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Date : 20161115


Dossier : IMM-1360-16

Référence : 2016 CF 1273

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 novembre 2016

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

PATHMANATHAN PATHMARAJ

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) à l’encontre d’une décision rendue le 17 février 2016 et par laquelle un agent d’immigration (l’agent) a rejeté la demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) du demandeur.

[2]               Le demandeur affirme que l’agent a commis une erreur dans son évaluation des éléments de preuve en omettant de tenir compte des éléments de preuve nouveaux et opportuns à l’égard des risques et en n’évaluant pas sa demande de façon cumulative.

[3]               Un examen de la décision de l’agent n’a fait ressortir aucune erreur susceptible de contrôle et, pour cette raison, la demande est rejetée.

I.                   Contexte

[4]               Le demandeur est citoyen du Sri Lanka. En 1997, le demandeur et sa famille se sont enfuis en Inde. Ils sont retournés au Sri Lanka en 2010. Le demandeur s’est enfui au Canada en 2013 et a présenté une demande d’asile qui a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés (SPR) le 17 décembre 2013.

[5]               La SPR a conclu que le témoignage du demandeur n’était pas considéré comme crédible ou digne de foi. Elle a rejeté plusieurs de ses demandes, incluant ses allégations d’avoir été détenu, arrêté et torturé à son retour au Sri Lanka, puisqu’elle ne les jugeait pas crédibles. Le demandeur a reconnu que ni lui ni aucun membre de sa famille n’a eu de problèmes avec l’armée srilankaise avant de partir.

[6]               Le demandeur allègue être à risque au Sri Lanka [traduction« selon l’effet cumulatif qu’il est un homme tamoul du nord du Sri Lanka qui a passé beaucoup de temps au Canada et qui reviendrait au Sri Lanka en tant que demandeur d’asile débouté ». Ce profil, est-il allégué, fera en sorte qu’il sera perçu comme un partisan ou un sympathisant des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLRT).

II.                La décision contestée

[7]               La demande d’ERAR du demandeur est fondée sur les mêmes allégations rejetées comme étant non crédibles et non dignes de confiance par la SPR. Deux éléments de preuve supplémentaires ont été présentés : une lettre d’un membre du Parlement au Sri Lanka et une lettre de l’oncle du demandeur, toutes deux indiquant que les services de renseignements de l’armée srilankaise ont cherché à connaître les allées et venues du demandeur à deux reprises en 2014. L’agent a mentionné que les nouveaux éléments de preuve étaient plutôt [traduction] « de nature à servir le demandeur ».

[8]               L’agent a accordé une valeur probante importante aux conclusions de la SPR relatives à la crédibilité du demandeur puisqu’elles étaient sans parti pris. Il a été conclu, selon la totalité des éléments de preuve, que ces conclusions l’emportaient sur le nouvel élément de preuve voulant que les autorités soient intéressées par le demandeur. Par conséquent, l’agent a rejeté la demande d’ERAR du demandeur le 17 février 2016.

III.             Questions en litige

[9]               La présente demande soulève les questions suivantes :

1.      L’agent a-t-il commis une erreur dans son évaluation des éléments de preuve dont il disposait?

2.      Est-ce que l’agent a commis une erreur en ignorant les éléments de preuve contredisant directement la conclusion tirée?

3.      Est-ce que l’agent a commis une erreur en tenant compte de la demande du demandeur de façon cumulative?

IV.             Norme de contrôle

[10]           Les parties souscrivent au fait que la norme de la décision raisonnable s’applique à l’analyse de l’agent. L’appréciation de la preuve est une enquête sur les faits qui commande une grande déférence (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, aux paragraphes 45 et 59). La Cour n’interviendra que si la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

V.                Analyse

[11]           Le demandeur prétend que l’agent a commis une erreur en accordant une valeur probante minime aux nouveaux éléments de preuve présentés par le demandeur puisqu’ils provenaient de l’oncle de ce dernier et qu’ils ont été jugés « intéressés ». Comme je l’ai expliqué dans Fadiga v Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2016 FC 1157, aux paragraphes 14 à 28, la déclaration de l’agent que les affidavits des membres de la famille sont intéressés et de faible valeur n’indique pas une erreur susceptible de révision. Bien que de telles déclarations soient nécessaires pour appuyer la demande d’asile du demandeur, elles manquent cependant de fiabilité puisqu’elles sont formulées hors cour et proviennent de témoins ayant un parti pris et qu’elles ne font pas l’objet d’un examen, ce qui est la caractéristique des exemptions de la preuve par ouï-dire. À moins d’être corroborées, leur importance est réduite de façon significative : Ferguson c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1067, au paragraphe 27.

