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Date : 20161122


Dossier : T-1306-15

Référence : 2016 CF 1290

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 22 novembre 2016

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

HASSAN JAMA

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale [le TSS] qui a rejeté la demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision de la division générale du TSS.

I.                   Contexte

[2]               Le demandeur, Hassan Jama, a présenté une demande de prestations d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada [le RPC] après avoir été impliqué dans un accident de voiture en 2005. Il n’est jamais retourné travailler comme facteur auprès de Postes Canada après l’accident. Sa demande de prestations d’invalidité a été rejetée pour la première fois le 10 mars 2010, et une nouvelle fois le 6 février 2013, étant donné qu’il n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée persistant depuis décembre 2007. La requête en réexamen du demandeur du deuxième rejet a été refusée dans une lettre datée du 18 juillet 2013. Une semaine plus tard, l’avocat du demandeur a envoyé une lettre datée du 25 juillet 2013 à la division générale du TSS [la DG] énonçant que la lettre constituait un [traduction] « avis officiel » de l’intention du demandeur de contester le refus de sa requête en réexamen.

[3]               Au cours de l’année qui a suivi, le demandeur a soumis un avis d’appel daté du 4 mars 2014 concernant la décision défavorable en réexamen; la DG a reçu cet avis d’appel le 4 juin 2014. Toutefois, parce que l’avis ne comprenait pas la décision rendue à l’issue du réexamen, la DG a informé le demandeur que l’avis d’appel n’avait pas été correctement déposé. Le 23 juillet 2014, le demandeur a déposé une copie de la décision rendue à l’issue du réexamen. L’avis d’appel du demandeur expliquait pourquoi l’appel avait été logé au-delà du délai de 90 jours et pourquoi la décision rendue à l’issue du réexamen était erronée. Les raisons soulevées par le demandeur pour expliquer pourquoi l’appel n’avait pas été logé dans le délai de 90 jours tel que l’exigeait l’alinéa 52(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34 [la LMEDS], ont été sèchement énoncées comme suit : [traduction« Changement de représentant légal. Mauvaise connaissance de la nouvelle procédure – Avis d’appel ».

[4]               Dans une décision datée du 12 mai 2015, la DG a refusé d’accorder une prorogation du délai pour interjeter appel de la décision rendue à l’issue du réexamen. La DG s’est référée aux critères de la décision Canada (Ministre du Développement des Ressources Humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883, au paragraphe 9, 140 ACWS (3d) 576 [Gattellaro], afin d’établir si la prorogation de délai pour interjeter appel devait être accordée :

1.         il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;

2.         la cause est défendable;

3.         le retard a été raisonnablement expliqué;

4.         la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[5]               À la suite de la décision de la DG de ne pas accorder une prorogation du délai pour interjeter son appel, le défendeur a fait une demande d’autorisation d’interjeter appel auprès de la division d’appel du TSS [la DA]. Dans sa demande datée du 4 juin 2015, le demandeur a déclaré que son cabinet d’avocats avait suivi l’ancien processus pour interjeter appel parce que ce cabinet n’était au courant que depuis janvier 2014 des changements au processus d’appel mis en œuvre en avril 2013. Le demandeur a également déclaré que le départ d’un avocat du cabinet d’avocats avait causé [traduction] « un bref empêchement de représentation à un moment qui était crucial pour prendre connaissance des changements dans le processus d’appel ». Le demandeur a en outre déclaré que la lettre envoyée par son cabinet d’avocats le 25 juillet 2013 démontrait son intention d’interjeter appel et qu’il subirait un préjudice si l’appel n’était pas autorisé, comme [traduction] « il continue de subir une invalidité grave et prolongée » l’empêchant d’exercer toute forme d’activité rémunérée. Bien que le demandeur n’ait pas expressément fait mention des motifs d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la LMEDS, il a déclaré que la décision de la DG [traduction] « omet de faire référence à notre lettre du 25 juillet 2013 qui démontre clairement l’intention d’interjeter appel ».

II.                La décision de la division d’appel

[6]               Dans une décision datée du 13 juillet 2015, la DA a refusé la demande d’autorisation d’interjeter appel du défendeur.

