Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20161124


Dossier : IMM-2586-16

Référence : 2016 CF 1303

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 novembre 2016

EN PRÉSENCE DE  MONSIEUR LE JUGE EN CHEF

ENTRE :

NOVIA ALEXA WILLIAMS

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS
(rendus oralement)

[1]  La seule question en litige que doit trancher la Cour est de savoir si l’agent d’immigration principal a commis une erreur en évaluant l’intérêt supérieur des deux enfants d’âge mineur de l’employeur de la demanderesse.

[2]  La norme de contrôle qui s’applique à cette question en litige est celle de la décision raisonnable (Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, au paragraphe 44 [Kanthasamy]).

[3]  En somme, la décision de l’agent sera maintenue tant et aussi longtemps qu’elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. » En évaluant si tel est le cas, la Cour doit évaluer à la fois le processus suivi par l’agent pour formuler les motifs et la conclusion définitive, ou l’issue, tirée par l’agent. Dans son évaluation, la Cour déterminera si la décision est adéquatement justifiée, transparente et intelligible (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[4]  La Cour doit également garder à l’esprit que le paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, (LIRP) prévoit un mécanisme en cas de circonstances exceptionnelles, et que les décideurs doivent faire l’objet d’une très grande retenue. Il en est ainsi en raison de la nature extrêmement discrétionnaire de la décision envisagée (paragraphe 25(1)). (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Legault, 2002 CAF 125, au paragraphe 15; Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 113, aux paragraphes 40 et 84; Pervaiz c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 680, au paragraphe 40; Obeng c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 61, aux paragraphes 39 et 40; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 61 [Baker]).

[5]  Lorsqu’il y a des enfants dont l’intérêt est susceptible d’être affecté par le renvoi d’un demandeur du Canada, un agent examinant une demande en vertu du paragraphe 25(1) doit être « réceptif, attentif et sensible » à cet intérêt, et lui accorder un poids important. Une décision rendue en vertu du paragraphe 25(1) peut par conséquent être mise de côté si l’intérêt des enfants visés par la décision n’est pas suffisamment pris en considération. (Kanthasamy, précité, aux paragraphes 38 et 39).

[6]  Pour être réceptif, attentif et sensible aux intérêts des enfants touchés, un décideur à l’égard d’une demande présentée en vertu du paragraphe 25(1) doit cerner et définir ces intérêts, puis les examiner avec énormément d’attention. (Kanthasamy, précité, au paragraphe 39).

[7]  Cependant, l’intérêt supérieur de ces enfants ne l’emporte pas nécessairement sur d’autres facteurs pertinents dans l’évaluation envisagée par le paragraphe 25(1) (Baker, précité, au paragraphe 75).

[8]  En l’espèce, je suis convaincu que l’agent a adéquatement cerné et défini les intérêts des deux enfants dont s’occupait la demanderesse, à savoir les enfants de son employeur. Je suis également convaincu que l’agent a examiné avec beaucoup d’attention les intérêts du fils de l’employeur.

[9]  Je ne suis pas d’accord avec les observations de la demanderesse selon lesquelles l’agent a mal compris la preuve médicale à l’égard du fils de son employeur, ou n’a pas été suffisamment sensible à l’attachement émotionnel de l’enfant à la demanderesse. Il n’était pas déraisonnable pour l’agent de conclure qu’il faisait de bons progrès et n’avait plus le même besoin pour la demanderesse que déjà, d’autant plus qu’il a presque 18 ans. L’agent a traité explicitement les éléments de preuve de l’enfant dont il a besoin pour que la demanderesse reste au Canada, étant donné qu’il ne souhaite pas [traduction] « tout recommencer » et pourrait ne trouver personne d’autre qui l’aimera comme la demanderesse l’aime.

[10]  Cependant, je conclus que l’agent n’a pas examiné les intérêts de la fille de l’employeur, Clarissa, avec beaucoup d’attention. Je reconnais que l’agent a renvoyé aux éléments de preuve présentés par son employeur, le pasteur de l’église qu’ils fréquentent et un travailleur de garderie; et il a également fait référence à la propre déclaration de la demanderesse selon laquelle elle a été la principale soignante des enfants depuis 2012. Cependant, cette affirmation et ces éléments de preuve n’ont jamais été examinés ou abordés, ne serait-ce que pour dire que le degré d’attachement entre Clarissa et la demanderesse était semblable à celui qui existe entre de nombreux enfants et un parent qui peut être renvoyé du Canada.

[11]  À la place, l’agent a tout simplement conclu que, compte tenu du jeune âge de Clarissa, il est raisonnable de s’attendre à ce que ses intérêts soient très peu affectés par le départ de la demanderesse du Canada.

[12]  À mon avis, le défaut de l’agent d’examiner les intérêts de Clarissa de façon significative n’était pas raisonnable.

[13]  Bien que l’issue puisse ne pas être déraisonnable, le processus par lequel l’issue est tirée n’était pas adéquatement justifié ou intelligible, étant donné qu’il n’a pas été mené conformément à l’exigence voulant que les intérêts de Clarissa soient examinés avec beaucoup d’attention.

[14]  Par conséquent, la présente demande est rejetée en partie.

[15]  La décision de l’agent est annulée en ce qui concerne Clarissa, la fille de l’employeur de la demanderesse. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour réexamen conformément aux présents motifs.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

  1. La présente demande est accueillie en ce qui concerne Clarissa, la fille de l’employeur de la demanderesse, M. Caleb Foreman.

  2. La demande de la demanderesse aux termes du paragraphe 25(1) de la LIPR, en ce qui concerne Clarissa Foreman, doit faire l’objet d’un réexamen par un autre décideur conformément aux présents motifs.

  3. Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« Paul S. Crampton »

Juge en chef


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossiers :

IMM-2586-16

 

 

INTITULÉ :

NOVIA ALEXA WILLIAMS

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 NOVEMBRE 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 NOVEMBRE 2016

 

COMPARUTIONS :

Phil Trotter

Pour la demanderesse

 

Sybil Thompson

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jacqueline Lewis

Avocate

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.