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Date : 20161103


Dossier : T-869-15

Référence : 2016 CF 1209

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 3 novembre 2016

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

DENISE PLAQUET

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Denise Plaquet (la demanderesse) en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7, d’une décision rendue le 24 avril 2015 par un membre de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada, qui avait rejeté la demande d’autorisation d’appel de la demanderesse d’une décision rendue par la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada, aux termes de l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, c 34 (LMEDS). La décision de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada du 11 mars 2015 a rejeté l’appel interjeté à l’encontre du refus de la demande présentée par la demanderesse en vue de bénéficier de prestations d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) à l’étape de la demande initiale (lettre de refus) et après la révision (lettre de refus après révision).

[2]  La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie pour les motifs exposés ci-après.

II.  Exposé des faits

[3]  La demanderesse est une femme de 52 ans qui compte de l’expérience professionnelle essentiellement en tant que manœuvre et opératrice de machines. En 1995, elle a subi un accident de travail qui a réduit ses capacités physiques et mentales. Elle a reçu un diagnostic d’apophysite tibiale antérieure, de fibromyalgie, de fatigue de la colonne vertébrale, de tendinite, de trouble de douleur chronique et de trouble dysthymique persistant (dépression chronique). Elle est incapable de rester en position assise ou debout pendant une période prolongée, de lever les bras, de regarder vers le haut ou vers le bas, de demeurer en position statique ou de se pencher de manière répétitive. Elle n’arrive plus à s’acquitter des tâches ménagères et est incapable d’exécuter des gestes simples comme celui de brosser son chat. Au moment de sa seconde demande de prestations d’invalidité au titre du RPC en 2011, elle était bénéficiaire auprès de l’organisme de l’Ontario qui veille à l’indemnisation des accidents du travail, la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT).

[4]  La demanderesse a terminé douze années de scolarité. Lors de son témoignage, elle a expliqué de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada avoir cessé ses études après avoir trouvé du travail à temps plein en 1983-1984. Elle a tenté d’achever un programme collégial en informatique, mais a affirmé en avoir été incapable en raison de sa douleur chronique.

[5]  La demanderesse a cessé de travailler le 26 septembre 2002. Elle prétend avoir cessé de travailler après avoir perdu des aptitudes fonctionnelles et commencé à souffrir d’invalidité complexe découlant de sa douleur chronique et de la fatigue qu’elle ressent à la colonne vertébrale.

[6]  En janvier 2005, la CSPAAT a autorisé la demanderesse à suivre un cours de planification financière et des cours de perfectionnement. Elle a abandonné ce cours en septembre de la même année au motif de [traduction] « harcèlement » de la part du personnel de l’école.

[7]  La demanderesse a présenté deux demandes infructueuses en vue de recevoir des pensions d’invalidité au titre du RPC : la première en 2002 a été refusée en 2005 et la seconde en 2011, laquelle fait l’objet des présentes.

PREMIÈRE DEMANDE DE PRESTATIONS D’INVALIDITÉ AU TITRE DU RPC — 2002

[8]  La demanderesse a présenté sa première demande de prestations d’invalidité au titre du RPC le 4 novembre 2002. Sa demande a initialement été refusée par le défendeur le 29 janvier 2003 et a fait l’objet d’un nouvel examen le 5 novembre 2003. La demanderesse a interjeté appel du refus de prestations d’invalidité auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR). Son appel a été rejeté le 13 juillet 2004 (décision du BCTR). Le BCTR avait alors établi que sa période minimale d’admissibilité prendrait fin en décembre 2004. En rejetant l’appel de la demanderesse, le BCTR a relevé ce qui suit dans sa décision :

[traduction]

[...] La [demanderesse] a énuméré de multiples troubles médicaux comme motifs de son incapacité à continuer de travailler, laquelle incluait des douleurs chroniques à l’épaule droite et au cou, la discopathie dégénérative, une lombalgie cervicale chronique, des céphalées (maux de tête) et la privation de sommeil.

[...]

Le médecin de famille [de la demanderesse] depuis plus de 15 ans, le Dr I. J. MacLean, a diagnostiqué chez la [demanderesse] une tendinite, une discopathie dégénérative et des douleurs musculaires chroniques insolubles dans le haut du dos, les jambes, le cou et la ceinture scapulaire depuis un accident survenu en 1995 [...].

[...]

[...] la [demanderesse] a affirmé qu’elle prenait du Tylenol #3 au besoin pour calmer ses douleurs [...] environ trois fois par semaine et qu’elle ne prenait aucun autre médicament.

La [demanderesse] a affirmé qu’elle avait brièvement pris du Celexa (antidépresseur) pendant deux mois, mais avait cessé la médication en raison de ses effets secondaires. Elle ne suit aucun autre traitement psychologique ou psychiatrique.

[...] elle s’est présentée aux urgences en 1998 pour des spasmes musculaires, mais n’y est pas retournée depuis, et n’a pas été hospitalisée.

[...]

Une évaluation initiale en physiothérapie le 29 mai 2000 a été réalisée pour les douleurs au cou et à l’épaule droite dont souffraient la [demanderesse] depuis trois ans [...] Un traitement de physiothérapie et un traitement conservateur a été recommandé.

[...] une évaluation des capacités fonctionnelles (ECF) réalisée en avril 2004 [...] a permis de suggérer qu’il existerait certainement des emplois que l’appelante pourrait occuper, après certaines modifications adaptatives.

L’ECF signalait aussi que la [demanderesse] avait dit avoir été rappelée au travail par Navistar, son employeur initial, le 8 mars 2004, mais qu’elle ne s’était pas présentée dans l’attente de certaines restrictions et d’un emploi adapté à ses limitations.

[...]

Rien ne semble indiquer que la demanderesse n’ait jamais été recommandée à une clinique antidouleur pour la douleur chronique dont elle disait souffrir.

[9]  La décision du BCTR faisait aussi référence à plusieurs radiographies au dossier de la demanderesse :

  • radiographies de la colonne cervicale (13 mai 2002), indiquant des dégénérations bénignes;

  • radiographies de la colonne thoracique indiquant des dégénérations bénignes;

  • radiographies de la main droite n’indiquant aucune anomalie importante.