[7]               La DA a tout d’abord examiné son rôle et son pouvoir discrétionnaire d’accorder une autorisation d’interjeter appel, notant que pour accorder une autorisation, elle doit être convaincue que l’appel a « une chance raisonnable de succès » ou révèle « une cause défendable ». La DA a ensuite examiné l’argument du demandeur selon lequel la DG avait tiré une conclusion erronée en fondant sa décision sur une conclusion de fait erronée. La DA a noté que l’argument du demandeur selon lequel son intention persistante de poursuivre l’appel était attestée par une lettre datée du 25 juillet 2013 envoyée à la DG, mais que cette lettre n’avait pas été considérée ni même mentionnée par la DG. La DA a aussi noté les quatre critères de la décision Gattellaro et mentionné la décision Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204, 433 NR 184 [Larkman], pour appuyer sa déclaration selon laquelle : [traduction] « il ne s’agit pas d’une question de tout ou de rien puisque, dans certains cas, différents facteurs seront pertinents, l’intérêt de la justice naturelle demeurant l’objectif primordial ».

[8]               La DA a conclu qu’il n’était pas surprenant que la DG ait conclu que l’explication du demandeur justifiant le délai était insuffisante, car le demandeur n’avait pas abordé la question de savoir s’il y avait une cause défendable ou si un préjudice était causé à l’autre partie. Pour ce qui est de la conclusion de la DG selon laquelle le demandeur n’avait pas démontré une intention persistante de poursuivre l’appel, la DA a déclaré ce qui suit :

[traduction]

[12]      C’est cette dernière conclusion qui s’est avérée la plus litigieuse. Lorsqu’on lui a posé la question, l’avocat du demandeur a fourni un affidavit énonçant que la lettre du 25 juillet 2013 avait été envoyée au Tribunal par la poste ordinaire et qu’elle n’avait pas été retournée. Le dossier du Tribunal ne contient pas cette lettre. Néanmoins, même en l’absence de cette lettre, le Tribunal n’est pas persuadé qu’une cause défendable a été établie pour les raisons qui suivent.

[13]      Le texte intégral de la lettre énonce ce qui suit :

Soyez avisé que nous représentons M. Jama en ce qui concerne ses demandes de prestations d’invalidité au titre du RPC. Nous avons reçu une lettre datée du 18 juillet 2013 refusant notre demande de réexamen de la décision de refuser des prestations d’invalidité à Hassan Jama. La présente lettre vaut avis officiel de l’intention de M. Jama de contester cette décision.

[14]      Le Tribunal reconnaît que la lettre témoigne certainement d’une intention de poursuivre l’appel. Toutefois, même en acceptant que la lettre du 25 juillet 2013 ait été envoyée au Tribunal, mais qu’elle n’ait, pour une raison ou pour une autre, pas été produite devant la division générale, le Tribunal conclut qu’elle n’aurait pas eu beaucoup d’effet sur la décision. Cette lettre n’explique en rien le délai de plus de un an entre le moment où elle a été écrite et la tentative subséquente de déposer l’avis d’appel. La lettre n’explique pas non plus pourquoi il manquait des renseignements requis à l’avis d’appel lorsqu’il a été déposé.

[9]               La DA a rejeté l’argument du demandeur selon lequel le délai découlait d’un changement d’avocat, concluant que le demandeur était représenté par le même cabinet d’avocats pendant toute la période pertinente et qu’un changement d’avocat individuel n’avait pas d’effet important. La DA a également rejeté l’argument du demandeur selon lequel [traduction] « il ne connaissait pas la loi » concernant les changements apportés au processus d’appel comme explication satisfaisante du délai.

[10]           La DA a par conséquent conclu que la DG n’avait pas commis d’erreur dans son application de la jurisprudence ou dans son évaluation de l’opportunité d’accueillir la demande de prorogation de délai pour interjeter appel. La DA a conclu en énonçant qu’elle n’était pas convaincue que le demandeur a soulevé une cause défendable.

