human Rights Act, le dossier médical du demandeur lorsqu’il était enfant et l’ordonnance de cannabis ne sont pas visés par une exception au principe interdisant la production de nouveaux éléments de preuve. En outre, la Cour estime que ces documents n’avaient aucune pertinence quant à la question à trancher par le Tribunal, pour les motifs que j’expose ci-après. En conséquence, ces éléments de preuve ne sont pas admissibles aux fins du présent contrôle judiciaire.

La décision du TSS-DA de rejeter la demande d’autorisation d’interjeter appel du demandeur était-elle raisonnable?

[26]           M. Paradis prétend qu’il a été injustement congédié par son employeur. Les résultats du test de dépistage de drogues indiquent que le demandeur n’avait pas des facultés affaiblies au travail parce que la teneur en marijuana dans l’échantillon était trop faible. Il prétend que l’employeur a faussement déclaré qu’il avait refusé de se plier à un test de dépistage de drogues et qu’il buvait au travail. L’employeur a manqué à son obligation de lui offrir des mesures d’adaptation raisonnables, contrevenant ainsi à l’Alberta Human Rights Act et à sa propre politique d’entreprise.

[27]           Le demandeur fait valoir que sa toxicomanie est directement liée à son TDAH, et qu’il aurait dû se voir offrir la possibilité de suivre un programme de traitement au lieu d’être congédié. Selon lui, il avait droit à des prestations d’assurance-emploi en raison de l’inconduite de son employeur, qui l’a injustement congédié. C’est sur ce fondement que le demandeur allègue que le TSS-DG a manqué à un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, et que le TSS-DA a commis une erreur en ne lui accordant pas l’autorisation d’interjeter appel selon ces motifs.

[28]           À deux reprises, lorsque la Commission l’a joint pour obtenir des renseignements, le directeur des ressources humaines de l’employeur, David Wagner, a incorrectement expliqué les raisons du congédiement de M. Paradis. La première fois, le 21 avril 2015, M. Wagner a déclaré que l’employeur avait congédié le demandeur parce qu’il buvait de l’alcool sur le lieu de travail. Rien dans le dossier n’étaye cette allégation. La seconde fois, le 18 mai 2015, M. Wagner a affirmé que le demandeur avait été congédié parce qu’il avait refusé de se soumettre à un test de dépistage de drogues. Il s’agit manifestement d’une fausse déclaration, comme en fait foi le rapport du test de dépistage de drogues.

[29]           Le 22 mai 2015, M. Wagner a téléphoné à la Commission pour corriger les déclarations inscrites au dossier. M. Wagner a alors déclaré que le demandeur avait été congédié en raison d’un résultat positif à un test de dépistage de drogues et d’alcool, ce qui enfreignait la politique de l’entreprise. On ne trouve dans le dossier aucune explication des précédentes déclarations erronées à la Commission.

[30]           Cela dit, il n’est pas du ressort de la Cour de statuer sur la justesse du congédiement du demandeur. La question cardinale en l’espèce est de trancher si le TSS-DG a commis une erreur en imposant au demandeur une exclusion du bénéfice des prestations en raison de sa propre inconduite, et non de celle de l’employeur. Il n’est pas pertinent pour le demandeur de se réclamer de la politique en matière de dépendances à la drogue et à l’alcool en milieu de travail en Alberta en application de l’Alberta Human Rights Act pour plaider un congédiement injuste. L’ultime décision demandée à la Cour est celle de savoir si le TSS-DA a commis une erreur en ne permettant pas au demandeur de contester la décision du TSS-DG.

[31]           Le TSS-DA et le TSS-DG ont conclu à juste titre que la conduite de l’employeur ne constitue pas un facteur déterminant aux termes de l’article 30 de la LAE. L’analyse doit se concentrer sur l’acte ou le manquement reproché au demandeur, pour déterminer s’il est constitutif d’une inconduite au sens de l’article 30 de la LAE : voir le paragraphe 22 de la décision McNamara, précitée. Dans ce contexte, une « inconduite » suppose que l’acte ou le manquement est « délibéré » ou « intentionnel ». Le TSS-DG énonce correctement le critère applicable pour déterminer si un demandeur a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite aux termes des articles 29 et 30 de la LAE. À la lumière du dossier dont il disposait, le TSS-DG a conclu de façon raisonnable que c’est le résultat positif du demandeur à un test de dépistage de drogues qui a entraîné son congédiement.

[32]           L’étape de l’obtention d’une autorisation d’interjeter appel auprès du TSS-DA pour une décision du TSS-DG a pour objet d’écarter les appels dépourvus de chance raisonnable de succès : Bossé c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1142, [2015] ACF no 1342, au paragraphe 34. L’appel peut être autorisé seulement si le demandeur parvient à montrer que les chances de succès sont raisonnables pour au moins l’un des motifs d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS : Belo-Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100, [2014] ACF no 1187, aux paragraphes 70 à 73. Dans ce contexte, le fait d’avoir une chance de succès consiste à « disposer de certains motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause » : Osaj c. Canada, 2016 CF 115, [2016] ACF no 131, au paragraphe 12.

[33]           Bien que le demandeur soit fermement convaincu d’avoir été traité injustement par son employeur, il n’a pas relevé d’erreur susceptible de contrôle dans la décision du TSS-DG ni dans celle du TSS-DA qui ferait en sorte que son appel pourrait être accueilli. D’ailleurs, il n’a pas réussi à montrer qu’un principe de justice naturelle a été bafoué, qu’une erreur de droit a été commise ou qu’une conclusion de fait erronée a été tirée. Malgré les deux occasions qui lui ont été données de préciser ses motifs d’appel, le demandeur n’y est pas parvenu. La décision du TSS-DA comme quoi l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[34]           Au paragraphe 23 de l’arrêt McNamara, précité, la Cour d’appel fédérale indique que « [l]’employé qui fait l’objet d’un congédiement injustifié a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé ». En fait, ce contrôle judiciaire n’offre pas au demandeur un moyen approprié d’obtenir le redressement qu’il recherche. Il reviendra à une autre instance de régler la question de savoir si l’employeur aurait dû lui proposer des mesures d’adaptation raisonnables pour l’aider à surmonter sa toxicomanie.

[35]           Même si M. Paradis impressionne par la manière intelligente, rigoureuse et ingénieuse dont il a préparé et soumis sa demande de contestation d’une décision du TSS-DA, le droit et la jurisprudence ne permettent pas à la Cour de lui offrir le redressement sollicité. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Le défendeur ne demande pas les dépens et aucuns dépens ne seront adjugés.


JUGEMENT

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire sans dépens.

« Richard G. Mosley »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

t-649-16

INTITULÉ :

DANNY PARADIS c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 NOVEMBRE 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :

LE 17 NOVEMBRE 2016

COMPARUTIONS :

Danny Paradis

Pour le demandeur

(pour son propre compte)

Hasan Junaid

Pour le défendeur

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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