[10]  La demanderesse n’a pas interjeté appel de la décision du BCTR de 2004 auprès de la Commission d’appel des pensions (CAP). De ce fait, conformément à ce qui était alors l’article 84 du RPC, la décision du BCTR concernant les prestations d’invalidité auxquelles avait droit la demanderesse aux termes du RPC au 13 juillet 2004 est devenue finale et obligatoire, ce qu’elle ne conteste pas.

SECONDE DEMANDE DE PRESTATIONS D’INVALIDITÉ AU TITRE DU RPC — 2011

[11]  La demanderesse a présenté sa seconde demande de prestations d’invalidité au titre du RPC le 7 avril 2011. Cette demande a été rejetée le 9 novembre 2011.

[12]  La lettre de refus avisait la demanderesse du caractère final et obligatoire de la décision antérieure du BCTR :

[traduction] La loi prévoit que toute décision d’un Tribunal d’appel est finale et obligatoire pour toutes les parties à l’appel. C’est pourquoi le RPC ne peut modifier sa décision.

[Caractères gras dans l’original.]

[13]  La lettre de refus définissait ainsi les délais applicables à la demande de prestations d’invalidité de la demanderesse :

[traduction] Cependant, depuis votre audience devant le tribunal d’appel, la dernière date où vos cotisations au RPC étaient suffisantes pour être admissible à recevoir des prestations d’invalidité était en décembre 2004. Ainsi, pour que vous soyez admissible à recevoir une prestation d’invalidité au titre du RPC, nous devons établir si votre invalidité était grave et prolongée entre le 13 juillet 2004 et décembre 2004, la dernière date à laquelle vous étiez admissible à recevoir des prestations.

[14]  La lettre de refus identifiait une liste de documents devant être examinés, notamment la demande de prestations d’invalidité au titre du RPC présentée en 2002 et les documents connexes, le rapport du médecin de famille établi en juillet 2011 et d’autres rapports médicaux établis entre octobre 2002 et avril 2011. En conclusion, la lettre indiquait ce qui suit :

[traduction] Nous reconnaissons que vous avez relevé des limites découlant de votre fibromyalgie et votre dépression. Toutefois, nous avons aussi tenu compte des facteurs suivants :

  [...] vous avez suivi un programme de lutte contre la douleur et avez vu un spécialiste de la douleur en 2005 [...] En outre, vous ne prenez actuellement aucun médicament important contre la douleur.

  [...] en avril 2004, l’évaluation de vos capacités fonctionnelles a indiqué que vous étiez capable de vous acquitter de tâches de travail modifiées. Nous n’avons reçu aucun renseignement nouveau entre juillet 2004 et décembre 2004 indiquant que vous étiez incapable de vous acquitter de telles tâches. En effet, aucune preuve n’indique que vous avez tenté de revenir au travail.

[15]  La demanderesse a demandé un nouvel examen. Cependant, un nouvel examen lui a été refusé le 15 février 2012. La lettre de refus après révision soulignait plusieurs autres restrictions signalées par la demanderesse [traduction] : « mobilité, besoins personnels, habitudes vésicales et intestinales, entretien ménager, vue, concentration, sommeil, respiration, conduite automobile, usage des transports publics ». En outre pour réitérer les mêmes considérations relevées dans la lettre de refus initiale, la lettre de refus après révision indiquait ce qui suit :

[traduction]

  En janvier 2007, le rapport du programme de lutte contre la douleur a noté que vous étiez retournée à l’école par l’intermédiaire de la CSPAAT de janvier 2005 à septembre 2005 pour être planificatrice financière, mais que vous aviez arrêté en raison de « harcèlement de la part du personnel de l’école ». Par conséquent, vous avez entrepris des études en vue d’occuper un autre emploi. Vous avez mis fin à ce projet de formation en raison de « harcèlement » qui n’était censément pas lié à la condition médicale. La formation et la scolarité sont considérées comme équivalentes à un travail sédentaire. Vous avez donc démontré votre capacité à travailler après le dernier moment où vous avez été considérée invalide aux fins du calcul des gains et des cotisations, c’est-à-dire en décembre 2004.

  En janvier 2007, un rapport relevait aussi que la Dre Mailis-Gagnon avait affirmé que vous ne répondiez pas à cette époque aux critères du diagnostic de fibromyalgie et a posé un diagnostic de trouble de douleur chronique [...] sans constater que vous souffriez d’une condition grave. La douleur chronique sans pathologie médicale n’est pas rédhibitoire à l’exercice d’un travail adapté.

  La preuve objective au dossier pour décembre 2004, la dernière date à laquelle vous étiez considérée invalide aux fins des gains et cotisations, n’indique aucune condition grave qui aurait pu vous empêcher de pratiquer tout type de travail.

[16]  La lettre de refus après révision concluait que, bien que la demanderesse n’ait peut-être pas été capable de s’acquitter de son travail courant, elle aurait été capable de réaliser certaines tâches professionnelles. La demanderesse a interjeté appel de cette décision auprès du BCTR.

[17]  L’appel a été renvoyé du BCTR de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada le 1er avril 2013, aux termes de l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, LC 2012, c 19.

[18]  La demanderesse a été entendue à l’occasion d’une audition de son appel devant la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. Le 11 mars 2015, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a rejeté son appel. La Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a reconnu le caractère final et obligatoire de la décision du BCTR :

[traduction] [...] le Tribunal n’est pas compétent pour examiner la question de l’invalidité avant le 13 juillet 2004 (Candelaresi c MSD (21 février 2005), CP 21406 (CAP).

[19]  Par conséquent, la question était celle de savoir s’il était plus vraisemblable qu’invraisemblable que la demanderesse ait souffert d’une invalidité grave et prolongée entre le 13 juillet 2004 et la date de sa période minimale d’admissibilité le 31 décembre 2004 (la période visée).

[20]  La Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a conclu qu’il devait établir si des preuves démontraient l’existence de nouvelles conditions ou d’un changement dans les circonstances particulières à la condition médicale de la demanderesse pendant la période visée.