III.             Questions en litige

[11]           À la lumière des arguments présentés par les parties, les questions soulevées par la présente demande de contrôle judiciaire peuvent être reformulées et définies comme suit :

1.                  Quelle est la norme de contrôle applicable?

2.                  La Cour doit-elle tenir compte du courriel d’accusé de réception automatique compris dans le dossier du demandeur?

3.                  La décision de la DA était-elle raisonnable?

IV.             Analyse

A.                Norme de contrôle

[12]           La jurisprudence récente a établi que la décision de la DA de refuser la demande d’autorisation d’interjeter appel en vertu du paragraphe 58(2) de la LMEDS doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable. Par exemple, dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, [2015] ACF no 1410, la juge Roussel a examiné la jurisprudence sur la norme de contrôle des décisions de la DA refusant une demande d’autorisation d’interjeter un appel et a conclu comme suit :

[21]      À mon avis, la détermination de la question de savoir si une demande d’autorisation d’interjeter un appel a une chance raisonnable de succès relève nettement du champ d’expertise de la DA‑TSS, dont la responsabilité finale, si l’autorisation est accordée, sera de se prononcer sur l’appel au fond, une décision qui sera susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable...

[22]      Étant donné que la décision finale en appel est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la détermination de la question de savoir si l’autorisation d’interjeter un appel devrait être accordée ou refusée devrait également être assujettie à la même norme de contrôle. En outre, je souligne qu’au paragraphe 58(2) de la LMEDS, le législateur a laissé à la DA‑TSS le soin d’être « convaincue » que l’appel a une chance raisonnable de succès. À mon avis, ce libellé vient encore plus appuyer l’argument selon lequel la déférence est de mise envers la DA‑TSS lorsqu’elle se prononce sur la question de savoir si l’autorisation d’interjeter un appel devrait être accordée.

[13]           De la même façon, dans la décision Canada (Attorney General) v. O’Keefe, 2016 FC 503, [2016] FCJ No 796, le juge Manson a noté ce qui suit :

[traduction] [17]     La norme de contrôle applicable à la décision de la DA-TSS d’accueillir ou de rejeter la demande d’autorisation d’interjeter appel est celle de la décision raisonnable, avec la plus grande déférence à la décision de la DA-TSS (Canada (Procureur général) c. Hines, 2016 CF 112, au paragraphe 28 [Hines]; Canada (Procureur général) c. Hoffman, 2015 CF 1348, aux paragraphes 26 et 27 [Hoffman]; Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, au paragraphe 17 [Tracey]).

[14]           Par conséquent, la DA a droit à la déférence pour son évaluation de la preuve (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 53, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]). La Cour doit se garder d’intervenir si la décision de la DA est intelligible, transparente et légitime et si elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47). Les motifs répondent aux critères établis « s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708).

[15]           Qui plus est, il n’entre pas dans les attributions de la Cour de substituer la solution qu’elle juge préférable, et il n’appartient pas à la Cour de soupeser à nouveau les éléments de preuve présentés à la DA (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, aux paragraphes 59 et 61, [2009] 1 RCS 339). Il faudrait considérer la décision de la DA « comme un tout et s’abstenir de faire une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » (voir Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, au paragraphe 54, [2013] 2 RCS 458).

B.                 La Cour doit-elle tenir compte du courriel d’accusé de réception automatique?

[16]           Le défendeur soulève une question préliminaire quant à un courriel d’accusé de réception automatique prétendument envoyé au demandeur par le TSS, le 4 mars 2014, la même date que l’avis d’appel du demandeur. Le défendeur affirme que la Cour ne doit pas tenir compte de ce courriel dans le cadre du contrôle judiciaire, car il n’a pas été présenté à la DA et n’a pas été dûment authentifié. Ce courriel ne fait pas partie du dossier du demandeur à titre de pièce jointe à son affidavit, mais plutôt comme document distinct. Il n’est pas compris dans le dossier certifié du tribunal.