[12]           Quoi qu’il en soit, l’agent a conclu que les nouveaux éléments de preuve ne l’ont pas emporté sur [traduction« l’importance que j’ai accordée aux conclusions de la SPR en matière de crédibilité ». Les conclusions négatives de la SPR concernant la crédibilité ont été décrites de façon détaillée et ont démontré que le demandeur n’était pas crédible et que ses explications n’étaient pas dignes de confiance. Ayant conclu qu’il n’y a aucun fondement pour accepter le récit du demandeur en s’appuyant sur son témoignage, lequel a été mis à l’épreuve, le bon sens suggère que les nouveaux éléments de preuve qui ne peuvent pas être mis à l’épreuve, répètent les mêmes allégations que celles du demandeur et proviennent d’un membre de la famille qui est partial au bien-être du demandeur en raison de leur relation familiale, et ne l’emporteraient pas sur les conclusions détaillées de la SPR concernant la crédibilité.

[13]           La preuve présentée par le membre du Parlement a également été rejetée au motif valide que l’information serait du ouï-dire fondé sur l’information obtenue auprès de l’oncle. Je ne relève aucune erreur susceptible de révision dans le traitement de la nouvelle preuve par affidavit par l’agent.

[14]           Le demandeur prétend également que l’agent a ignoré la preuve abondante d’éléments de preuve plus récents que ceux utilisés par l’agent pour démontrer les risques pour les personnes ayant le profil du demandeur au Sri Lanka en tant que demandeur d’asile qui revient et contredisant directement les conclusions tirées par l’agent. Plus précisément, on a porté à l’attention de la Cour à un paragraphe dans un rapport de Human Rights Watch présenté à l’agent d’ERAR (à la page 77 du dossier du demandeur) identifiant que les personnes soupçonnées de liens aux TLET, incluant les celles qui sont revenues en tant que demandeurs d’asile déboutés étaient régulièrement torturées.

[15]           L’agent a mentionné avoir lu et tenu compte de tous les éléments de preuve présentés. L’agent s’est fondé sur les éléments de preuve démontrant que le demandeur ne possédait aucune des caractéristiques qui correspondent au profil d’une personne d’intérêt pour les autorités srilankaises, autre qu’être un jeune homme tamoul du nord. Il a quitté le pays à 14 ans et est revenu 10 ans plus tard. Il a mentionné dans son témoignage oral que ni lui ni aucun membre de sa famille n’a eu de problèmes avec l’armée du Sri Lanka avant de partir.

[16]           L’agent a cité le rapport d’information et d’orientation sur les pays du Home Office du Royaume-Uni de 2014 sur le séparatisme tamoul à l’appui de ses conclusions voulant que le demandeur ne soit pas perçu comme un partisan ou un sympathisant des TLET au point d’être en danger à son retour au Sri Lanka. Je n’estimerais pas que cet élément de preuve est désuet, de sorte qu’un rapport de Human Rights Watch en 2015 serait perçu comme un nouvel élément de preuve, notamment puisqu’il s’agissait d’une seule déclaration non étayée.

[17]           Ces affaires se fient aux profils de personnes à risque de retourner au Sri Lanka, dont plusieurs ont été élaborés par différentes organisations. De plus, l’agent peut choisir de se fier aux rapports sur les pays comme fournissant des conclusions plus objectives de l’information recueillie, plutôt qu’à une seule déclaration non corroborée dans un rapport d’une organisation dont le mandat est de faire état et de promouvoir les droits de la personne dans les sociétés. Étant donné la déférence due à l’agent à l’égard du poids attribué à la preuve, la Cour ne relève aucune erreur susceptible de révision dans la conclusion de l’agent.

[18]           Pendant l’audience, le demandeur a formulé d’autres arguments à l’égard des conditions générales des citoyens tamouls dans le nord du Sri Lanka en s’appuyant sur la documentation du Département d’État américain, du Foreign and Commonwealth Office du Royaume-Uni et de Human Rights Watch. La Cour mentionne que les observations dans le mémoire à l’égard de la décision de l’agent touchaient le profil du demandeur qui est un jeune homme tamoul du nord et un demandeur d’asile débouté retournant au Sri Lanka, ce qui était le même risque que celui allégué devant la SPR. Il n’était pas déraisonnable pour l’agent de ne pas aborder cet argument plus général dans ses motifs puisqu’il ne correspond pas au profil des personnes à risque sur lequel l’agent s’est appuyé.

[19]           La Cour ne trouve aucun motif pour appuyer l’allégation du demandeur que l’agent n’a pas effectué une analyse prospective, ou que l’effet cumulatif des éléments de preuve n’a pas été pris en compte.

VI.             Conclusion

[20]           La demande est rejetée. Aucune question n’est certifiée aux fins d’appel.


JUGEMENT

LA COUR rejette la demande, et aucune question n’est certifiée aux fins d’appel.

« Peter Annis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1360-16

 

INTITULÉ :

PATHMANATHAN PATHMARAJ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 septembre 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 15 novembre 2016

 

COMPARUTIONS :

Jack Davis

Pour le demandeur

 

Judy Michaely

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jack Davis

Davis & Grice

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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