[21]  La Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada n’a constaté [traduction] « aucune preuve d’une nouvelle condition [...] » (décision de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada, au paragraphe 36) et que la « [...] preuve médicale devant le tribunal n’indiquait pas que la condition de [la demanderesse] avait décliné entre juillet 2004 et le 31 décembre 2004 [...] » (décision de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada, au paragraphe 39). Le membre a plutôt conclu que les [traduction« symptômes et diagnostics liés à la condition médicale de [la demanderesse] depuis 2002 étaient demeurés stables d’après la preuve médicale présentée pendant sa période minimale d’admissibilité ». La Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a indiqué ce qui suit :

[traduction]

[40]  L’appelante a aussi présenté une preuve médicale après sa période minimale d’admissibilité. Le tribunal a pris connaissance du diagnostic de fibromyalgie et de dépression posé par la Dre Leung en décembre 2005, qu’elle qualifie de secondaire. Cependant, ce diagnostic a été posé un an après la période minimale d’admissibilité de l’appelante. Aucune preuve n’indique que l’une ou l’autre de ces conditions était manifeste en 2004 ou aurait empêché l’appelante de travailler. En fait, en juin 2005, le dossier de présence à une clinique antidouleur indiquait que l’appelante s’était rétablie de son instabilité affective, et le rapport du psychiatre, Dr Chandrasena, en 2006 indiquait que l’appelante était relativement stable et ne souffrait d’aucune condition psychiatrique ou psychologique qui pourrait l’empêcher d’occuper un emploi. La preuve médicale issue de la Dre Angela Mallis-Gagnon [sic] en date de janvier 2007 concluait que les images radiologiques n’avaient rien d’anormal. Par ailleurs, l’appelante ne souffrait d’aucune lésion neurologique et ne reproduisait même pas la douleur dans les zones où elle l’avait signalée. En outre, l’appelante ne ressentait la pression que sur 4/18 des points sensibles de la fibromyalgie. Après un examen, la Dre Mailis-Gagnon a conclu que l’appelante ne répondait pas au critère des points sensibles de la fibromyalgie. Les conclusions démontrées par cette preuve l’ont été longtemps après la période minimale d’admissibilité de l’appelante. Par conséquent, le tribunal conclut qu’aucun élément de preuve n’indique que, entre le 14 juillet 2004 et le 31 décembre 2004, l’appelante ne souffrait d’aucune nouvelle condition qui l’aurait empêchée de pratiquer toute activité professionnelle, quelle qu’elle soit.

[41]  L’appelante a fait valoir qu’un sujet de préoccupation présenté au BCTR en juillet 2004 était l’absence de rapport de présence à une clinique antidouleur pour l’aider à contrôler sa douleur chronique. L’appelante a fait valoir qu’elle s’est présentée à la clinique antidouleur à douze reprises entre mars 2005 et juin 2005. Cependant, alors que le centre de gestion de la douleur avait conclu que l’appelante avait peu de chances de voir augmenter ses aptitudes fonctionnelles, et qu’il était peu probable que d’autres thérapies psychoéducatives puissent améliorer son état de santé, ce constat ne constitue pas une preuve que l’appelante souffrait d’une nouvelle condition médicale depuis le 13 juillet 2004 ni que son état de santé s’est détérioré entre le 13 juillet 2004 et sa période minimale d’admissibilité qui l’aurait rendu invalide au sens du RPC. Or, ce sont les répercussions de sa condition médicale, et non son diagnostic qui a été assujetti à l’examen du tribunal. Dans le présent dossier, les symptômes associés à sa douleur chronique sont demeurés inchangés entre le 13 juillet 2004 et sa période minimale d’admissibilité, comme le démontrent le témoignage de l’appelante et la preuve médicale.

[...]

[43] Le tribunal conclut qu’aucune preuve ne démontre l’existence d’une nouvelle condition ni qu’un changement a modifié les circonstances de l’appelante entre le 13 juillet 2004 et le 31 décembre 2004 [...]

[Non souligné dans l’original.]

[22]  Le membre a conclu que la demanderesse [traduction] « ne souffrait pas d’une invalidité grave au sens du RPC ».

[23]  La demanderesse a demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada le 1er avril 2015. La Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada lui a refusé l’autorisation d’interjeter appel le 24 avril 2015.

III.  Décision faisant l’objet du contrôle

[24]  La Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a fait savoir que la demanderesse doit convaincre le Tribunal qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel dans le cadre d’une demande d’autorisation d’interjeter appel à la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada en application de la LMEDS. Le membre a cité une jurisprudence pour étayer l’affirmation selon laquelle la question de savoir si une cause est défendable [traduction] « revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique ». Elle rappelle qu’en application du paragraphe 58(1) de la LMEDS, seuls trois motifs permettent d’envisager un appel auprès de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada.

[25]  La Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a conclu ce qui suit :

[traduction]

[9] Le fait que la demanderesse prétend de façon répétée qu’elle était invalide ne constitue pas un moyen d’appel qui a une chance raisonnable de succès. Elle ne relève aucune erreur de fait ou de droit ni aucun manquement aux principes de justice naturelle par la Division générale.

[10] En outre, je reconnais que la demanderesse n’a pas reçu de diagnostic de syndrome de la douleur chronique, de trouble dysthymique persistant ou de dépression avant l’audience devant le tribunal d’appel en 2004, malgré qu’elle ait été affectée par des symptômes de ces conditions. Cependant, dans Klabouch c Canada (Développement social), 2008 CAF 33, la Cour d’appel fédérale a conclu que c’est la capacité du demandeur à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité. De ce fait, je ne suis pas convaincu que, dans le présent dossier, le fait que de nouveaux diagnostics aient été posés d’après les mêmes symptômes constitue un moyen d’appel qui a une chance raisonnable de succès en appel.

[Non souligné dans l’original.]

[26]  Le membre de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a conclu que les moyens d’appel avancés par la demanderesse n’avaient pas de chance raisonnable de succès en appel et, de ce fait, a refusé la demande d’autorisation d’interjeter appel présentée par la demanderesse.

IV.  Questions en litige

[27]  La question est de savoir si la conclusion de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada que l’appel proposé par la demanderesse n’était pas fondé sur un moyen prévu par l’article 58 de la LMEDS, qui avait une chance raisonnable de succès en appel, est raisonnable à la lumière de la preuve médicale qui a été présentée.