[17]           Le défendeur fait valoir que le courriel est inadmissible comme élément de preuve dans le cadre du présent contrôle judiciaire, et il cite la décision de la Cour d’appel fédérale, Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright) c. Alberta, 2015 CAF 268, [2016] 3 RCF 19, dans laquelle le juge Stratas déclare ce qui suit :

[20]      Il convient d’examiner ici les articles 306 à 310. Cependant, il faut avant tout comprendre que ces articles vont de pair avec un principe général fondamental : les faits doivent être prouvés au moyen d’éléments de preuve admissibles. Il existe des exceptions à cette règle, comme la connaissance d’office, les dispositions légales traitant de la question ou un exposé conjoint des faits (y compris une entente selon laquelle certains documents sont admissibles). Sauf pour ces exceptions, des documents qui ne sont pas présentés avec un affidavit qui en certifie l’authenticité ne sont pas en soi des éléments de preuve admissibles. Les documents simplement versés dans un dossier de demande ne sont pas admissibles.

[18]           Il existe une jurisprudence abondante en ce qui concerne les cas où une preuve supplémentaire peut être présentée et acceptée au moyen d’un affidavit dans la cadre d’un contrôle judiciaire. Il n’est pas nécessaire de fouiller dans la jurisprudence dans les circonstances du cas en l’espèce puisque la Cour est d’avis que le demandeur a simplement « glissé » ce courriel dans son dossier. La Cour ne tiendra pas compte du courriel en évaluant le caractère raisonnable de la décision de la DA.

C.                 La décision de la DA était-elle raisonnable?

[19]           Le demandeur soulève plusieurs questions en ce qui concerne l’appréciation de la preuve par la DA. Premièrement, il affirme que la DA a erré en concluant qu’il y avait [traduction] « un délai de plus de un an » entre la lettre du demandeur datée du 25 juillet 2013 et sa tentative subséquente de déposer l’avis d’appel. Deuxièmement, le demandeur affirme que la DA a conclu de manière déraisonnable que cette lettre n’expliquait pas le délai subséquent de dépôt de l’avis d’appel ou la raison pour laquelle il manquait des renseignements requis à l’avis d’appel. De plus, le demandeur allègue que la DA a erré en n’expliquant pas pourquoi la DG n’avait jamais reçu la lettre de son avocat datée du 25 juillet 2013 ou pourquoi son avis d’appel n’avait pas été reçu le 4 mars 2014. De l’avis du demandeur, ces erreurs démontrent le caractère déraisonnable de la décision de la DA et son défaut de ne pas suffisamment tenir compte de l’intention et des efforts du demandeur pour interjeter appel dans l’année de la réception de la décision rendue à l’issue du réexamen lui refusant des prestations d’invalidité au titre du RPC.

[20]           Le défendeur prétend qu’un appel aura seulement une chance raisonnable de succès s’il est fondé sur l’un des motifs d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la LMEDS, et que la DA a conclu de manière raisonnable que le demandeur avait omis d’établir un motif d’appel ayant une chance raisonnable de succès. Selon le défendeur, les facteurs de la décision Gattellaro dictent l’approche que la DA doit utiliser pour établir si une prorogation de délai est appropriée, mais la DA a une certaine flexibilité permettant de rétablir une certaine justice entre les parties. Le défendeur prétend de plus qu’il était raisonnable que la DA établisse, malgré la lettre datée du 25 juillet 2013 manifestant une intention de poursuivre l’appel, qu’elle n’aurait pas eu de répercussion sur la décision de la DG parce qu’elle omettait de démontrer une intention persistante d’interjeter appel de la décision rendue à l’issue du réexamen. Finalement, de l’avis du défendeur, la déclaration de la DA qu’il y avait [traduction] « un délai de plus de un an » entre la lettre du demandeur datée du 25 juillet 2013 et le dépôt subséquent d’un avis d’appel constitue une [traduction] « formulation malheureuse » qui est sans effet et sans conséquence parce que la DA n’a pas conclu que l’appel était prohibé en vertu du paragraphe 52(2) de la LMEDS.

[21]           En l’espèce, la DA était chargée d’établir s’il fallait accorder ou refuser la demande d’autorisation d’interjeter un appel du demandeur de la décision de la DG lui refusant une prorogation de délai pour interjeter appel de la décision rendue à l’issue du réexamen. Elle a refusé d’accorder une telle autorisation non seulement parce qu’elle a conclu que la DG n’avait pas commis d’erreur, mais aussi parce qu’elle n’était pas convaincue que le demandeur a soulevé une cause défendable. Pour trancher cette question, toutefois, la DA a examiné et pris en considération la lettre du 25 juillet 2013, qui ne faisait pas partie du dossier dont disposait la DG et a seulement fait partie du dossier de la DA après que le membre du TSS chargé d’examiner la demande d’autorisation d’interjeter un appel en a fait la demande. Bien que la DA ait déclaré que [traduction] « la lettre témoigne certainement d’une intention de poursuivre l’appel », à mon avis, il n’était pas raisonnable que la DA rejette et discrédite cette lettre au motif qu’elle n’expliquait pas le délai entre le moment où elle avait été rédigée et la tentative subséquente de déposer un avis d’appel ou qu’elle n’expliquait pas la raison pour laquelle l’avis d’appel, lorsque déposé, ne comportait pas les renseignements requis. Comment cette lettre de juillet 2013 pouvait-elle expliquer ou, d’ailleurs, même envisager des événements qui se sont passé des mois après que le demandeur ait eu déposé l’avis d’appel reçu par la DG en juin 2014?

[22]           L’appréciation de la DA de l’intention persistante du demandeur d’interjeter appel de la décision de la DG et la décision rendue à l’issue du réexamen est déraisonnable parce qu’elle ne révèle pas une compréhension contextuelle de la preuve à cet égard (voir Belo-Alves c. Canada (Développement social), 2009 CF 413, au paragraphe 7, 343 FTR 309). Le demandeur a poursuivi et interjeté appel du refus de prestations d’invalidité au titre du RPC depuis le rejet de sa première demande en mars 2010. De plus, la lettre du 25 juillet 2013 démontre manifestement que le demandeur avait l’intention d’interjeter appel de la décision rendue à l’issue du réexamen à l’intérieur de la période d’appel de 90 jours énoncée à l’alinéa 52(1)b) de la LMEDS et, malgré qu’il n’ait pas bénéficié d’une assistance juridique adéquate, l’avis d’appel a ultimement été déposé à l’intérieur du délai maximum de un an prévu pour interjeter appel en vertu du paragraphe 52(2) de la LMEDS.

[23]           Finalement, il convient de mentionner que les facteurs énoncés dans Gattellaro ne sont pas coulés dans le béton et ne doivent pas être évalués mécaniquement sans tenir compte de la question de savoir si la prorogation de délai accordée est par ailleurs dans l’intérêt de la justice (voir Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 2 CF 263, aux paragraphes 14 à 21, 63 NR 106 (CA)). Comme l’a observé la Cour d’appel fédérale dans Larkman (au paragraphe 62) :

L’importance de chacun de ces facteurs dépend des circonstances de l’espèce. De plus, il n’est pas nécessaire de répondre aux quatre questions en faveur du requérant. Ainsi, « une explication parfaitement convaincante justifiant le retard peut entraîner une réponse positive même si les arguments appuyant la contestation du jugement paraissent faibles et, de la même façon, une très bonne cause peut contrebalancer une justification du retard moins convaincante » (Grewal, à la page 282). Dans certains cas, surtout dans ceux qui sortent de l’ordinaire, d’autres questions peuvent s’avérer pertinentes. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice (voir, de façon générale, l’arrêt Grewal, aux pages 278 et 279; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, au paragraphe 33; Huard c. Canada (Procureur général), 2007 CF 195, 89 Admin LR (4th) 1).

V.                Conclusion

[24]           L’appréciation par la DA de l’intention persistante du demandeur d’interjeter appel de la décision de la DG et de la décision rendue à l’issue du réexamen était déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire du demandeur est accordée et l’affaire est renvoyée à la DA pour qu’elle rende une nouvelle décision.

[25]           Puisqu’aucune des parties n’a demandé les dépens, aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT

LA COUR accueille la demande de contrôle judiciaire, et aucuns dépens ne sont adjugés.

« Keith M. Boswell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1306-15

 

INTITULÉ :

HASSAN JAMA c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 septembre 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 22 novembre 2016

 

COMPARUTIONS :

Albert M. Conforzi

 

Pour le demandeur

 

Vanessa Luna

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Worsoff Law Firm

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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