V.  Norme de contrôle

[28]  Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a établi, aux paragraphes 57 et 62, qu’il n’est pas nécessaire de se livrer à une analyse pour arrêter la bonne norme de contrôle si « la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ». Une décision de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada d’accorder ou de refuser une autorisation d’interjeter appel devrait faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable. La décision Canada (Procureur général) c O’keefe, 2016 CF 503, au paragraphe 17, qui indique également qu’il convient de faire preuve d’une « grande déférence » à l’égard de la décision de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada; Tracey c Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, au paragraphe 17; Canada (Procureur général) c Hoffman, 2015 CF 1348, au paragraphe 27.

[29]  Au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada explique ce que doit faire une cour lorsqu’elle effectue une révision selon la norme de la décision raisonnable :

La question pour la cour de révision est de savoir si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

VI.  Dispositions pertinentes

[30]  La LMEDS régit le fonctionnement du tribunal de la sécurité sociale du Canada. Le paragraphe 58(1) définit les trois seuls moyens d’appel d’une décision de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada :

Moyens d’appel

Grounds of appeal

58 (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

58 (1) The only grounds of appeal are that

a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

(a) the General Division failed to observe a principle of natural justice or otherwise acted beyond or refused to exercise its jurisdiction;

b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

(b) the General Division erred in law in making its decision, whether or not the error appears on the face of the record; or

c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(c) the General Division based its decision on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it.

Critère

Criteria

(2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

(2) Leave to appeal is refused if the Appeal Division is satisfied that the appeal has no reasonable chance of success.

Décision

Decision

(3) Elle accorde ou refuse cette permission.

(3) The Appeal Division must either grant or refuse leave to appeal.

[31]  Les exigences pour recevoir des prestations d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada, LRC (1985), c C-8 (RPC) sont définies aux articles 42 et 44 du RPC. L’alinéa 44(1)b) définit les exigences d’admissibilité aux pensions d’invalidité au titre du RPC. Le paragraphe 42(2) définit la notion d’« invalidité » aux fins de cet acte législatif. Aux termes de son alinéa 42(2)a), une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité mentale ou physique « grave et prolongée ». Une invalidité n’est dite « grave » que si elle rend la personne à qui elle se rapporte régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice (sous-alinéa 42(2)a)(i) du RPC). Une invalidité est « prolongée » lorsqu’elle est susceptible d’être continue et de durée indéterminée ou d’entraîner le décès (RPC, sous-alinéa 42(2)a)(ii)). L’alinéa 42(2)a) est conjonctif; une personne doit satisfaire à la fois aux critères « grave » et « prolongée » pour être considérée comme invalide au sens du RPC. Si une personne ne peut répondre à l’un des deux critères, l’autre critère ne pourra être évalué. L’alinéa 42(2)b) impose une limite à la durée pendant laquelle une personne peut être réputée invalide.

VII.  Observations et analyse des parties

A.  Demanderesse

[32]  La demanderesse affirme que la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a omis de considérer des conditions qui, selon elle, étaient nouvelles, lesquelles se sont manifestées après la décision du BCTR et pendant la période visée (du 13 juillet 2004 au 31 décembre 2004). À cet égard, la demanderesse se fonde sur la preuve suivante : 1) elle souffrait de douleur chronique, de dépression et d’angoisse comme le décrit le rapport préparé le 29 octobre 2004 par le Dr Plotnick dans lequel il recommande la participation à douze séances de gestion de la douleur; 2) un rapport ultérieur de la clinique antidouleur préparé en juin 2005; et 3) un rapport signé le 19 septembre 2005 par le Dr Chandrasena, un psychiatre, qui a posé les diagnostics de « syndrome de la douleur chronique » et de « trouble dysthymique persistant avec dépression » chez la demanderesse. Ces trois documents décrivent ses conditions et posent des diagnostics et des pronostics médicaux, et toutes ces trois évaluations ont été faites après la décision du BCTR du 13 juillet 2004. La demanderesse affirme qu’elles décrivent ses conditions pendant la période critique entre juillet et décembre 2004, et qu’elles sont ainsi différentes des diagnostics et pronostics posés auparavant. Selon elle, ces rapports, diagnostics et pronostics n’ont pas été considérés par le BCTR en 2004. Elle a raison de dire que ces rapports n’avaient pas été présentés au BCTR à l’époque, et ce fait n’est pas contesté.

B.  Défendeur

[33]  Le défendeur soutient que la décision de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada était raisonnable puisqu’elle a déterminé et appliqué le bon critère juridique et a démontré une compréhension de la principale motivation de la demande d’autorisation d’interjeter appel présentée par la demanderesse.

[34]  Le défendeur affirme que la douleur était la question présentée aux arbitres du RPC et aux tribunaux de révision non seulement dans la demande de 2011, mais même dans la demande de 2002. La décision de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a raisonnablement renvoyé à Klabouch c Canada (Développement social), 2008 CAF 33 [Klabouch] et a raisonnablement conclu que l’apparence d’un diagnostic officiel de symptômes préexistants qui avaient déjà été pris en considération ne constituait pas un moyen d’appel qui avait une chance raisonnable de succès. Le défendeur affirme que l’impact de ces conditions préexistantes a été antérieurement et définitivement examiné par le BCTR et que ces trois nouveaux rapports, bien que datés après la décision du BCTR, n’apportent aucune nouvelle connaissance sur sa condition pendant la période minimale d’admissibilité.

C.  Discussion

[35]  À mon avis, le contrôle judiciaire devrait être accordé, car la décision de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada, selon laquelle les arguments de la demanderesse ne constituaient pas un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès, est déraisonnable. La décision de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada n’est pas justifiable ou défendable au regard des faits ou du droit, comme l’a exigé l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir.

[36]  D’abord, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a retenu, contrairement à la preuve, que les nouvelles conditions dont souffrait la demanderesse, qu’elle a correctement reconnues comme n’ayant pas été présentées au BCTR en 2004, ne nuisaient pas à son employabilité telle qu’elle avait été évaluée dans la décision du BCTR de 2004. La Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada, à mon avis, a fait défaut d’évaluer raisonnablement comment les nouveaux diagnostics de syndrome de la douleur chronique et de dépression chronique relevés dans ces rapports avaient un impact, négatif de surcroît, sur l’employabilité de la demanderesse. Les trois nouveaux rapports permettaient une nouvelle interprétation des conditions dont elle était atteinte, et des obstacles auxquels elle ferait face dans le « véritable monde du travail ».

[37]  À mon avis, les trois rapports auxquels fait référence le paragraphe 32 précité ne doivent pas être considérés comme uniquement définitoires de nouvelles appellations de symptômes antérieurement observés. Ces rapports présentent de nouveaux éléments de preuve de changements profonds à son pronostic, en matière médicale certes, mais aussi pour son employabilité. De ce fait, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a agi déraisonnablement.

[38]  Ensuite, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a agi déraisonnablement (et a commis une erreur en appliquant la règle établie) pour établir que le critère d’invalidité grave oblige la demanderesse à démontrer que son nouveau diagnostic et son pronostic pour l’avenir l’empêchent d’occuper [traduction] « tout emploi quel qu’il soit ». Cette conclusion établit un critère trop strict et est contraire à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Villani c Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 [Villani].

[39]  À ces deux égards, la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a agi déraisonnablement en refusant la permission d’interjeter appel, même si la demanderesse avait une chance raisonnable de faire aboutir son appel proposé aux termes des alinéas 58(1)b) et c) de la LMEDS.

D.  Avoir déraisonnablement manqué de considérer l’impact des nouvelles conditions sur l’employabilité de la demanderesse – alinéa 58(1)c) de la LMEDS

[40]  Avant d’aller plus loin, il convient de rappeler le sens de deux termes évoqués dans les trois rapports, nommément le syndrome de la douleur chronique et la fibromyalgie.

Syndrome de la douleur chronique

[41]  La Cour suprême du Canada a décrit le syndrome de la douleur chronique dans Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c Martin; Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c Laseur, 2003 CSC 54 :

1  Depuis quelques années, tant au Canada qu’à l’étranger, les régimes d’indemnisation des accidentés du travail sont aux prises avec l’un des dossiers les plus épineux, celui du syndrome de la douleur chronique et des problèmes de santé connexes. Aucune définition de la douleur chronique ne fait autorité. Toutefois, l’on considère généralement qu’il s’agit d’une douleur persistant au-delà de la période normale de guérison d’une lésion ou disproportionnée à cette lésion, et caractérisée par l’absence, à l’emplacement de la lésion, de symptômes objectifs permettant d’attester l’existence de cette douleur au moyen des techniques médicales actuelles. Malgré cette absence de symptômes objectifs, il ne fait aucun doute que les personnes éprouvant de la douleur chronique souffrent physiquement et moralement et que leur incapacité est réelle. L’on ne connaît pas encore la cause précise de la douleur chronique, mais de récentes recherches sur le système nerveux indiquent qu’elle pourrait résulter de modifications pathologiques des mécanismes nerveux qui contribueraient à rendre la douleur persistante et qui feraient en sorte que des stimuli non douloureux soient perçus comme étant douloureux. L’on croit que ces modifications peuvent être déclenchées par un événement extérieur, tel un accident, mais qu’elles peuvent persister bien au-delà de la période normale de convalescence de la victime de l’événement déclencheur. Malgré tout, étant donné que le mal qui les frappe ne comporte aucun symptôme objectif permettant d’en attester l’existence, les personnes souffrant de douleur chronique sont constamment soupçonnées de feindre leur mal par les employeurs, les agents d’indemnisation et même les médecins.

Fibromyalgie

[42]  Les propos ci-après sur la fibromyalgie sont tirés de Fontaine c La Reine, 2009 CCI 162, sous la plume du juge Archambault de la Cour canadienne de l’impôt :

49  Quoique je n’aie rien observé de tel lors de l’audience, il est possible que monsieur Fontaine ait aujourd’hui de sérieux problèmes pour ce qui est de marcher, mais je n’ai pas été convaincu qu’ils existaient en 2005 et en 2006. La fibromyalgie que semble avoir diagnostiquée le docteur Villeneuve en 2007 pourrait davantage justifier l’existence de tels problèmes que la céphalée autonomique atypique. On trouve dans Stedman’s Medical Dictionary, 28e édition, la définition suivante de fibromyalgie :

Fibromyalgia is a disorder of unknown cause characterized by chronic widespread aching and stiffness, involving particularly the neck, shoulders, back, and hips, which is aggravated by use of the affected muscles. The American College of Rheumatology has established diagnostic criteria that include pain on both sides of the body, both above and below the waist, as well as in an axial distribution (cervical, thoracic, lumbar spine, or anterior chest). Additionally, point tenderness must be found in at least 11 of 18 specified sites. Tender points are sharply localized and often bilaterally symmetric. Some points may correspond to sites of pain and others may be painless until palpated. Usually associated fatigue, a sense of weakness or inability to perform certain movements, paresthesia, difficulty sleeping, and headaches are found. About one fourth of patients with fibromyalgia receive partial or total disability compensation. Fibromyalgia frequently occurs in conjunction with migraine headaches, temporomandibular joint dysfunction, irritable bowel syndrome, restless legs syndrome, chronic fatigue, and depression; symptoms are typically exacerbated by emotional stress. The prevalence in the U.S. is estimated at 1-3% of the population, with all races and socioeconomic strata affected about equally. Most patients (90%) are adult women. The onset of symptoms usually occurs before age 50. The disorder is chronic but not progressive. Routine hematologic, serologic, and imaging studies yield uniformly normal results. However, the sleep EEG typically shows intrusions of alpha waves into non-REM sleep and infrequent progression to stage 3 and stage 4 sleep. One third of patients with fibromyalgia have low insulin like growth factor (IGF) levels. Elevation of cerebrospinal fluid substance P, depression of cortisol production, and orthostatic hypotension have also been reported. Most patients experience moderate to severe disability, but symptoms can usually be mitigated by treatment. Effective treatment programs include education, a regular program of low-impact aerobic exercise, and physical therapy as needed. Cognitive therapy and group therapy are often helpful. About one third of patients respond to pharmacologic agents such as antidepressants (amitriptyline, fluoxetine) and muscle relaxants (cyclobenzaprine).

[Souligné dans l’original.]

[43]  Les deux divisions ci-après reconnaissent que la demanderesse souffrait de conditions qui n’avaient pas été diagnostiquées au moment où le BCTR a pris sa décision en juillet 2004. Les conditions qui sont aujourd’hui reconnues n’avaient pas été présentées en preuve au BCTR.

[44]  Au paragraphe 10 de sa décision, la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a constaté que la demanderesse n’avait pas reçu de diagnostic de syndrome de la douleur chronique, de trouble dysthymique persistant ou de dépression avant l’audience devant le BCTR en 2004 (le présent paragraphe est cité intégralement au paragraphe 22 des présentes) :

[traduction] En outre, je reconnais que la demanderesse n’a pas reçu de diagnostic de syndrome de la douleur chronique, de trouble dysthymique persistant ou de dépression avant l’audience devant le tribunal d’appel en 2004, malgré qu’elle ait été affectée par des symptômes de ces conditions.

[45]  Au paragraphe 40 de sa décision, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada relève aussi des diagnostics plus récents de fibromyalgie et de dépression et n’a constaté aucune preuve que ni l’une ni l’autre de ces conditions n’était manifeste en 2004 (ce paragraphe est cité intégralement au paragraphe 18 ci-dessus) :

[traduction] Aucune preuve n’indique que l’une ou l’autre de ces conditions était manifeste en 2004 ou aurait empêché l’appelante de travailler.

[46]  La Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada et la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada emploient des termes différents pour qualifier les diagnostics présentés dans les trois nouveaux rapports. Cependant, je n’ai été dirigé vers aucune différence entre les diagnostics de fibromyalgie et de dépression, évoqués par la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada, et le syndrome de la douleur chronique, et le trouble dysthymique persistant (dépression chronique ou à long terme), comme l’a considéré la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. Par souci de commodité, j’appellerai ces conditions « syndrome de la douleur chronique/fibromyalgie » et « trouble de l’humeur/dépression chronique ».

[47]  Alors que le défendeur affirme que [traduction] « la douleur était au centre de la question » des demandes de 2002 et de 2011, cela est certes véridique, mais simplifie la question à outrance. À mon avis, une différence distingue les symptômes d’une [TRADUCTION] « douleur chronique à l’épaule droite, la douleur au cou, la discopathie dégénérative, la lombalgie cervicale chronique, les céphalées et la privation de sommeil » (constatés par le BCTR) et ce qui est maintenant reconnu comme le syndrome de la douleur chronique/fibromyalgie.

[48]  Je concède que la seule détermination de différentes conditions, soit le fait de poser différents diagnostics, n’est d’aucun secours à la demanderesse si les pronostics pour l’avenir de son employabilité demeurent inchangés. Ce n’est pas le cas dans la présente affaire. Ici, le pronostic sur l’employabilité de la demanderesse a été considérablement modifié, de manière négative, par les nouveaux diagnostics.

[49]  Ce n’est pas l’existence de nouveaux diagnostics, mais bien des nouveaux pronostics connexes qui sont d’une importance critique à la résolution de la présente affaire. Ce sont les changements de pronostics que les divisions ci-après ont manqué d’évaluer avant d’arriver à leurs conclusions. À mon avis, les impacts des nouveaux pronostics sont démontrés par la comparaison du rapport du Dr Plotnick en octobre 2004 et celui de la clinique antidouleur en juin 2005.

[50]  Avant de faire cette comparaison, je souhaite relever que l’expertise du Dr Plotnick n’a pas été retenue par la demanderesse, mais bien par la CSPAAT aux fins d’évaluer cette dernière suivant une lésion professionnelle en 1995. Par conséquent, je considère ce rapport et ces preuves comme impartiaux, autonomes et fiables.

[51]  Le rapport du Dr Plotnick en 2004 était fondamentalement un rapport provisoire. Y était énoncé, entre autres, qu’[TRADUCTION] « il n’existait aucun renseignement médical pour accompagner la recommandation. Pour ce motif, les avis ci-après pourront être assujettis à la modification ou à la révision suivant la mise à disposition de rapports médicaux ou de réadaptation à une date ultérieure ». Le rapport du Dr Plotnick conclut que les évaluations médicales de la demanderesse semblaient [traduction] « quelque peu inappropriées ». Il y soulignait que le diagnostic de sa condition médicale actuelle et le traitement qui lui avait été prescrit jusque-là étaient [traduction] « insuffisants ». À la page 11, le DPlotnick recommandait que la patiente [traduction] « soit dirigée vers des spécialistes médicaux habilités à mener une évaluation, à poser un diagnostic et à recommander un traitement complet selon ce qui est nécessaire ». Un aspect de cette initiative était de formuler des recommandations pour aider la demanderesse à réintégrer le monde du travail.

[52]  Le rapport du Dr Plotnick sur les perspectives d’emploi de la demanderesse après sa réintégration au monde du travail était très peu loquace. Les emplois que la demanderesse aurait pu occuper étaient désignés comme de simples « options ». En fait, à la page 13, le Dr Plotnick recommandait explicitement que ces options [traduction] « [soient] envisagées en raison des capacités physiques » de la demanderesse, lesquelles, comme il l’avait précédemment observé, devaient faire l’objet d’une évaluation, d’un diagnostic et d’un traitement adaptés et adéquats.

[53]  En effet, le Dr Plotnick prévoyait, à la page 11, que la douleur dont souffrait la demanderesse (qui n’avait pas été diagnostiquée comme étant le syndrome de la douleur chronique/fibromyalgie) puisse [traduction] « constituer un facteur important et restrictif dans un contexte de [réintégration au marché du travail] et de poursuite d’un parcours professionnel ».

[54]  Les recommandations du Dr Plotnick dans ce rapport provisoire ont été suivies; par la suite, la demanderesse a consulté un certain nombre de professionnels de la santé et a fait procéder à des évaluations supplémentaires par une équipe de gestion de la douleur, dont le Dr Plotnick faisait partie, lesquelles évaluations se sont déroulées sur 12 séances. Ces sessions ont abouti à un rapport sur la gestion de la douleur, daté du 15 juin 2005.

[55]  Alors que les possibilités d’emploi de la demanderesse ont été évaluées par le Dr Plotnick dans son rapport en date d’octobre 2004 où il recommandait d’autres examens, le rapport de 2005 sur la gestion de la douleur a confirmé un pronostic pessimiste sur l’employabilité de la demanderesse. À mon avis, cela représente un impact très différent sur l’employabilité des impacts déterminés antérieurement.

[56]  Le rapport sur la gestion de la douleur concluait ce qui suit : [traduction« [L]’ensemble des problèmes déterminés dans le corps de ce rapport et la problématique médicale complexe de [la demanderesse] dénotent un pronostic pessimiste qui ne laisse entrevoir que de faibles progrès fonctionnels. Une thérapie psychoéducative supplémentaire ne semble pas améliorer son état de santé au point de lui permettre d’atteindre ses objectifs professionnels ». Cela concerne directement l’employabilité de la demanderesse, ou plus exactement son inemployabilité.

[57]  La demanderesse a plus tard reçu un diagnostic de syndrome de la douleur chronique avec une évaluation globale du fonctionnement (EGF) de 50+ par le psychiatre, Dr Chandrasena, dont le rapport est daté du 19 septembre 2005.

[58]  Pour clarifier l’échelle de l’EGF, le défendeur a présenté l’extrait suivant du manuel DSM-IV de l’American Psychiatric Association, intitulé Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4e éd. (1994), à la page 34 :

[TRADUCTION]

51-60

Symptômes modérés (p. ex. : émoussement affectif et discours circonstanciel, attaques de panique occasionnelles) ou altération modérée du fonctionnement social, professionnel ou scolaire (p. ex. : peu d’amis, conflits avec les pairs ou les collègues).

41-50

Symptômes graves (p. ex. : idéation suicidaire, graves rituels obsessionnels, vols à l’étalage répétés) ou toute détérioration grave du fonctionnement social, professionnel ou scolaire (p. ex. : aucun ami, incapacité à garder un emploi).

[59]  À mon avis, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a rejeté le rapport sur la gestion de la douleur en se fondant sur certains extraits précis. L’erreur commise par la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada repose sur son manquement à considérer l’impact dans le « monde réel » du nouveau diagnostic et du pronostic qui en découle quant au syndrome de la douleur chronique/fibromyalgie chez la demanderesse. Cette erreur contredit pourtant le constat correct de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada voulant que [traduction] « [...] ce [soient] les effets de cette condition, et non ceux du diagnostic, qui feront l’objet de l’attention du tribunal » avant de relever que [traduction] « les symptômes associés à sa douleur chronique [demeuraient inchangés] [...] » Il n’a pas suivi ses propres orientations à cet égard. Il s’agissait d’une conclusion erronée puisqu’il portait sur les diagnostics sans s’attarder aux pronostics c’est-à-dire les conséquences anticipées desdits diagnostics. Il n’était pas raisonnable d’examiner avant tout les symptômes et non leurs effets et impacts connexes au jour le jour sur la demanderesse et sur son employabilité. Le tribunal a méconnu du dossier qui lui avait été présenté, lequel qualifiait un moyen d’appel que la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada aurait raisonnablement dû reconnaître.

[60]  Dans les faits, entre octobre 2004 et juin 2005, la situation a changé en passant d’un rapport médical autorisant un certain optimisme, quoique modéré, quant à l’impact des symptômes sur l’employabilité de la demanderesse, vers un pronostic réellement négatif, un pronostic « défavorable » concernant son employabilité. À mon avis, en rejetant le rapport sur la gestion de la douleur, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a méconnu du pronostic très négatif sur l’employabilité, lequel aurait dû être au premier plan de son analyse.

[61]  La Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a agi déraisonnablement en n’autorisant pas l’appel sur ce fondement. Elle aurait dû prendre en considération le mépris déraisonnable dont a fait preuve la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada des pronostics médicaux dans l’évaluation des chances raisonnables de succès de son appel. À mon avis, la demanderesse disposait d’un moyen défendable pouvant mener son appel au succès : si l’autorisation d’interjeter appel avait été accordée, celui-ci aurait eu une chance raisonnable de succès.

[62]  Le défendeur affirme que ni le rapport sur la gestion de la douleur ni celui du psychiatre ne décrit la condition de la demanderesse pendant sa période minimale d’admissibilité. Le défendeur postule donc que les nouveaux diagnostics et les pronostics connexes n’existaient pas pendant la période minimale d’admissibilité, mais qu’ils ont été disponibles à une date ultérieure. Je n’accepte pas cet argument. La répercussion de cet argument du défendeur est que le syndrome de la douleur chronique/fibromyalgie et le trouble de l’humeur/dépression chronique se produisent presque du jour au lendemain. Or, aucune preuve n’appuie cette affirmation. Le dossier démontre plutôt le contraire : un autre rapport présenté, celui de la Dre Leung, fait remonter le syndrome de la douleur chronique chez la demanderesse aussi loin qu’en 2002.

[63]  Dans une très large mesure, le défendeur se fonde sur des déclarations prudentes et qualifiées dans le rapport du Dr Plotnick en date d’octobre 2004; ce fondement n’est pas justifié. Tel que je l’ai énoncé plus tôt, ce rapport émanait d’une évaluation intérimaire. Sa recommandation principale était que la demanderesse devrait être adéquatement évaluée et traitée, ce qui ne s’était pas encore produit au moment où le rapport avait été préparé.

[64]  Pour les motifs précités, j’estime que la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a pris sa décision sans considérer les documents qui lui avaient été présentés, de ce fait commettant une erreur à l’encontre de l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS. De même, la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada n’a pas agi raisonnablement en refusant l’autorisation d’interjeter appel en se fondant sur cette erreur.

E.  Défaut d’appliquer correctement Villani et l’alinéa 58(1)b) de la LMEDS

[65]  Le manquement de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada à appliquer correctement la définition de « grave » établie par la Cour d’appel fédérale dans Villani, constitue un autre moyen d’appel aux termes duquel la demanderesse avait une chance raisonnable de succès.

[66]  Dans Villani, la Cour d’appel fédérale a défini des principes directeurs pour l’interprétation des dispositions sur l’invalidité prévues par le RPC. Contrairement aux autres régimes de pensions, le RPC n’exige pas l’invalidité totale, c’est-à-dire l’incapacité d’exécuter tout type de travail, comme une condition préalable au versement de prestations d’invalidité. La Cour d’appel fédérale s’est exprimée ainsi :

[38] Cette analyse du sous-alinéa 42(2)a)(i) donne fortement à penser que le législateur avait l’intention d’appliquer l’exigence concernant la gravité de l’invalidité dans un contexte « réaliste ». Exiger d’un requérant qu’il soit incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice n’est pas du tout la même chose que d’exiger qu’il soit incapable de détenir n’importe quelle occupation concevable. Chacun des mots utilisés au sous-alinéa doit avoir un sens, et cette disposition lue de cette façon indique, à mon avis, que le législateur a jugé qu’une invalidité est grave si elle rend le requérant incapable de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice. À mon avis, il s’ensuit que les occupations hypothétiques qu’un décideur doit prendre en compte ne peuvent être dissociées de la situation particulière du requérant, par exemple son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie.

[39] Je suis d’accord avec la conclusion énoncée dans la décision Barlow, précitée, et les motifs donnés à l’appui de cette conclusion. L’analyse effectuée par la Commission dans cette affaire était brève et cohérente. Elle démontre que, d’après le sens ordinaire des mots utilisés au sous-alinéa 42(2)a)(i), le législateur doit avoir eu l’intention de faire en sorte que le critère juridique pour déterminer la gravité d’une invalidité soit appliqué en conservant un certain rapport avec le « monde réel ». Il est difficile de comprendre quel objectif la Loi pourrait poursuivre si elle prévoyait que les prestations d’invalidité ne peuvent être payées qu’aux requérants qui sont incapables de détenir quelque forme que ce soit d’occupation, sans tenir compte du caractère irrégulier, non rémunérateur ou sans valeur de cette occupation. Une telle analyse ferait échec aux objectifs manifestes du Régime et mènerait à une analyse non compatible avec le langage clair de la Loi.

[Non souligné dans l’original.]

[67]  Même sans considérer cette directive, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada, à mon avis, a adopté exactement la méthode rejetée dans Villani en semblant obliger la demanderesse à démontrer que sa condition nouvellement décelée et son pronostic et ses impacts [traduction] « l’auraient empêchée d’exercer tout travail » [non souligné dans l’original] :

[traduction] Par conséquent, le tribunal conclut qu’aucun élément de preuve n’indique que, entre le 14 juillet 2004 et le 31 décembre 2004, l’appelante ne souffrait d’aucune nouvelle condition qui l’aurait empêchée de pratiquer toute activité professionnelle, quelle qu’elle soit. [Non souligné dans l’original.]

[68]  Puisque cette question n’a pas été défendue par les parties, je n’en dirai pas plus à cet égard sauf pour ajouter que dans Villani, la Cour d’appel fédérale a accordé le contrôle judiciaire au motif que le tribunal avait adopté une « méthode abstraite et stricte à l’exigence de gravité » :

[43] Mais c’est précisément ce que la Commission a fait en l’espèce. Elle a appliqué la méthode abstraite et stricte à l’exigence de gravité au sous-alinéa 42(2)a)(i) sans analyser la totalité du libellé de la Loi. Pour faciliter la consultation, l’analyse de la Commission concernant la définition de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i) est reprise ci-dessous (voir page 10 de la décision) :

[traduction] Il est très important de noter que les mots « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice [...] » signifie n’importe quelle occupation. Ce n’est pas, comme certaines polices d’assurance le déclarent, « [...] n’importe quelle occupation pour laquelle le requérant est raisonnablement compétent [...] ». Il s’agit de n’importe quelle occupation, même si le requérant n’a pas la scolarité ou les compétences spécialisées pour l’exercer ou n’en connaît pas le langage de base.

La disponibilité du travail est un autre facteur. Ce n’est pas là une question que la Commission analyse ou dont elle peut tenir compte. Ainsi donc, la situation du marché du travail local n’est pas pertinente : il y a une présomption légale selon laquelle il y a du travail disponible. [Souligné dans l’original.]

À mon avis, il est évident que la Commission en l’espèce a effectivement exclu de la définition de gravité les mots « régulièrement », « véritablement » et « rémunératrice ». De cette façon, la Commission a réduit le critère juridique à ce qui suit : Le demandeur est-il incapable de détenir une occupation? Cela équivaut presque aux critères d’invalidité « totale » évités par les rédacteurs du Régime. En fait, l’accent répété de la Commission sur l’expression « n’importe quelle » semble avoir contribué à son erreur d’interprétation du critère législatif concernant la gravité.

[44] En toute déférence, je crois que la Commission a utilisé le mauvais critère juridique pour ce qui est de l’exigence selon laquelle cette invalidité doit être « grave ». Le critère qu’il convient d’appliquer à la gravité est celui en fonction duquel chaque mot de la définition apporte sa contribution à l’exigence légale. Ces mots, lus ensemble, donnent à penser que le critère de gravité comporte un aspect d’employabilité.

[69]  À cet égard, l’approche adoptée par la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada était contraire à la règle établie et pour ce motif, je conclus que la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a agi déraisonnablement en n’accordant pas la permission d’interjeter appel, puisque le manquement à appliquer à juste titre Villani présente un autre moyen à l’égard duquel l’appel de la demanderesse avait une chance raisonnable de succès aux termes de l’alinéa 58(1)b) de la LMEDS.

VIII.  Conclusions

[70]  Pour les motifs précités, je conclus que la décision de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada n’appartient pas aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit applicables dans la présente affaire. La demande de contrôle judiciaire est par conséquent accueillie.

IX.  Dépens

[71]  Ni le défendeur ni la demanderesse n’ont sollicité de dépens. Dans les circonstances, chaque partie s’acquittera de ses propres dépens.

X.  Note de procédure — Intitulé de la cause

[72]  Le défendeur a à juste titre demandé que l’intitulé de la cause dans la présente affaire soit modifié pour identifier le défendeur comme étant le procureur général du Canada. La demanderesse a consenti à cette demande, et la modification est ordonnée, avec application immédiate.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. L’intitulé est modifié de façon à y substituer le procureur général du Canada à titre de défendeur, avec application immédiate.

  2. La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada, en date du 24 avril 2015, est accueillie et ladite décision est infirmée.

  3. La question est renvoyée à une Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada différemment constituée pour un nouvel examen.

  4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 28e jour d’avril 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-869-15

 

INTITULÉ :

DENISE PLAQUET c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 septembre 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 3 novembre 2016

 

COMPARUTIONS :

Patrick Castagna

 

POUR LA DEMANDERESSE

Michael Stevenson

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Castagna Law Professional Corp.

Avocats

Windsor (Ontario)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Services juridiques d’EDSC

Gatineau (Québec)

Pour le défendeur

 

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